En posant la question fatidique, Bellamy fixe un instant sa main qui se serre sur l'épaule d'Ana. Elle fixe ses ongles rongées et ses phalanges rougies et ses yeux papillonnent. Elle est définitivement la pire personne pour le faire... Réconforter, se faire sentir mieux, aider à gérer les émotions. Et la rose se demanderait presque un instant, si elle aime ça... Se crâmer la peau sous des sentiments trop forts, trop brûlants ? Pourquoi allait les chercher chez d'autres, quand les siens faisaient déjà si mal ? Voilà, déjà Ana qui faisait la démonstration de l'état instable de la peine : de pleurnicheuse, elle passe à warrior. Se relève doucement, renifle pour faire partir les dernières larmes et assassine avec ses mots.
La rose se gratte la tête un instant, elle n'est pas à même de juger, ce brusque rebond d'émotions contraires. Elle serait bien mal placée pour ça. Mais ça l'étonne tout de même de la part, d'Ana. Ana la fille un peu bébête, un peu naïve. Ana souriante comme une débile en plein milieu d'un incendie, face à un enfant sous les décombres. Et la rage de la verte, vient entailler le peu de confiance de Bellamy. Non, définitivement, elle n'est pas la meilleure personne pour le faire... Car elle ne comprend que trop bien, la tristesse qui saisit au corps ne veut pas le déposséder. Cette même tristesse qui prend Ana aux tripes, alors qu'elle tente d'expliquer la raison de son état, la vraie raison.
Salomé.
Pas Logan, mais Salomé.
Et le coeur de Bellamy se serre quelques-secondes... Est-ce que tout va bien ? Il est arrivé quelque-chose à la rousse ? Et elle ne peut s'empêcher d'avoir peur pour la médecin, certes elle est loin d'être son amie mais... Bellamy lui est toujours reconnaissante de l'avoir aidée le jour le plus noir de sa vie. Ce jour là Salomé avait part d'une impressionnante solidarité -féminine ou humaine, elle n'en savait rien- en venant à son aide et en la tenant littéralement par la main. Avec le recul, l'archéologue s'était dit que peut-être que sa camarade n'était pas l'horrible empoisonneuse, menteuse et manipulatrice que lui avait décrit Logan. Peut-être que tout n'était pas... Noir et blanc. Mais qu'il y avait des nuances, des circonstance atténuantes. D'un certain point de vue, Salomé était l'héroïne de l'histoire, à n'en point douter. Et Bellamy s'est promis de la remercier, la prochaine fois qu'elle la croisera. Alors qu'elle puisse être blessée d'une quelconque manière sans qu'elle ne lui ait jamais exprimé sa gratitude, ça inquiétait Bellamy...
Elle souria à Ana, tentant de lui transmettre du courage. Tout dans son expression communiquait une paix intérieure parfaitement montée de toute pièces. Tout va bien. Tu peux le faire. Tu peux le dire... Le dire à haute voix, ça fait toujours mal, c'est comme le revivre une deuxième fois, Bellamy le sait bien - c'est pour ça qu'elle ne parle jamais de Louis.
- Elle m'a avoué qu'elle est sorti avec moi uniquement pour faire chier Logan, qu'elle ne m'a jamais aimé.. et.. reprend Ana avant de fondre en larmes.
Et la soi disant sérénité de Bellamy s'envole au galop. Elle buggue, clignant plusieurs fois des yeux pour assimiler l'information. Quoi ? C'est une blague ? Une blague de mauvais goût, n'est-ce pas ? L'anamé ne serait qu'une manipulation de plus, une manipulation destinée à faire souffrir Logan... Non. Impossible. Salomé....
-Mais quelle pétasse. lâche t'elle dans un soupir sans vraiment s'en rendre compte.
Salomé, héroïne de rien du tout. Drogue malsaine et débile au mieux. Mais dans quel monde vit-elle ? C'est aberrant, il doit y avoir une erreur ? Ana a du mal comprendre, c'est trop chelou... Ça ne fait aucun sens, assurément.
-Si c'était pour blesser Logan, pourquoi avoir fait durer ça jusqu'à maintenant ? Il est dans le coma, c'est absurde. murmure t'elle pour elle-même.
Mais Bellamy se souvient soudainement qu'elle n'est pas seule. Il y a Ana. Pauvre Ana, brisée entre Logan et Salomé. Entre l'idiot et la menteuse. La rose prend une grande inspiration... Elle est choquée, quelque-peu déçue, surprise ; et oserait t'elle dire affectée par cette révélation ? Mais oh god, comme ça ne doit être rien face aux torrents qui recouvrent maintenant le coeur d'Ana. Bellamy n'ose imaginer qu'elles doivent être ses pensées, là, de suite... Se sent t'elle utilisée puis jetée comme un couteau en plastique ? Débile et naïve ? Maudite sur l'autel des sentiments ? Doucement, le bras de Bellamy descend et s'enroule autour des épaules de la verte. Elle lui tapote le dos, dépose son crâne rose sur son épaule.
-Ne culpabilises pas. De ce qu'elle t'a fait, de pleurer... Ce n'est pas ta faute et pleurer, ça fait du bien de temps à autre.
Oui assurément. Ana est bouleversée mais elle affiche pleinement ce qu'elle ressent, c'est bien, c'est sain. Elle n'a pas dépassé l'étape où on décide de s'ignorer, pensant naïvement que tout va s'arranger si on n'y prête pas attention - c'est aussi à ses dépends, qu'elle la connaît bien cette étape. La rose se mord la lèvre inférieure un instant. Et maintenant ? Doit elle la laisser toute seule ? Ça lui semble une décision peu sage. La gardez occupée ? Elle ne sait pas vraiment si ça marcherait... Ana n'est pas Bellamy. Elles ne fonctionnent, ne pense pas de la même manière. Mais comment pense Ana, au juste ? Comment la faire se sentir un peu mieux ? Plus forte, plus indépendante...Et un souvenir cogne dans le cerveau de Bellamy.
Ouais, non.
Elle ne peut décemment pas dire ça. Mais bon... C'est tout ce qu'elle a. Les larmes d'Ana finiront bien par le tremper de toute façon, autant y mettre du sien et se mouiller un peu. La gorge racle et la rose dit ses mots si particuliers. Ses mots qu'elle trouve si idiots :
-Courage, Ana. Une fille m'a dit une fois que les filles aux cheveux colorées, ça n'abandonnent jamais. Et tu sais pourquoi, hein ? Pourquoi, elle sont si fortes ?
Doucement Bellamy attrape une mèche de cheveux de la verte et la fait jouer entre ses doigts. Elle ne pense pas vraiment que la couleur des cheveux influe sur le caractère des gens, ça peut influencer selon le cadre de vie tout au plus... Mais la théorie d'Ana est débile. Elle le sait bien et n'y croit pas une seconde. Ce qui sort de sa bouche ensuite, lui paraît par contre une mérite plus probable :
-Parce qu'elles s'aident les unes, les autres.
Oui, c'était décidé. Elle était nulle comme c'est pas permis pour ce genre de chose... Mais restait qu'elle avait un coeur -mine de rien. Elle était du côté des gentils malgré ce qu'on pouvait penser. Sa décision avait était prise à l'instant où elle avait toquée à cette porte aprés tout...
Elle allait être là pour Ana.