Est-ce que c’était une bonne idée de faire cette alternance ? Je commence à sérieusement me le demander. Pourquoi ? Tout simplement parce que je me retrouve à m’entrainer dans pour un spectacle de danse. Et que la danse et moi, ça fait deux…voir deux milles même. Je ne suis pas du tout à l’aise, je raisonne par la logique, je suis quelqu’un de carré…Alors quand Satsuki m’a dit qu’il fallait que je laisse ma créativité s’exprimer, j’ai tout de suite compris que ça n’allait pas être une partie de plaisir.
Aujourd’hui c’est mon huitième jour d’entrainement pour le spectacle, ce dernier est après demain, ce qui ne nous laisse pas beaucoup de temps. Cet après-midi ça sera l’entrainement d’Athéna qui aura la vedette avec moi sur scène, et si on a le temps, on travaillera sur les animations de mes autres pokémons.
Pour le spectacle, je vais devoir remplacer Satsuki et son numéro de Pyrotechnie. Le lendemain de mon arrivée, ma tutrice m’a appris qu’elle avait un problème au dos, ça ne l’empêche pas de se battre, mais il est évident qu’elle ne peut pas danser. Elle peut encore moins le faire avec des pokémons feu, qui lancent des attaques dans tous les sens. Ce sont certes des attaques contrôlées, mais la moindre erreur de pas, le moindre retard dans la chorégraphie et c’est l’incident assuré.
Je me trouve sur le terrain de combat dans la cours intérieure, Athéna à mes pieds et Satsuki sur le côté. Elle me sourit gentiment, elle semble fière que je prenne cet entrainement très au sérieux, malgré le fait que la danse et les spectacles ne sont clairement pas ma tasse de thé. Mais j’ai appris durant ces quelques jours qu’il ne faut pas se laisser berner par cet air presque maternel. La geisha est une véritable tortionnaire à l’entrainement, elle ne laisse rien passer, et si on doit recommencer pendant des heures….on recommence pendant des heures.
Il fait frai, il n’est que 7h30 du matin, mais nous n’avons pas de temps à perdre, il reste tant de chose à faire et à apprendre. Je regarde ma Pyroli qui n’attends que ça, étrangement elle semble préférer la danse au combat…Je ne dis pas qu’elle n’aime pas le combat, au contraire, son affrontement contre l’Aquali de Komomo m’a prouvé qu’elle aimait bien se battre. Mais durant ces quelques jours d’entrainement au spectacle, elle a fait preuve d’une motivation sans faille, à tel point que si je devais faire des concours, je pense que serait Athéna et Deva que j’utiliserai. Je me tourne vers ma one-san qui me regarde en souriant.
-Tu es prête Yuna ? -Oui Satsuki. Qu’est-ce qu’on va devoir faire aujourd’hui ?- C’est simple, tu connais la chorégraphie maintenant, mais il faut que tu travailles ta synchronisation avec Athéna. Une synchronisation parfaite est nécessaire, c’est l’un des points forts de nos prestations. J’hoche la tête avant de reporter mon attention sur ma Pyroli, qui attend avec impatience qu’on démarre. Je ne la fait pas attendre plus longtemps et nous nous mettons sur la petite scène qui a déjà été installée. Pour cet entrainement c’est Satsuki qui gère la sono, en plus d’épier nos moindres mouvements. Je ferme les yeux et souffle un bon coup, ça va aller, je connais ma chorégraphie, Athéna sait ce qu’elle à faire, il faut juste que nous soyons synchrone…
La musique démarre, je sors mon éventail et commence mes pas de danse, d’abord lents, mais très vite ils s’accélèrent en rythme avec la musique. Satsuki m’a expliqué qu’en temps normal les danses de Geisha étaient plutôt lentes, pour pouvoir faire des mouvements précis, et laisser le temps aux spectateurs d’apprécier chaque geste, chaque mimique du visage de la danseuse.
Mais pour moi c’est un peu différent pour deux raisons. La première c’est que je ne suis pas une Geisha professionnelle, je n’ai pas l’habitude de ce genre de spectacle, et même si je mets toute ma volonté à l’ouvrage, je ne pourrais pas égaler des femmes avec une vie d’expérience. C’est tout simplement impossible, et il ne m’est pas venu en tête de le pouvoir. La deuxième raison m’a un peu plus surprise que ça, les sœurs Kimonos comme on les appelle ici on penser que ça serait bien de casser un peu les codes des danses de Geisha, de les rendre un peu plus vivantes. Et quoi de mieux pour justifier cet essai que la présence d’une étudiante de Lansat dans leur spectacle. Je me suis même demander si Satsuki ne s’est pas volontairement porter pâle, pour que je puisse prendre sa place dans le spectacle…Par respect je ne lui ai pas posé la question, mais je la soupçonne fortement. Malheureusement, Satsuki nous interrompt rapidement, pas très convaincue par notre prestation.
-ça ne va pas. -Qu’est-ce qu’on a mal fait ?-Vous n’êtes pas synchrones, il faut que vous essayez de danser ensembles, pas seulement toutes les deux sur la scène. Je regarde ma Pyroli qui a posé son regard sur moi en même temps, nous sommes synchrones pour nous fixer, mais apparemment pas assez pour la danse…Je dois avouer que ça aurait peut-être été plus simple avec Ama ou Hestia. Athéna n’est ma pokémon que depuis peu, et même si un lien fort s’est déjà établi entre nous deux, nous n’arrivons pas toujours à être sur la même longueur d’onde…C’est surement pour ça qu’on a du mal à bien être en rythme. Mais on a pas le choix, il faut qu’on y arrive.
Nous reprenons alors la danse depuis le début, cette fois Satsuki ne nous interrompt pas pendant la première partie de la chorégraphie. Apparemment on a réussi à être un peu plus sur la même longueur d’onde, mais c’est la partie la plus simple de la danse. Durant celle-ci, Athéna et moi faisons à peu près les mêmes gestes, elle s’incline quand je le fait, elle tourne à gauche en même temps que moi…enfin je pense que c’est clair.
Dans la deuxième partie de la chorégraphie, elle doit utiliser ses attaques feu avec grâce tandis que je danse au milieu d’elle. Une telle danse ne peut pas marcher sans une confiance totale en son partenaire, un seul faux pas, et c’est la brulure assurée, peut-être même pire. Mais j’ai confiance en mes pokémons, et Athéna ne fait exception à la règle. Même si ça ne fait pas longtemps qu’elle est avec moi, je lui accorde la même confiance, et la même attention qu’aux autres membres de mon équipe.
La musique s’emballe, c’est partie pour les flammes, c’est un enchainement de flammèche, Lance-Flamme et Danseflamme qui se déroule sur scène, tandis que j’effectue ma chorégraphie au mieux. Pourtant, plus d’une fois j’ai senti la chaleur des flammes aux bouts de mes pieds et mains, mais je n’ai rien dit. Je ne dois rien laisser transparaitre, lors de la grande représentation je n’aurai pas le droit à l’erreur, ça non. Tout doit être parfait, ou au moins le paraitre. Malheureusement nous sommes rapidement coupées dans notre élan par Satsuki, qui a les sourcils froncé, un air sévère.
-Le début est mieux, mais la Danse du feu, ce n’est pas ça du tout.-Ce n’est pas facile de travailler une danse aussi compliquée en aussi peu de temps Satsuki. On fait de notre mieux.-Je le sais Yuna, mais il faut que vous essayez de vous ressentir l’une est l’autre. Un peu comme si vos deux cœurs battaient à l’unisson. Vous devez visualiser la scène, la danse complète, il vous faut vous ressentir l’une est l’autre…Bon aller on recommence. Je n’ai même pas le temps de dire quoi que ce soit, que la musique redémarre de plus belle, nous forçant toutes les deux à nous remettre en position. Ressentir la scène, ressentir Athéna et ses flammes, les visualiser dans mon esprit, tout en exécutant la chorégraphie…décidément les combats pokémons sont bien plus facile que cette danse.
~~ Le surlendemain ~~
La nuit commence à tomber, l’air se rafraîchit mais ça n’a pas dissuadé la foule de Rosalois de venir au spectacle de ce début de printemps. A l’abri derrière le rideau qui sert de fond à la scène, j’observe les personnes s’installer sur les bancs. La cours du théâtre s’est transformé en salle de représentation, de grands flambeaux ont été allumés tout autour du public, pour les éclairer, mais aussi pour leur tenir chauds. Pour le moment je dois avouer que j’ai un peu froid avec mon kimono, mais dans quelques minutes j’aurai bien chaud sur scène.
Plus le temps passe, plus je devrais sentir mon cœur s’emballer, mes joues rougir…mais là rien du tout. Je suis totalement neutre face à toute la scène qui se déroule devant moi, je sais bien que depuis les événements de la fin d’année dernière j’ai quelques problèmes au niveau de mes sentiments et sensation…mais ça me fait toujours bizarre de ne plus vraiment ressentir d’émotion. J’espérais que cette alternance me permettrait de ressentir quelques choses, mais toujours rien, peut-être que ce sera mieux sur scène qui sait.
Satsuki me fait signe que l’on va devoir monter sur scène pour l’ouverture du spectacle. J’hoche la tête avant de réajuster mon kimono correctement, je vérifie que tout va bien, que ma coiffure est bien en place…Tout est bon, je suis donc mes mentors qui montent une à une, leur évolition derrière chacune d’entre elle. Athéna me suit, mais je sens qu’elle n’est pas rassurée, devant cette foule il y a de quoi. Je capte son regard, et je lui souris doucement avant de chuchoter pour la rassurer.
-Ne t’inquiètes pas ça va aller. Mes mots semblent la rassurer, elle semble se détendre un petit peu avant de regarder la foule qui nous fixe alors que Sakura s’avance vers cette dernière.
-Bonsoir à tous et bienvenue pour notre traditionnel spectacle du printemps. J’espère qu’il vous plaira, et que vous passerez une bonne soirée. Nous nous inclinons à la fin de son discours avant de descendre de scène, les unes à la suite des autres. Enfin sauf Komomo qui fait l’ouverture du spectacle, avec son Aquali. J’observe la prestation de la spécialiste de l’eau, et je dois dire qu’elle est magnifique. Elles sont toutes les deux gracieuses, mais surtout on dirait qu’elles ne font qu’un, comme des âmes sœurs…Je comprends mieux ce que voulais dire Satsuki durant les entrainements. Athéna et moi nous ne sommes pas à ce niveau, c’est clair. Mais j’espère que ce que nous avons réussi à faire durant ces dix jours, suffira à convaincre le public…
La prestation de la spécialiste de l’eau se termine sous les applaudissements du public, applaudissements qui signent le début de ma prestation à moi. Je monte donc sur scène avec Athéna, un air neutre sur le visage alors que tous les regards sont braqués sur moi.
La
musique démarre.
C’est parti. Impossible de faire machine arrière maintenant.
J’ouvre mon éventail, et la danse commence.
Un mouvement long, puis un pas de côté à gauche, et la chaleur de la fourrure d’Athéna qui ne me quitte pas une seconde. Un tour sur moi-même, alors que ma Pyroli tourne tout autour de moi. Les mouvements s’enchaînent sans même que j’y pense vraiment, je ne me concentre pas dessus. Mon regard ne lâche pas la foule une seule seconde, mais en réalité dans mon esprit ils sont fermés. Je ne regarde pas, je ressens. Je ressens le froid de l’air sur l’une de mes jambes, alors que l’autre est réchauffée par la chaleur d’Athéna. J’entends les notes de musique qui guident mes pas…j’ai l’impression d’être revenu quelques mois en arrière, comme quand je me laissais emporter par la folie et l’enivrante d’un combat pokémon…comme quand je n’avais pas besoin de réfléchir à comment réagir face à une situation toute simple de la vie de tous les jours…
Le son de la flûte se fait entendre. C’est le moment, c’est l’heure de la pyrotechnie. Toutes les lumières de la cours s’éteignent en même temps, laissant le public dans le noir le plus complet, car aucune étoile ni aucune lune ne brille dans ce ciel de Février. Dans cette obscurité la plus totale, une lumière apparaît, il s’agit des flammes qu’Athéna fait danser autour de moi pendant que je continue ma chorégraphie. La lumière des flammes n’est pas homogène, elle ne laisse apparaître que des fragments de la scène, mais c’est suffisant pour en capter toute la beauté. Peu de temps après je sens une forte chaleur dans mon dos, alors que deux jets de flammes se croisent à l’arrière de la scène. Il s’agit d’Ama et de Lucifer qui sont en charge de la gestion des effets de flammes, et je sais qu’ils font bien leur travail.
Je ne me concentre que sur Athéna, je ne dois ressentir qu’elle, et ses flammes. Je ne dois pas hésitez, je dois ressentir…je dois vivre. La musique s’emballe, ainsi que les flammes brûlantes qui dansent autour de moi. Ma main libre vient se perdre dans le pelage doux de ma pokémon feu, alors qu’un de ses puissants Lance-Flamme coupent le ciel en deux, sous les regards et acclamations époustoufler du public.
Plus que quelques secondes, ce n’est pas le moment de se relâcher. Je tourne de plus en plus vite sur moi-même, les longues manches de mon kimono s’enroulent autour de mon corps alors que je sens la Danse Flamme d’Athéna faire de même. Alors que la musique faiblit, tous mes pokémons feu dissimuler dans l’obscurité rallume les lanternes, ré éclairant toutes la cour, alors que je suis assise au sol, tout comme Athéna. Le bas de mon visage est caché par mon éventail, alors que le sien l’est par le bout de sa queue, seul nos regards emplit de mystère sonde le public qui restent bouche bée. Ce que nous venons de proposer change radicalement avec ce que les sœurs Kimono ont l’habitude de proposer.
Un premier applaudissement vient, suivit par celui de tout le public tandis qu’Athéna et moi nous nous relevons. Un fin sourire apparait sur mon visage, mais je me force à le faire…pendant la représentation j’ai cru ressentir quelque chose de fort, mais une fois la danse terminée tout s’est envolé, et je sens un vide dans mon cœur…
Athéna et moi faisons une révérence avant de descendre de la scène, ou je suis accueillie par les sœurs qui me félicitent toutes pour ma prestation, alors que Sakura monte sur scène avec sa Mentali pour la suite des festivités.
-Tu as été fantastique Yuna. Je savais que tu y arriverais. -Que nous y arriverions. Déclarai-je en désignant Athéna qui est assise à côté de moi.
Je suis soulagée, tout s’est bien passé. -Oui tout le public a été conquis, j’ai eu raison de te faire confiance pour me remplacer, tu as fait honneur à l’art des Geisha ce soir. Je lui souris, un sourire faux mais que seules les personnes qui me connaissent peuvent remarquer. Ma mentor n’a pas totalement raison malheureusement, tout le public n’a pas été conquis…J’ai bien remarqué, au milieu de la foule, cette vieille femme qui est rester de marbre, cette femme aux yeux roses améthystes.