Une nouvelle journée approchait, et avec elle le lot de surprises qu'elle réservait à Salomé.
Elle en avait vu défiler des excentriques depuis le début de son alternance, de ceux qui souhaitaient que leur ex femme revienne à ceux qui se prétendaient possédés par un démon pour expliquer leur soudaine malchance.
Et il y avait les curieux, ceux-là étaient de loin les préférés de Salomé ; eux ne croyaient pas à la voyance, ou qu'à peine, et lui rappelaient grandement Idalienor et ses paroles concernant le mysticisme. La rousse le savait désormais, elle ne lui ferait jamais changer d'avis à ce sujet, et ce n'était pas avec une Sheeana débutante et une Salomé plus que balbutiante qu'un miracle se produirait.
Si seulement Granny et ses prédictions étaient encore là, errant dans le lointain pour les submerger de ses bonnes paroles comme à son accoutumée. Mais il n'y avait plus que sa mémoire qui restait, fragile et délicate, dont Salomé se retrouvait porteuse, lourd fardeau qu'elle ne se sentait pas capable d'assumer.
Sheeana, elle, glissait dans ce rôle de voyante comme si ce dernier avait été taillé pour elle. De sa voix posée, ses vêtements colorés, ses mains habiles, elle semblait coller à l'image parfaite que se faisaient les étrangers concernant les voyantes gitanes.
Salomé, elle, faisait tâche en comparaison. Elle agissait toujours dans l'ombre de son aînée, tentant de se faire oublier tant bien que mal mais même pour cela, elle éprouvait quelques difficultés. Elle préférait de loin s'occuper des herbes et plantes qu'elle commençait enfin à connaître par cœur, non sans une pensée pour Carole et sa serre détonante au produit unique qui aurait pu faire pâle figure face à tous les échantillons que la rousse avait su accumuler depuis son arrivée sur Kalos.
Mais aucune de ses plantes n'arrivait à la cheville de celles de l'ex partisane d'A2P, et ça, c'était bien dommage.
Le carillon tinta, rappelant à Salomé qu'elle n'était pas ici pour tirer au flanc, se rapprochant de la caravane dans laquelle Sheeana officiait. Sûrement un nouveau client, la rousse se demandait juste dans quelle catégorie le nouveau venu se situerait. Accompagnée de Django beaucoup trop sollicité pour la couleur hypnotique de ses flammes et d'Algernon qui ne perdait jamais une occasion pour son face à face avec la boule de cristal de Sheeana, la rousse fit son entrée, l'attrape-rêves et ses babioles bien évidence sur son cou trop clair.
Voilà que le hasard avait décidé de s'en mêler.
Ce n'était pas une ou deux personnes que la rousse entrapercevait depuis la tenture faisant barrage avec la pièce destinée à la divination, mais bien trois.
Et toutes familières à Salomé.
Voilà déjà Algernon qui sortait de sa cachette, n'ayant cure des recommandations de sa dresseuse, pour contempler son reflet devant celle qui était devenue son plus grand mystère depuis son arrivée ici. Il releva la tête, prenant enfin un peu de temps pour voir ce que la Médecin avait vu à son tour.
Ana, Miguel et Miriam.
Chouette !
Ce n'était pas ainsi que la Givrali avait imaginé ses retrouvailles avec Ana. Entre le décès de son arrière-grand-mère et son voyage prolongé sur Kalos, l'étudiante n'avait toujours pas recroisé celle qu'elle devait considérer comme son ex.
Pour elle, ce n'était qu'un outil de plus dont elle s'était débarrassée sitôt inutile.
– Même si vous êtes venus à trois, vous devrez attendre chacun votre tour pour solliciter mes dons, déclara Sheeana sans se soucier ni de la présence de Salomé, ni de ses Pokemon, la bonne aventure est avant tout une affaire personnelle et privée.
Mais qu'est-ce qu'elle foutait là ?
Salomé n'y comprenait plus rien.
Il n'y avait que la direction de l'académie qui savait où Salomé se trouvait actuellement, et la rousse voyait mal Ana être allée les solliciter pour retrouver Salomé. Quel intérêt aurait-elle eu à la chercher ?
Elle n'était pas là pour elle, ça, c'était une évidence.
– Qui veut commencer ?
L'encens et la mire parfumaient délicatement la pièce, sans être agressive pour autant. La rousse savait que ces prochains jours seraient les derniers avant son retour sur l'académie et étrangement, la présence d'Ana l'apaisait quelque peu, même si ce n'était sûrement pas réciproque pour la Mentali.
Difficile d'oublier la tempête qui avait agité la métisse le jour de la Saint-Valentin.
– Sheeana ?
Etait-ce tant que ça une bonne idée de se proposer pour tirer les cartes ou les lignes de la main pour Ana ? Cela allait lui retomber dessus, c'était certain. Et puis, c'était un fait avéré ; Salomé n'avait aucun don de voyance.
La brune se retourna, attendant visiblement que la rousse s'exprime. Mais des grattements se firent entendre à la place, ce qui eut pour effet de faire froncer les sourcils de la voyante attitrée. Cela provenait de la porte et cela semblait mauvais signe. Elle eut un sourire calme adressée davantage pour rassurer les clients que par réelle sympathie :
– La première personne ira avec Salomé. Les deux autres attendront dans la pièce où je vous ai accueillis à l'entrée, trancha finalement la brune, ne vous inquiétez pas, même si elle est jeune, le don n'a pas d'âge par chez nous.
Mais. Non.
Juste non.
Qu'est-ce qu'elle leur racontait là ? Même si Salomé était curieuse d'en apprendre plus sur la vie à l'académie qu'elle avait ratée pendant un semestre entier, ce n'était pas une raison pour vendre du rêve à ces idiots. Même si c'était ce que Salomé faisait depuis qu'elle assistait Sheeana.
– Oh. Et elle est très douée pour les malédictions, si besoin.
Alors ça c'est vrai. Et faux. Et vrai. Et faux. Et vrai. Et faux. Et vrai.
Il n'y avait pas plus obscure comme remarque.
La rousse s'écarta pour laisser le passage pour Sheeana, accompagnée des deux qui n'auraient plus qu'à patienter.
Il n'y avait plus qu'Ana et Salomé dans cette pièce.
Non, Ana ne lui avait toujours pas pardonné.
Comment aurait-elle pu ? La rousse n'avait aucune idée de la manière dont elle avait vécu ces derniers mois loin de Salomé. Repli sur elle-même ? Colère ? Frustration ? Pas la moindre idée. La Médecin, elle, était déjà passée à autre chose, reléguant Ana au rang de simple dommage collatéral.
Alors elle l'écoutait en silence, et il était presque dommage de constater qu'Ana était toujours... Ana. Elle et son comportement atypique ; pourquoi avoir voulu mettre un pied dans le camp juste pour vérifier si c'était bien celui de Salomé ? C'était là quelque chose qui échappait à la demoiselle et en contraste total avec la réaction qu'aurait dû avoir la verte.
– Et ça t'apporte quoi de savoir que oui, c'est bel et bien ici que je suis pour le moment ? fit Salomé, mains posées sur la table, tu vas mieux dormir ? Mieux manger ? J'ai un peu de mal à cerner ta démarche. Tu me dis ne pas me traquer, et heureusement car sinon je te conseillerais d'aller faire un coucou à Ghost, si ce n'est pas déjà le cas, et pourtant, tu as quand même voulu vérifier si j'étais là ou non.
Ana était-elle suivie psychologiquement depuis leur rupture ? La rousse savait la jeune fille fragile et il fallait bien avouer qu'elle n'avait pas anticipé les conséquences sur l'état mental de son ex. Il n'y avait que sa vengeance qui comptait, désormais achevée et laissée derrière elle.
Tout ça pour ça.
Maintenant, Salomé avait délaissé toutes ces histoires, même si elle se doutait que ça ne manquerait pas de lui sauter à la gueule sitôt son retour à l'académie. Elle ne savait même pas pourquoi elle rentrait, elle qui n'avait jamais voulu être là-bas mais qui commençait à se lasser de ces mêmes têtes gitanes depuis les obsèques de son arrière-grand-mère.
– Tu souhaites que je te lise ton avenir malgré tout ou tu préfères repartir de suite ? On peut aussi se contempler dans le blanc des yeux pendant que tu me balances tout ce que t'as à me dire, c'est à toi de voir.
Ah l'avenir. La rousse aurait bien aimé connaître le sien, d'avenir. Elle aurait aimé que les mots de Granny soient plus précis à chaque fois qu'elle s'en allait lui poser une question. C'était trop tard désormais et ce n'était pas auprès de Sheeana qu'elle allait quémander quoi que ce soit. La brune avait bien trop peu d'expériences dans ce domaine et Salomé se demandait parfois si son aînée atteindrait ne serait-ce le quart du don qui habitait Granny.
– Mais je vais pas te mentir ; je suis nulle en tant que voyante. Mon arrière-grand-mère, elle, aurait vraiment pu te lire l'avenir mais c'est trop tard désormais, trancha la rousse en baissant les yeux, t'es vraiment mal tombée avec moi, mais c'est pas nouveau, ça.
Mal tombée que d'avoir été amoureuse de Salomé.
De lui avoir fait confiance.
D'avoir cru en ses mots perfides.
En ses mensonges qui n'en finissaient pas, en cette illusion de vie de couple qui avait su se prolonger avant d'éclater enfin. Et d'emporter un peu d'Ana en chacun de ces débris éparpillés qui ne demandaient qu'à être ramassés pour être recollés ensuite.
Mais il n'y avait plus rien à faire.
– Je peux te tirer les cartes, lire ton avenir dans des feuilles de thé, dans tes lignes de la main ou dans la boule de cristal que tu vois là. Evite de choisir l'option boule de cristal car moi je vois absolument rien là-dedans mais je suppose que ça me permettra de m'entraîner à improviser... Les cartes, c'est marrant un peu. Y a pas plus chiant que la divination par les feuilles de thé. Et pour les lignes de la main, je me débrouille.
Whouah.
Salomé, toujours aussi douée pour vendre son art et ses compétences. Au moins avait-elle été honnête avec Ana concernant ses capacités et le déroulé de chacune. Sûr qu'elle n'aurait pas pu se permettre de dire ça à n'importe qui, encore moins à de parfaits inconnus.
C'était étrange de se retrouver face à Ana après tout ce temps. Un face à face dont elle n'aurait su rêver et imaginer l'issue. Encore moins ici, à Kalos. Alors merci à la curiosité d'Ana car voir cette dernière ici, c'était un peu comme revoir une part de l'académie qu'elle avait délaissée pour épauler Sheeana pendant ces longs mois.
– Et t'aurais pas croisé Faulkner, sur la route ?
Cette question n'avait aucun lien avec le reste.
Mais Salomé gardait cet espoir un peu fou de retrouver son Farfuret, et surtout, de rentrer avec lui. Elle ne pouvait s'enlever l'idée que oui, c'était Faulkner qui lui avait affligé cette blessure au cou, Faulkner qui lui avait volé la Griffe Rasoir pour l'abandonner ensuite. Folie pour Sheeana, certitude pour Salomé.
Et, dans la semi-obscurité, Algernon ne put s'empêcher de redresser la tête, comme aux aguets face à ce prénom familier.
Salomé, elle, restait concentrée sur Ana et sa peau métisse, Ana sarcastique et Ana toujours aussi sublime que le jour où la rupture avait fait irruption dans leur vie à deux.
Salomé l'insensible. Oui, cela lui convenait à merveille. Du moins insensible vis à vis d'Ana l'idiote, Ana l'énervée, Ana piquée face à Salomé indifférente. Que souhaitait-elle avec son petit numéro futile ? Montrer qu'Ana naïve était enterrée, remplacée par Ana cynique ? C'était totalement raté et pitoyable, faisant à peine lever un sourcil à Salomé qui attendait juste pour sa voyance ou n'importe quoi d’intéressant.
Pourtant, des excuses auraient pu venir de Salomé, peu de temps après cette rupture.
Cela n'avait pas tenu à grand chose ; voilà son iPok trop plein de brouillons jamais supprimés, comme d'ultimes rappels des pensées qui ont un jour habité Salomé ; regrets, remords et pardons en rafale.
Mais elle avait gardé le silence, tout cela à cause d'un sms malheureux, d'une nouvelle qui lui avait fait chavirer le cœur et lui avait permis d'oublier Ana et sa déprime, Ranya et son rejet, l'académie et ses cours et plus encore.
Il n'y avait plus que Granny dans ses pensées.
– T'as tout compris ; j'en ai absolument rien à foutre, trancha Salomé, pourtant, j'aurais pu. Ranya m'a suffisamment secouée le soir de notre rupture suite à ta sortie théâtrale, histoire de me faire comprendre que me mettre avec elle maintenant, alors que c'était elle la première qui m'avait demandé de rompre avec toi, c'était impossible justement à cause de cette rupture. Satisfaite ?
C'était la première fois que la rousse mentionnait Ranya autrement que comme une simple amie devant qui que ce soit.
Et cela allait sûrement rester comme ça encore longtemps, si ce n'est pour toujours, il fallait qu'elle se fasse une raison et passe à autre chose. Inutile de préciser que depuis les obsèques de son arrière-grand-mère, la blonde n'avait su se frayer qu'un chemin infime parmi les pensées de Salomé.
Mais le deuil se faisait peu à peu et avec lui, la perspective de rentrer à l'académie sitôt cette alternance terminée. Et avec elle, l'espoir de revoir Ranya, et, peut-être, de commencer quelque chose de nouveau et beau qu'elles seraient seules à construire, sans personne pour se mettre en travers de son chemin, sans Ana et sa dépression, sans sa rancœur envers Logan, sans sa surprotection pour Algernon.
Juste Ranya et Salomé.
Même à elle, cela sonnait étrange à ses oreilles.
Alors peut-être n'était-elle pas tout à fait prête.
– Une semaine plus tard, j'ai appris le décès de mon arrière-grand-mère et tout ce que j'aurais pu dire, tout ce que j'aurais pu faire, pour toi, pour Ranya, pour n'importe qui, s'est envolé. Un peu comme Algernon auprès de Poppo en cet instant.
Le volatile venait de fausser compagnie à sa dresseuse et à la boule de cristal qui l'obsédait pour suivre les paroles d'Ana et s'en aller retrouver le Psykokwak. La Médecin aurait apprécié pouvoir comprendre le langage Pokemon pour traduire parfaitement chaque cri, chaque piaffement, chaque son qui venait border ses tympans pendant que ses yeux couvaient Ana et sa silhouette longiligne de l'autre côté de la table.
La rousse attrapa le jeu de tarot, faisant circuler les cartes de dos toutes recouvertes d'un contour noir, significatif du tarot tzigane qui était celui qu'elle avait appris à utiliser auprès de Granny depuis son enfance, puis auprès de Sheeana ces derniers mois. À la fois pour parfaire son éducation et pour se remémorer certains détails oubliés depuis son départ pour l'Académie.
– Quand tu te seras vraiment décidée pour une question, on pourra commencer. Paraît que ce tarot est suffisamment précis pour cerner ta personnalité... Ça nous permettra peut-être de savoir quelle Ana tu es maintenant ? Parce que moi, j'y vois juste une Ana paumée.
Elle avait presque envie de rire.
Parce que derrière ses grands airs, Ana était plus que ratée, pitoyable avec ses piques qui glissaient contre Salomé, plus professionnelle que jamais même s'il s'agissait d'une personne familière, et surtout concentrée sur les mots qu'elle allait prononcer.
– J'ai... vu Faulkner hier près du camp. Enfin, moi je pense que c'était Faulkner mais Sheeana, elle, pense que c'était juste un Farfuret sauvage car Faulkner ici, c'est plus qu'impossible pour elle. Mais moi, je sais que c'était bien lui. Toi aussi tu saurais reconnaître Poppo parmi des Psykokwak, non ? C'est ce qui s'est passé avec Faulkner. Je savais que c'était lui, déclara-t-elle avant de laisser un temps s'écouler, mais il a déconné.
Alors elle ôta l'attrape-rêve qu'elle portait autour du cou, dévoilant la blessure récente qui lui striait la gorge ; deux marques de griffes semblables à celles des Farfuret. Le regard de la rousse se porta sur l'ornement hérité de sa grand-mère et modifié puis ré-assemblé par ses soins suite à l'attaque malheureuse du Griffacéré.
– Il a détruit ce souvenir de Granny. Pour y récupérer cette Griffe Rasoir, pointa du doigt la demoiselle, je l'ai réparé comme j'ai pu et Algernon, je ne sais comment, a remis la patte sur la Griffe.
Peut-être que tout n'était pas perdu pour Faulkner.
Peut-être restait-il encore quelque chose à sauver chez ce Farfuret qui avait décidé de se comporter comme un sauvageon dès le premier jour du reste de sa vie.
Mais Salomé souhaitait croire en lui, souhaitant espérer qu'il était toujours un simple Farfuret à cette heure-ci et qu'un jour, il se représenterait à elle, à moins qu'elle ne se présente à lui.
Ils avaient encore le temps.
Cela ne faisait qu'un an qu'ils s'étaient quittés.
La rousse attrapa à nouveau l'attrape-rêves pour le positionner comme précédemment, laissant les fils autrefois blancs mais désormais rouges décorer sa gorge tandis que la Griffe Rasoir, la plume de Miss Acacia et le pendentif d'Ana attiraient immanquablement le regard.
Mais Ana n'y croyait pas.
Salomé aurait pu s'en offusquer mais elle n'était pas là pour ça ; elle se pliait juste à la volonté de sa cliente du jour qui n'était autre qu'Ana. Alors Salomé rangea son fidèle jeu de tarot, comprenant que ce n'était pas aujourd'hui qu'elle pourrait tirer la bonne aventure à son ex, ou du moins pas maintenant.
Malgré tout ce qui avait pu s'être dit et fait entre les deux jeunes filles, Ana continuait de vouloir aider Salomé. Cette dernière n'en comprenait pas la raison et même si la perspective de retrouver Faulkner la réjouissait, elle savait ses chances maigres.
Le Farfuret était peut-être loin désormais. Pourtant, il n'y avait qu'une seule manière de s'en assurer et ce n'était pas en restant assise autour de cette table qu'elle pourrait faire quoi que ce soit.
Ana n'avait pas même attendu de réponse qu'elle s'est déjà levée, prête à traquer le Farfuret plus fou que jamais. Salomé la suivit à son tour, se préparant à retrouver l’atmosphère tiède de l'été pour finalement tomber sur Sheeana et son ombre pendant que Miguel et Myriam patientaient toujours pour connaître leur avenir.
Après tout, il n'y avait qu'un endroit pour les consultations, endroit précédemment occupé par Salomé et Ana.
Salomé s'avança, curieuse de connaître ce qui avait occupé Sheeana pendant tout ce temps.
– Alors ? C'était quoi dehors ?
– Oh juste un Pokemon sauvage paumé à qui j'ai indiqué le chemin.
Les deux immenses Arbok ne pouvaient s'empêcher de siffler, visiblement satisfaits de cette synthèse tandis que c'était au tour de Salomé de froncer les sourcils.
– Par contre je te rappelle juste que ton alternance n'est pas encore terminée, ne put s'empêcher de déclarer Sheeana, alors à moins que tu ai l'intention de te lancer dans la voyance en extérieur, t'as tout intérêt à retourner à l'intérieur.
La porte était grande ouverte, dévoilant une Ana aux anges avec ses Pokemon. C'était la première fois que Salomé posait les yeux sur ce Brindibou, visiblement nouveau. Il faut croire qu'Ana aussi avait continué à vivre sans Salomé, et c'était très bien ainsi.
– Et c'est pas parce que c'est ton ex plan cul que ça signifie que c'est gratuit pour elle ou le reste de sa famille !
Ex plan cul.
C'était peut-être Sheeana qui s'approchait au plus proche de la vérité concernant Ana et Salomé.
Cette dernière se contenta de mettre un pied dehors pour rejoindre l'Alolienne et ce malgré les différents rappels à l'ordre de Sheeana. Elle mourait toujours autant d'envie de retrouver Faulkner mais le regard mauvais de la brune paraissait la suivre dans son sillage.
– Le souci quand on bosse pour quelqu'un qu'on connaît depuis toujours, c'est qu'on ne fait pas forcément toujours ce qu'on veut, lança Salomé à Ana, et si je ne m'occupe pas de dire la bonne aventure à ta famille, ils risquent d'attendre longtemps avant que Sheeana ne leur fasse.
Pauvre Miguel et Myriam qui attendaient toujours à côté alors qu'eux paraissaient avoir mille questions à poser et éprouver un véritable intérêt en la voyance gitane. Et une certaine curiosité, certes, mais c'était tout aussi bon pour les affaires.
Vivement la fin de cette alternance histoire que Salomé puisse souffler et rentrer à l'Académie après tous ces mois passés à vivre dans une simple caravane avec le souvenir de Granny à ses côtés.
Son seul regret resterait l'absence du Xatu de cette dernière, éternel disparu depuis le décès de Granny.
– Ou même toi, si tu changes d'avis.
Et Faulkner ?
Le Farfuret continuait de hanter une part de l'esprit de la rousse mais elle n'oubliait pas cet incident de la veille, sa gorge se rappelant à elle sitôt qu'elle croyait être prête à pardonner.
Pourtant, à ses côtés, Ana avait réussi à faire ce que Salomé elle-même n'arrivait pas. C'était quelque chose qu'elle ne comprendrait jamais.
– Pourquoi tu fais tout ça, Ana ? Je veux dire... Vouloir m'aider à retrouver Faulkner alors que j'ai joué avec toi ? Explique-moi. Car moi, je n'arrive même pas à pardonner à Faulkner son comportement d'hier.
Ana avait un bien meilleur fond que Salomé, c'était indéniable. Cette dernière aurait énormément à apprendre à ses côtés, malheureusement ce n'était pas au programme. Si même Algernon qui avait su pardonner à Logan n'avait su changer Salomé, ce n'était certainement pas Ana qui y parviendrait.
La rousse ne put s'empêcher de manipuler les différentes babioles autour de son cou, effleurant le pendentif qui ne la quittait pas. Elle eut un sourire, léger et discret, ne pouvant que se rappeler de cette journée d'anniversaire peu banale où l'Alolienne lui avait offert le pendentif qui trônait désormais autour de l'attrape-rêves.
– Bien sûr que je l'ai encore. Ça reste un souvenir avant tout, tout comme la Griffe Rasoir qui me rappelle Faulkner et cette plume qui était celle de Miss Acacia, expliqua Salomé, alors ce n'est pas face à sa présence que tu devrais réagir mais au contraire, face à son absence si cela devait arriver un jour.
Et, tout en s'amusant avec ces différents ornements, l'esprit de Salomé vagabondait vers les deux plumes noires et blanches qui avaient un jour arpenté le cou de cette Salomé plus âgée rencontrée en plein délire.
En espérant qu'elles ne trouvent jamais une place autour de son collier nostalgique.
Avait-elle subi le fameux retour de bâton dont parlait Ana ?
Oh il y avait de quoi penser que oui. Miss Acacia, Faulkner, Algernon, Ranya, Mélie... Difficile de ne pas songer à eux et à leur histoire respective. Mais c'était plus là un caprice du destin qu'un véritable retour de bâton, Salomé le savait.
Elle en saurait plus une fois de retour à l'académie.
Peu lui importait que Yuna soit au courant, peu lui importait que le monde entier soit au courant de ses manipulations. Yuna, simple Givtali à peine aussi fragile et remplaçable qu'Ana, simple figuration à laquelle Salomé n'accordait qu'un soupçon d'intérêt que parce qu'elle s'était retrouvée gardienne de ce Minidraco désormais Draco, ami proche d'Algernon.
C'était là tout ce qui liait les deux Givrali.
Et c'était déjà trop à son goût.
Mais Salomé garda le silence, laissant Ana raconter. Cela faisait du bien de l'écouter, même si c'était pour se faire insulter en retour. Elle ne grimaça pas, après tout, elle l'avait bien méritée.
– Bien sûr que j'ai été une connasse, comme tu dis si bien, et je ne m'en cache pas. Sinon, je ne t'aurais pas dit toute la vérité, aurais rompu avec toi sans jamais te dire que je n'avais jamais rien éprouvé pour toi et toi, comme toujours, tu te serais raccrochée à ça et cette histoire n'aurait jamais eu de fin, fit Salomé en jouant avec le pendentif en forme de flamme, mais vient un moment où le rideau doit tomber pour laisser la place à une nouvelle histoire. Cette nouvelle histoire, ça aurait pu être Ranya et moi.
Pas de chance, aucune nouvelle représentation ne s'était jouée sitôt le couple Ana et Salomé brisé. Juste un enchaînement de mauvaises nouvelles et de mauvais choix qui n'avaient su qu'amener Salomé au bord du gouffre, l'emportant jusqu'à Kalos avant de la pousser à rentrer à l'académie d'ici quelques jours.
Elle appréhendait énormément.
Presque un semestre d'écoulé, envolé, dont elle ne sait rien, si ce n'est ces bribes de conversations offertes par Ana et pour se centrer uniquement sur l'Alolienne. Oui, elle espérait mieux concernant sa possibilité d'obtenir des nouvelles par-delà les mers mais la fin de son alternance viendra bien assez vite.
Mais Ana n'a sûrement pas envie d'entendre les états d'âme de Salomé concernant la blonde. De toute façon, la rousse ne s'est toujours pas fixée concernant ses sentiments respectifs pour la jolie danseuse.
Et ce n'est pas aujourd'hui qu'elle tranchera.
– Mensonge ou non, il n'empêche que j'ai passé de bons moments en ta compagnie, coupa court la demoiselle en s'amusant toujours avec le pendentif, perdue parmi ses souvenirs, je sais que c'est pareil pour toi, et ça, rien ni personne ne pourra nous les enlever. Même pas moi.
Même pas ses mensonges.
Les souvenirs restaient, tout comme ce passé qui ne changerait plus jamais.
Peut-être qu'un jour, Salomé finirait par oublier le prénom d'Ana, celle avec qui elle avait eu sa première fois, sur un coup de tête, pour son anniversaire, alors qu'elle aurait dû rompre avec elle ce jour-là.
Ana, elle, n'oublierait pas. Car il s'agissait d'Ana, toujours aussi pitoyable et pathétique, qui accordait trop d'importance aux autres, à commencer par quelqu'un qu'elle aurait dû haïr.
Et plutôt que de s'inspirer de son comportement, Salomé la jugeait et la jaugeait un peu plus, attrapant le jeu de tarot pour en revenir là où elles s'étaient arrêtées précédemment. La rousse aurait aimé une question un peu plus précise que cet amas flou que lui demandait l'Alolienne mais soit, elle ferait avec, en espérant que les cartes puissent répondre à la question préoccupante d'Ana.
– De toute façon quand ça concerne pas l'amour, ça concerne forcément le travail. C'est souvent l'un ou l'autre qu'on nous demande.
Il faudrait qu'elle songe à interroger les cartes concernant Faulkner.
C'était une manière comme une autre pour se rapprocher de lui, même si la rousse n'y croyait qu'à peine, continuant d'espérer qu'un jour le Xatu de son arrière-grand-mère referait son apparition pour pouvoir l'interroger paisiblement sur l'avenir, de manière fiable et assurée.
En attendant, elle faisait comme elle pouvait et était toute entière tournée vers Ana, lui proposant les cartes face à elle pour lui demander d'en choisir trois et seulement trois.
La rousse faillit éclater de rire en voyant la carte de l'Amant surgir comme première carte choisir par Ana. La seconde la calma, à travers celle de la Lettre et la dernière n'était autre que celle du Malheur.
Super.
Elle se demandait si les cartes ne se foutaient pas un peu de sa gueule.
– Cette première carte représente ton passé, énonça la rousse, il s'agit de la carte de l'Amant, qui, comme tu t'en doutes, est une référence à nous deux. Ou à Logan et toi. Parce que oui, les cartes ont un solide sens de l'humour. Pour la seconde, il s'agit de la Lettre, ça signifie que tu vas recevoir des réponses concernant de potentielles démarches pour ton avenir que tu as déjà effectuées. Un passage de Grade prochainement, peut-être ? Ou alors tu vas postuler pour des alternances ou des stages ?
Et le meilleur pour la fin.
– Celle-ci, c'est celle du Malheur. Elle peut faire peur mais je suppose qu'elle est là uniquement à cause de celle de l'Amant, là encore, pas besoin d'explications concernant ta vie sentimentale. Il peut aussi s'agir d'un avertissement concernant tes futurs projets d'avenir, justement. Ne te précipite pas pour ton avenir et, même si je sais que tu as l'intention de te destiner à la Coordination en te spécialisant dans les Pokemon Vol, cette carte est là pour te signaler qu'il y a d'autres ouvertures possibles et te rappeler d'ouvrir les yeux concernant ton futur professionnel, pour ne pas le regretter ensuite. Alors ne te précipite pas. Idem, quand tu auras atteint ton Grade 4, réfléchis bien au Pokemon que tu demanderas ou non au Collectionneur.
Pas comme Salomé qui avait demandé un Feuforêve pour l'abandonner un an plus tard dans une réserve Ranger.
Vraiment, la rousse aurait aimé que les cartes la guident plus tôt. Au lieu de cela, elle faisait des tirages pour les autres, et cela l'amusait toujours un peu de tenter d'interpréter ce qu'elle avait sous les yeux. Même si elle n'excellait pas, elle faisait de son mieux, et personne n'était encore venu se plaindre.
– Je peux difficilement t'en dire plus, ta question était assez vague alors j'ai essayé d'être un minimum générale sur le sujet.
Granny aurait sûrement fait mieux mais Salomé n'était pas Granny, c'était là tout son drame depuis très longtemps.
La rousse passa sous silence le sarcasme de la verte, ce n'était pas le premier de la journée, et ce ne serait certainement pas le dernier. Elle ne put s'empêcher de la reprendre sur un détail malgré tout :
– J'ai pas improvisé ; j'ai interprété. C'est différent. Etonnant qu'une Coordinatrice comme toi ne soit pas si familière que ça de la Communication.
Salomé laissa là sa pique respective pour écouter les directives d'Ana concernant ses deux prochains clients : Miguel et Miriam. Cela restait des histoires de famille et la Médecin n'appréhendait pas ce moment, là où d'autres auraient pu se sentir gênés face à leur ex belle-famille. Salomé, elle, tentait d'être professionnelle un minimum, et, à défaut de faire honneur à Sheeana, elle le faisait avant tout pour Granny.
Mais son professionnalisme laissait tout de même à désirer et elle se contenta de hausser les épaules face à la demande d'Ana. Elle pouvait bien faire ce qu'elle préférait ; rester ou partir, peu lui importait.
– C'est ton choix, pas le mien. Si tu veux les espionner, reste. Compte pas sur moi pour te chasser, déclara Salomé, y a de la place sous la table pour que tu t'y planques, sinon, t'as qu'à filer par la fenêtre, juste là. Moi je vais chercher Miriam, t'as quelques instants pour te décider.
Cette décision ne lui appartenait pas.
Là-dessus, la rousse se leva, droit vers la porte où elle avait abandonné le restant de la famille Haere, s'approchant du coin où chacun patientait, en espérant qu'ils n'aient pas trouvé le temps trop long.
Pauvre Miguel qui serait le dernier à passer et qui devrait attendre encore une vingtaine de minutes avant que son tour ne vienne.
Le duo n'avait pas bougé, discutant l'un avec l'autre tandis que Salomé s'immisçait dans leur conversation pour inviter Miriam à la suivre. La rousse balaya la pièce des lieux, se demandant bien ce que l'Alolienne avait pu chosir ; partir ou rester ? Elle s'en rendrait bien assez vite compte.
– Installe-toi, on va commencer. Je peux te tirer les cartes, lire ton avenir dans des feuilles de thé, dans tes lignes de la main ou dans la boule de cristal que tu vois là, répéta-t-elle comme précédemment, y a pas de méthode meilleure qu'une autre.
Y en a juste que Salomé maîtrise plus que d'autres.
Mais cela, la rousse se garda bien de le préciser cette fois-ci.
– Je veux bien tenter les feuilles de thé !
La rousse se redressa, allant faire bouillir de l'eau, apportant tasse et soucoupe qu'elle posa en face de Miriam ainsi que les feuilles qui n'attendaient plus que l'eau encore frémissante. Cette dernière fut versée délicatement dans la tasse où les feuilles de thé vert reposaient. Le tout infusait pendant trois minutes avant que Salomé ne reprenne la parole :
– Tu peux boire en réfléchissant à la question que tu te poses mais laisse un fond, quand ce sera bon, t'auras plus qu'à tourner la tasse trois fois dans le sens des aiguilles d'une montre en faisant gaffe à ce que les feuilles touchent bien le rebord de la tasse. Après, t'auras juste à renverser le liquide restant dans la soucoupe juste là.
Ce qu'il y avait de bien avec cette pratique divinatoire, c'était que toute la mise en œuvre n'était pas du ressort de Salomé mais du client qui se retrouvait à manipuler lui-même la tasse et le thé qui allait avec. Salomé, elle, n'aurait plus qu'à interpréter, comme toujours.
Et Salomé savait déjà que la brune se questionnait concernant sa relation de couple, du moins d'après Ana.
Miriam tendit la tasse à Salomé qui se retrouva face à différents symboles tous plus obscurs les uns que les autres. Il allait falloir qu'elle fasse preuve de discernement et d'instinct pour y lire quelque chose, c'était là toute la difficulté.
La rousse se concentra, apercevant ce qui semblait être le premier symbole d'une longue série. Un Gruikui. En haut des parois, le plus proche possible de l'anse. La rousse commençait avec un futur proche, plus que proche.
– Je vois beaucoup de fidélité. De ta part et de celui qui t'accompagne dans la vie.
Oh tiens un Lixy au fond des parois. Cela terminait bien.
– Il va y avoir une rupture. Amicale, professionnelle ou amoureuse mais clairement, tu vas te séparer de quelqu'un qui compte beaucoup pour toi. C'est assez éloigné dans le temps, ça sera pas avant six mois facile.
Et là, le doute.
Voyait-elle trois ou quatre Etourmi ? À un chiffre près, c'était une prédiction différente qu'elle devait annoncer. Même si les deux avaient de quoi réjouir le cœur, surtout après cette rupture annoncée, la rousse préférait éviter de fausses joies.
Alors elle allait devoir broder, et, comme toujours, tenter de marcher sur les traces de Grnany sans jamais réussir à l'égaler.
– Malgré tout... Il va y avoir un heureux événement d'ici un an et demi. Très heureux, même, fit-elle de manière floue pour ne pas se risquer à dire n'importe quoi, qui va tous vous réunir ; toi, Miguel, Ana ainsi que le restant de ta famille.
Trois ou quatre Etourmi. L'avenir le lui dirait.
Nul doute que dans un an et demi, Salomé serait là pour vérifier quelle prédiction était la bonne.
Maintenant, il n'y avait plus rien à voir.
– Je te laisse réfléchir à tout ça sur le chemin du retour ; il faut que je m'occupe de Miguel maintenant.
La rousse raccompagna Miriam qui paraissait perdue dans ses pensées, et en semi état de choc par toutes ces révélations offertes par la rousse. Cette dernière ne s'y attardait pas, accueillant déjà Miguel dans son antre. Et se préparant à se répéter une nouvelle fois, la dernière fois pour Ana et sa famille.
– À ton tour, Miguel. Je peux te tirer les cartes, lire ton avenir dans des feuilles de thé, dans tes lignes de la main ou dans la boule de cristal que tu vois là, répéta-t-elle comme avec Miriam de manière quasi mécanique, dans tous les cas, ça sera fiable.
Enfin, plus ou moins.
Le garçon réfléchit. Hésite. D'accord, il était le dernier à passer mais tout de même, Salomé n'avait pas toute la journée à lui accorder. Enfin, il finit par se décider.
– Les lignes de la main !
Super.
Au moins Salomé se serait entraînée à presque toutes les pratiques divinatoires rien qu'avec la famille d'Ana. Si seulement le copain de Miriam s'était ramené, elle aurait peut-être pu pratiquer la boule de cristal.
La demoiselle se saisit des mains du garçon, les étudiant tour à tour avant de passer ses doigts fins sur la paume de Miguel, lui montrant le tracé qu'elle suivait :
– Ça, c'est ta ligne de tête, et elle me dit que tu manques clairement d'ambition et de volonté pour tes études... T'as l'air un peu paumé, tu comptes trop sur Miriam pour t'en sortir, et tente de lui ressembler tant bien que mal... C'est clairement pas une solution sur le long terme, si tu continues comme ça, tu vas foncer droit dans le mur.
Cela mettait en confiance pour une première ligne. Plus qu'à espérer que toutes ne seront pas aussi joyeuses et éclairées que celle-ci, sans quoi le pauvre Miguel risque de rentrer avec un très mauvais souvenir de sa voyance.
Mais Salomé n'était pas là pour offrir de bons moments aux clients mais pour leur dévoiler leur avenir, radieux ou non.
– Là, c'est ta ligne de vie et elle m'indique que tu tombes assez facilement amoureux. Tu devrais aussi prendre plus de temps pour toi, essayer de te recentrer sur toi. T'as déjà pensé à la méditation ou au yoga ? Car ça serait des pistes à explorer pour que tu te sentes bien.
Du yoga, il en avait sûrement quelques cours à la Pokemon Community, même s'il n'était pas dans le parcours Pokéathlète. Mais pratiquer ce sport en dehors des cours imposés ne lui ferait pas de mal, bien au contraire.
– Fais attention en amour, t'es tellement naïf que t'es pas capable de voir les défauts de ceux dont tu t'entiches, fit la demoiselle en parcourant sa ligne de cœur, alors reste un peu plus sur tes gardes car si tu continues d'être aveugle, tu risques de beaucoup souffrir. Et ta ligne est croisée, ce qui signifie que t'as de grandes chances de vivre une trahison sentimentale.
Que de bonnes nouvelles. Vivement la fin pour que Miguel puisse repartir plus traumatisé que jamais de cette séance. Toujours un plaisir que d'apporter un peu de joie et de bonheur dans la vie des simples mortels.
– Enfin, ta carrière sera ruinée par de mauvaises affections... Amitié, amour... Ça rejoint ce que je t'ai dit pour ta ligne de Coeur mais là ça concerne ta ligne de Destinée... Bref, c'est pas une bonne ligne que tu as là. Ça pue même beaucoup.
Sans déconner.
La rousse lâcha les mains du garçon, le laissant à ses pensées pendant quelques instants, au moins le temps qu'il reprenne pied avec la réalité. Ce n'était pas tous les jours que la demoiselle annonçait tant de catastrophes à un même sujet.
Miguel excellait au moins dans ce domaine.
Elle le vit quitter la pièce, quelques peu tremblotant.
Salomé, elle, se contenta de vérifier si Ana avait suivi toute la séance depuis la cachette qu'elle lui avait indiquée.
Ana était bel et bien là, tapie comme un rat.
La rousse ne l'aurait pas cru espionne sur les bords mais elle préférait ne pas s'en soucier et s'abstenir de faire la moindre remarque à ce sujet ; après tout, c'était Salomé la première qui l'avait laissée faire.
Salomé n'était pas là pour être tendre et pour une fois, elle avait essayé de faire preuve d'un minimum de tact et de délicatesse, conformément aux conseils d'Idalienor. Mais il fallait croire que cela ne suffisait pas, ou qu'elle n'était pas faite pour prendre des pincettes, elle qui criait la vérité nue à qui voulait l'entendre.
– Il reviendra pas de sitôt pour connaître son avenir, c'est sûr, soupira la demoiselle, mais quelle idée de choisir la chiromancie aussi !
Et un client en moins pour Sheeana.
De toute façon, ce n'était pas tous les jours qu'Ana et sa famille passait par ici, loin de là. Cette visite était une exception, sans oublier que le camp de Salomé finirait bien par se remettre en mouvement, ils n'allaient pas passer leur vie entière par ici, encore moins sur Kalos. Cette région commençait à agacer Salomé.
Pourtant, elle savait qu'elle devrait y retourner, au moins pour chercher Faulkner.
Il n'y avait plus qu'à attendre les vacances car ce n'était pas ces deux misérables jours qu'elle avait devant elle qui lui offriraient la moindre opportunité.
De toute façon, elle n'était pas encore prête pour le retrouver, comme elle l'avait si bien annoncé à Ana.
La Givrali laissa la Mentali s'en aller pour retrouver sa famille et sûrement partager avec eux sur cette voyance. Salomé, elle, n'avait toujours pas bougé tandis que l'ombre de Sheeana avait fini par pénétrer la pièce aux tentures sombres, s'approchant de la demoiselle pour prendre place face à elle.
– Je sais pas ce que tu leur as raconté mais le gamin avait l'air plus que déprimé. Tu lui as annoncé sa mort prochaine ou quoi ?
Salomé éclata de rire.
Elle n'avait pas songé à parler de son existence de vie à Angel, sans quoi sa mine aurait été bien plus attristée encore. Pourtant, il y avait encore énormément de choses à dire à partir de la simple étude de ses mains, des nouvelles plus sinistres les unes que les autres.
Ce n'était pas aujourd'hui qu'elle allait apporter un semblant de joie dans le cœur des clients de Sheeana.
La Médecin jouait avec ses mains de façon maladroite tandis que l'air était toujours plus imprégné d'encens, pendant que l'arôme d'Ana paraissait habiter cette pièce durant encore quelques instants, se mêlant aux notes ambrées familières.
Mais Ana était partie.
Et Salomé allait bientôt suivre son exemple.
– Je ne reviendrai pas pour l'été, déclara finalement Salomé, j'irai juste chercher Faulkner mais sans passer par ici.
Et deux semaines plus tôt, elle parlait de sa possibilité de rester le plus longtemps possible auprès de Sheeana et des siens pendant ces longues vacances. Elle le comprenait maintenant, elle n'avait dit cela que pour rassurer son aînée et lui faire plaisir sur le moment. Mais à elle, ça ne lui plaisait pas, loin de là.
Elle avait grand besoin de s'éloigner de cet environnement trop fréquenté pendant presque un semestre. Elle étouffait et ne savait plus comment respirer, ni où.
L'été serait son échappatoire.
– Tu y tiens encore... après ce qui s'est passé hier ? demanda la jeune femme en pointant du doigt la blessure de la rousse dissimulée par l'attrape-rêves, ça, ça arrivera à nouveau.
Les lames jumelles avaient fait leur office et Salomé pouvait difficilement l'oublier. Quiconque regardait avec attention pouvait croiser le regard des fines cicatrices qui auréolaient sa gorge. Elle se contenta de hausser les épaules.
Elle allait se répéter.
Mais ce n'était pas grave.
– Je te l'ai déjà dit ; on n'a toujours pas fini de danser, lui et moi.
Il n'y avait que Salomé et Faulkner pour savoir ce que cela signifiait véritablement.
Là-dessus, la rousse se leva, abandonnant cette chaise qu'elle avait trop usée aujourd'hui, se préparant à retrouver l'air frais de l'extérieur.
Et, derrière elle, la porte de la caravane saccagée par des lames jumelles familières.