Un parfum de jasmin et de fleur d’oranger emplit l’air alors qu’elle s’approche.
Ni grande ni petite, elle est très élancée. Ses jambes semblent interminables et sa taille donne
l’impression qu’une étreinte trop puissante suffirait à la briser.
Son visage d’un ovale discrètement irrégulier est aussi pâle qu’un jeune pétale de rose. Il est orné de
grands yeux noisettes qui pétillent bien plus rarement qu’autrefois, malgré le sourire rassurant
qu’elle continue d’arborer devant les autres. Une longue cascade aigue-marine habille l’ensemble et
court jusqu’au creux de ses reins.
Elle ne porte jamais rien d’extravagant. Adepte des tons chauds, elle aime le brun, le chocolat, le
rouille, le rose et l’ocre. Lorsqu’elle se promène, elle aime porter des jupes plissées ou des
pantalons à taille haute, agrémentés d’une chemise en dentelle blanche ou d’un t-shirt vaporeux.
Lorsqu’elle travaille, elle privilégie la praticité. Elle ne se sépare jamais de sa combinaison de
travail, de ses lunettes, de ses gants et de ses bottes de sécurité.
Ce n’est pas un détail qui saute aux yeux si on ne la côtoie pas régulièrement, mais elle ne porte
jamais de décolleté ou de vêtement qui révèle son buste ou son ventre. Elle refuse de dévoiler la
ligne écarlate qui court de son sternum à son plexus solaire ainsi que l’énorme cicatrice vallonée en
forme d’étoile qui macule sa hanche droite.
Avenante et douce, elle met les autres à l’aise et n’est pas réellement difficile à aborder. Cependant,
ce sera une toute autre paire de manches pour parvenir à l’amener à parler de ce qui lui pèse sur le
coeur. Elle rit, court, saute et chante souvent, c’est une boule pleine de vie et de dynamisme que rien
ne semble pouvoir arrêter. Elle semble continuellement de bonne humeur au point que même la pire
des journées ne saurait lui ôter son sourire.
Pourtant, elle n’est pas étrangère à la mélancolie. Mais son passé l’ayant habituée à cacher son mal-être
par peur de l’abandon, ceux à qui elle osera dire que quelque chose ne va pas se comptent sur
les doigts d’une main.
Malgré une scolarité chaotique, elle est intelligente, studieuse et appliquée. Elle a toujours réussi à
se maintenir dans les têtes de classes ou à avoir des résultats suffisants pour valider ses cours à
distance avec des mentions. Sur son temps libre, elle passe beaucoup de temps à lire, à chanter ou à
danser. Elle fait également un peu d’aquarelle et crée ses toiles d’après nature.
Childhood DreamsJanet est née au début de l’été à Poivressel dans un élevage de Pokémons, fruit de l’amour d’Anita
et Peter Collins. Dès son plus jeune âge, la petite fille fut entourée par ces créatures surprenantes et
grandit avec eux, s'amusant à monter sur des Ponytas, à plonger avec des Tiploufs ou à jardiner avec
des Tortipouss. La fillette avait un don pour se rapprocher de ces créatures mystérieuses. Même les
plus hargneuses se laissaient faire quand la gamine, haute comme trois pommes, essayait de leur
grimper dessus.
Une enfant épanouie, des affaires florissantes, un couple uni... La famille Collins avait tout pour
réussir, jusqu'à-ce qu'une ombre ne vienne ternir le tableau.
L'année de ses sept ans, Janet tomba malade. Ce qui, au début, ne se déclarait que par des quintes de
toux persistantes se mua en un cancer dévastateur qui diminua de trois quart sa capacité respiratoire.
Cette affection l'obligea à rester en soins intensifs dans l'hôpital de Poivressel pendant presque deux
ans, pendant lesquels elle ne pouvait que très rarement sortir. Plusieurs fois on crut que son souffle
allait se suspendre à jamais.
Ses amies, toujours là au début de sa convalescence, vinrent la voir de moins en moins souvent. Sa
maladie faisait peur, elle rappelait à tous à quel point l'homme était fragile et mortel, quelque soit
l’âge. Alors que tout espoir semblait perdu, le chirurgien décida de procéder à une dernière
opération de sauvetage. On avait trouvé des poumons compatibles à plus de 97%, c'était le moment
ou jamais de tenter une greffe. L'opération dura presque une journée entière, une journée pendant
laquelle la famille pria dans les couloirs de l'hôpital, une journée pendant laquelle le temps semblait
s'être arrêté.
Alors que la nuit tombait sur la ville, le médecin ressortit, les traits tirés mais un sourire sur le
visage. La petite était sauvée.
Ainsi, Janet put enfin retourner chez elle et reprendre une vie normale, progressivement. Ses parents
s'éloignèrent de la ville pour un petit village de campagne, Rosyères, bien moins pollué. Ayant
perdu ses amis à l'annonce de sa maladie, elle se garda bien d'en parler à ceux qu'elle rencontra par
la suite et s’efforça à toujours paraître heureuse, consciente que les personnes tristes n'attiraient pas
la sympathie.
Malgré sa santé fragile qui l'empêchait de faire du sport intensif et de sortir lorsque la pollution était
trop importante, elle réussit étonnamment bien à l'école, s'appliquant deux fois plus que les autres
pour compenser ses périodes d'absences régulières.
Quand elle eut quinze ans, les symptômes de sa maladie avaient diminué sensiblement.
Elle présentait toujours une fragilité mais les médicaments la renforçaient de jour en jour ; elle était
prête à s'assumer toute seule. Quand vint le temps pour elle de choisir sa voie, sa famille se dirigea
naturellement vers l'Académie de l'île Lansat, située dans un milieu naturel, à l'air marin vivifiant et
globalement pur. C'était l'endroit rêvé pour elle.
Ce fut décidé, on l'y inscrivit. Son départ, prévu en septembre avait été retardé par une dernière cure
un peu plus longue que les autres pour s'assurer qu'elle tiendrait le coup. Ce fut dans le courant du
mois de mars qu'elle pris le bateau pour sa nouvelle vie.
Growing up SlowlySes années à Lansat furent loin d’être monotones. Accompagnée de Ginger, son tout jeune Évoli,
elle se jeta à corps perdu dans ce nouveau monde. Lors de sa première année, Elle retrouva
Leonidas, son ami d’enfance avec lequel elle avait grandi et duquel elle s’était séparée après son déménagement à Rosyères. Elle rencontra également Josh, un jeune dresseur rude mais franc, ami
de Léo. Le trio se construisit autour d’une amitié rivale et de vraie complicité. Ils partagèrent leurs
premiers cours, leurs premières missions, leurs premiers émois.
Janet tomba pour Léo autant qu’il tomba pour elle, malgré la jalousie de Josh qui avait également
développé un certain sentiment possessif à son égard. Jeunes et impressionnables, à peine sortis de
l’enfance, ils passèrent l’année scolaire à se tourner autour avant de s’avouer enfin ce qu’ils
ressentaient. Janet dû cependant repartir, ses poumons ayant été à nouveau endommagés par un
incendie qui s’était tenu au cirque des boulons et qui avait failli coûter la vie à plusieurs étudiants.
Éloignée de son école pendant une nouvelle année, elle perdit contact avec ses proches. Son histoire
naissante fut tuée dans l’oeuf et quand elle poussa une nouvelle fois les portes de l’académie de
Lansat, tout avait changé.
Léo l’avait oubliée pour une jeune femme appelée Estelle, puis pour une Calliope. Ses amis
n’étaient plus là. Seul Josh semblait le même, bien qu’ayant traversé des épreuves qui l’avaient
durablement changé physiquement. Il l’épaula et la remis sur pied une nouvelle fois, alors qu’elle
tremblait encore. Ainsi, Janet grandit et regagna de la confiance en elle. Elle s’autorisa à nouveau à
aimer, à pardonner, à rire et à faire rire les autres.
Ginger, qui avait grandi avec elle tout ce temps, se changea en superbe Nymphali. Elle fut la
première membre d’une équipe qui s’agrandit au fil des rencontres, des sorties et des entraînements.
Janet parvint à mettre sur pieds une équipe performante, taillée pour l’archéologie. Bien sûr,
certains trublions lui donnèrent du fil à retordre mais son starter était toujours là pour l’épauler dans
ses moments de doute, en l’enlaçant dans ses rubans avec tendresse. Elle avait bien grandi, elle
aussi… Elle était bien loin de la frêle évoli qui avait manqué de passer sous les pattes d’un Ursaring
par excès de curiosité !
Ce fut trois ans de bonheur. Trois ans de larmes. Trois ans de doutes. Trois ans de rires. Trois ans
d’aventure, qu’elle partagea avec Ginji, Josh, Ariania, Lyra, Idaliénor, Nathan, Rodrigue, Sirius,
Cadence et Nolan. Ses derniers moments à l’Académie furent particulièrement riches, elle participa
à un club de musique en tant que chanteuse et anima plusieurs petites fêtes. Enfin elle avait trouvé
sa place, son équilibre.
L’été, cependant, arriva bien vite et balaya de son implacable chaleur ces heures printanières.
Le désastreux incendie d’un tout nouveau laboratoire installé à côté de l’Académie signa le début
des grandes vacances. Janet s’était portée volontaire parmi d’autres étudiants pour évacuer les
pokémons du centre et sécuriser la zone, en attendant un renfort des pompiers.
Tout aurait pu être différent si elle s’était tenue quelques dizaines de mètres plus loin. Si elle était
rentrée plus tôt chez elle. Si elle avait choisi de s’occuper des plus jeunes élèves au lieu de
s’engager près du brasier.
Une étincelle dans une section du laboratoire emplie de produits chimiques s’avéra suffisante. Une
explosion dévastatrice secoua le centre et emporta plusieurs pokémons et élèves dans ses flammes.
Janet et Ginger reçurent les flammes et les vapeurs toxiques de plein fouet. Quelqu’un, une jeune
fille, les tira de l’enfer avant qu’il ne soit trop tard. Elle n’eut pas le temps de voir son visage. Elle
se rappela seulement d’une chevelure de feu. À moins qu’il ne s’agisse de l’enfer qui se déchainait
autour d’elle ?
Ce fut la dernière image qu’elle garda de Lansat.
No Last GoodbyeOn rapatria Janet à Hoenn en urgence, placée sous respirateur et en coma artificiel. Les vapeurs
toxiques avaient remis en danger ses poumons et les chirurgiens de l’hôpital de Poivressel
s’acharnèrent à la garder en vie. Sans en avoir conscience, la jeune femme passa de longs jours aux
portes de l’Autre Monde alors que ses parents se mortifiaient encore une fois d’inquiétude. On
proposa en désespoir de cause un traitement nouveau, impliquant ses propres cellules souches. Si
leur potentiel régénérateur pouvait être activé, elles se chargeraient de réparer les zones perdues,
voire de régénérer entièrement son organe. En absence d’une nouvelle possibilité de greffe, c’était
l’unique solution qui pouvait éviter à l’adolescente un destin tragique.
L’été passa, puis l’automne. Alors que les premières neiges de l’hiver recouvraient la fenêtre de la
chambre de l’hôpital, elle rouvrit enfin les yeux. Elle avait maigri, ses cheveux s’étaient étendus sur
son corps comme des lianes. Ses muscles ne la portaient plus.
Les premiers temps, tout fut blanc, flou et cotonneux. Elle reconnaissait ses parents, elle entendait
leurs voix mais elle était incapable de comprendre ce qu’ils disaient. Elle ne parvenait pas non plus
à se rappeler de comment elle avait atterri ici.
Le manteau immaculé s’épaissit sur la pelouse de l’hôpital alors que la jeune femme réapprenait à
vivre. Cette longue période de torpeur semblait avoir effacé toute la mémoire de son corps. Un geste
aussi simple que saisir une cuillère lui demandait des efforts qu’elle n’aurait jamais imaginé devoir
fournir. Au fil des semaines, la névé diminua et son corps redevint sien.
Lorsque les premiers bourgeons s’éveillèrent au soleil, elle quitta enfin le bâtiment gris, perdue dans
des vêtements trop grands pour elle, soutenue par une canne et le nez saturé de l’odeur de
l’antiseptique.
Lorsque la voiture de son père s’arrêta devant l’élevage, une marée de pokémons s’abattit sur elle.
Aucun ne l’avait oublié malgré la séparation. Shelley, Ionesco, Lovecraft, Colette, Olympe, Sand,
Brontë… Ils étaient là, à la couvrir de toutes les attentions possibles, à témoigner leur affection à
grands renforts de cris.
…Tous ?
-
Papa… Où sont les autres ?Il sembla déglutir difficilement. Avec douceur, il l’invita à s’asseoir sur un banc et soupira.
-
Eh bien… Alaïa et Destrock ont été portés disparus après l’incendie… Je suis désolé mon
poussin, nous avons fait tout notre possible pour les retrouver.Les yeux de l’étudiante s’humidifièrent. Elle s’en voulait de n’avoir pas su les garder en sécurité.
Mais ils avaient sans doute pu trouver une tribu, un groupe pour les accueillir parmi les pokémons
enfuis du centre… Peut-être même qu’un nouveau dresseur les avait adoptés ?
Mais il manquait toujours quelqu’un à l’appel.
-
Et… Et Ginger papa ?Les yeux de Peter s’assombrirent et ses mains se tordirent. Il observa sa fille, ses traits tirés, son
ossature fine qui pointait sous sa peau par endroit. Elle avait enduré tellement, elle était toujours en
vie après tout cela… Pourquoi fallait-il qu’il lui assène le coup de grâce ?
-
Écoute ma chérie… Ginger… Ginger est morte peu de temps après ton hospitalisation. Les
infirmières du centre ont tout essayé pour la secourir mais elle a été trop brûlée et son
empoisonnement aux gazs était beaucoup plus sévère que le tien…Janet ouvrit de grands yeux incrédules. Elle ne pouvait pas croire ce qu’elle venait d’entendre.
Ginger ne pouvait pas avoir disparu. C’était impossible ! Elle qui avait survécu à tant de choses, qui
s’était échappée des griffes d’un Ursaring, celle avec qui elle avait exploré des ruines et réalisé ses
premiers travaux d’archéologue, celle qui avait soigné sa peine toute les nuits et la rassurait dans ses
cauchemars… Non, Ginger était éternelle, son père lui mentait de façon éhontée.
Devant le regard éperdu de sa fille, Peter se sentit obligé de la prendre dans ses bras.
-
Je suis désolé Janet je… Je te promet qu’elle n’a pas souffert…C’était faux, il lui mentait, elle le savait. Ginger était partie seule, brûlée, sans pouvoir respirer,
lentement empoisonnée. Elle avait rendu son dernier souffle sans personne pour la rassurer, parce
qu’elle avait été trop faible pour se réveiller à temps et la sauver !
Le monde tangua autour de Janet. Elle commença à imaginer que son pokémon aurait pu survivre,
mais s’était laissé mourir de désespoir parce qu’elle tardait à revenir.
L’adolescente se laissa tomber de son banc, rattrapée in extremis par son père, dans les bras duquel
elle éclata en sanglots. Ses cris déchirants transpercèrent le ciel alors qu’un puit sans fond se
creusait au fond de son coeur.
Back to LifeLe printemps qui suivit fut maussade. Janet ne put se résoudre à se rendre sur la tombe de son
starter. Elle aurait pu passer des jours entiers à se morfondre, à regarder les heures s’égrener sans
rien faire, simple spectatrice de sa propre existence.
Oui, elle aurait pu se laisser aller, se laisser mourir et rejoindre Ginger dans le monde meilleur
auquel elle appartenait sûrement à présent. Mais cela n’aurait pas été juste pour tous les autres. Tous
ceux qui avaient survécu et qui avaient attendu si longtemps son retour. Elle ne pouvait pas les
abandonner. Elle ne le voulait pas. Ginger ne l’aurait pas voulu.
Alors elle choisit de reprendre ses activités de dresseuse scientifique, pour le bien de ceux qui
restaient. Revenir à l’académie était trop douloureux, alors elle s’entraîna en suivant des cours à
distance, passa ses examens et valida ses diplômes. Lorsque les feuilles tombèrent à nouveau des
arbres, elle partit pour sa première fouille en chantier archéologique, sous la tutelle d’un
archéologue brillant - mais quelque peu lunatique - qui habitait la région de Rosyères.
Le professeur Wyvern fut rapidement impressionné par le zèle de l’adolescente aux cheveux bleutés
et sa capacité à coordonner son équipe de pokémons pour déterrer fossiles et objets anciens de leur
chape de terre millénaire. Il choisit de la prendre comme assistante personnelle sur ses chantiers de
fouilles et essaya tant bien que mal de la motiver à reprendre contact avec la réalité, à revoir des
étudiants de son âge.
Elle avait décidé de se tenir éloignée des autres, par peur de tout perdre à nouveau. Effrayée par le
potentiel d’un drame qui ruinerait encore une fois les liens qu’elle avait pu construire, elle trouvait
plus simple de ne rien construire du tout.
Pourtant, au fur et à mesure que l’année avançait, le professeur Wyvern parvint petit à petit à faire
céder ses barrières. Il la motiva à partir avec son équipe sur un tout nouveau chantier de fouilles sur
l’île d’Adala, sous la condition qu’elle reprenne ses études au sein de l’académie locale. Un tout nouvel établissement qui avait emménagé depuis peu. Lorsque les initiales PC s’affichèrent sur
l’écran de son ordinateur, elle faillit tout lâcher et quitter son emploi le lendemain.
Mais… Tout cet enchaînement d’événements ne pouvait pas simplement être dû à un hasard cruel.
Et si… Et si quelqu’un, là haut, essayait de lui dire quelque chose ? Et si c’était un signe, un
nouveau coup de coude du destin pour la guider dans la bonne direction ?
Elle n’avait plus rien à perdre au fond. Alors elle signa.
Alors que l’été finissait sa lente course, Janet accosta sur l’île d’Adala et poussa à nouveau les
grilles de l’académie, deux ans après.