Enzo n’a jamais été du style à regretter. Enzo ne regrette pas. Les décisions qu’il prend, les choix qu’il saisit, les routes qu’il emprunte, il n’en regrette aucune.
Il n’en regrette aucune et a décidé qu’il n’en regretterait aucune le jour où il a quitté le village qui l’a vu naître, le jour où il a rencontré la femme de sa vie pour la toute première fois.
Enzo fait partit des insouciants, des optimistes, des rêveurs. Enzo n’a jamais été très terre à terre, il n’a jamais été du genre à planifier, à réfléchir, à étudier. Enzo ne sait pas ce qu’il fera dans 10 ans, dans 10 mois, dans 10 jours. Il ne sait même pas ce qu’il fera dans 10 heures.
C’est comme ça qu’il aime vivre. Au jour le jour, à l’heure l’heure. À la minute la minute même. Enzo n’aime pas réfléchir au temps qui passe et aux implications. Enzo n’aime pas les conséquences et les embrouilles. Enzo, Enzo s’échappe.
En permanence. À chaque instant.
Enzo c’est l’air ou bien l’eau. Imprévisible et changeant et dansant et jamais vraiment immobile. Il est jamais vraiment tout à fait là et toujours son esprit vagabonde quelque part dans quelques dimensions extraordinaires. Et tout ce qu’il fait, chaque choix qu’il décide de faire n’est que dans l’objectif de pouvoir le faire, encore, encore, encore.
Quitter Pacifiville et Dame Fortune fut un déchirement comme un soulagement pour Enzo.
Sentir le vent lui gifler le visage comme il ne peut le faire que lorsqu’on se tient à la proue d’un bateau fut une véritable révélation. Le moment où Enzo a réalisé que il l’avait fait. Il était partit. Pour de bon.
Il n’avouera probablement à personne que ce jour là, ses joues se sont couvertes de larmes. Il laissait alors tout ce qu’il connaissait derrière lui. Il laissait le pauvre garçon qui ne s’était jamais vraiment intégré à la communauté de l’île et malgré le contact presque régulier qu’il a maintenu avec Dame Fortune … jamais il n’a demandé des nouvelles.
De qui que ce soit.
Pas même de ses parents.
C’est probablement parce qu’il y a cette vilaine certitude que son départ les a soulagé d’un poids immense. C’est probablement parce qu’il sait bien que ces parents n’ont jamais été ses parents et qu’il a toujours été un peu trop différents pour qu’il s’intègre harmonieusement dans la petite mécanique bien roulée de Pacifiville.
Alors à peine a-t-il posé un pieds en dehors de l’île qu’il embrassait cette embarrassante différence à plein bras. Sa peau trop pâle pour un natif du village, ses cheveux trop colorés, son manque de tact et son étrange sarcasme. Il a tout accepté à bras ouverts. Il a tout accepté et il a sourit et il a été heureux.
Sans attache. Sans compte à rendre à qui que ce soit. Il s’est taillé un chemin dans la vie là où il n’y en avait pas pas. Il s’est taillé une place dans un monde qui ne voulait pas de lui. Enzo est une tête de mule. Il est obstiné et bien décidé à faire ce qui lui plaît.
Et c’est exactement ce qu’il a fait.
Jusqu’à ce qu’elle arrive. Avec ces longues mèches rouges et ses yeux vert d’eau, Enzo est tombé amoureux et toutes les attaches dont il s’était libéré sont revenues le hanter. Elle l’a, sans s’en rendre compte et c’est bien ça le pire, enchaîné à elle. Elle a apprivoisé la bête sauvage. Elle a réussit à le garder auprès d’elle. Elle a réussit à …
Elle a réussit à le faire rester.
Elle a réussit à l’attacher.
Et Enzo, malgré tout l’amour qu’il lui portait et qu’il lui porte peut-être encore un peu … il n’arrive pas vraiment à lui pardonner. Même après toutes ces années et cette connaissance profonde qu’il est le connard dans l’histoire, celui qui blesse au lieu d’être blessé, celui qui part sans dire un mot, celui qui est lâche et qui s’enfuit.
Enzo …
Enzo est celui qui a tout gâché.
Et Enzo ne regrette pas une seule seconde.
Quitter Ilea fut un déchirement comme un soulagement et il ne le reconnaîtra probablement jamais mais ce soir là, ses joues se sont, à nouveau, couvertes de larmes.
Longtemps, Enzo a erré. Longtemps, il s’est demandé s’il y avait quelque chose de mauvais en lui. Quelque chose qui ne marche pas, quelque chose qui ne fonctionne pas. Il est si différent, si réticent à l’idée de s’attacher. Romantiquement, amicalement, toute forme d’attachement lui semble si lointaine et si, si compliquée. Trop compliquée. Les efforts ne valent pas la chandelle et s’attacher à quelqu’un signifie lâcher la liberté qu’il a tellement attendue.
Alors Enzo couche à droite à gauche. Enzo se ballade et rencontre des gens avec qui il reste une nuit ou quelques semaines. Puis Enzo s’en va et si aucun attachement ne va aussi loin que celui qu’il avait pour Ilea … la question tourne et tourne dans sa tête.
Est-il normal ?
Il y a forcément quelque chose de pas tout à fait net en lui, quelque chose de profondément différent des autres. Une envie et un besoin de liberté simplement plus grand, plus fort que tout le reste. Alors lentement, alors qu’il accepte lentement la présence de son starter à ses côtés, Enzo accepte cette nouvelle différence et il l’embrasse.
Il ne s’attache pas et il en bien heureux. Il ne se laisse pas le temps de s’attacher à l’exception des pokémons qui forment désormais son équipe. Ça comble quelque peu le besoin d’être important pour quelqu’un tout en limitant les risques de tomber comme il est tombé avec Ilea.
Puis Enzo a la bonne idée de poser le pied sur Adala.
Et Enzo rencontre Caro’. Caro lui ressemble pas mal. Elle a ce même besoin de liberté, ce besoin de ne pas s’enchaîner à qui que ce soit. Il comprend, elle comprend et ça marche bien.
Enzo part à droite à gauche, visiter quelques endroits plus ou moins lointain mais à la fin du voyage, il rentre à la maison. Pour la première fois depuis des années, depuis qu’il a quitté Pacifiville ou peut-être même depuis qu’il est né, il a un endroit, à lui, sa maison. Un endroit où il peut retourner quand il ne sait plus quoi faire, quand il ne sait plus quel endroit visiter. Juste une maison. Un appartement. Quelque chose qui a son nom. Une possession plus imposante qu’un vieux blouson en cuir ou des lunettes de protection. C’est stupide et ça devrait l’effrayer et c’est si, si, si douloureusement similaire à la situation avec Ilea mais pourtant …
ça ne l’arrête pas.
Quand Enzo pose le pied sur le Prince des Mers, son bras autour de la taille de Caro’ … Il sait que dans presque trois mois, il reviendra à Adala. Il retourna dans son appart’ miteux et il continuera de sortir avec Caro.
Enzo ne se prend pas la tête. Il ne réfléchit pas vraiment et il aime pas penser au futur. Il ne sait pas ce qu’il fera dans 10 ans ou dans 10 mois. Mais peut-être, peut-être qu’il sait où il sera dans 3.