CAROLINE LABELVI

« Au shaker, pas à la cuillère ! »

« -Pffffffffffffffffffffff. »

Une longue et dépitée expiration qui émane des lèvres de la blonde.

Il fait chaud, il fait bon, il fait jour, et pourtant, elle semble avoir toutes les raisons du monde de dépérir. Autour d’elle, les gens se prélassent et profitent du magnifique soleil qui rayonne sur le ponton du Prince des Mers, que ce soit en se reposant sur un transat, en se baignant ou en observant l’océan depuis le bord du navire.

Et elle, que fait-elle ? Rien. Accoudée au bar, sa joue calée conte le creux d’une main, elle toise tout ce beau monde avec une mine blasée. Mettre cette sublime capeline, ses lunettes de soleil et son deux pièces ne l’a visiblement pas aidé à s’enthousiasmer pour cette journée…

Elle s’est faite avoir. Honteusement avoir.

Il faut dire que le cadre lui a vendu du rêve. Un paquebot de luxe, pendant plus de deux mois, qui fait le tour du monde, avec son copain, sa colocataire, son petit frère et ses Pokémon... Ils allaient même s’arrêter chez elle ! Le tout pendant un été rayonnant ! Comment peut-elle s’ennuyer dans pareil contexte ?

C’est bien simple : enlevez la coloc et le copain qui bossent, le petit frère qui décide de quitter le navire, les escales qui sont espacées de dix jours longs à mourir, et… Vous obtenez une Caroline, affalée au bar, aux côtés d’une Lysian qui sirote tranquillement son jus de baie, un Coko qui profite du calme environnant, et d’une Nessie qui fait mumuse dans l’immense piscine.

Et elle, elle se fait ièch.

Genre, terriblement ièch.

Ce navire, elle en a tellement vite fait le tour ! En une semaine, son excitation et son impatience l’ont poussé à visiter chaque recoin. Maintenant, elle n’a plus rien à découvrir, et elle doit juste prendre son mal en patience, en l’attente que quelque chose d’intéressant se passe. En temps normal, quand ce genre de trucs arrive, elle prend le premier taxi qui passe pour aller voir ailleurs s’il y a plus d’excitation, mais… Là, elle est coincée ! A quel moment est-ce qu’elle a jugé bon de bêtement se cloisonner dans une boîte flottante ? Jamais Caroline ne s’est sentie aussi enfermée que sur le ponton d’un navire faisant le tour de la planète !

Elle ne peut même pas compter sur ses supérieurs pour lui apporter de quoi se distraire… Tout porte à croire qu’un paquebot de luxe est le cadre parfait pour des affaires d’espionnage, mais là, c’est le calme plat ! Après avoir mis à jour les magouilles de Hypotransport, les contrôles de sécurité autour de tous les navires se sont renforcés… Son job a littéralement contribué à ce qu’elle en ait moins !

Maintenant, elle s’ennuie de pied ferme.

On ne peut clairement pas en dire autant de ses Pokémon. Son cher starter savoure chaque moment d’inactivité de sa dresseuse comme il savoure un café d’exception : avec la satisfaction adéquate pour une chose aussi rare. Il ne l’a jamais caché, Coko aime le calme, Coko aime la sérénité, Coko aime se détendre, et Coko n’a certainement pas fait le bon choix de vie au moment de s’allier avec la blonde. Pour autant, dans l’instant présent, croyez-moi qu’il prend son pied. Ses moustaches se lèvent légèrement sous la pression d’un vent marin frais et revigorant, et la basse température de son café frappé lui permet de laisser le soleil chauffer sa carapace en toute impunité.

Et s’il n’est pas dit que Lysian profite autant de l’instant présent que le Mélokrik, elle est pourtant bien contente d’être là. Elle ignore exactement ce qui est contenu dans sa boisson, mais qu’est-ce que c’est bon ! C’est frais, c’est fruité, ça s’aspire tout seul et le tout est d’une onctuosité… ! D’autant que c’est bien plus sucré que ce que boit habituel son partenaire. Elle n’a jamais trop compris ce que Coko trouvait à ses cafés ultra amers… Dans tous les cas, elle est bien heureuse de s’être postée ici avec sa dresseuse. Elle tente d’ailleurs de le lui manifester en faisant joyeusement tinter sa clochette, mais Caroline semble n’en avoir que cure.

En parlant de n’en avoir rien à faire de tout, Nessie est probablement dans sa meilleure vie. Une piscine ! Quelle merveilleuse invention humaine ! C’est aussi grand qu’un lac, mais sans les remous ; c’est aussi frais que la mer, mais sans les vagues ; et puisque le tout est posé sur une embarcation qui se déplace d’elle-même, elle n’a même pas besoin de nager ! C’est comme se laisser porter par le courant, mais sans en ressentir la gêne ! Il y a bien quelques autres humains ou Pokémon qui nagent dans le même bassin, mais cela ne la dérange pas plus que ça de recevoir quelques éclaboussures. De manière général, Nessie n’a jamais prêté une grande attention à ce qui l’entoure, de toute façon…

Bref. Tout ça pour dire que, en dépit de l’excellent mood de ses compagnons, Caroline aimerait bien un peu de mouvement. Ou à défaut, un truc drôle, ou fun, qui puisse au moins l’amuser… Même l’histoire de quelques minutes. Honnêtement, cela lui suffirait. Elle est tellement désespérée qu’elle en vient même à se dire que, si Têtaclak faisait son apparition, là, maintenant, tout de suite, au moins elle prendrait un peu de plaisir à l’envoyer chier.

« -… »

D’ailleurs, il est où ?

Elle se redresse lentement en réalisant que son cher et tendre punching-b… Pokémon n’a pas donné signe de vie depuis un moment. Ce qui est assez… Inhabituel.

Voire même… Suspect.

… Oserai-je dire inquiétant ?

Pour autant, elle s’affale bien vite à nouveau. Elle n’a absolument pas la foi de le chercher. Pas ce truc, quoi. Et puis, elle le reverrait bien assez tôt, ça c’est sûr…

« -RAH MAIS CE N’EST PAS VRAI ! »

… Genre, maintenant ?

Elle hausse les sourcils en direction du barman qui jure depuis l’autre bout du comptoir. Pas très « chic » pour un paquebot qui prétend l’être. Mais la blonde a tôt fait de ne plus faire la maline en captant l’origine de son énervement.

« -A QUI APPARTIENT C ET OKÉOKÉ ? QUI A BIEN PU L’ENFERMER DANS LA GLACIÈRE ? »

…

Elle se lève d’un bond et recule de son tabouret en entendant les protestations du gérant, duquel elle se rapproche à grand pas. L’homme tient à bout de bras Têtaclak, la tête en bas et le corps intégralement recouvert de givre. Ainsi que… La bouche imbibée de sorbet. Et alors qu’il semble parti pour retourner à l’intérieur du paquebot et engueuler ses employés, Caroline intervient.

« -E… Excusez-moi ? Je… Crois que cette… Chose… M’appartient.  »

Elle lance un regard incertain à son Pokémon, qui paraît très heureux de la revoir.

… Non, en fait, il paraît toujours très heureux.

« -Oké ! »

Une envie pressante et bouillonnante de le jeter par dessus bord l’étreint, mais Caroline étouffe cette pulsion au profit d’un sourire désolé.

« -Je suis terriblement navrée, je… Je rembourserai les dégâts qu’il a pu occasionner !
-Oké !
-CE NE SONT PAS LES DÉGÂTS, LE PROBLÈME ! Il a mangé l’intégralité de notre réserve de glace !
-OKÉ !
-E-eh bien, je vous les rembourserai ?...
-Oké ?...
-Non, non, VOUS N’Y ÊTES PAS !
-Okéééééé ! »

Visiblement à bout de nerf, le pauvre homme tend Têtaclak à Caroline, qui s’efforce de le porter convenablement dans ses bras plutôt que de shooter dedans, tandis que son interlocuteur s’affale sur un tabouret.

« -Maintenant que la réserve est vide, je vais devoir courir à l’autre bout du navire pour aller en récupérer dans la salle froide ! Or je suis débordé, cela va faire depuis ce matin que je tiens le bar seul, je n’ai même pas encore eu le temps de manger, et il me reste des tas de boissons à préparer ! JE NE VAIS JAMAIS M’EN SORTIR !  »

Caroline cligne des yeux, dubitative. Il ne peut pas se contenter de mettre une pancarte « On n’a plus de sorbets » ? Certes, ça la fout mal avec une température pareille, mais… Ce n’est pas non plus la fin du monde… Si ?

En vue du désespoir de l’homme en face d’elle, il semblerait bien, pourtant. Après avoir levé les yeux au ciel, l’aînée Labelvi réajuste ses lunettes de soleil.

« -Si vous voulez, je vais vous les chercher, moi, ces glaces.  »

Il redresse subitement la tête, et lui lance un regard plein d’espoir.

« -V-vraiment ? Vous feriez ça ? »

Elle hausse les épaules, bien que visiblement toujours aussi ennuyée.

« -Ouaiiiis, sans problème. » elle sourit, narquoise « Je vous proposerai bien de prendre votre place au bar, mais je doute que- »

Cruelle erreur. Les yeux de l’homme redoublent de luminosité.  

« -OUI, EXCELLENTE IDÉE ! FAISONS CA !
-… Pardon ? »

D’un coup d’un seul bien plus motivé, il se lève, et entreprend de défaire son tablier.

« -Si c’est moi qui m’occupe d’aller récupérer les sorbets, je vais pouvoir en profiter pour manger et prendre une courte pause. » tablier défait, il le tend à Caroline « Tenez ! »

Cette dernière agite la tête de droite à gauche, un peu prise de court.

« -Non mais attendez, je plaisantais ! Et de toute façon, je n’y connais rien en préparation de boissons !
-C’est seulement le temps d’une petite heure ! Vous avez des fiches avec les diverses préparations et les pris juste en dessous des verres… Vous verrez, ce n’est pas compliqué ! »

Dubitative, Caroline se saisit du tablier (après avoir laissé tomber Têtaclak qui vient purement et promptement s’écraser par terre, dans l’indifférence la plus totale), et le toise sans plus de conviction.

« -Si vous me rendez ce minuscule service, je peux même faire abstraction des glaces ! Vous prenez juste les commandes des clients, vous les servez, vous enchaînez. Ok ? »

Dans la tête de Caroline, un rapide cheminement se fait. Elle a clairement la flemme d’aller se taper un aller-retour jusqu’aux réserves du navire pour transporter une énorme bassine de glace, et elle n’a toujours rien d’autre à faire de sa journée (en dehors d’une énième tentative pour noyer Têtaclak, j’entends). Et s’il lui est déjà arrivé de faire quelques « préparations » personnelles, jamais elle n’a réellement tenu de bar à cocktails… Cela peut être intéressant…

C’est pourquoi elle finit par passer le tablier autour de sa nuque, pour ensuite lever un pouce enthousiaste en direction de son employeur temporaire.

« -Je gère ! »

Sa réponse paraît lui convenir.

« -Parfait ! » il commence aussitôt à s’en aller « Je fais vite ! »

Caroline finit de nouer le tablier autour de sa taille, puis passe derrière le comptoir. En passant devant la paroi verglacée d’un réfrigérateur, elle prend le temps d’observer sa dégaine. La combinaison maillot deux pièces + tablier lui donne des allures de personnage féminin de manga typique des fantasmes adolescents… Ce qui lui arrache un sourire.

« -Je demande ce que penserait Zozo si je me ramène avec ce tablier… »

Mais pas le temps de niaiser. Apparemment, elle a du pain sur la planche ! Après avoir retiré son chapeau et ses lunettes de soleil, qu’elle juge inapproprié, elle se rapproche du centre et se fait aussitôt interpeller.

« -Excusez-moi, quand est-ce que nous sommes servis ?... »

Elle exécute aussitôt deux finger gun en direction des demoiselles, accompagnés d’un rictus assuré.

« -I’m on it !  »

Son regard balaie brièvement la partie dissimulée du comptoir. Il y a une feuille avec toute une liste de commandes, rayées d’en haut jusqu’à un peu plus de la moitié. Tous les autres noms indiqués doivent être les commandes ayant été passées mais non réalisées. Il y en a pas mal…

Elle doit maintenant trouver les ingrédients correspondants aux diverses préparations, bien qu’elle en connaisse déjà certains. Sa mère tomberait des nues si elle savait à quel âge Caroline a bu son premier mojito…

Rapidement, elle met la main sur une fiche qui récapitule les diverses boissons proposées par le bar.  Elle prend le temps de la lire dans son intégralité, puis… L’expédie plus loin, avant de taper dans ses mains d’un air satisfait.

« -Bien ! Et si je commençais ?... »

Donc, pour une Soupe Angevine, il faut un grand récipient dans lequel on mélange simultanément du vin mousseux, du jus de citron, du sirop de sucre de canne et du triple sec. Pour une Piña Colada, un mixer est nécessaire : il faut verser dans un blender du rhum blanc, de l’ambré, du jus d’ananas et du lait de coco… Pour un mojito, placer directement dans un verre des feuilles de menthe, avec du sucre et du jus de citrons. On pile le tout – une rare occasion où Caroline peut incognito faire usage de sa force –, puis on y ajoute le rhum, l’eau gazeuse, et… Vala !

« -La Soupe Angevine, c’est pour qui ?.. Tenez ! Et navrée pour l’attente ! Et c’est vous deux, qui avez commandé les verres de Piña Colada, du coup ?… Voilà ! »

Franchement, Caroline ne voit pas ce qu’il y a de compliqué. Avec agilité, elle exécute recettes sur recettes : le plus dur est d’enchaîner les différents modes de préparation. Quand certaines boissons ont besoin de voir leurs ingrédients réduits en purée, d’autres nécessitent un simple mélange au shaker, tandis que certains vont devoir passer par le mixer. Beaucoup d’ustensiles pour au final, juste mélanger des trucs… Mais ça amuse la blonde d’utiliser tous les accessoires et ingrédients à sa disposition.

Enfin, presque tous. Après avoir enchaîné les commandes et tenté de rattraper le retard, elle se rend rapidement compte que les mêmes outils et boissons sont régulièrement réquisitionnés, mais que d’autres… Semblent ignorés. Dans un instant d’accalmie, elle décide de s’y intéresser.

« -Du sirop… Au caramel ? »

Vraiment ? Il y a des trucs bizarres, dans ce frigo. Elle n’a même pas souvenir qu’il soit mentionné dans la liste des cocktails, donc… Ça doit être pour les demandes de sirop individuelles.

« -... »

Et si elle verse ça dans un tout petit peu de vodka, ça donne quoi ?


« -Cokooooo ? ♪ Celui qui fait battre mon kokoroooo ? ♫ »

Le Mélokrik redresse la tête avec prudence. Ça sent mauvais.

Et ses soupçons grandissent autant que s’écarquillent ses yeux lorsqu’il réalise que Caroline l’appelle depuis l’autre côté du comptoir. Il entrouvre la bouche pour lui dire quelque chose, mais sa dresseuse l’interrompt.

« -Je t’ai préparé un café ! Tiens, dis moi ce que tu en penses. »

Elle fait glisser vers lui une coupelle. Il observe la tasse, regarde Caroline, fixe la tasse, puis toise Caroline. Face à son air méfiant, la blonde lâche un soupir exaspéré.

« -Ça vaaaaa, j’ai juste accepté un job pour réparer une connerie de Têtaclak. D’ailleurs, si tu me le retrouves pour le balancer dans un coin, je suis prête à t’en faire un deuxième. » elle plisse les yeux « Par contre, évite le congélo. Apparemment, c’pas un bon plan. »

Son regard suspicieux persiste jusqu’à ce que ses pattes viennent attraper le café. Lentement, il amène la tasse jusqu’à sa bouche, et… Malgré une profonde appréhension, entreprend d’en boire. Impatiente, sa dresseuse ne peut même pas attendre qu’il ait fini pour lui demander son avis.

« -Alors ? T’en penses quoi ? Peu de gens m’ont demandé du café, donc je n’ai pas eu le temps de me familiariser avec la machine, mais… Celui-là, j’ai confiance ! C’est du bourbon rouge avec une pointe d’orgeat !
-PFFF ! »

A la fin de sa phrase, Coko recrache spontanément le contenu de sa tasse. Caroline évite de justesse de se prendre l’attaque Ébullition improvisée de son starter, mais n’échappera pas à son indignation et sa colère. En effet, une fois la tasse violemment reposée, le Pokémon se lève de son tabouret pour l’invectiver.

« -MELO ! MELOKRIK ! KRIK, MELOKRIK ! »

… D’accord, peut-être s’y est-elle UN PEU mal pris. Sans vraiment pouvoir répliquer, Caroline subit la remontrance du Mélokrik sur l’art et la manière de préparer le café, de la sélection des ingrédients à leur fusion, et qui, même si elle n’y comprend rien, lui est bien familier en vue du nombre de fois qu’il a pu le lui répéter. Sincèrement, elle doit être capable d’enseigner à des Pokémon comment préparer du café juste en répétant mot pour mot les cris de Coko, sans pour autant avoir la moindre idée de leur sens.

« -Ça va ! Ça va ! Je suis désolée ! Mais tu ne peux pas me reprocher d’essayer, non ? Surtout que celui d’avant n’était pas si mal ?... »

Comme si la réminiscence de l’avant-dernier café en date préparé par Caroline suffit à l’apaiser, Coko reprend une posture plus solennelle et se rassoit convenablement. Si sa dresseuse paraît s’entêter à faire d’obscures expérimentations, il est vrai qu’elle s’est améliorée depuis ses lamentables débuts.

Néanmoins…

D’un bond élégant, il descend de son tabouret, et entreprend de longer le comptoir. Caroline l’observe faire d’un air un peu incrédule, jusqu’à voir son Pokémon la rejoindre de l’autre côté. Il monte ensuite à proximité de la machine à café… Et déterminé, commence ses préparations.

« -Euh… ? »

La blonde entrouvre la bouche, comme pour l’arrêter, mais semble se raviser d’elle-même. Si elle n’est pas sûre que la présence de son starter de ce côté-ci rentre dans les normes d’hygiène, elle a entièrement confiance en ses capacités.

« -Illooooon ? »

Elle est alors interpellée par Lysian, surprenamment accompagnée par Têtaclak. Caroline n’a jamais compris comment sa Korillon si rusée peut bien s’entendre avec un Okéoké si teubé, mais c’est vrai que tous deux affichent une simplicité d’esprit assez similaire…

En guise de réponse à son obscure question, elle abaisse une main nonchalante.

« -T’occupes, Coko et moi, on gère les boissons le temps d’un court laps de temps. »

Des étincelles apparaissent aussitôt dans les yeux de sa pétillante compagnonne. Et l’espionne réalise instantanément son erreur. En vue de sa propension à l’imiter, Lysian va très certainement vouloir…


« -Pfiouh… Mon estomac est plein, et bientôt, les réserves de sorbet aussi… J’espère juste que cette femme aura réussi à s’en sortir en mon absence... »

Un peu plus d’une heure après son départ, le barman originel est de retour sur le ponton du Prince des Mers. Tirant derrière lui la charrette transportant les bacs de glace, il rallie le comptoir au plus vite, légèrement anxieux quant à l’état dans lequel il s’apprête à le retrouver.

Et…

Depuis quand ils ont un Mélokrik pour préparer le café ?

Depuis quand ils ont une Korillon pour faire les smoothies ?

Depuis quand ils ont une Lokhlass assignée aux glaçons ?

… Et surtout, depuis quand ils ont un Okéoké en guise de marteau-pilon ?!

Bouche bée, il s’immobilise quelques secondes en observant la scène. Le comptoir est maintenant presque exclusivement occupé par des Pokémon.

En quatrième vitesse, il rejoint Caroline alors que celle-ci use de la ravissante et adorable petite tête de Têtaclak pour écraser ces énièmes feuilles de menthe.

« -Tous… Tous ces Pokémon, ils sont à vous ?! »

La concernée redresse la tête, et sourit en le reconnaissant.

« -Ah ! Vous revoilà !… Oui, ce sont les miens. Pourquoi, il ne fallait pas ?…  »

Il bégaye, un peu pris au dépourvu.

« -Eh bien, c-certains de mes collègues en font aussi usage, mais… Vous êtes sûre qu’ils sont bien qualifiés pour… ? »

Caroline hausse les épaules.

« -Regardez par vous-même. ~ »

Alors qu’elle a été désertée une bonne partie de la journée, un brusque regain d’intérêt semble s’être dirigé vers la machine à café depuis que Coko en a pris les commandes. Plus loin, Lysian prend un malin plaisir à faire virevolter puis écraser les baies via sa télékinésie, sous les regards fascinés de quelques enfants venus demander des milkshakes. Plus difficile à manquer, l’énorme Lokhlass à moitié avachie sur le comptoir distribue tour à tour des glaçons à qui lui en demande, pour peu que ces derniers daignent lui tendre une des Poké Fèves disposées dans un panier devant.

Pour appuyer le tout, Caroline se permet même de tendre la précédente liste des commandes, toutes rayées.

« -J’ai arrêté de les noter quand je me suis rendue compte que la plupart était traitée avant. :diamonds: »

Il s’en saisit, et l’observe avec de grands yeux.

« -… Wow. » puis s’adresse de nouveau à elle « Vous êtes drôlement douée ! »

Elle feint la modestie.

« -C’est simplement qu’à force de se prélasser à bord, nous avons de l’énergie à revendre… »

La vérité, c’est qu’ils ont été formés pour s’adapter à tout type de situation (sauf Têtaclak). Les métiers improvisés en font partie ; au moins maintenant, ils peuvent ajouter une nouvelle couverture à leur panel de possibilité.

« -Si vous le dîtes ! Moi aussi, j’ai eu le temps de me reposer, donc… Laissez-moi juste le temps de ranger ces glaces, et je reprends mes fonctions.  »

Caroline opine, et le laisse même passer pour lui permettre de s’avancer plus loin. Après un court instant, le barman finit de réapprovisionner ses stocks, et revient vers elle.

« -C’est tout bon ! Dîtes-moi juste où vous avez mis l’argent encaissé, et je vous libère. Je vous fais confiance, concernant la validité des comptes. »

La blonde se fige, et lui coule un regard incertain.

« -… L’argent encaissé ? »

Il plisse les yeux.

« -… Comment ça, "l’argent encaissé" ? »

Pantoise, elle maintient son expression.

« -… Vous ne m’avez jamais demandé d’encaisser de l’argent.
-…  »

Sentant le stress remonter, il hache ses mots.

« -Vous… N’avez fait… Payer… Aucune… Commande… En une heure ? »
-…. »

Elle fait un sourire rayonnant, quoique gênée, et se gratte l’arrière du crâne.

« -Je me disais, aussi, qu’il y avait beaucoup d’affluence !
-…..........................................................  »

C'est ainsi que Caroline fit une croix sur son tablier.