Une coordinatrice sans aucune expérience en coordination. À tous les coups, sa binôme devait être une éleveuse, les étudiants de ce parcours étaient les seuls de la spécialité coordination qui pouvaient se permettre d’avoir des lacunes dans ce domaine. Les stylistes, eux au moins, se retrouvaient régulièrement à collaborer avec les performers afin de monter des spectacles ce qui leur apportait alors une certaine expérience dans l’élaboration des performances, contrairement aux éleveurs qui, et bien… Voilà. La blonde peinait d’ailleurs à comprendre pourquoi ce parcours se trouvait dans la spécialité coordination. Par défaut probablement, pensa-t-elle en soupirant mentalement. Mais il devait bien y avoir une raison pour laquelle Heartnett l’avait sélectionnée pour participer à ce concours, non ? Enfin, une raison relativement raisonnée, considérant celle qui l’avait poussé à choisir Hope. Pourquoi tout cela sonnait comme les prémices d’une fiasco totale…
« Dis Hope, tu as déjà fait un concours ? Parce que je vais t’avouer que c’est mon premier et je ne sais pas trop comment faire… »
Elle aurait pu deviner qu’elle n’y avait encore jamais participé à aucun, étant donnée la réponse à sa précédente question. Mais la fin de sa phrase parvint tout de même à tiquer la blonde qui cacha son agacement dans un rire nerveux. Comment ça, ne pas avoir idée de quoi faire ? Qu’est-ce qu’elle essayait de lui dire par là ? Pensait-elle qu’il y avait des règles dans les domaines artistiques ? À moins de vouloir plaire au public à tout prix, bien entendu. Il est vrai que dès que l’on souhaite commercialiser sa créativité, des limites s’imposent rapidement. Elle avait assisté à ce débat à bien trop de reprises pour avoir envie d’y apporter son propre grain de sel. Essayant de chasser ces réflexions que sa binôme était probablement loin d’avoir idée, Hope finit par lui répondre d’un ton vaguement détaché.
« Ouais, quelques-uns organisés par l’école, oui, mais c’était il y a longtemps… Enfin, ça n’empêche que ça reste quand même quelque chose de fun, te stresse pas trop pour ça, c’est mauvais pour la créativité. »
Elle attrapa ensuite un feuillet posé sur la table, contenant programme du concours afin d’avoir une meilleure idée du temps dont ils disposaient. Le thème précis n’avait pas encore été annoncé, bien que les spéculations fusaient, délivrant certaines idées convaincantes, d’autres un peu moins. Mais elle préférait ne pas s’avancer. L’annonce du thème n’allait pas tarder à avoir lieu et elles pourront alors avoir le cœur net avant de commencer à traverser sur leur performance. Elles auront pour cela plusieurs heures pour préparer le spectacle ainsi qu’un slot de quinze minutes pour répéter sur scène, une heure avant le début du concours.
Le temps dont elles disposaient entre l’annonce du thème et le concours en lui-même était extrêmement maigre contrairement aux concours de coordination habituels, et pour cause, Hope soupçonnait les organisateurs d’imposer des conditions aux participants requérant un certain encadrement, ou encore une aide impossible à mettre en place sur plusieurs jours.
Malgré tout, le format très compact que proposait le concours ne la dérangeait pas, ou du moins pas encore. Elle le trouvait même plutôt stimulant, bien qu’elle n’ait pas encore commencé à travailler sur leur performance.
On toque à la porte, sa coéquipière s’en va ouvrir, entre alors une jeune adulte à la chevelure rose entre, visiblement apprêtée dans une tenue de scène pour le moins élaborée, Hope se devait bien de l’admettre. Ce n’était pas tous les jours qu’elle voyait quelqu’un en armure sexy avec une cape. Ou peut-être que si, dans le monde de la coordination. La mère de Yuki avait d’ailleurs pour habitude de se déguiser en ses Pokémon de manière pour le moins… Extravagante. Mais soit.
S’en suivit d’une scène débordant d’amour familiale que la blonde ne pouvait comprendre, alors elle se tint à distance, attendant que les deux sœurs aient fini de discuter de leurs affaires, feuilletant le livret de présentation de l’événement d’un air absent tout en gardant un œil sur l’heure affiché sur son iPok. Dans quelques minutes, il fallait qu’elles soient présentes dans l’auditoire afin d’assister à l’annonce du thème ainsi qu’une présentation de l’association à laquelle sera versée l’argent récoltée et de la coordinatrice en l’honneur de laquelle aura lieu la première édition du concours.
L’aînée finit par s’en aller, laissant la cadette à nouveau seule avec Hope, un silence étrange planait désormais. La blonde ne savait pas comment aborder la discussion, son humeur s’était comme jeté d’un gratte-ciel, et elle pianotait maintenant sur son iPok sans réellement lire ce qui défilait sur le petit appareil électronique. Mais s’il y a une chose qu’elle ne manqua pas de lire, c’était bien les quatre petits numéros blancs tout en haut de l’écran indiquant l’heure. Et en parlant d’heure, il était temps d’y aller.
« ‘Faut qu’on aille à l’auditorium pour la présentation. On y va ? »
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La salle était plongée dans l’obscurité, les chuchotements peuplaient l’espace, certains plus ou moins discret. En face d’eux, se trouvait la grande scène, une estrade longue d’une dizaine de mettre qui apparaissait vide. Seul un faible spot lumineux éclairait le vide de la scène.
Soudain, une musique de fond se lança, des pas résonnèrent, et bientôt un homme, âgé d’une cinquantaine d’année, grimpa sur l’estrade, un micro en main. Les chuchotements se turent, le silence reprit ses droits, jusqu’à ce que les haut-parleurs résonnent à leur tour.
« Mesdames, Messieurs, bienvenue à cette première édition du concours du Lackmécygne Noir ! »
Applaudissements.
L’homme reprit la parole, se lançant dans l’explications des différentes étapes les ayant menés jusqu’à la création du concours, puis s’en suivit de la présentation de la vie de Stella Akabara, la femme en laquelle l’événement était en l’honneur. La blonde manqua de bâiller à plusieurs reprises, se faisant la réflexion qu’elle n’était pas venue pour assister à une présentation pouvant se méprendre à un cours d’histoire donné par Percy. Elle commençait à douter des raisons qui l’avaient poussée à participer à ce concours.
« … grand honneur pour moi de présenter un tel événement. Maintenant, passons à l’annonce du thème ! Comme vous le savez sûrement, le concours porte son nom du surnom donné à madame Akabara, le Lakmécygne Noir. Vous connaissez aussi tous le célèbre ballet portant le nom du Lac des Lakmécygnes ! Et bien voici votre thème. La performance que vous mettrez en scène devra évoquer l’histoire du Lac des Lakmécygnes, nous imposons de plus que votre accompagnement musical soit tiré du même ballet. »
Quelques chuchotements s’élevèrent dans la salle, mélange d’excitation, de surprise, de soulagement et de déception pour certains. Mais l’organisateur n’en avait pas terminé. Le silence retomba rapidement.
« Je me permets de vous faire un rapide résumé de ce ballet, pour ceux qui malheureusement n’ont pas encore eu l’occasion d’en faire connaissance. Le Lac des Lakmécygnes, et bien… Il s’agit d’une histoire d’amour, une histoire d’un prince charmant et d’une princesse, comme on en retrouve plein. Ici, ce sera le prince Siegfried, bien que son nom vous importe peu, et une princesse au nom d’Odette. La princesse Odette est prisonnière du sorcier Robart qui lui a jeté un terrible sortilège : Odette se transforme en Lakmécygne le jour, et ne peut retrouver sa forme humaine qu’à la tombée de la nuit. Mais comme toute histoire de prince charmant, il y a un moyen de la délivrer qui n’est autre que l’amour avec un grand A ! Seul un homme qui n’aimera qu’elle pourra la délivrer en l’épousant. Il fit une pause, tentative de faire grimper la tension. La veille de la fête de sa majorité, le prince Siegfried rencontre Odette dans la forêt et tombe immédiatement fou amoureux d’elle. Le lendemain, lors du bal, Odile, la fille du sorcier, y apparaît, mais transformée en Odette. Le prince tombe alors dans le piège et déclare son amour à Odile et qu’il veut l’épouser. Le jour du mariage, Odette réapparaît et le prince se rend compte de son erreur. La fin se décline en plusieurs, certaines joyeuses, d’autres un peu moins. Enfin, j’espère que cela aura réussi à vous inspirer ! Votre performance peut évoquer la ruse, l’amour, le sortilège, la transformation, en deux mots, surprenez-nous ! Nous nous retrouvons dans quelques heures afin de pouvoir admirer tout ça ! Bonne chance à toutes et à tous ! »