Bienvenue au Perchoir !
Mission solo
La serveuse improvisée enclencha sa bouilloire puis quitta la salle principale pour la pièce du fond, une petite cuisine d’appoint pour stocker et faire réchauffer les pâtisseries fournies par un cuisinier de la région. Devant la vitrine réfrigérée, elle s’arma d’une pince et de plusieurs petites assiettes à dessert.
- Alors… Il y avait un muffin au pavot, un cookie au thé vert, un brownie, un cheesecake au citron et les biscuits …
Elle attrapa la jarre et en déposa une bonne poignée dans un petit bol blanc. Le cuisinier avait eu la fantaisie de faire ses sablés en forme de pikachus aujourd’hui, que c’était mignon !
Elle rassembla ses assiettes sur un grand plateau et revint dans la salle pour préparer les boissons. Les spectres riaient entre eux et s’amusaient à faire les pitres en mettant leurs petites cuillères en lévitation. La bouilloire sifflait. Elle utilisa l’eau pour préparer l’infusion et le thé puis s’occupa des boissons fraîches pendant que le reste infusait. Un dernier coup de chiffon sur les verres, une généreuse dose de chantilly pour parachever le chocolat chaud et le tour fut joué. Avec un grand sourire, elle distribua les commandes aux clients visiblement pressés de se restaurer.
- Et voilà, bon appétit !
Au même moment, un un Posipi et un Négapi entrèrent et s’installèrent à une petite table, en retrait. Ils avaient l’air proches et semblaient se porter beaucoup d’affection. Laissant sa bande de spectres avec leurs plateaux, Isadora se dirigea dans leur direction pour prendre leur commande.
- Un grand milk shake fraise-vanille à partager s’il vous plaît ! Demanda le Posipi alors que le Négapi acquiesçait discrètement. La jeune femme nota dans son calepin la demande de ses deux clients. Soudain, un grondement rauque retentit derrière elle. Le Mimiqui s’était mis à émaner une lueur violacée très étrange et lévitait à quelques centimètres au-dessus de sa chaise
- Vous avez osé… Vous avez osé me donner des biscuits Pikachu… Vous êtes sérieuse là ??
- Euh… Je suis désolée, ce n’est pas de ma faute, le boulanger a utilisé des moules pikachus pour la fournée du jour, mais je vous assure qu’ils ont le même goût !
La bande de spectres semblait être devenue plus transparente et reculait déjà de quelques pas.
- C’est une insulte terrible ! Un manque de respect sans nom ! Comment osez vous me mettre sous le nez la figure niaise de cette pitoyable souris qui me pourrit déjà tous les jours de ma vie ?? J’le déteste, lui et ses petits yeux trop mignons que tous les publicitaires s’arrachent ! Je ne supporte pas sa tête d’abruti qui me nargue !!
Interloquée, isadora chercha de l’aide dans les yeux de l’ectoplasma qui se racla la gorge.
- Non mais poto, détends toi c’est pas grave… Elle va te donner un autre gâteau, tranquille.
- Oui ! J’ai plein d’autres choses, je peux vous offrir le gâteau de votre choix, c’est la maison qui offre !
La tête du Mimiqui bascula soudainement sur le côté dans un craquement sourd et menaçant.
- C’est trop tard… TROP TARD !! L’affront a été commis et mon petit cœur a été blessé une fois de trop ! LA GUERRE CONTRE LES CHUS EST DÉCLARÉE !
Soudainement, il se retourna face au couple du fond de la salle, qui sursauta immédiatement. Le mimiqui commença à générer une énorme boule ténébreuse alors que les deux souris se serraient dans un coin.
- Vous… Vous allez payer pour ce suppôt du merchandising ! Je vais vous EXTERMINEEEEEER !
Isadora se tourna une fois de plus vers les spectres. L’ectoplasma semblait décontenancé, le Magirêve essayait de se fondre dans le mur et la Branette s’était réfugiée sous un siège en prenant bien soin d’emporter son chocolat chaud et son brownie avec elle.
- Mais faites quelque chose, nom d’un Rocabot ! C’est votre ami !
- Je pense pas qu’on puisse faire quelque chose mam’zelle... Il est incontrôlable quand il est comme ça !.
Les ustensiles et la vaisselle avaient commencé à léviter autour d’elle. La boule sombre, nuageuse, arborait d’étrange reflets violets et grésillait. Il y avait de l’électricité statique dans l’air. Tout risquait de péter d’une seconde à l’autre.
- Je peux voir la peur dans votre cœur… Vous êtes misérables !
Les pauvres pokémons étaient en danger. Isadora n’avait pas une seconde à perdre. Il n’y aurait pas de meurtre. Pas dans SON café. Pas sous SA garde. Alors elle courut à toute allure en direction des deux souris et les plaqua au sol, au moment où l’attaque ténèbre filait dans leur direction. Elle explosa juste au dessus de leur tête, les recouvrant de poussière. Isadora faisait un pont au dessus des deux clients pour les empêcher de recevoir des débris.
Le Mimiqui, visiblement dépité d’avoir raté son coup, recommença à canaliser son énergie de plus belle.
- Abandonnez maintenant, même la mort tremble devant moi !
Isadora chercha une issue. Les néons clignotaient et le vent soufflait dans le café. Il faisait froid et sombre. D’un grand coup sec, la jeune femme défonça du pied une bouche d’aération qui se trouvait au pied du mur. Elle libéra ensuite le posipi et le négapi de son étreinte. Malheureusement, si l’entrée du conduit était assez large pour deux petites bêtes de leur taille, il se réduisait très vite et rendait toute fuite impossible.
- Cachez vous là, je vais essayer de le maîtriser !
Les deux souris hochèrent la tête et refermèrent la grille derrière eux. L’instant d’après, la jeune femme était propulsée contre le comptoir par une bourrasque.
- Très bien, puisque je ne peux pas les avoir eux je vais commencer par toi ! JE. VAIS. AVALER. TON. ÂÂÂÂÂÂÂÂME !!!
Oh. Là elle était mal. Vraiment mal. L’espèce d’affreuse poupée de chiffon se rapprochait d’elle en faisant osciller sa tête d’un air menaçant. Il fallait qu’elle trouve quelque chose pour se défendre, n’importe quoi.
Encore sonnée, elle attrapa la théière qui avait été laissée sur le plan de travail et la lança de toutes ses forces sur le Mimiqui.
- Waaahaaaaaaah pourquoi moiiiiii ? J’ai rien demandéééééééééééééééé !
Le pauvre Polthégeist alla s’écraser en plein sur son collègue, l’ébouillantant au passage. Profitant de ce moment de flottement, Isadora roula derrière le comptoir alors que les autres spectres riaient du spectacle pathétique qui s’offrait sous leurs yeux.
- Ça brûle, ça brûûûle ! Va-t-en !!!
- Ce serait tout de même plus facile si on ne m’avait pas fait faire un vol plané sans mon consentement ! Nous sommes en 2020 mais personne ne demande l’autorisation avant de manipuler les théières, c’est scandaleux n’est-il pas !
- Je suis coincé ! Et vous, arrêtez de rire, je suis le MAAAAAAAAAL !
Il allait se dégager d’ici peu et sans doute tout casser sur son passage et elle devait encore libérer les deux pauvres pokémons coincés derrière la grille d’aération… Comment faire ?
Coincée derrière son meuble, elle détailla toute la pièce, à la recherche d’un indice, un outil qui aurait pu la sortir de là. Soudain, elle nota une trappe dissimulée dans la cloison, frappée d’un panneau « à n’ouvrir qu’en cas d’urgence ». Est-ce que la présence d’un spectre fou dans le café était suffisant pour être considéré comme un cas d’urgence ? Très certainement.
La jeune femme ouvrit la trappe et en sortit un genre de pistolet bariolé, comme ceux qui tiraient des balles en mousse, que les enfants s’arrachaient à l’école en ce moment.
Elle le soupesa et tapota le revêtement avec son ongle pour déterminer la matière. C’était carrément du plastique ! Elle tourna l’objet sur l’autre face. La marque AXONE se distinguait nettement et ne laissait aucun doute sur l’utilisation ludique de l’objet. À moins que…
En essayant de ne pas se faire repérer (ce n’était pas difficile vu le boucan de la bande de spectres), elle ouvrit le tiroir caisse et en sortit une grosse poignée de glands. De la même forme que les billes de mousse, mais beaucoup moins mous à la réception… Voilà de quoi dissuader fermement le Mimiqui de recommencer un caprice !
Ni une ni deux, elle chargea le pistolet et constitua une réserve de munitions dans les poches de son tablier. Elle utilisa du marc de café pour se faire deux traits de peintures de guerre sur chaque joue et attacha son bandeau au milieu du front. Enfin, elle sauta sur le comptoir et enclencha la première cartouche.
- Bon écoute moi mon p’tit pote. Ailleurs tu fais peut-être ta loi mais ici, la loi c’est moi. Alors fais pas chier. Fais pas chier ou je te ferai une guerre comme t’en as jamais vue.