Lundi 6 juillet, 15h10
La fin des examens.
Et le début des vacances.
Pour beaucoup, c’était l’occasion de partir, de quitter le quotidien, de chercher à s’évader, d’explorer de nouveaux horizons …
C’était d’ailleurs ce qu’avaient prévu la plupart des étudiants de l’académie, dont certains d’entre eux passaient leur dernière année avant de recevoir leurs diplômes.
Cependant, le cours de l’histoire et le destin en avaient décidé autrement. En effet, après les tragiques incidents menés durant la classe verte sur Gratia, les conséquences et sanctions avaient été terribles, et même si bon nombre d’entre les étudiants avaient voulu protester, ils s’étaient vite rétractés devant une Générale Jackie hirsute et fusillant du regard chaque étudiant osant lui tenir tête.
Cette année, aucune excursion ni aucun autre voyage ne serait organisé, et même si les étudiants étaient autorisés à rentrer chez eux, au sein de leurs familles, chacun devrait participer à un cours de rattrapage estival, avec un devoir noté à rendre. La sanction était dure, mais nécessaire, selon les dires cette fois-ci du proviseur lui-même.
Du côté de l’Adala Elite School, responsables eux-aussi de cette mascarade, en partie certes mais tout de même, rien n’avait été communiqué à leur sujet, le silence radio. Les moindres relations fébriles entre les deux écoles s’étaient détériorées à tel point que la moindre fuite d’information était une mine d’or pour les élèves de l’académie. Mais en attendant, rien ne semblait indiquer que les deux établissements scolaires travailleraient de concert à nouveau.
Et enfin, pour Elise, ces vacances commençaient de plutôt bonne augure. Les résultats des examens avaient été plutôt positifs pour la jeune fille, ce qui avait eu pour effet de lui procurer un boost de confiance en elle. Après une année difficile dans toutes les matières, et plusieurs évènements qui auront eu à plusieurs reprises le don de lui briser sa motivation, la jeune apprentie chercheuse était presque fière d’elle-même.
Mais une fois n’était pas coutume, elle n’allait pas relâcher ses efforts. La nouvelle Elise était désormais prête à faire face à toutes les difficultés et toutes les épreuves la tête haute. Elle avait juste besoin de s’entraîner un peu pour renforcer son mental et sa détermination …
Et c’était donc ainsi que l’on avait pu apercevoir la jeune Elise, ainsi que ses Pokémons, sur le terrain de sport derrière l’école, un premier jour de vacances, à s’échauffer pour un entraînement aux combats Pokémons. Elle avait hésité à demander à Yuna, la fameuse élite des TopDresseurs, de l’aider ou de lui donner des astuces d’entraînements, c’était d’ailleurs la Givrali elle-même qui lui avait proposé son aide lors de leur dernier, et seul, affrontement.
A l’époque, la jeune fille avait refusé, par dépit et timidité surtout, mais depuis peu, et surtout depuis la terrible nuit de la classe verte, elle avait découvert en la fille aux cheveux couleur cristal un certain apaisement, comme une sérénité ambiante qui procurait à la scientifique une sensation de refuge. Si la dresseuse était toujours d’accord, elle la lui demanderait directement cette fois-ci.
Aujourd’hui, elle y irait en douceur.
"Koda, Judy, vous êtes prêts ? On y va tranquillement, d’accord ?"
Les deux compères acquiescèrent, tandis que Merlin jouait le rôle de l’arbitre et que Astrid se tenait sur les épaules de la brune. Aucun des deux ne semblaient être partant pour un entraînement quoi qu'il en soit …
"Koda, utilise Combo-Griffes ! Judy, lance Ecras’Face !"
Les deux Pokémons s’élancèrent de part et d’autres, toutes griffes sorties pour l’ourson, et les pieds en avant pour la lapine. L’impact des deux adversaires fut bref l’espace d’un instant, puis ils s’élancèrent à nouveau, puis à plusieurs reprises, enchaînant les coups avec une puissance similaire, résultant du fait qu’aucun des deux ne parvenaient à prendre l’avantage, ni même à toucher l’autre.
Ce n’était pas vraiment un match, de toute façon, mais un entraînement dont le but était de renforcer leurs attaques et leurs enchaînements de capacités.
La jeune fille n’était pas en reste non plus. Durant ses derniers combats, elle avait remarqué que ses adversaires avaient tendance à rester concentrés sur les actions de leurs Pokémons pour y déceler une faille dans la défense et prendre l’avantage pour porter un coup direct. Elle avait compris, à force d’expériences et de combats infructueux que le dresseur avait un rôle tout aussi important que le Pokémon lors d’un match.
"Maintenant, Judy, Vive-Attaque !"
Entendant l’appel de sa dresseuse, le Pokémon Normal prit aussitôt appui sur ses deux pattes arrières, et s’élança si vite que la jeune fille crut la perdre de vue l’espace d’un instant.
Voyant la lapine arriver telle une fusée, Koda esquiva de justesse en se déportant sur la droite, non sans perdre l’équilibre au passage. Judy, quant à elle, ne parvint pas à s’arrêter à cause de sa propre projection, fonçant ainsi droit sur un rocher en dehors du terrain. Craignant d’abord qu’elle ne se blesse contre l’énorme caillou, la jeune scientifique eut droit à la stupéfaction lorsqu’elle vit son Pokémon replier son oreille, briller intensément à ce niveau, avant de la frapper violemment contre la pierre, qui se brisa en mille morceaux, tandis que la lapine se frottait son membre extensible.
"Maintenant, Judy, Vive-Attaque !"
La brune avait accouru avec ses autres Pokémons, mais à en juger de par la nonchalance de la Laporeille, cela lui semblait étonnement normal.
La jeune fille sortit alors son Ipok, puis y ouvrit la fonction Pokédex de ce dernier. En y pianotant pendant quelques secondes, elle y trouva les informations répondant à ses questions. Elle venait d’assister à une attaque Eclate-Roc, de type Combat, qui était aussi très utilisée pour la destruction de rochers de grandes tailles. La scientifique se demandait combien de surprises est-ce que son récent Pokémon capturé lui réservait encore …
La jeune fille allait retourner sur le terrain d’entraînement, lorsqu’elle vit une silhouette connue se rapprocher à toute allure. Une fois à portée de vision, la jeune fille reconnut sa référente de dortoir, et professeure de botanique, Melty Potts, qui semblait inquiète à sa venue, et par le ton sombre qu’elle employait.
"Ah … Pfff … Elise, tu es là … Ah … Il faut que tu viennes au bureau de Monsieur Snow, tout de suite !"
"Au b … bureau du proviseur ! Mais … Pourquoi ?!"
"Je ne peux pas te le dire, mais il faut que tu te dépêches ! Allez, vite !"
Lundi 6 juillet, 15h35
La respiration haletant, la jeune fille s’était empressée et avait couru à travers les couloirs de l’école jusqu’à l’aile de la direction. Couloirs qui étaient aussi vide que l’extérieur de l’établissement et de ses salles de classes. Pendant toute la course, elle n’avait cessé de se demander pourquoi est-ce qu’elle avait été convoquée ainsi par le proviseur en personne, et ce aussi soudainement. Elle ne se souvenait pas avoir fait de faute suffisamment grave pour qu’elle en arrive à avoir des ennuis avec la direction …
Peut-être qu’elle avait été appelée pour une simple erreur sur ses notes d’examens, et qu’elle aurait par conséquent des rattrapages à effectuer .. ?
Quoi qu’il en était, la scientifique allait bientôt être fixée, puisqu’elle se trouvait à présent devant la porte du-dit bureau. Frappant par deux fois, elle n’attendit pas longtemps avec d’entendre un tonitruant « ENTREZ !!! », provenant de l’autre côté de la planche de bois, et très probablement appartenant à la vice-directrice Jackie, visiblement elle aussi concernée par cette entrevue.
La main tremblante, la jeune fille saisit la poignée de la porte, puis entra à l’intérieur de la pièce.
Elle était là.
Elle aurait pu se trouver n’importe où.
Mais elle était là.
Elle la lui avait annoncé lors du nouvel an qu’elle viendrait.
Et elle était là.
Toujours habillée de son grand kimono bleu comme la nuit et revêtue d’un maquillage aussi blanc que la neige.
Elle était belle et bien là.
Elise aurait beau refermer la porte et prier pour qu’elle ne soit jamais apparue.
Elle serait toujours là.
"M … M … Me … Mère … ?"
"Quel est-ce donc que cet horrible accoutrement, jeune demoiselle ? Vous n’avez pas école aujourd’hui, si je ne m’abuse ? Vous auriez dû porter votre kimono … mais je suppose que vous n’en avez tout simplement pas avec vous n’est-ce pas ?"
Elise voulait fuir, disparaître. Mourir, même. Elle était complètement désemparée à la vue de sa propre mère dans le bureau de son proviseur, tandis que la vice-directrice affichait un regard sévère. Certes, la jeune fille n’avait jamais oublié les paroles qu’elle avait entendues le soir du nouvel an. Elle avait simplement espéré que tout ceci serait finalement laissé pour acquis, qu’elle n’entendrait plus jamais parler de sa famille.
Inconsciemment, elle savait parfaitement que tout cela était vain, que sa fuite n’était que passagère, et que tôt ou tard, sa mère viendrait la chercher.
Et elle était là, à attendre de rentrer, avec sa fille indigne.
"Madame Sand … Ahem … Madame Buraki, veuillez vous rasseoir je vous prie. Toi aussi, Elise."
La voix calme et détendue du proviseur, la même qu’à son habitude de vieil homme un peu gateau, en somme, était la seule source de sérénité au sein de la pièce. La jeune fille était sur le point de s’exécuter, mais sa mère l’en empêcha.
"Cela ne sera pas nécessaire, Monsieur Snow. Elise, veuillez aller faire votre valise, nous repartons immédiatement."
Tel un regard de détresse, et ne pouvant tenir tête à sa propre mère, les yeux de la brune implorait l’aide de son directeur ? Mais contre toutes es attentes, ce fut Jackie qui interrompit la femme en kimono.
"Je ne crois pas que cela va être possible, Madame !"
Le ton froid et autoritaire de la générale était répondu par un regard fusilleur mêlé d’un calme olympien et d’un ton de voix neutre de la cheffe de famille.
"Oh ! Et puis-je savoir ce qui m’en empêche, au juste ?"
"Il se trouve que vous avez inscrit votre fille ici pour qu’elle y obtienne son diplôme d’université. Je n’accepterai pas de voir une de mes élèves déserter avant la fin de ses études !"
Elle tendit alors le dossier d’inscription de la jeune fille. Ce que beaucoup avaient alors ignorés jusqu’à présent, c’était que la signature n’avait jamais été réalisée par la mère de la brune. Elle, l’avait bien compris, mais semblait pour autant n’avoir que faire de cette explication.
"Sachez Madame, qu’il s’agit de ma propre fille. Aussi, il me revient le droit de décider de son avenir et je ..."
"M … Mère, s’il-vous-plaît …"
"Veuillez vous taire, jeune fille !"
Le ton sec et décadent de celui employé pour s’adresser aux deux dirigeants de l’académie finit de résigner l’esprit de la jeune fille, qui obéit sans broncher.
"… Et comme je vous l’expliquais, il en va de son devoir de suivre l’enseignement traditionnel de notre famille. C’est donc pour cela qu’elle retourne au sein de notre domaine, à Rosalia, où elle terminera son enseignement, comme il en va de toutes les jeunes femmes de notre branche."
Elise avait abandonné. Quoiqu’elle puisse en dire, elle ne ferait pas changer l’avis si borné de sa mère. Elle s’était ainsi résigné.
Une année entière s’était écoulée depuis la fuite de la jeune fille. Elle avait rencontré toutes sortes de personnes et de Pokémons différents, elle avait pu partager des moments avec eux qui resteront à jamais gravés dans sa mémoire. Elle avait eu le droit à sa petite folie d’adolescente. Elle devait maintenant grandir et accepter le sort qui lui était réservé depuis sa naissance.
"Mais dans ce cas, que diriez-vous qu’elle suive cet enseignement dans notre établissement ?"
Alors qu’elle s’était relevé par dépit, Elise fut déconcertée. La phrase du proviseur Archibald Snow eut pour effet de mettre fin à toutes les tensions existantes. La voix du vieil homme avait résonné dans toutes les têtes présentes sans pour autant qu’aucune ne comprenne quoi que ce soit.
"Je vous demande pardon ?"
"Eh bien, nous avons plusieurs discipline dans notre académie, et Elise pourrait tout à fait suivre la formation de Coordinatrice, qui lui permettrait de suivre des cours de préparation à la scène et à la danse, et ainsi, elle pourrait pratiquer son art dans un environnement encadré et libre de ses choix. Qu’en pensez-vous, Générale ?"
"J’en pense que c’est une excellente idée. D’autant plus que Mademoiselle Sandstorm va devoir se pencher sur son deuxième cursus de spécialité pour la rentrée !"
"Parfait ! Et toi, Elise, es-tu partante pour cet accord ?"
Même si la réponse était des plus évidentes pour la jeune fille, elle n’arrivait pas à le dire. Une porte de sortie de sa prison de verre était juste devant elle, et elle n’arrivait pas à sortir le moindre mot.
"Heu … eh bien … Je … je ..."
"Je voudrais tout de même vous signaler que pour cela il vous faut l’accord de son tuteur légal. Moi, en l’occurrence. Et pour l’instant, vous ne l’avez pas !"
"Mère, je vous en prie ..."
La voix de la jeune fille s’était élevée si forte qu’elle en était montée dans les aigus. Elise voyait une lumière au bout du tunnel. Elle ne voulait pas la lâcher. Mais pour cela, elle devait se battre. Contre celle avec laquelle elle n’avait jamais gagné.
"Lai … Laissez-moi étudier ici, je vous en prie ! Je sais que vous voudriez pouvoir suivre mon évolution de près, mais … mais c’est dans cette école que je me sens plus à même de la réussir. Je … je vous promet de ne pas vous décevoir, et de consacrer chacune de mes journées à travailler. Mais je vous en conjure, ne me ramenez pas à Rosalia maintenant !"
Les larmes étaient retenues de forces par les yeux ambrés de la scientifique. Si elle craquait maintenant, cela serait perçu comme une marque de faiblesse, et rien ni personne ne pourrait plus changer le cours des choses. Le dos courbé en signe de supplique, la tête baissée, Elise n’attendait plus que la réponse de sa mère, qu’elle soit favorable ou non, elle était prête à tout entendre.
Tamao regarda un long moment sa fille Elise, sans dire un mot. Puis elle tourna les talons, se dirigeant vers la porte avant de marquer un point d’arrêt et d’annoncer une seule parole.
"… Votre kimono arrivera d’ici la semaine prochaine. Tâchez de ne manquer aucun moment de votre cursus à pratiquer."
Elle avait accepté.
Elise ne savait pas comment, mais elle avait réussi. Pour la première fois de sa vie, elle avait réussi à imposer sa volonté à sa mère. Sur le point de la remercier, elle fut néanmoins interrompue à nouveau.
"Profitez encore de votre frivole envie stupide quelque temps. Une fois que vous aurez fini votre scolarité, vous ne quitterez plus jamais Rosalia !"
Sur ces dernières paroles d’un ton glacial et transperçant d’animosité, la mère d’Elise sortit du bureau, et disparut finalement du champ de vision des trois autres personnes restées à l’intérieur du bureau. Le cœur de la jeune fille battait à cent à l’heure, tandis que le proviseur Snow se gratifiait d’avoir réussi à satisfaire tout le monde, avec son sourire niais habituel.
"Hé bien, on s’en sort pas si mal, n’est-ce pas ? Hohoho … "
Lundi 6 juillet, 19h50
Allongée sur son lit, dans sa chambre, seule, étant donnée que sa colocataire était absente, Elise se remettait des épreuves de la journée. L’ascenseur émotionnel avait été si virulent qu’elle avait failli tomber plusieurs fois de fatigue avant d’atteindre son dortoir, puis sa chambre.
À présent, elle avait passé un accord. En échange de suivre le cursus de Coordinateur, qu’elle avait renié jusqu’alors, elle pourrait terminer ses études au sein de la Pokémon Community, et surtout, continuer de suivre les cours de recherches qu’elle affectait tant.
Elle avait une boule à l’estomac.
Trois ans.
C’était le temps qu’il lui restait avant que tout ne soit définitivement terminé.