Ruth
Elle s’enfonce plus franchement sur l’île, regardant constamment les environs. Il ne faudrait pas louper un possible adversaire ou une potentielle cible. Ruth ne marche pas vraiment, elle a plutôt la sale manie de traîner des pieds, créant ainsi derrière elle un léger amas de poussière. Baissant la tête sur ses chaussures, elle fronce les sourcils. Dire qu’elle venait de les laver, elles auront droit à un nouveau tour par la case « Machine à laver », dès qu’elle sera rentrée. Ruth, qui vient pourtant de démarrer sa quête, trouve alors que le temps passe lentement. Sûrement est-ce la chaleur qui accentue cette impression, mais elle a le sentiment de marcher au milieu du désert du Sahara, sans réel but, ni aucune idée de l’endroit exact où elle se rend. Clairement, elle déposera une plainte envers le personnel de l’école, pour les faire courir avec un temps pareil. A ses yeux, c’était inhumain. Toujours la tête rivée sur ses chaussures, elle se penche alors, histoire de les épousseter tant bien que mal, avec sa main. Vain résultat qui la fait pester : à part salir sa main, cela n’aide en rien.
ZIOUM !!!
Ruth relève rapidement la tête. Là. Elle vient d’entendre quelque chose. Peut-être même qu’elle a cru voir quelqu’un passer. Elle fronce les sourcils, en réalité peu rassurée. Faire peur, c’est amusant. Avoir peur, c’est moins drôle. Elle n’aurait pas dû relâcher sa surveillance. C’est SA traque, c’est à elle de chasser. Pas d’être chassée. Il y a une règle : être chasseur ou bien la proie. Ruth compte bien rester dans la première catégorie.
« HE HO ! SI C’EST UNE BLAGUE, ELLE EST PAS DROLE DU TOUT, HEIN ! », qu’elle crie, à pleins poumons.
Mais rien. Personne ne lui répond. Elle scrute les alentours. Seule la poussière vole dans les airs. Et encore, Ruth ne saurait dire si c’est la sienne, remuée à cause de ses pas, ou celle de la chose qui semblait être passée. Elle déglutit alors, bruyamment, remontant son Pikachu sur son dos, serrant sa bretelle. Peut-être qu’il y avait des sauvages sur l’île… Pire encore, peut-être qu’ils étaient cannibales et qu’elle était leur prochaine cible. Ruth regarde les alentours. Toujours personne, toujours rien. A part… Un fourré, qui remue.
« SORS DE TON TROU ! »
Plus elle crie, et plus sa voix est mal assurée. Mettre les gens dans les ennuis, d’accord. Etre la source d’amusement de quelqu’un, ça, il en est hors de question. C’est un grognement, qui se fait entendre. Peut-être qu’il y avait un BigFoot, sur l’île ? Ou un Chewbacca ? Des idées de plus en plus débiles, surviennent alors dans l’esprit de Ruth. Son instinct est relativement cassé, à ce niveau. Elle qui a l’habitude du danger, du frisson, elle préfère celui qu’elle peut contrôler. Pas un soudain. C’est alors que du mouvement se fait de nouveau sentir, toujours provenant de ce maudit buisson. C’est un chien qui en sort, provoquant chez Ruth un mouvement de recul. Les chiens… Elle ne les aime pas, ils l’effraient, même.
« Euh… Gentil toutou, hein… Assis… Ou c-couché. OUAIS NAN ! Pas bouger, plutôt, pas bouger ! »
Un Fulgudog. Ruth reste là, à le fixer, droit dans les yeux. Sûrement pas la meilleure idée du monde, surtout pour ces animaux, mais Ruth est incapable de détacher son regard de lui. Il faut qu’elle arrive à prévoir le prochain mouvement, qu’elle sache par où s’échapper. Finalement, la chasse au nouvel ami de Jolly ne lui paraît plus une si bonne idée. Ou alors, c’était un prank ? Une caméra cachée ? Non. Les alentours semblent vraiment déserts, si on omet les quelques exclamations de ses camarades, au loin. Alors quoi ? Ils avaient eu droit à de meilleurs Pokémons qu’elle ? Un coup du karma, ça. Mais ce n’est pas l’heure pour s’apitoyer sur son propre sort : elle a un molosse à affronter. Curieux, le Pokémon renifle les airs. Ruth, qui n’a pas oublié de se pomponner ce matin et donc de se parfumer, laisse dans les airs un drôle de mélange à base de crème solaire et de Black XS. Mais le moindre mouvement du canidé ne la rassure pas. Elle recule, alors que ce dernier s’avance, pourtant prêt à faire plus ample connaissance avec cette inconnue. Sans voir une pierre, Ruth trébuche, et finit à même le sol, dans la poussière. Tant pis pour les vêtements, on râlera plus tard. Fouillant dans son sac Pikachu, désormais dégueulassé et plein de terre, elle en sort alors une Pokéball. La seule qui soit remplie.
« Et j’invoque Jolly Jumper, gardien du fluff’, en mode attaque ! »
Même dans les moments critiques, Ruth ne peut s’empêcher de faire de l’humour. De trouver source de dérision. A peine sorti de la ball, le Ponyta se met alors à balancer la tête dans les airs, comme s’il cherchait à démêler sa crinière. Il tape du sabot contre le sol, constatant la poussière. Ah. Lui aussi semble embêté d’être sali. Surtout que, noir comme il l’était, les traces marron ressortent encore mieux et, poudreuses comme elles sont, collent aux poils. Il lance un regard à sa dresseuse, fulminant. L’air de lui demander ce qu’elle fiche ici, et pire encore, pourquoi est-ce qu’elle l’a ramené avec elle.
« Ouais ben, les reproches, ce sera pour plus tard ! Si tu veux pas finir en Findus, bats-toi ! »
Elle pointe alors le Fulgudog de la main. Fulgudog qui n’a pas réellement l’air de comprendre ce qui se passe autour de lui. Langue pendante, plus menaçant pour un sou, le voilà qui passe sa tête de Ruth à Jolly. Alors, lequel va s’intéresser à lui en premier ? Le Ponyta tourne la tête du côté opposé de Ruth, qui continue de râler. Pourquoi est-ce qu’il ne pouvait pas obéir ? C’était sa dresseuse, non ? Elle avait donc les pleins pouvoirs sur lui ! Ruth qui s’essaye à la dictature. Un cruel échec.
« Eh, le Shetland, j’te cause ! C’est ici que ça se passe ! »
Face à eux, le Fulgudog commence à trouver le temps long. Assister à une querelle, ce n’était visiblement pas dans ses projets du jour. Ruth et le Ponyta semblent être en pleine dispute. Le Fulgudog, dans l’espoir de se faire remarquer, décide alors de lancer une première attaque sur ses deux adversaires. Ruth fait un bond, sursautant, le Ponyta suivant la cadence. Un peu plus et une sorte de foudre s’abattait sur eux.
« Fais un truc, Jolly ! Attaque, j’te dis, attaque ! »
Rien. Pire encore, le Ponyta s’éloigne, pour aller brouter de l’herbe, pas réellement fraîche, un peu plus loin, délaissant Ruth à son pauvre sort. Ruth se relève alors, et vient agripper le Ponyta par le garrot, cherchant à le tirer. Malgré les nombreuses bagarres dans lesquelles elle a déjà été impliquée, sa force se retrouve à être relativement moindre par rapport à celle du Ponyta. Un cheval ou un poney, ça reste des animaux puissants. Surtout quand celui-ci fait littéralement la moitié du poids de son assaillant.
« Reviens par ici, Rantanplan ! »
En guise de réponse, Jolly mord alors Ruth, de sorte à laisser une marque mais sans que ça aille jusques au sang, au niveau de l’avant-bras. Pour qui se prenait-elle, à l’empêcher de prendre une collation ? Rentrer et sortir d’une Pokéball, ça demande de l’énergie.
« Mais ça va pas ?! Qui c’est qui t’a élevé comme ça ?! Tu t’es pris pour qui, à me mordre ?! »
Ironique que ce soit Ruth qui le reprenne sur ce point. Mordre quand on la touche de trop près est également une lubie, chez elle. Le Fulgudog se sentant alors de trop, décide de partir, sans que personne ne le remarque. Ruth remonte la manche de son tee-shirt, malgré le trou que le Ponyta a fait dedans et observe la blessure. Elle peste encore quelques instants, avant de relever la tête. Plus personne, si ce n’est cet abruti de canasson, qui mange tranquillement, à quelques mètres de là.
« T’ES CONTENT ? C’EST LA HONTE, ON A PERDU FACE A UN CHIEN SAUVAGE ! », qu’elle hurle.
Elle se rapproche alors de lui, et le chope par le bas de la mâchoire, pour le forcer à la regarder dans les yeux. C’était à elle de dicter les règles, pas à ce poney de malheur de dicter les siennes. Elle plisse alors les yeux, essayant de se faire imposante. Il fallait qu’il comprenne qui donnait les ordres, qui dirigeait les opérations.
« Refais-moi encore ce sale coup, et tu finis dans les boulettes de viande à Ikea. »
Menace qui, encore une fois, ne porte pas ses fruits. En guise de réponse, il se défait de son emprise, se retourne et lui assène un coup de sabot arrière, suffisamment fort pour la faire tomber plus loin, sur son derrière. Assise dans la poussière, Ruth se laisse tomber en arrière, finissant allongée dans la terre et la poussière, Pikachu toujours dans le dos. Tant pis, elle prendrait quelques minutes pour se remettre de cette cuisante humiliation. Ils allaient mettre un petit temps à repartir. Ruth avait besoin d’une petite pause, se préparant au pire pour le prochain affrontement. Parti comme c'était, ils n'iraient pas loin.
[Comme vous l'avez compris, le Pokémon a fui et Ruth a toujours toutes ses Balls, comme elle n'en a lancé aucune.]