Itzan a rarement assisté à un spectacle aussi effrayant. Bien sûr, comme tout adolescent qui se respecte, le gitan a déjà participé avec ses frères et sœurs du clan à des soirées consistant simplement à se faire peur en se racontent des histoires surnaturelles. Au coin du feu, le camp entièrement éteint, il n’y avait qu’eux et leur manière de raconter les choses pour faire frissonner les plus jeunes comme les adolescents. Entre les bruitages et les effleurements, tout était bon pour faire pousser un petit cri à chacun. Des soirée bon enfant qui manquent parfois au garçon.

Mais là, ce qu’il a devant lui, ça n’a absolument rien à voir. Il y a une bonne semaine, il s’est rendu dans cette ville avec Ash. Même s’ils ont dû aider les habitants à évacuer avec le passage d’un Fléau à proximité, ils ont globalement passé une bonne journée. Le matin, ils ont pu profiter des spécialités locales, tandis qu’après le départ du Fléau, et le temps que le bleu se remette de son mal de tête, ils ont eu le temps de tourner encore un peu dans la ville avant de repartir vers l’académie. Un lieu comme un autre, avec ses habitants et son ambiance estivale.

Aujourd’hui, il n’y a rien de tout ça. Le port semble être plongé dans un profond silence. Aucun des bruits caractéristiques d’un port n’est là. La ville est comme fantôme.

Itzan a été choisi pour aller enquêter. Une fois de plus, il a essayé d’y aller à reculons, avant de finalement céder sous la pression des professeurs en manque de solution. Le problème, c’est qu’ils ne savaient pas si lui-même allait être affecté par cette étrange manipulation qui aurait pour origine une expérimentation du Coven Chowa. Par précaution, il a laissé des instructions à Ash, au cas où il ne donnerait pas de nouvelles de lui. De plus, les rumeurs ne rapportent pas les effets sur les pokemons. Belle est donc bien sagement dans la pokeball, Porygon dans son téléphone, Doudou dans sa capuche et Nocturna vogue quelque part. Pas trop loin pour que le gitan puisse la sentir, mais pas assez prêt pour vraiment la considérer comme à ses côtés.

Heureusement, une fois arrivé à l’entrée de la ville, Itzan constate avec soulagement qu’il n’est pas particulièrement affecté. Son mal de tête est toujours légèrement présent, comme presque partout dans la région, mais aucune fatigue soudaine ne le prend comme cela semble être le cas pour les autres habitants. A croire que sa sensibilité à l’aura des Fléaux le protège cette fois-ci des effets néfastes des expérimentations du Coven. Dans sa capuche, Doudou somnole. Il doit être dérangé par la sensation inhérente à la ville, mais tente de résister. Délicatement, le bleu le caresse en lui murmurant de ne pas lutter. Il devrait pouvoir réussir à gérer sans mettre à mal son compagnon.

Dans la ville, le résultat est sans appel. Aucune vie dans les rues ou sur le port. La plupart des gens sont probablement chez eux à dormir, et les rares encore dans les allées sont assis, parfois à même le sol, complètement absent. Comme s’ils luttaient pour ne pas s’endormir, sans parvenir à y arriver complètement. Cette lutte interne doit provoquer cet état un peu malaisant, sur lequel le gitan ne s’attarde pas, cherchant plutôt à trouver une solution au problème.

— Le coven utilise d’habitude des cercles pour ces manipulations. En tout cas c’est ce que les autres élèves disent en général.

— Je sais bien. Tu crois que tu pourrais me donner le tracé exact du contour du port. Ils ont surement placé leur pilone autour pour former le symbole.

— C’est comme si c’était fait.

En moins d’une minute, le garçon se retrouve avec sur son téléphone le plan exact de la ville, ainsi qu’un tracé approximatif pour englober toute sa superficie. Maintenant, il ne reste plus qu’à le suivre et à enlever les piliers ou tout autre objet qu’ils auraient pu utiliser pour contenir l’énergie de leur rituel.

Sans grande surprise, en partant de l’entrée de la ville, l’agent n’a pas trop de mal à suivre le tracé du Coven, très peu masqué. Un a un, il retire les piliers et les jette plus loin tout en prenant soin d’effacer cette sorte de cercle réalisé à l’aide d’une poudre dont il ne connait pas la composition. Avec un mouchoir, il en prélève un peu et le garde dans son sac. Cela servira peut-être aux scientifiques de l’école pour déterminer ce qu’il en retourne exactement.

Seulement, le garçon finit par être confronté à un problème. Une partie du tracé se retrouve directement dans l’eau. Il sait nager, mais il n’est absolument pas équipe pour ça, et ses maux de têtes récurent depuis des semaines le dissuade de jouer au héros. Il ne peut que compter sur Belle. Pour la préserver au mieux, Itzan s’empare de l’un des piliers qu’il a décroché pour ensuite sortir de la ville, sans trop s’en éloigner. Une fois au bord de l’eau, il peut libérer sa précieuse Millobelus. A première vue, en dehors du cercle, elle ne semble pas trop affectée. Son pouvoir a déjà du diminuer à cause des ouvertures qu’a créé le gitan. Mais par mesure de sécurité, le Voltali préfère tout retirer.

— Belle j’ai besoin de ton aide. Tu vois ce baton. Il y en a qui sont plantés dans le sol, pour former un cercle autour du port. Regarde sur mon Ipok. Il faudrait que tu les décroches, puis que tu les éloignes de la zone, loin des côtes. Mais tu ne dois pas rentrer dans le cercle dessiné. Tu comprends ?

Très intelligente, Belle ne perd pas plus de temps et disparait à tout allure en direction des endroits repérés sur la carte. De son côté, le gitan se met à courir, essayant de la suivre du regard comme il peut depuis le port. Normalement, il ne devrait pas y avoir trop de pilier à sortir. Quelques minutes plus tard, la Millobelus revient vers son dresseur, le travail accompli. De son côté, le bleu observe déjà les premières personnes commencer à émerger, signe que le cercle n’agit plus sur eux. Le gitan soupire. Une bonne chose de faite.

— Merci Belle, tu as été merveilleuse. Profite en pour nager un peu. Il faut que je reste un peu pour voir si tout va bien ici, et ensuite que je fasse mon rapport. Je reviens au plus vite.

Le petit gémissement satisfait suivi d’une recherche de papouille de la part de son dresseur, et le voilà reparti à la rencontre des habitants. La journée n’est pas fini, mais le plus dur est passé.