Aujourd’hui sera la journée de trop pour Itzan.

Mais ça, il ne l’a pas encore compris. Enfin surtout, il le renie de toutes ses forces.

Dans sa chambre, assis sur le bord de son lit en tenue de sport et plus que maquillé pour cacher son visage livide, le garçon avale une nouvelle pilule, maintenant sans eau tellement il en a pris ces dernières semaines. Le regard désemparé de Doudou ne l’atteint plus, exécutant ces gestes mécaniquement. Sans ce cachet, il lui serait impossible de passer la journée. Il en est persuadé, et ne peut pas se permettre d’essayer autrement.  

Le produit avalé, le bleu pousse un soupir, les deux mains contre son front. Habituellement, il l’aurait senti. L’évidence lui aurait sauté aux yeux. Mais avec près de deux mois sans dormir correctement, son niveau d’attention a fatalement baissé, ses sens sont bien moins en alerte, et son esprit n’a plus la force de réaliser que depuis deux jours, il couve une fièvre – probablement une infection que son système immunitaire n’a pas su gérer.

Mais qu’importe, il ne réalise rien de tout cela. Chancelant, il finit par se lever et embarquer Doudou en direction du terrain pour l’option sportive, matinal cette fois-ci.

Marcher jusque-là bas équivaut à une longue torture. Chaque pas lui donne l’impression qu’il en fait mille. Son corps est tout engourdi, extrêmement lourd, et sa vision a bien du mal à rester nette. Sa tête tourne encore et encore, miracle qu’il arrive au lieu de rassemblement sans encombre. Magnolia le rejoint bien vite, comme à leur habitude. Il essaie sincèrement de lui adresser un sourire. Le plus beau sourire qu’il peut. Mais tout son corps souffre. Tout son corps tremble. Et il n’est pas sûr de réussir à encore le dissimuler.

Gentille comme elle est, la rose lui tend une barre de céréale. Parce qu’il a encore séché le petit déjeuner, terrifié par l’idée de vomir devant ses amis, et qu’ils puissent comprendre tout ce qui se trame. Mais sa camarade n’a sans doute aucune idée de toutes les pensées qui lui traversent l’esprit en ce moment. Elle veut juste qu’il se nourrisse, qu’il mange à sa faim afin d’être en forme pour l’option. Parce que Magnolia a toujours fait attention à elle, et qu’elle fait aussi attention aux autres. Comme tous ses amis d’ailleurs qui ses derniers jours ont essayé de lui faire manger un petit quelque chose les matins, croyant de bonne foi qu’il avait simplement raté le petit déjeuner.

Discrètement, il cache le semblant de repas dans une poche, ne se sentant pas de l’avaler pour le moment. Suivant le groupe, il se rapproche de la Général Jackie qui donne les premières instructions. 3 tours de terrain, pour s’échauffer. Une routine qu’il a appris à apprécier avec le temps, mais qui aujourd’hui sonne comme un supplice.

Doucement, il se met en route, Magnolia non loin de lui. Mais rapidement, sa respiration s’alourdit. Il a chaud et froid en même temps. Chacun de ses muscles lui fait mal, comme s’ils étaient faits de plomb. La nausée ne l’a pas totalement quitté, tandis que son esprit tourbillonne encore et encore, incapable de supporter ce nouvel effort physique.

Il lutte vraiment. De toute ses forces pour que ses yeux restent ouverts et en alerte. Mais il a atteint sa limite. Son corps ne peut plus le suivre dans cette course folle qu’il s’impose.

La partie est terminée.

Son champ de vision devient de plus en plus sombre. Sa course ralentit fatalement. Il ne se rend plus compte à quel point. Peut-être que son amie l’a vu à la traine. Peut-être pas. Tout est allé très vite après tout. Il n’a fallu que quelques secondes pour que le noir partiel devienne total. Et que finalement il ne soit plus là.

Tombé inconscient, son corps s’est bien vite écrasé contre le sol du stade, gémissant, souffrant de sa fièvre entre tous ses autres maux. Juste à côté de lui, la boule rose roule hors de la capuche de son dresseur avant de se précipiter vers le visage du bleu. Avec ses petites pattes, il essaie de stimuler les joues du garçon, pleurant de tout son saoul comme cela faisait longtemps que Doudou ne l’avait pas fait.

Il n’a plus conscience de rien. Seul son corps et son inconscient parlent pour lui, envoient des signaux au monde extérieur pour qu’on lui vienne en aide. Que l’on comprenne cette immense détresse physique et mentale dans laquelle le gitan s’est enfoncé et qu’il a refusé de communiquer verbalement au monde.  

Car son esprit lui ne demande qu’une chose.

S’éteindre.

C’est effrayant.

C’est effrayant pour un si petit pokemon d’assister à ça.

Doudou n’est pas naïf, loin de là. Il pleure beaucoup oui. Le stress ne semble jamais réellement quitter son corps. C’est comme ça qu’il est fait.

Mais Doudou va mieux depuis qu’il est avec Itzan. Il va mieux depuis que ce garçon prend aussi bien soin de lui. Il va mieux depuis que le gitan lui fait découvrir le monde au côté de ses amis et d’autres pokemons. Il va mieux depuis qu’il a appris à se défendre pour protéger son dresseur et ceux qui l’entourent.

Oui il va mieux.

Mais il n’a pas réussi à prendre soin d’Itzan aussi bien que lui a réussi à prendre soin de lui. Il n’a pas su quoi dire quand il a commencé à entendre le gitan se réveiller en pleine nuit à cause de ce qu’il se passe dans sa tête. Il n’a pas su quoi dire non plus quand les simples réveils sont devenus des cris, puis des terreurs incontrôlables. Il n’a pas su quoi dire quand il a vu Itzan prendre ces drôles de médicaments comme s’il s’agissait d’une drogue. Il n’a pas su quoi dire quand il manquait de vomir le matin avant de rejoindre ses amis.

Il n’a pas su quoi dire avant qu’il ne soit trop tard.

Ses petits gestes pour se débattre et rejoindre ce garçon qu’il aime tant, emporté par ces personnes qu’il ne connait pas, ne suffisent pas face au maintien de la rose.

Alors maintenant il pleure. Il pleure beaucoup. Comme s’il pouvait produire des larmes indéfiniment. Terrorisé à l’idée de perdre celui qui lui a donné goût à vivre.

**

Debout non loin du lit sur lequel est allongé le jeune homme, le Docteur Mêzon se masse les tempes, consterné. A côté de lui, le dénommé Monsieur Xoaleteño dort. Enfin, si tant est qu’on puisse nommer son état ainsi. Lorsqu’on lui a ramené l’adolescent KO à même pas 9 heures du matin, il a d’abord cru à un simple malaise avec un état de semi-conscience qui lui permettrait très vite de reprendre des forces avec un peu de sucre avant de filer prendre un vrai petit déjeuner à la cafeteria. Parce que ces gosses adorent louper le petit déjeuner et tourner de l’œil au moindre effort.

Mais le cas du garçon aux cheveux bleu n’a rien à voir avec sa routine. A son arrivée dans les murs, il est apparu comme complètement éteint, et ce malgré les quelques minutes écoulés entre sa chute et sa présence au sein du centre pokemon. Sans même faire appel au moindre instrument, il a vite compris que cet élève couvait une infection suffisamment forte pour faire monter sa fièvre et gêner sa respiration.

Transporté dans une autre salle, une des infirmières intimant à l’adolescente l’accompagnant de rester dans la salle d’attente, ils ont pu l’installer sur un lit médicalisé et le perfuser, d’abord par sécurité, bien que la nécessité se soit avérée finalement présente.  Prenant le temps de le placer dans une tenue plus confortable, classique dans un hôpital, la personnelle de soin n’a pas tardé à réaliser que le garçon était particulièrement maquillé, commençant doucement à couler à cause de la sueur. Mais ce n’est qu’en le démaquillant complètement que les deux adultes ont réalisé l’ampleur des dégâts. Voilà donc comment son état a pu passer inaperçu aussi longtemps.

Comme le veut le protocole, ils ont d’abord réalisé des examens sanguins puis placé sous traitement contre l’infection puis pour le maintenir hydraté. Ils ne lui ont pas laissé le masque à oxygène bien longtemps, sa respiration se régulant d’elle-même après l’admission des premiers médicaments.

C’est ce qu’ils ont trouvé dans ces analyses qui a achevé d’épuiser le médecin. Dans le sang de ce garçon est ressorti un taux anormal d’une substance anabolisante classée depuis peu dans la catégorie des dopants. S’il existe encore quelques-uns de ses compléments trainant sur le marché, il reste persuadé qu’aucun professeur de l’académie n’aurait accepté qu’un de ses élèves en prenne en le sachant. Même s’ils ne sont pas très puissants, ils restent dangereux pour en jeune en pleine croissance, surtout en cas de surdosage. D’autant plus que l’effet recherché chez ce garçon n’était absolument pas un accroissement des capacités physiques, mais de ce qu’il comprend une tentative désespérée de ne pas tomber de sommeil.  

Parce que même si des analyses sanguines classiques ne peuvent pas en dire grand-chose, il y a tout de même des signes qui ne trompent pas. Et couplé à la tête de l’adolescent maintenant dépourvu de tout artifice, le docteur Mezon n’a pas eu de mal à faire ses déductions. Mais il lui manque encore énormément d’éléments.

Brusquement, la porte de la chambre s’ouvre, faisant apparaitre Leon Nahr, le référent de ce jeune homme. Un professeur intègre avec lequel le médecin s’entend plutôt bien. Seulement, au vu de la mine que tire l’enseignant des pokeathlètes, il lui est impossible de rester complètement neutre face à ce qu’il a devant lui.

— Bonjour Leon. Désolé de t’avoir appelé en catastrophe comme ça.

— Tu as bien fait, et puis tu ne m’appelles jamais pour rien…

L’adulte s’approche doucement du lit de son élève, constatant par lui-même les dégâts sur ce visage qu’il découvre à son tour. La première pensée qui lui traverse à l’esprit c’est qu’il ferait bien manger là tout de suite à Marc ses pinceaux de maquillage. Mais il a bien conscience que cette remarque n’a pour but que d’essayer de rejeter la faute de cet échec éducatif sur quelqu’un d’autre.

— Tu as des informations à m’apporter sur ce jeune homme ?

— Non. Enfin rien qui ne va t’aider là maintenant. C’est vrai que ces derniers temps il était plus fuyant avec moi et moins attentif, mais rien de plus. Je l’ai laissé respirer en pendant que ce n’était qu’une mauvaise période pour lui. Je n’avais pas idée de l’ampleur de la chose.

— Tu n’y es pas pour grand-chose. Les gosses sont doués pour cacher ce qu’ils ressentent. Celui-ci a l’air d’excellé dans le domaine vu tous les stratagèmes qu’il a mis en place.

— Ouais, surtout que j’ai bien peur qu’on lui ait appris sans le vouloir à le faire encore mieux que prévu… tu as trouvé quelque chose pour expliquer son état ?

— Pas grand-chose non. Je pense surtout que ce gosse ne dort plus depuis des lustres et que son corps n’en pouvait plus. Après pourquoi je n’en sais rien. Et puis il y a ça qui m’a alerté, regarde.

Le docteur Mezon tend la place que laquelle repose les résultats d’analyse, sachant bien qu’il n’a pas besoin de les expliquer à son collègue, titulaire également d’une formation en médecine. En voyant ses yeux s’écarquiller, il se permet de compléter.

— Je me doutais bien que tu n’avais pas cautionné ça, surtout des quantités de ce type. Normalement il n’y aura pas de séquelle. On va s’arranger pour qu’il n’en reste rapidement plus de trace dans l’organisme. Je te laisserais prendre les mesures qui s’imposent avec lui ?

— Je m’en occuperais.

— Pour l’instant on va attendre qu’il se réveille de lui-même, ça ne devrait plus tarder. Il faut qu’il nous communique des informations. Ensuite j’aimerais le placer sous des calmants plus forts pour le forcer à récupérer, plus ou moins en fonction de ce qu’il nous dira. Je te laisse gérer les gosses à la porte et ses parents ?

— Evidemment. Merci.

— C’est mon travail.

Les deux hommes franchissent finalement la porte de la petite chambre, retrouvant sans surprise la petite bande. Se redressant tous brusquement à leur arrivée, le Docteur Mezon ne s’attarde pas et repart dans un couloir, laissant à Leon Nahr la charge de s’adresser à ses élèves. Face à l’effervescence et les multiples questions, le professeur ramène le groupe au calme avant de reprendre.

— J’imagine qu’aucun de vous ne sait pourquoi Itzan ne dort plus depuis un moment ?

Face au silence comme seule réponse, l’homme soupire.

— Je m’en doutais. Vous pouvez entrer mais restez calme. Il dort pour l’instant mais il ne devrait pas tarder à reprendre conscience. Quand ça sera le cas, prévenez immédiatement quelqu’un, c’est très important. Nous avons des questions à lui poser autant que vous.

Se décalant enfin de la porte tant gardée, l’enseignant laisse ses élèves entrer à la course, tapant déjà sur son téléphone le numéro de la maman du jeune homme.

Il y a quelque chose qu’il ne comprend vraiment pas dans cette histoire.

Qu’est-il arrivé de si important à son élève pour qu’absolument personne ne soit au courant ?

La mine abattue, le référent des Voltalis s’éloigne de la chambre de son élève pour trouver un peu de calme. Bien qu’ils finiront eux aussi par être au courant, il n’en doute pas, il préfère s’accorder un moment d’intimité, bien que téléphonique, avec la maman d’Itzan pour l’avertir de ce qu’il se passe. Peut-être qu’elle sera au courant de certaines choses, ou à défaut en capacité de l’éclairer.

Les sonneries retentissent jusqu’à ce que finalement, la communication s’établisse.

— Madame Xoaelteño ?  

— Monsieur Nahr ? Je ne m’attendais pas à votre appel. Y avait-il une réunion pour laquelle Itzan ne m’a pas averti ?  

— Non cela n’a rien à voir. Etes-vous seule ?  

— Je suis chez moi mais vous commencez à m’inquiéter…

— Je suis désolé. Votre fils a été admis à l’hôpital ce matin en urgence

— A…a l’hôpital ? Mais enfin pourquoi ?  

— Les éléments que nous avons en notre possession sont un peu flous pour l’instant. Nous espérions que vous pourriez nous éclairer.  

Monsieur Nahr n’a aucun mal à entendre de l’autre côté du téléphone des sanglots contenus tant bien que mal par la mère de son élève, mais qui ne se démontent pas pour autant.

— Je…je vous écoute dites moi

— Nous ne savons pas depuis combien de temps cela dure, mais il semblerait qu’Itzan ne dorme plus depuis un moment. Il a tout fait pour le cacher, même à ses plus proches amis et en se maquillant à l’extrême pour ne pas que cela se décèle sur son visage.  

Le silence qu’il obtient d’abord comme réponse confirme son sentiment. Même sa mère n’était pas au courant de ce qui se tramait. Encore une raison de soupçonner quelque chose de particulièrement grave.

— Il s’est écroulé ce matin en cours de sport, extrêmement affaibli. Nous avons découvert dans son sang des produits dopants dans une quantité suffisante pour montrer qu’il en consomme depuis quelques semaines. Je ne dis pas que votre fils ne prend que des décisions réfléchis, mais il sait bien les risques qu’il existe avec ce type de produits, et leur caractère interdit. Je veux croire que si malgré tout il a décidé d’en ingérer, c’est qu’il se passe quelque chose de plus qu’une simple insomnie passagère. Si vous avez quoi que ce soit à nous dire là-dessus, cela pourrait nous aider…

— Si seulement Monsieur je savais moi-même comment faire, je nous aurais épargné bien des souffrances à tous les deux…Mon bébé j’ai tellement prié pour que ça n’arrive pas mais…

A nouveau, les sanglots s’entendent de l’autre côté du fil, faisant naitre une grimace sur le visage du référent. Faire face à la détresse des parents n’est jamais agréable, particulièrement quand ils sont aussi aimant que la maman d’Itzan.

— Nous allons vous faire parvenir en urgence des billets d’avion pour que vous puissiez venir sur Leiar le voir. Mais en attendant, si vous pouvez nous dire quoi que ce soit…

— Je ne sais pas Monsieur Nahr si vous êtes assez ouvert d’esprit pour l’entendre…

— Dites toujours

**

Jamais Itzan ne s’était senti comme ça. Le corps aussi lourd que le plomb. L’esprit embrumé comme s’il n’était pas tout à fait présent. La conscience en demi-teinte. Et surtout cette accablante fatigue qui le pousse dans un premier temps à garder les yeux fermés.

Mais il sent bien que quelque chose ne va pas. Qu’il ne devrait pas être là. Et quand enfin les souvenirs commencent à s’aligner, il ne peut plus reculer. Les esprits ont gagné. Et ils vont encore revenir. Ils ne le laisseront jamais.

Doucement, les yeux du bleu s’ouvrent sur ce plafond blanc, typique des salles médicales comme il a eu l’occasion d’en voir depuis qu’il a quitté le clan et les caravanes de soin pour rejoindre des infrastructures mieux équipées. Pas encore parfaitement conscient, il discerne mal la personne quitter la salle en urgence en l’apercevant bouger délicatement. Il finit par reconnaitre ses amis, ses meilleurs amis. Et immédiatement, une immense culpabilité l’assaille. Il voit des yeux rouges. Il croit discerner des larmes dans le brouillard. Et ça lui brise le cœur.

Il ne faut pas bien longtemps pour que ses yeux s’ouvrent entièrement, et que le Docteur Mezon ainsi que Leon Nahr arrivent en trombent dans la chambre, équipé de tout un tas de choses que le garçon ne discerne pas bien, sa vision considérablement réduite par la fatigue qui lui pèse terriblement. Il a l’impression qu’il pourrait tomber dans les pommes à tout moment, mais les voix autour de lui le forcent à essayer de rester.

— Itzan, vous vous êtes évanoui pendant le corps de sport de la Générale Jackie. Nous vous avons emmené ici car votre état est préoccupant. Nous avons retiré ces couches de maquillage sur votre visage  – à ces mots, le sang de l’espion ne fait qu’un tour
— Jeune homme, depuis combien de temps n’avez-vous pas dormi ?  
— Dormir ? J’ai dormi hier Monsieur, un peu, je crois…
— Itzan, depuis combien de temps n’avez-vous pas fait de nuit de sommeil complète ?  

Les regards braqués sur lui, le gitan est au pied du mur. Il ne peut plus reculer. Il ne peut que laisser la vérité s’echapper doucement d’entre ses lèvres.

— 2 mois…
— 2 mois ?! Mais quand comptiez-vous nous le dire ?!
— Je…je ne pouvais pas  
— Ok c’est bien plus que ce que je ne pensais. On va vous administrer de quoi vous aider à dormir, pour vous forcer à vous reposer

A cette phrase, c’est comme si quelque chose venait de se déclencher dans l’esprit du garçon. Un sentiment de rejet, de défiance terrible qui le pousse à s’agiter et à se redresser subitement.

— Non ne faites pas ça je ne veux pas !

— Itzan vous n’avez plus le choix c’est vital pour votre santé. Vous devez dormir !

— Ne me donnez pas des médicaments pour dormir !! Ça ne sert à rien !!!

— Jeune homme enfin !!!

Rien n’y fait. Il n’a fallu que quelques secondes pour que le bleu vrille complètement. Extrêmement agité, il essaie désormais de quitter son lit par tous les moyens, luttant contre les deux hommes adultes déjà en train de le retenir contre le matelas.

— Itzan calmez-vous enfin nous essayons de vous aider !

— Mais vous ne comprenez pas !!! Ça ne sert à rien !!! Les esprits vont quand même venir ! Ils vont quand même venir dans ma tête pendant que je dors !!! Ils vont encore me montrer des choses horribles ! Vous ne pouvez pas comprendre !

— Jeune homme essayez de respirer vous êtes en train de faire une crise de panique  

— Vous ne pouvez pas comprendre !!! Ils sont là ! Tout le temps ! Toutes les nuits ! Je ne veux plus voir des gens avoir mal ou mourir !!!

— N’attendez plus, injectez-lui le calmant, allez !

Impressionnée, l’infirmière finit tout de même par s’approcher de la perfusion du jeune homme pour y injecter un nouveau produit. Malgré les cris et les agitations aggravés du Voltali, il ne faut pas plus d’une minute pour que le médicament fasse effet, et que la voix du garçon se taise jusqu’à ce qu’enfin, il tombe de nouveau inconscient.

Un silence de plomb règne entre les murs, chacun de regardant sans savoir quoi dire. Pas le plus diplomatique, le Docteur Mezon s’essaie tout de même à une approche face à la tétanie des enfants qui n’ont pas évacué la chambre quand les choses ont commencé à s’agiter.

— Nous lui avons injecté un tranquillisant. Cela va permettre à son corps de se reposer. La dose est sous contrôle. Nous ne lui avons pas fait de mal. Nous essayons de l’aider  

— Sa mère va arriver en début de nuit si tout va bien. En attendant, je vous donne exceptionnellement la permission de rester à partir du moment où vous ne dérangez personne ici. Je vais prévenir vos professeurs de votre absence pour la journée. Je repasserais tout à l’heure pour voir comment il va. Mais surtout…

Face au regard des jeunes braqués sur lui, le professeur Nahr finit par ajouter

— Ne vous sentez pas coupable de ça. Itzan a fait son choix lui-même. Même sa propre mère n’était au courant de rien, et vous savez comme ils sont proches. Je sais que vous attendez des explications, et moi aussi j’ai des choses à lui demander. Mais il va d’abord avoir besoin de votre aide pour se relever, et aller mieux. C’est la priorité.  

L’adulte finit par quitter la pièce, téléphone de nouveau en main pour tout un tas de formalités administratives. Ces mômes n’en ont pas fini avec tout ça. Parce que s’il parvient à croire l’invraisemblable révélé par la femme Xoaelteño, c’est toute la vie d’Itzan qui a définitivement changé, et pas pour le mieux.