(not) alone
L'été était passé.
Cette pensée tournait en boucle dans l'esprit de la rouquine, encore et encore. Elle commençait à prendre l'habitude. Depuis le printemps, les pensées idées tenaces s'insinuaient dans sa tête, au milieu du chaos, résonnant, monopolisant son attention. Elle se concentrait dessus, répétait, encore. Et encore. D'abord l'accident. Son smogogo. L'explosion. Son nucléos. Puis Lansat. Les tensions, la guerre civile, les explosions,
encore. À son arrivée sur Cobaba, ses cauchemars s'étaient diversifiés. Souvent, encore, ils la ramenaient dans la Grotte. Mais parfois, elle se retrouvait sur la petite île.
Lansat est tombée. Encore. Et encore.
Et puis, de migraines en migraines, l'été était passé. Elle avait petit à petit laissé Lansat derrière elle. Elle avait tout d'abord pleuré leur perte — puis elle avait fini par s'en distancer. Elle avait évité ses vieux amis, trop impliqués, trop
réminiscents. Elle s'était concentrée sur elle-même, et plus encore, sur tout ce qui... ne lui rappelait pas ce deuxième semestre, en vérité. Comme Josh, par exemple. Les cours de danse, avec Rodrigue. Cette... Ombre qui la hantait, et dont elle avait simplement accepté la présence. Elle avait même réussi à se rapprocher de ses pokémon. Tous, à des degrés variables — sauf le traître. Peut-être qu'elle aurait tout de même dû faire quelque chose, plutôt que de le laisser enfermé dans sa pokéball, indéfiniment. Le relâcher. Le confier à quelqu'un. Mais même ça, elle ne pouvait pas s'y résoudre. Si on lui posait la question, elle répondrait qu'elle ne voulait pas lâcher dans la nature le bâtard qui connaissait ses moindres secrets. Mais en vérité, elle n'en croyait pas un mot. Quelque part, au fond d'elle, il lui manquait. Elle voulait comprendre, persuadée qu'il y avait des raisons. Mais elle était terrifée à l'idée de le confronter.
Alex soupira en s'asseyant sur le lit, laissant son sac de voyage tomber à ses pieds. Sa valise traînait devant la porte, et son sac à dos était ouvert sur le lit d'en face, quelques affaires éparpillées sur la couette autour. Elle avait pensé commencer à ranger ses bagages, s'installer — mais la motivation lui manquait, dernièrement. Elle n'était pas pressée, après tout. L'été était passé. Et il s'était globalement mieux passé qu'elle ne l'aurait espéré. Trois mois plus tôt, elle n'aurait pas pensé se retrouver dans cette chambre, à une semaine de la rentrée. Elle n'était pas sûre d'être encore là. Mais on s'habituait à tout, en fin de compte.
Comme cette chambre vide. L'ancien dortoir lui manquait. Même s'il fallait avouer que l'académie s'était surpassée avec ce nouveau campus, surtout compte-tenu de l'urgence dans laquelle ils avaient dû faire les arrangements. Elle se demandait si l'académie avait déjà des plans pour...
« À dada », ou peu importe comment s'appelait cette nouvelle île, avant tout ça. Elle fixait les murs blancs, menton dans les mains, jouant avec l'élastique de son cache oeil noir du bout des doigts.
Quand la porte de la chambre s'ouvrit soudain avec un gros
BAM!, envoyant rouler sa valise, et dévoilant un pied chaussé d'une basket.
Ah.Elle avait fini par s'habituer à sa solitude.
Suffisamment pour en oublier qu'elle allait désormais avoir une nouvelle colocataire.
Merde.