14 février, plus communément appelé « la Saint-Valentin », a pris possession de l’île toute entière. Les petites boutiques n’hésitent pas à redécorer leur vitrine aux couleurs de cette fête sentimentale pour les uns, commerciale pour les autres. Les petits cœurs roses rouges ou blancs sont dispersés un peu partout dans les rues de Nuevo. Les fleuristes et autres chocolatiers réalisent leur chiffre d’affaire du mois et se plient en quatre pour satisfaire leur client, désireux de faire de cette journée un beau souvenir romantique avec leur moitié. La rousse a aussi entendu dire dans les couloirs de l’école que certaines associations faisaient au mieux pour animer la journée, notamment Love Boats qui avait déjà frapper un grand coup l’année dernière. Même si le fond du projet reste secret, Ilea n’a aucun doute que cette Saint-Valentin laissera des tests.
Mais ça, elle le découvrira lundi, trois jours plus tard.
En effet, l’éducatrice a gagné un weekend prolongé. Le directeur a estimé que la jeune femme a été très présente à l’école ces derniers temps, peut être un peu trop. Ilea ne comptant pas ses heures, il est fort probable qu’elle ait déjà explosé son nombre d’heure prévu dans son contrat depuis bien longtemps. Et même si un weekend de trois jours ne suffira pas à rattraper toute l’implication supplémentaire qu’offre l’éducatrice a la Pokemon Community, il lui permettra au moins de se reposer un peu et éventuellement de passer une journée avec son Valentin. Enfin c’est un des arguments qu’a donné le directeur pour justifier cet octroi d’un bon weekend.
Seulement, Ilea n’a pas de partenaire avec qui la fêter. Même Enzo et Caroline, toujours en couple, ne font rien de particulier pour ce jour. Déjà que l’année dernière cela s’était résumé par un gratin de pâte, il semblerait que cette année même ce maigre effort ne soit pas dans leur corde. En y réfléchissant, même la rousse n’a jamais réellement fêté ce jour. Il y a bien eu cette journée avec Enzo quand ils étaient ensemble au lycée, où il avait bien tenté de lui cuisiner quelque chose, sans grand succès. Mais cela reste malgré tout un bon souvenir, un souvenir amer. Pour le reste, certaines de ses Saints-Valentin s’étaient soldés par des rapports plus charnels avec d’autres hommes rencontrés sur des sites de rencontre. Rien de bien romantique, mais pour autant plaisant.
Cette année, l’éducatrice n’a pas ces projets. Pas de site de rencontre et pas de faux rendez-vous. Seulement sa cuisine, ses gâteaux, ses pokemons et un peu de musique. Une journée calme en perspective. A son goût, la jeune femme estime qu’elle n’a pas le temps de cuisiner autant qu’elle le souhaite. Alors régulièrement, ses journées de repos se transforment en atelier cuisine ou pâtisserie. Aujourd’hui trône déjà dans des petites boites de nombreux gâteaux secs mais aussi un fraisier que la rousse est en train d’achever avec une concentration qui n’appartient qu’à elle.
Mais cet instant relativement calme est interrompu par une agitation nouvelle. Ilea en déduit sans trop de difficulté que cela vient de l’un des appartements voisins. Peut être un peu trop curieuse, la rousse repose sa poche à douille pleine de chantilly et s’approche de sa porte d’entrée, lui permettant de mieux comprendre ce qu’il se joue. Elle reconnait la voix de Miriam, sa voisine et connaissance, mais aussi celle de son fils Miguel, élève à l’académie. S’ajoute une voix douce, celle de sa nièce Ana. Une dispute de famille qui se solde par un grand silence et quelques pas qui raisonnent calmement dans le couloir de la résidence. Soucieuse, Ilea sort de son appartement avant de commencer à descendre, espérant trouver Miriam en bas et voir si tout va bien.
Avant d’arriver, c’est Miriam qui la rattrape à l’étage. Cette aura de confiance que la métisse dégage naturellement semble s’être mystérieusement éteinte, remplacée par l’ombre d’elle-même. Coiffée d’un chignon en vrac et vêtu de vêtements très amples, la mine fatiguée, sa voisine ne semble pas être au mieux de sa forme. Se voulant rassurante, Ilea engage la conversation, un doux sourire sur les lèvres.
Bonjour Miriam. J’aimerais te demander si tu vas bien mais je crois que la question serait malvenue. Viens à la maison si tu veux. Un bon thé et des gâteaux me paraissent être un bon début.
Sans hésitation, l’éducatrice invite sa voisine à entrer dans l’appartement et à prendre place sur le canapé, recouvert par des plaids tout doux mais aussi par les deux Evolis, complètement enroulés à l’intérieur. Ne s’offusquant pas de la présence d’une autre femme que la meilleure amie d’Ilea, ils se contentent simplement de lui laisser une place. De son côté, la rousse prépare rapidement de l’eau chaude, termine la décoration de son fraisier et dépose tout cela sur un plateau avant de l’emmener sur la table basse du salon. Délicatement, la jeune femme verse l’eau chaude dans deux tasses avant d’étaler quelques sachets de thé sur la table.
Choisis ce que tu veux n’hésite pas. Je vais te couper un petit bout de gâteau. Fait maison et tout juste achevé, tu m’en diras des nouvelles.
Avec la maitrise qui l’habite, l’éducatrice découpe deux parts de gâteau qu’elle dispose dans deux petites assiettes accompagnées d’une petite cuillère avant d’en tendre une à son invitée. Une fois installée à son tour dans le canapé, elle s’adresse à Miriam.
Je sais que parfois le fait que je connaisse tous les élèves de l’académie peut inquiéter les proches dans leur façon de m’expliquer les choses qui les traquassent. Mais je t’assure que ma fonction ne sera jamais un obstacle. Alors je suis là pour t’écouter parler si tu en ressens le besoin.