Ilea pose enfin les pieds sur terre après ce long voyage. Il a bien fallu 4 heures en bateau depuis Sinnoh pour arriver sur Lansat, l’île de tous ses espoirs. Avec l’aide de ces trois pokemons, elle récupère ses deux valises et se dirige vers la ville, son nouveau chez soi.

Dans sa marche vers son nouvel appartement, on ne peut pas dire qu’elle n’attire pas les regards, et pour cause elle n’est pas très discrète. Ses longs cheveux sont pris par le vent et les expose à la vue de tous. Une chevelure rouge pomme qui doit probablement lui arriver en bas du dos. Et encore ils sont attachés. Ses yeux d’un vert émeraude rendent son regard encore plus perçant, comme si elle lisait en vous. Pourtant, il n’en est rien je vous rassure.

De plus, elle a une carrure plutôt avantageuse. Non pas qu’elle la travaille mais disons qu’elle prend soin d’elle. De longues jambes fines, une silhouette élancée. En somme tout pour plaire. Ilea est plutôt du genre coquette. Son visage fin est maquillé juste comme il faut, de quoi montrer qu’elle aime se faire belle. Ses yeux ronds sont mis en valeur avec un peu de mascara et de l’eyeliner. C’est son petit rituel beauté, qu’elle ne manquerait pour rien au monde. Chacun ces petits plaisirs.

Le style vestimentaire de la demoiselle fait un peu ancienne école. Jupe arrivant aux mi-cuisses, chemise légère et petit pull, voilà sa tenue traditionnelle qu’elle décline au fil des saisons. Bien sûr, il lui arrive de mettre un jean, mais c’est plus rare. Et puis il y a les robes. Ilea aime beaucoup les robes. Elle n’en porte que pour les grandes occasions mais elle en possède quelques-unes qu’elle affectionne tout particulièrement.

Au niveau du caractère, c’est un peu plus délicat. Disons qu’il y a la Ilea devant ses parents et la vraie Ilea. Même si maintenant elle n’a plus à inventer une personne qu’elle n’est pas, elle a dû jouer ce rôle pendant tellement de temps qu’il est désormais imprégné en elle. Parlons de la vraie Ilea pour le moment, c’est surement la plus intéressante.

Ilea est une personne qu’on pourrait qualifier d’un peu excentrique. Elle n’est pas folle ou vivant dans un autre monde mais elle a parfois de drôle de goût et aime les partager. Par exemple, elle garde au plus profond de son armoire un haut à fleur qu’elle adore mais ses amis lui ont gentiment recommander de ne pas le porter dehors sous peine d’attirer tous les regards, et pas dans le bon sens cette fois.

La rousse est d’une nature assez douce mais s’impose vite en leadeur. Lui dire ce qu’elle doit faire, elle ne le supporte plus. Elle ne veut plus travailler pour le compte des autres. Maintenant c’est elle qui décide, et puis c’est tout. Alors si tu es d’accord avec elle, tu vas pouvoir apprécier le grand cœur de la jeune femme. Mais si tu as le malheur de t’opposer fermement à elle trop longtemps, tu vas avoir la chance de découvrir la troisième Ilea : celle rouge de fureur. Si elle rentre dans cet état-là, mieux vaut ne pas rester sur son chemin. Après c’est un conseil d’ami, faites comme vous voulez.

En revanche, Ilea a du mal à s’attacher aux gens. Elle n’arrive pas à les inscrire dans son cœur de façon indélébile. Un problème d’éducation ? Très probablement et elle en a conscience. Mais elle n’y peut rien, elle n’y arrive pas. Mais cela ne veut pas dire qu’elle ne vous aime pas, au contraire. Elle a juste du mal à vous le montrer. Elle fait des efforts pour réussir, mais cela va prendre du temps. Ne lui en voulez pas trop d’accord ?

31 décembre 1995, sous la neige de Sinnoh naissait une petite fille. Ilea, c’était elle ce jour-là, le soir du réveillon du nouvel an qui criait à pleins poumons pour montrer qu’elle était bien en vie. Elle était dans les bras de sa mère, sous les yeux attentifs de son père et de sa sœur tout sourire d’accueillir un nouveau membre dans la famille Alezar. Un petit détail amusait tout de même les infirmières de garde cette nuit-là. Alors que toute la famille a les cheveux d’un blanc immaculé, Ilea possédait une petite mèche de cheveux d’un rouge flamboyant.

Car oui, elle était née dans la famille Alezar, pas n’importe quelle famille. Les Alezar sont les fondateurs d’un important hôpital de la région de Sinnoh, celui d’Unionpolis. De générations en générations, les héritiers reprenaient le flambeau de leurs prédécesseurs pour s’occuper de cette immense bâtisse. Un hôpital ça demande beaucoup de travail, et du monde capable de s’en occuper. L’arrivée d’une deuxième enfant dans la famille était une aubaine pour les parents d’Ilea.

Le problème, c’est qu’Ilea n’en avait rien à faire.

Dès son plus jeune âge, les professeurs ont compris qu’elle n’était pas faite pour ce milieu, que reprendre une si grosse affaire ne plairait jamais à la petite Ilea. Mais ça, ses parents ne le comprenaient pas. Il faut dire qu’Ilea ne les voyait pas souvent. Ils étaient sans cesse occupés par leur boulot. Et sa sœur n’avait guère envie de s’occuper d’elle, trop occupée disait-elle. Alors elle était seule, presque tout le temps. La rousse allait à l’école, rentrait, faisait ses devoirs et restait allongée par terre pendant des heures. Elle n’avait rien d’autres à faire. Elle ne pouvait pas sortir. Quand elle demandait à ses parents si elle pouvait aller voir des amis, la réponse était systématiquement la même : « non tu restes à la maison, et puis tu as beaucoup mieux à faire, comme lire tous les livres que je t’ai donné par exemple ».

Ah oui cette fameuse pile de livre dans le salon qu’Ilea devait étudier. Tous des livres de médecine, avec des noms de médicaments à ne plus en finir, qu’elle devait lire pour s’habituer le plus tôt possible au terme médicaux. Des ouvrages indigestes pour une enfant de 8 ans. Mais il a fallu que sa sœur soit une surdouée, capable de s’avaler un livre de 200 pages par jour au-même âge. Alors la rousse devait, dans l’esprit de ses parents, être capable de faire la même chose. Mais elle n’en était pas capable.

La seule chose qui lui permettait de faire passer le temps plus vite était la présence de Kayla, sa Togépi. Ses parents lui ont offerts à la naissance, pour qu’elles grandissent ensemble. C’était la seule personne qui pensait à elle dans cette famille, qui lui permettait de s’amuser un peu. Ilea n’était pas très attachée aux pokemons. Encore une question d’éducation. Ces parents ne s’occupent que des humains et ne se sont jamais vraiment occupés de pokemons. Ils n’en possèdent pas eux même. C’est sûr un conseil d’une de leur connaissance que la petite Togepi avait atterri dans leur grande maison.

Pourtant, un événement va changer sa vie.

La rousse avait 9 ans. Sa dernière année de primaire venait juste de commencer. Mais une nouvelle « attraction » venait d’arriver. Un nouvel élève. Avec ses amis qu’elle connait depuis déjà quelques temps, elle fixe ce garçon dont tout le monde se moque. Mais elle ne comprend pas pourquoi tout le monde rie. Il n’y a rien de drôle sur lui, il ne fait pas de grimaces ni de blague, alors pourquoi ils rient ? Qu’elle est gentille et innocente. Si seulement tout le monde pouvait être comme elle.

Alors elle se détacha de son groupe pour s’approcher de l’enfant. Toute la cour se tut pour voir ce que la rousse allait faire. Ilea est allée juste à côté de lui pour lui parler. C’est étrange. Il tourne sur lui-même, la tête vers le sol. Il tourne, tourne et tourne sans s’arrêter. La jeune fille engagea la conversation.

Comment tu t’appelles ?
Noé.
Coucou Noé, moi c’est Ilea.
Coucou.
Pourquoi tu tournes comme ça ? Tu aimes bien tourner ?
Oui j’aime.
Oh je comprends. Pourquoi les autres rigolent en te regardant ? Tu leur as fait une blague ?
Non, je n’ai rien fait.
D’accord…

La petite fille resta là pendant toute la récré, à lui poser des questions. Il répondait toujours de manière courte mais il répondait. En revanche, il a continué de tourner.

Pendant un an, toutes les récrés de 10 heures, elle allait le voir pour discuter avec lui. Elle était la seule à lui parler. A force de le côtoyer 30 minutes chaque jour, elle avait appris à le connaitre. Il ne faut pas le toucher, sinon il crie. Il le faut aussi le laisser tourner comme il veut, il lui a dit qu’il se sentait bien en tournant. Mais de temps en temps, il s’arrêtait pour la regarder dans les yeux. Ses yeux bleu cristal et ceux émeraude de la jeune fille se confondaient alors pour quelques instants.

Ces jours-là étaient les meilleurs.

Cette année s’est terminée, fermant la page de la primaire pour aller vers le collège. Ilea n’a jamais revu Noé. Elle a appris à la fin de l’année que c’était un enfant autiste, qu’il avait des problèmes mentaux. Mais Ilea ne saisissait pas encore la portée de ces mots.

Le collège aussi est passé. Les choses étaient un peu plus compliqués qu’à l’école primaire mais rien de bien grave pour la rousse. Elle n’a pas eu d’autres choix que de se pencher sur ces fichus bouquins. Elle n’y mettait pas beaucoup de volonté, mais au fond d’elle, elle ne voulait pas décevoir sa famille. Alors elle travaillait très bien au collège et consacrait une heure par jour au travail des bases de la médecine comme l’anatomie etc. Ce petit train de vie lui convenait. Elle n’était pas 100% satisfaite mais bon, elle faisait avec. Cette nouvelle vie s’est mise en place et le souvenir de Noé dans son esprit avait petit à petit disparu sans même qu’elle s’en aperçoive.

C’est lors du lycée qu’il y eu un déclic pour la rousse. Quelque chose qui lui fit comprendre qu’elle fonçait droit dans le mur. Dans son nouvel établissement (heureusement elle a pu échapper au lycée privé de justesse après multiples négociations), un garçon subissait les moqueries de ces camarades. Lui n’était pas autiste comme Noé. Il avait un problème physique handicapant. Une jambe plus longue que l’autre qui l’obligeait à adopter une démarche quelques peu particulières. Mais cette fois-ci, Ilea n’est pas allée le voir comme en primaire. Elle ne se moquait pas de lui, mais n’a rien fait pour lui. Elle pensait uniquement à elle, et à sa carrière qui l’attendait.

Mais une fois, les choses sont allées trop loin.

Un des garçons de sa bande a fait un croche patte à son camarade handicapé, provoquant sa chute devant une bonne partie des élèves. Un fou rire presque général. Pourtant, l’adolescent s’est relevé et a repris son chemin. Ça en était trop pour Ilea. Alors elle la suivit pour lui parler.

Excuse-le, il n’est pas méchant juste un peu bête.

Pourquoi tu viens me voir ? Tu as pitié de moi ? Que je ne puisse pas me défendre ? Pourtant, même si tu dis qu’il est bête, tu restes bien avec lui. Combien de fois tu as préféré laissez faire ton petit groupe au lieu d’intervenir ? Je ne compte même pas. Alors si c’est pour te donner bonne conscience en me parlant, je ne te laisse pas ce droit.

Et il était repart. C’est comme si Ilea venait de se faire gifler, du moins c’est la même sensation quelle ressentait. Il avait raison. Elle aurait pu intervenir, empêcher tout ce qui est arrivé au garçon, mais elle ne l’a pas fait. La rousse ne sait même pas comme il s’appelle. Elle s’est alors enfin souvenue de Noé. Avait-elle cherché à le contacter ? Non. Avait-elle cherché à savoir où il est allé après la primaire ? Non. Elle a juste oublié. Les poings serrés, elle est repartie vers sa salle de classe.

Depuis cette altercation, elle a cherché à retrouver la trace de Noé, mais pas moyen d’avoir la moindre information. Impossible de trouver dans quel lycée il était. Alors elle s’était tournée vers l’école primaire, ils étaient peut être au courant. Effectivement, ils savaient mais ils ne voulaient rien dire. Elle a insisté, encore et encore, chaque jour pour le savoir. Finalement, après 3 mois de bataille, la mère de Noé est venue à sa rencontre. Elle l’a remercié pour son envie d’avoir des nouvelles de lui et lui a confié qu’il était désormais dans un hôpital.

Cette nouvelle avait déchiré le cœur d’Ilea. Pourquoi n’avait-il pas pu rester avec les autres ? Pourquoi fallait-il qu’il soit exclu ? Tant de choses auxquelles elle n’avait pas les réponses.

Après le lycée, elle s’est lancée dans les fameuses études de médecine que ses parents voulaient pour elle. Mais cette fois-ci, elle en était sûre, elle ne fera pas médecin. C’est à cette période qu’elle a adopté un Evoli et que sa Togepi a évolué en Togetic. Tous ces changements la confortaient aussi dans l’idée de changer elle-même. Elle a raté le concours une première fois, puis une deuxième. Elle en était sûre maintenant, elle devait créer sa propre voie et changer la société. Les gens doivent apprendre à accepter les handicapés au même titre que les autres. Les enfants ne doivent plus être rejetés. Ils doivent être intégrés.

Ilea a expliqué ses projets à ses parents. Comme elle s‘y attendait, ils ont refusé. Ils voulaient qu’elle se lance dans une nouvelle année de médecine pour avoir son diplôme. Elle n’a jamais désobéi à ses parents de sa vie. C’était bien la première fois.

Elle est partie.