6 - 6 - 6 et 7 - 7 - 7 vont toujours de paire
Aurélia Lewis
Il y a chez cette femme quelque chose. Peut-être que le singulier ne saurait décrire ces impressions plurielles qui dansent entre ton esprit et ta langue. Qu’on ne s’y trompe pas, personne ne peut avoir un visage aussi angélique en étant coupable d’actes illégaux. L’odeur du vice colle à la peau comme des tirages d’une enfance honteuse balancés lors d’un mariage, l’innocence meurt. Elle est méfiante, elle a bien raison, peut-être faut-il redoubler de prudence à ton nom qu’aux autres, le tiens à quitter les sentiers ennuyeux de la morale.
Ainsi, vous semblez tous les deux lancés, chacun s’accordant à se jouer de l’autre, peut-être la triche est-elle autorisée. La petite Victoria serait heureuse d’être ici, tout comme sa mère Marie. Ces deux femmes sont folles de jeu tout autant que ta personne nécessite l’alcool. Une addiction coûteuse comme une autre, sinon que l’alcoolisme ne permet pas de tirer le jackpot, mais la banqueroute. Cette Aurélia à de quoi piquer longuement ta curiosité, tu espères ne pas être déçu. Cette rencontre pourrait bien stimuler ta sœur à trouver une camarade de jeu fort divertissante aussi. Toutefois, tu y vois une opportunité, elle est jeune, belle, mais pas moins dangereuse, mais chacun à ses failles et tous les châteaux se sont construits sur un défaut, voyons lequel d’entre vous est en cartes.
-Je dois admettre une préférence pour les cartes, après tout, ne sommes-nous pas bons à compter sur nous-même ?
Un rictus passe tes lèvres alors que tu suis cette jeune femme dans son univers. Cette porte fine, basse, tu regrettes ce temps enfant, où tu passais n’importe où avec une dextérité inouïe, aujourd’hui, ton foi à la meilleure dextérité, pour réussir à survivre à tout ce que tu ingurgite. Tu ne sais pas ce qui se trouve en bas, mais le ring sera bien différent il suffit de quelques morceaux de papier glacés pour s’envoyer dans les cordes. As-tu déjà vu un marin avoir le mal de mer ? Jamais.
Ta Minisange s’engouffre dans la porte dérobée avec un piaillement excité, cet oiseau n’a de cesse de chercher les problèmes, comme toi, ça tombe bien. Tomyris ne te suivra pas, d’un sifflement, tu la renvoies devant, tenir compagnie à ton Machopeur. Tu fais entrer Napoléon dans sa capsule avant de descendre et aviser du regard l’espace qui s’ouvre à tes yeux après une désagréable odeur de roche humide. Comme font ces fromagers pour prospérer dans un nids froid et humide à champignons ? C’est une Shaofouine chromatique, blanche, de toute beauté qui se dresse derrière le bar, un sourire passe tes lèvres, tu te dis que Attila aurait peut-être l’espoir de trouver l’âme sœur derrière ce comptoir. Tu songes à revenir avec lui la prochaine fois.
La remarque d’Aurélia fait grandir ce sourire un bref instant alors que tu secoues la tête et hausses les épaules. Tu reprends progressivement ton sérieux tout en prenant place au comptoir.
-Prenez garde que ne soit pas l’inverse, je me sentirais coupable de vider votre établissement.
Pas de tout. Tes yeux glissent sur la Shaofouine qui est dégourdie de ses dix doigts, tu pourrais râler, corriger, mais tu n’as pas l’envie de te lancer là-dedans. Peut-être que tes pokémons seront plus à même de s’occuper de cours spécifiques.
-Si je devais me plaindre de tout ce qui constitue un mauvais alcool, je ne tiendrais pas un bar, mais une échoppe Aurélia. Tu laisses une courte pause avisant le paquet. Et je m’emmerderai de ne pas observer les clients qui ont mauvais goût.
Tu observes les cartes se faire battre et y prendre un malin plaisir. Elles glissent, rapidement, un bon coup de poignet, un regard perçant, elle sait faire la discussion. Elle n’est pas que chapelière, que cache-t-elle ? Il n’est pas donné à tout le monde de mélanger les cartes en gardant des gants, aussi fins soient-ils.
-N’est-ce pas vous la croupière ? Dans ce cas, c’est à moi de passer derrière le bar si je dois battre les cartes. Un bref rictus aux lèvres. Un poker ouvert. La mise ? Le taux de réduction ou d’augmentation que je vous fait sur mes livraisons de liqueurs. La partie s’arrête en quatre rounds ou lorsque j’arrive à vous prendre cinquante pourcent supplémentaires ou vous, cinquante pourcent de rabais. Assez équitable non ?
Gorgo, posée sur ton épaule, attend de voir le déroulé du jeu. Elle n’y connaît rien, mais tu comptes bien lui enseigner. Pour tricher ou apprécier, les connaissances sont toujours bonnes à prendre. Curieux, tu attends qu’elle distribue, tu as pioché une gorgée dans ce whisky. Rien de fameux, c’est vrai, mais tu t’en contenteras, comme la bière de fête de village : ça fait son office.
Les cartes ont parlées. Un 8 de coeur et un valet de trèfle. Pas de couleur, mais une suite à portée. Pour l’instant, c’est un cochon, rien de beau. Tu fais claquer le bout de tes cartes sur le comptoir à quelques reprises. C’est un son mélodieux que tu apprécies, satisfaisant. Curieux, tu observes ton auditrice saisir ses cartes.
-Aurélia, je vous espère de bonne fois, vous êtes croupière, juge et bourreau… Tu prends une seconde gorgée. De quel coin perdu venez-vous ? Rares sont les citadins qui ont décorent ainsi leur intérieur par pure passion.
Ton Pyrax s’est allongé sur une table vide derrière, bien installé, il semble prêt à faire un petit somme.
-Attention, il est ronchon au réveil.
Le bruit de ton compagnon qui fais vibrer ses ailes de mécontentement indique qu’il t'a entendu.
-Je devrais me faire plus discret.
En même temps, tu guettes ses réactions, c’est dans les discussions les plus anodines que l’on trouve le plus de failles.
BBDragon