Ilea n’aurait pas dû.
Dès l’instant où elle a compris que ce papier ne lui appartenait pas, elle aurait dû le reposer dans le carton où elle l’a trouvé.
Pourtant, sans savoir vraiment pourquoi, le fait de comprendre qu’il s’agit d’une lettre manuscrite l’a intrigué.
Caroline n’écrit pas. Elle n’écrit jamais.
Caroline ne dit pas tout. Caroline n’est pas la plus loquace quand il s’agit d’elle.
Elle aime parler, ça ne fait aucun doute.
Mais pas d’elle.
Alors, sans savoir vraiment pourquoi, la rousse a commencé à lire cette lettre.
Cette lettre de la main de Caroline.
Dès les premiers mots, Ilea aurait dû arrêter. Dès les premiers mots, elle aurait dû reposer cette lettre là où elle l’a trouvé. Parce que rien de ce qui est écrit ici ne lui est adressé.
Mais peut-être qu’apercevoir du coin de l’œil son prénom écrit quelque part dans le texte l’a poussé à continuer.
Une phrase après l’autre, les yeux de la jeune femme se balade sur les lignes écrites si joliment par sa meilleure amie.
Et une phrase après l’autre, la rousse comprend où tout cela va la mener.
Une phrase après l’autre, Ilea y lit ce que Caroline n’a jamais osé lui dire. Sur sa relation avec Enzo. Bien sûr, la rousse avait plus ou moins compris que leur mode de fonctionnement reposait sur quelque chose de ce style. Mais la blonde ne l’a jamais verbalisé. Surement pour ne pas faire souffrir la jeune femme plus que de raison.
Cette jeune femme qui ne s’est jamais remise de l’abandon.
Une phrase après l’autre, le cœur d’Ilea tambourine de plus en plus douloureusement. Parce que même si le mot ne tombe jamais sur le papier, Ilea a tout de suite compris de quoi il s’agissait.
C’est une chose avec laquelle une femme vivra à jamais. A jamais, elle vivra avec cette hypothèse. Parce que malgré toutes les précautions du monde, cela peut arriver.
Et c’est arrivé.
Les yeux embrumés par les larmes, la rousse n’arrive plus à détacher ses yeux du papier. Même si, sans continuer sa lecture, elle sait parfaitement ce qui est arrivé.
Cette lettre date trop pour qu’il en soit autrement.
Une phrase après l’autre, Ilea s’en veut. Elle s’en veut terriblement. Caroline était si près d’elle. Elle vivait quelque chose de tellement dur. Mais elle n’a pas été là.
Elle n’a pas été là pour l’écouter.
Elle n’a pas été là pour la rassurer.
Elle n’a pas été là pour l’épauler.
Elle n’a pas été là pour lui tenir la main.
Et lui non plus, il n’a pas été là.
Comme Ilea, il ne l’a pas su.
Comme Ilea, il n’a pas été là.
Caroline a préféré tout garder pour elle. Intérioriser la douleur causée par cette décision.
Elle a préféré tout porter seule.
Ilea s’en veut.
Elle s’en veut terriblement.
Peut-être que si elle ne s’était pas empressée de lui dire ce qu’Enzo lui avait fait des années en arrière, elle lui aurait laissé sa chance.
Peut-être que sans cette histoire du passé, Caroline aurait accepté d’en parler à Enzo.
Peut-être que sans les mots emplis de tristesse de la jeune femme, Caroline n’aurait pas été seule.
Peut-être que sans ça, ils auraient pu essayer d’affronter cette épreuve ensemble.
La gorge nouée, Ilea continue de lire.
Une phrase après l’autre, elle découvre une vision écorchée. Une vision qu’elle comprend. Une vision qu’elle peut difficilement nier. Une vision qu’elle partage probablement en partie. Mais une vision qui fait mal.
Le fait qu’elle n’ait pas voulu de cet enfant n’est pas le problème.
Le problème, c’est qu’elle ait souffert de ça. Seule.
A l’humidité du papier déjà présente s’ajoute les larmes d’Ilea.
Les larmes d’une amie qui n’a pas su être là.
Les larmes d’une amie qui a plus inquiété que rassuré.
Les larmes d’une amie qui va devoir, à l’insu de tous, porter ce secret.
Alezar Ilea L'échec n'est qu'une opportunité de recommencer plus intelligemment ~ |
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