Faudrait qu'on parle
ft Bruce Hedge
♫♫ Il réagit rapidement à me demande, et redresse la tête me permettant de voir ses yeux embués de larmes. Mon cœur se serre un peu à le voir comme ça, je n’aime pas le voir triste… C’est tellement rare de le voir perdre ses moyens comme ça…Je crois même que la seule fois que je l’ai vu dans un tel état émotionnel, c’est quand il a eu peur de me perdre juste avant qu’on ne se mette ensemble. Il ne pleurait pas, au contraire il était dans une fureur incontrôlable…mais c’était des sentiments de la même intensité.
Forcément ses excuses viennent immédiatement, mais la question est…est-ce qu’elles ne viennent pas un peu tard ? Je sais qu’il ne veut pas parler, mais il sait que s’il veut pouvoir avoir mon pardon, il doit m’expliquer les choses. Pour me convaincre de prendre la bonne décision.
Mais ça ne commence pas vraiment bien, il me dit qu’il ne voulait pas que je le vois souffrir…et ce qui fait le plus mal, c’est le ‘’c’est tout’’ à la fin…Non ce n’est pas doit, ce n’est pas un petit détail insignifiant Bruce !
J’ai envie de lui répondre tout de suite, mais je le laisse continuer. C’est si rare qu’il m’ouvre son cœur comme ça, j’ai peur que si je l’interromps, il ne se braque complètement, et que je n’ai pas les réponses dont j’ai cruellement besoin. Il me dit qu’il veut seulement rayonner pour moi, qu’il ne veut pas me faire pleurer et me rendre triste…Est-ce qu’il ignore que chaque soleil est inévitablement recouvert de nuage à un moment ? Qu’on ne peut pas rester joyeux et plein de vie tout le temps…Que c’est humain de pleurer ? qu’il n’a pas à en avoir honte…
Mais je ne m’attendais pas à ce qu’il m’annonce le décès de son père, je me fige légèrement. Je sais qu’il était proche de son père, que c’était sa seule famille. Je comprends mieux sa réaction, qu’il ait eu besoin de s’isoler. Je n’approuve pas, mais je peux comprendre ce besoin…Ce que je n’arrive pas à accepter c’est autre chose…J’ai moi aussi connu la perte d’un parent, et je sais qu’on gère chacun à sa façon. Peut-être qu’au fond de moi j’espérais que Bruce accepte que je sois son pilier dans une situation aussi difficile pour lui.
Je n’arrive pas à parler maintenant, alors je l’écoute encore. Il sait qu’il a été égoïste dans un sens, et c’est compréhensible…Quand j’ai perdu ma mère, n’ai-je pas été égoïste en m’enfermant sur moi-même ? Il a conscience que j’ai souffert, et le remord le dévore littéralement…Je le vois dans ses yeux…Mais il ne sait pas tout, justement parce qu’il n’était pas là.
Il n’a pas d’autre argument, pas d’autre raison pour son geste…Il me dit qu’il aurait dû me parler, mais qu’il y a une différence entre pouvoir et devoir…Et il se demande si je suis capable de lui pardonner, mais le suis-je vraiment ?
-Mes condoléances pour ton père Bruce…Je sais à quel point tu l’aimais.
C’est la seule phrase que j’arrive à sortir, tout simplement parce que je ne sais pas quoi faire…je ne sais pas quoi dire. Une bonne minute s’écoule avant que je n’arrive à reprendre la parole.
-Tu sais…pour moi être en couple, ce n’est pas seulement passer de bon moment avec quelqu’un. C’est être là dans les moments douloureux aussi, c’est soutenir l’autre, voir ses mauvais moments. Tu n’avais pas à te cacher de moi sans ta carapace. Même moi je sais qu’à un moment il y a des nuages qui viennent obscurcir le soleil…
Pourquoi a-t-il autant voulu être fort, au point de ne pas me montrer sa faiblesse ?
-Je t’ai déjà vu triste Bruce. Quand j’ai accepté de sortir avec toi, je t’ai accepté dans tous tes états…
Mais ça il ne l’a pas pris en compte.
-Je comprends parfaitement que tu ais eu besoin de t’éloigner, de t’isoler…Je ne te le reproche pas…Ce n’est pas ça que je te reproche.
Je me mords la lèvre, regardant le rideau à côté de moi. Hestia suit mon regard et se place non loin de ce dernier. Mes yeux roses viennent alors se reposer sur l’homme que j’aime.
-Je voulais juste un mot…un message…Tu n’avais même pas à m’expliquer les raisons, je te faisais assez confiance pour ne pas les avoir tout de suite. Est-ce que tu as idée de l’horreur que j’ai vécu ? A ne pas savoir ce qui t’étais arrivé ? J’ai appelé l’hôpital tous les jours pour savoir si tu n’avais pas été admis, j’ai harcelé l’administration mais on ne me disait rien. Je ne savais pas si tu étais blessé, mort…Et au final j’en suis venue à la conclusion que….tu m’avais abandonnée.
Je n’ai pas, à un seul moment hausser la voix…et c’est peut-être ça le plus inquiétant. Hestia me lance un regard inquiet, et un pâle sourire sur mon visage lui confirme que non, je ne suis pas en train de fermer la porte.
-Tu as pris une décision qui t’étais nécessaire, et je le comprends. Mais j’avais besoin de toi pendant ton absence…j’avais besoin de toi quand Alone est…
Hestia tire le rideau, dévoilant le corps d’Alone qui dort paisiblement depuis des mois maintenant…Et je ne sais pas s’il se réveillera un jour. Le silence est lourd et pesant, si bien que je finis par rapidement le rompre à nouveau, sans laisser le temps à Bruce de répondre
-Tu sais, il y a 10 ans mon père est parti, il a fait croire à sa mort…On a tous fait notre deuil…Tous sauf maman. Parce qu’elle savait la vérité et qu’elle l’a attendu…elle a espéré, elle avait besoin de lui, et elle a espéré son retour…mais la maladie l’a emporté avant qu’il ne revienne. Elle n’a pas eu le choix, c’est mon père qui a décidé.
Une larme coule le long de ma joue, alors que je le regarde à nouveau.
-Tu me demande si je peux te pardonner…Je peux te pardonner des milliers de chose Bruce…
J’essuie la larme, et tout ce qu’elle représente.
-… Mais je refuse de subir ce genre de choix, je ne suis pas aussi forte que ma mère…Tu m’as montré que tu étais capable de partir pour me ‘’protéger’’, mais ça ne me protègera jamais Bruce. Ce genre de décision fait toujours plus de mal qu’autre chose…Je suis désolée…mais je refuse que tout ça recommence à nouveau.
Ma voix est restée douce, même si je sais que mes mots peuvent tuer un homme.