Evidemment, Itzan est là.

Et évidemment, ce n’est pas tout à fait de sa propre volonté qu’il se présente aujourd’hui sur la ligne de départ.

Cela fait déjà quelques semaines que le bruit court qu’un immense Défi Pokeathlète va être organisé par le Général Jackie en personne. Une sorte de compétition où chacun va devoir réussir à traverser l’île, et plus particulièrement la forêt, à ses risques et périls. Et si bleu n’a eu aucun mal à comprendre l’excitation de certains élèves à l’idée de se mesurer indirectement les uns aux autres mais surtout à soit-même avec ses pokemons, le gitan n’y a vu dans son cas personnel absolument aucun intérêt.

Par un miracle qu’il n’explique pas, le Général Jackie ne s’est pas rendue compte qu’il ne s’est pas inscrit. Malgré le fait qu’il suive tous les cours de sa spécialité, il n’a vraisemblablement pas encore attiré suffisamment son attention pour qu’elle le traine par la peau des fesses jusqu’à son bureau et le forcer à s’inscrire. Surement qu’elle ne doit pas le juger digne d’intérêt. Un constat qui arrange bien le Voltali, n’ayant aucune envie de participer à un tel événement. Surtout que, même inconsciemment, ce qu’il s’est passé lors de la dégénérescence des cristaux il y a quelques mois lui reste en travers de la gorge. Il n’a pas du tout envie de voir Doudou ou Belle blessés à nouveau, et encore moins complètement seul au milieu de la forêt.

Le problème, c’est que si le Général Jackie ne l’a effectivement pas vu, ce n’est pas le cas de son référent de Dortoir, Leon Nahr. Un soir alors qu’il rentrait tranquillement du réfectoire après un bon repas avec ses amis du club des 5, le médecin pokeathlète l’a alpagué dans son bureau, toujours avec son air neutre. A partir de là, le bleu savait qu’il était foutu. Et il a eu beau argumenter que ni lui ni ses pokemons n’étaient près à un tel défi, le professeur n’a rien voulu savoir. Itzan ira, même si sa performance doit être plus que médiocre, dixit le référent des Voltalis.

Bilan des courses, le gitan a rejoint Magnolia parmi les élèves participants à ce défi. Le bleu a presque un peu honte en marchant à côté d’elle jusqu’à la ligne de départ. Il sait bien que la rose se prépare depuis des semaines pour ça. Elle a même confié ses pokemons à un coach pour les entrainer. La Mentali est très sérieuse, écoute toujours tout en classe et s’entraine même physiquement hors des cours dispensés par l’ancienne référente des Pyrolis. A côté, le Voltali passe pour un immense imposteur.

Doudou installé dans sa capuche, reposant elle-même sur un petit sac à dos, le bleu continue de marcher dans cet environnement forestier désormais légèrement embrumé. Dans la poche de son jogging se trouve également la pokeball de Belle, obligatoire pour cet exercice comme a insisté à de nombreuses reprises son référent. D’après lui, attendre qu’elle arrive d’elle-même au point où il se trouve par la mer est soit impossible, soit au meilleur des cas une solution beaucoup trop lente pour ce qu’il va devoir faire. Toucher cette surface métallique dans laquelle est enfermé son pokemon lui fait vraiment tout drôle.

Il y a vraiment du monde autour de lui. Beaucoup de monde a répondu présent à l’évènement, et pas seulement des étudiants. Le garçon croit reconnaitre certains adultes de l’île, de quoi renforcer encore un peu plus le fait qu’il est ici en immense touriste. Il va faire honte à Leon Nahr, c’est tout ce qu’il va se passer.

Mais tiens, depuis quand avoir l’air d’un touriste à de l’importance pour lui ? De même, quand a-t-il commencé à se soucier du regard de son référent sur lui ?

Tout ça n’a plus d’importance maintenant, d’autant plus que la référente du pôle Pokeathlète a commencé son discours, digne d’elle. Des mots durs, puissants, auquel Itzan s’est habitué malgré lui à force de suivre ses différents cours. La rose non plus ne réagit pas plus que ça. On dirait que cette fille n’a jamais peur de rien. Avant de partir, il se permet tout de même de lui adresser quelques mots.

— Je pourrais te souhaiter bonne chance, mais je ne suis pas sûr que tu en ais besoin. Tu vas gérer c’est sûr. On se retrouve là-haut ? Enfin bon tu risques surtout de m’attendre ahah.

Les deux jeunes s’adressent un sourire, juste avant que le top départ soit donné. Et sans partir à fond les ballons comme certains, Itzan se met tout de même à trottiner un peu pour suivre la cadence, tout en faisant attention à ne pas éjecter Doudou au passage.

Rapidement, un peu comme tout le monde a vrai dire, le garçon s’est mis en route avec comme objectif d’atteindre le sommet de la forêt. Sur le papier, Itzan n’est pas sûr de comprendre parfaitement en quoi cela constitue un défi. C’est vrai, après tout certains élèves connaissent par cœur la forêt. D’autres ont des pokemons volants avec lesquels ils peuvent survoler toute la forêt et arriver direct en haut sans aucun effort. Et qui sait, peut-être même qu’en courant sur le sol, le gitan ne rencontrera absolument aucun obstacle l’obligeant à intervenir. Tout ce défi ne se résumera qu’à une chose : courir.

Alors évidemment, quand il a expliqué tout ça à son référent, ce dernier a soupiré. Un soupir auquel le Voltali est habitué. C’est très souvent la première réplique de Leon Nahr fasse aux paroles du bleu, avant de finalement se reprendre et expliquer au garçon pourquoi son raisonnement ne tient pas la route. Sans échapper à la règle, il a donc repris chacune des phrases de son élève, lui expliquant en réalité pourquoi tous les scénarios qu’il a évoqué ne pourrait pas se produire lors de ce défi.

Il est interdit de survoler en intégralité l’île. Le fait de connaitre par cœur la forêt n’est pas forcément un avantage. Et pour terminer, il ne pourra pas rien se passer. Car le défi n’est pas conçu comme ça.

Et puis, Leon a particulièrement insisté sur le fait qu’Itzan devait s’investir dans toutes les situations qu’il rencontrerait. Absolument toutes.

Rien que d’y repenser, le Voltali soupire. Il va surement encore falloir du temps, ou peut-être même qu’il faudrait toute une vie pour que son référent et lui se comprennent. Mais ils viennent de deux mondes différents, alors Itzan n’est pas persuadé qu’ils puissent un jour vraiment se comprendre.

Toujours est-il que malgré toutes ses réticences, il court comme les autres en direction du sommet, ouvrant les yeux sur une situation qui devrait l’interpeler. Il est bien gentil son prof, mais le Voltali n’a pas un radar à catastrophe pokemonesque collé sur le front. Ça fait à peine un an qu’il fréquente au quotidien des pokemons. Il en faut surement bien plus pour comprendre l’étendue de la connexion qu’il peut y avoir entre humains et pokemons.

A force de courir, Itzan s’est rapproché d’une imposante rivière, traversant la forêt. Et bien vite, il comprend ce que son professeur sous-entendait par « problèmes sur le chemin ». Ce tronçon de la rivière est asséché, complètement. Certes il a fait chaud cet été, mais certainement pas assez pour provoquer ce type de phénomène. Comprenant qu’il va probablement devoir trouver la source de ce problème, le gitan se décide à petit à petit remonter la rivière, toujours en trottinant. Sans être devenu un monstre de la course, il doit reconnaitre que depuis qu’il a rejoint les Pokeathlètes, il a sacrément amélioré son endurance.

Finalement, le problème apparait bien assez vite. Un immense pokemon semble avoir créé un barrage de toute pièce. Sans trop s’approcher, l’agent sort de sa poche son Ipok pour mener une première recherche. Il s’agit sans aucun doute d’un Torgamord. Un pokemon eau semblable à une tortue géante. Bien vite, le garçon apprend qu’il va devoir être prudent, puisque sa mâchoire possède la force nécessaire pour tordre des barres de fer.

Bon, a priori, il va donc devoir le faire bouger par une méthode amicale. Aucun intérêt d’engager le combat, il y a de très grandes chances qu’il soit perdant de toute façon. En restant discret, Itzan remonte davantage la rivière jusqu’à être hors du champ de vision de la créature, puis relâche dans l’eau Belle, ravie de ne plus être enfermée dans cette balle métallique.

— Bonjour Belle. A peine commencé et j’ai besoin de toi. Tu vois, un peu plus bas dans la rivière, il y a un Torgamord qui bloque l’écoulement de l’eau. Ce n’est pas une bonne chose pour les autres pokemons. Je pense qu’il n’a pas assez d’espace là où il est, alors il crée artificiellement une masse d’eau supplémentaire. Mais je me dis que si…

Le garçon s’allonge dans l’herbe pour être au plus près de son pokemon, lui au bord du rivage, puis montre à son partenaire la carte sur son téléphone.

— Si on pouvait le guider jusque dans cette zone plus haut, il aurait davantage d’espace, et ne se sentirait pas dans le besoin d’amener plus d’eau à lui. Tu crois Belle que tu pourrais le guider jusque là-bas ?

La Barpau semble réfléchir quelques instants puis, doucement, s’élancer en direction de la tortue. Itzan n’est pas encore le meilleur pour communiquer avec ses pokemons, mais il pense s’être fait comprendre sur ce coup. Le Voltali se redresse, assis dans l’herbe, et attend patiemment. Belle a l’habitude de sillonner les eaux de Leiar, cet endroit ne lui est surement pas inconnu. Et si depuis qu’elle a éclos, il ne l’a jamais retrouvé un soir blessé par un autre pokemon, c’est que d’une manière ou d’une autre elle se débrouille pour ne pas être une cible. En résumé, il a foi en son pokemon.

Et il fait bien, puisque quelques minutes plus tard, il aperçoit dans l’eau Belle suivit de près par la tortue géante. Itzan soupire de soulagement. Alors elle a réussi, c’est génial. Patient, le garçon attend encore quelques longues minutes supplémentaires avant de voir enfin revenir sa Barpau. De toute façon il ne fait pas vraiment la course. Leon lui a suffisamment répété de se concentrer davantage sur lui aujourd’hui. Et puis dans tous les cas, ce n’est pas tellement son genre.

L’agent se penche au niveau de son poisson et lui caresse le dos en guide de récompense.

— Tu as été géniale Belle. Maintenant il ne reste plus qu’à détruire ce barrage. Voyons qu’est-ce qu’on pourrait faire ?

Itzan n’a pas le temps de faire aboutir sa réflexion plus loin qu’il voit sous l’eau une drôle d’énergie se concentrer juste devant son Barpau. Croyant comprendre ce qu’il se passe, le garçon dégaine son Ipok juste à temps pour enregistrer sous l’œil expert de son pokedex cet incroyable rayon d’énergie sortir de la bouche de Belle et s’écraser tout droit sur le barrage, le faisant voler en éclat. Une attaque Draco-Choc d’après la machine.

— Cette fille n’en a pas marre d’apprendre des attaques bizarres à mes pokemons ?

Malgré le côté un peu étrange de la situation, le garçon est bien obligé de reconnaitre que cette capacité lui a fait gagner sacrément de temps. Le barrage a été détruit en un temps record, et Belle n’a pas l’air d’être plus affectée que ça par l’usage d’une telle capacité. De type dragon en plus ! Un type relativement fort s’il se souvient bien de ses cours de stratégie. Sans s’en venter particulièrement, la Barpau se rapproche du bord à nouveau pour chercher le contact de la main de son dresseur qui, évidemment, lui offre sans aucune difficulté.

— Belle tu as été impressionnante. Je suis fier de toi.

Continuant d’une main les caresses, l’adolescent reprend la navigation sur son téléphone et étudie plus particulièrement le plan proposé. Il sait bien que la zone n’a pas été cartographié au millimètre près, mais il suppose que la position de la rivière est fiable, et que par conséquent il peut laisser encore un peu Belle dans l’eau et marcher à ses côtés.

— On va continuer à avancer à côté de toi. Ça te convient Belle ?

La Barpau agite un peu la queue avant de reprendre son ascension, menant indirectement son dresseur. Alors c’est ce type d’événement qu’il est amené à rencontrer et qui doit ponctuer son ascension ? Honnêtement, l’agent n’est pas bien confiant. Certes, cette situation était gerable grâce au type eau de Belle. Mais il y a beaucoup d’autres situations où ses deux pokemons vont probablement être complètement inutile. Pas que ce soit de leur faute, mais seulement leur constitution est elle-même un frein. Bref, le bleu essaie de ne pas penser à ça et de continuer sa traversée, la Barpau à ses côtés.

En marchant, il se demande comment la rose s’en sort de son côté. Probablement qu’elle est en train de courir à toute vitesse, passant les obstacles un à un avec plus de maitrise que lui. Elle a beau avoir un an de moins, elle est infiniment plus talentueuse, et son chemin est tout tracé. Bien loin du destin très flou sur lequel le gitan n’arrive pas à se projeter. S’il y a quelques mois il aurait parié sans hésiter que dès que possible il retournerait à la maison, aujourd’hui il n’arrive plus à se le dire avec autant de certitude.

Son chemin est arrêté par de nombreux bourdonnements, lui faisant craindre le pire. Prudent, le bleu s’avance légèrement, protégeant signe à Belle de ne pas avancer de trop. Son Ipok à la main, il essaie d’utiliser de la fonction reconnaissance auditive pour avancer plus sereinement. Ce n’est pas la meilleure de manière de chercher, mais il sait que parfois cela peut être utile. Et justement, son appareil lui permet de se détendre un peu. A priori, ces bruits appartiennents à des Brindibous, et non à d’imposants Dardagnans.

Le gitan s’approche davantage de la zone, et constate qu’un important essai de Bombydou est rassemblé au même endroit, mais n’a pas l’air de trop apprécier. Complètement sa recherche d’informations, le garçon apprend que ces pokemons sentent l’aura des plantes et butinent celles qui lui plaisent.

Et là tout de suite, ils paraissent bien tiraillés. On dirait qu’ils voudraient butiner mais que quelque chose les rebute.

Prudemment, le Voltali approche de la zone, les insectes s’écartant d’eux même pour le laisser passer. Heureusement pour lui que ces pokemons sont très pacifistes. En s’accroupissant sur le sol, et sans être un herboriste de talent, le garçon comprend où est le souci. Ces petites fleurs commencent à doucement faner. Et elles sont très probablement les préférés de ces petits insectes. Pour ne rien arranger, l’arbre au pied duquel elles poussent a l’air malade. C’est peut-être ça qui affecte les fleurs ? D’un geste doux, Itzan pose Doudou au sol et lui explique ce qu’il se passe.

— Doudou, a priori ces plantes ne sont plus nourries par l’arbre auquel elles sont attachées. Peut-être qu’en les déterrant et en les plantant ailleurs, elles iront mieux ?

La boule rose, toujours aussi stressée, hoche pourtant la tête fasse à la proposition du Voltali. Parfait, il va pouvoir s’y mettre. Seulement, alors qu’il remonte ses manches, une idée lui revient en tête.

— Tu te souviens Doudou du CD que je t’ai fait regarder pour apprendre cette capacité Tunnel ? Tu crois que tu arriverais à le faire juste en passant en dessous des fleurs ? Ça me ferait gagner beaucoup de temps.

Etrangement, le type fée ne semble pas réfléchir une seconde avant de se positionner à côté des fleurs, et de commencer à creuser un trou. Doucement, la terre se soulève et permet à Itzan de distinguer les racines. Quelques instants plus tard, le Toudoudou ressort, couvert de temps.

— C’est parfait Doudou tu es génial. Et tu crois que tu pourrais faire pareil sur l’arbre là-bas un peu plus loin, pour que je replante ?

A tout petit pas (en même temps vous avez vu la taille de ses pieds ?), Doudou s’avance vers l’arbre indiqué, suivi de près par tous les Bombydous, curieux du travail commencé. De son côté, Itzan déracine doucement chacune des fleurs pour aller les piquer à un nouvel endroit. Au détour d’une conversation dans un couloir, il a appris que la fille qu’il a croisé le jour de son arrivée à Adala était une pokeathlète médecin très réputée de l’académie, spécialisée dans l’herbologie. Peut-être serait-elle contente qu’un bleu comme lui ait réalisé un tel acte pour aider des Bombydous ?

Chassant ses souvenirs de la tête, Itzan procède au repiquage de chaque fleur. Il essaie d’être le plus délicat possible, pour ne pas les briser, et arrive finalement à créer un nouveau parterre de fleurs. Il se doute bien que les effets de son geste ne seront pas visibles dans la seconde. Mais le Voltali espère que cela suffira pour que ces pokemons se sentent bien à nouveau.

Itzan s’imaginait faire beaucoup de choses pendant cette épreuve imposée par son référent. Mais certainement pas du jardinage. Pourtant, grâce à ses vagues souvenirs des cours de botanique mais surtout avec l’aide de Doudou et de cette capacité nouvellement apprise, le parterre de fleurs ressemble à nouveau à quelque chose. Le bleu ne peut malheureusement pas attendre de voir si son geste portera réellement ces fruits, mais peut-être passera-t-il un peu plus tard par ici, quand le défi sera terminé depuis longtemps, pour observer de nouveau les Bomnbydous.

Les bras dans l’eau, le Voltali se lave un peu, histoire d’enlever la terre sur ses mains et avant-bras. Pour les ongles, il s’en occupera en rentrant, il n’est pas bien équipé pour ça. Evidemment, Belle en profite pour s’agiter à côté de lui. Il sait bien qu’en réalité, la Barpau aimerait qu’il passe plus de temps avec elle. Même s’il vient au moins une demi-heure par jour au bord de l’eau pour lui donner de l’attention et discuter avec elle (bon il parle plus tout seul qu’autre chose, mais l’idée est là), il se doute que Belle en voudrait plus. Mais il se refuse à la mettre dans une pokeball, et encore moins de la trainer dans un bocal sur un skateboard comme il a vu certains le faire. Belle a besoin de l’immensité de la mer, pas d’un minuscule récipient en verre. Elle est bien plus heureuse comme ça, sans aucun doute. Et puis, peut-être que la Barpau finirait par en avoir marre de lui.

Décidé, le garçon reprend sa marche, toujours au bord de la rivière pour passer du temps avec Belle. D’après la carte, il n’avance pas si mal. Et s’il devra probablement à un moment rappeler la Barpau dans sa pokeball, il préfère passer le plus de temps possible avec elle, quitte à se rallonger un peu le chemin. Doudou aussi a eu le droit à un petit débarbouillage pour le débarrasser de toute la terre accumulée avant de reprendre sa place dans sa capuche. Pour un événement inédit comme ce défi, le garçon trouve son starter étrangement calme. Même si ça lui fait tout drôle de le reconnaitre, probablement que le type fée s’adapte lui aussi à toute cette agitation. Bien sûr, ses larmes aux yeux n'ont pas disparu. Mais les gros sanglots se font de plus en plus rare.

C’est d’ailleurs Doudou qui l’avertit à sa façon du prochain danger. Il se met tout à coup à gigoter dans la capuche, obligeant le garçon à le sortir de là pour s’enquérir de son état.

— Que se passe-t-il Doudou ? Il y a un problème ?

La petite boule rose continue de s’agiter et de montrer du bout de ses petites pattes le sol, sans que le Voltali ne comprenne véritablement de quoi il s’agit. Jusqu’à ce que finalement, quelques instants plus tard, il sente sous ses pieds d’imposantes vibrations. Prudent, le garçon trouve rapidement une cachette derrière un arbre un peu plus gros que les autres. De rapides coups d’oeils lui permettent de comprendre de quoi il en retourne.

Un important groupe de pokemon est en plein déplacement, et ce qui est sur c’est qu’ils n’ont pas l’air commande. Une rapide recherche lui permet de les identifier comme étant des Grolems, des pokemons très massifs de type roche. Surement que Doudou a perçu les vibrations du sol bien avant lui, et ce depuis la capuche du garçon. Incroyable performance que le gitan prendra le temps de commenter plus tard, lorsqu’il pourra faire plus de bruit. Là tout de suite, une idée lui vient en tête pour réussir à s’éloigner.

Doucement, il s’accroupie sur le sol et chuchote le plus bas possible à Doudou.

— J’ai une idée. Tu vas rejoindre Belle et grimper sur son dos. Ensuite, tu vas utiliser ta capacité Berceuse pendant que Belle te porte le long de la rivière. A cette distance et vu leur nombre, ça ne devrait pas les endormir d’un coup, mais ça devrait au moins les distraire et les fatiguer, assez pour que moi je passe sans me faire poursuivre.

Malgré son idée tout à fait plausible, l’agent en herbe sent une réticence chez son compagnon, qu’il identifie bien vite comme le souvenir d’une journée où une combinaison du genre n’avait pas aussi bien fonctionné.

— Ne t’en fais pas, j’ai des boules quies maintenant dans mon sac. Mêlant les gestes à la parole, Itzan les sort et les enfile. Ne t’en fais pas pour moi, fonce. Tu vas réussir Doudou comme d’habitude.

De ses petites pattes, le type fée se déplace jusqu’à la rivière et prend place sur le dos de sa coéquipière, avant de se mettre à chanter comme elle sait si bien le faire. Enfin, ça le garçon le devine au bruit de sa bouche. Parce qu’avec ses protections pour les oreilles, il n’entend rien du tout. Du coin de l’œil, il perçoit bien les Grolems qui ralentissent leurs mouvements. Evidemment qu’ils n’allaient pas tomber comme des mouches. Il faudrait plusieurs berceuses pour plonger les 20 spécimens dans un sommeil profond.

Mais cela va largement suffire à Itzan pour prendre la route, et suivre au loin ses deux pokemons, se dissimulant au mieux derrière les arbres. Il a bien conscience que sa stratégie n’est pas parfaite. Mais en l’état, il ne peut pas faire beaucoup mieux. En plus de ça, les Grolems sont extrêmement faibles face au type eau. Il y a peu de chance qu’ils se jettent dans la rivière pour s’en prendre à Doudou et Belle.

En résumé, c’est le coup le mieux calculé qu’il pouvait sortir avec les moyens du bord.

Itzan aurait bien dit que c’est un miracle qui lui a permis jusque-là de s’en sortir. Mais en réalité c’est plutôt sa débrouillardise et sa capacité à exploiter chaque talent de ses deux pokemons. Toujours est-il que grâce à ses pas lents et à la diversion orchestrée par ses deux compagnons, le bleu parvient à s’éloigner petit à petit de la zone de danger, jusqu’à ce que finalement les Grolems ne paraissent être qu’un lointain souvenir. Après un dernier regard en arrière, le gitan retire ses bouchons et soupire de soulagement. Encore une bonne chose de faite, et sans mettre en danger Belle et Doudou. Et c’est surement cette deuxième partie qui compte le plus à ses yeux.

A nouveau, il se rapproche du bord de la rivière pour marcher au côté de ses pokemons. Si par réflexe, il y a encore quelques temps, il aurait ramené Doudou dans ses bras, cette fois-ci il préfère le laisser sur le dos de Belle, ce dernier n’ayant pas l’air trop dérangé. Enfin, à l’échelle de Doudou bien sûr. Il a toujours ses petites larmes aux yeux et s’accroche fermement à la nageoire de la Barpau, mais il reste, et ne fait de grand signe au garçon pour qu’il le remette dans sa capuche, là où il aime tant se loger. Un constat qui fait sourire le garçon.

Ce qui le fait beaucoup moins sourire en revanche, c’est de constater que plus il marche, et plus le niveau d’eau baisse. Jusqu’à un stade critique où Belle ne peut même plus nager sans toucher le fond. Le Voltali soupire. Encore quelque chose qui bloque l’écoulement normal de l’eau. Il s’accroupit au bord de la rive pour adresser deux mots à ses pokemons.

— On va arrêter là la promenade. Belle je te rappelle dans ta pokeball, et si j’en ai l’occasion, je te promets que je te fais sortir de nouveau. Doudou, tu reviens dans ma capuche, au moins en attendant de voir de quoi il s’agit.

Ses deux compagnons ne s’opposent pas trop au plan et se laissent faire, guidés par le gitan à la tête des opérations. Désormais seul avec son Toudoudou, le bleu reste sur ses gardes, ne sachant pas vraiment à quoi s’en tenir. Ce n’est qu’après quelques nouvelles minutes de marche qu’il constate définitivement le problème. Ce Torgamord a recommencé à faire un barrage. Et a nouveau, l’eau ne s’écoule plus du tout. Il semblerait donc que sa première hypothèse n’était encore pas la bonne, ou alors que ce pokemon n’est définitivement pas compris qu’ici, ce n’est pas l’océan.

Comme il n’a pas l’air agressif, le bleu reprend Doudou directement dans ses bras et s’approche de la tortue géante, se mettant à sa hauteur.

— Hey toi, ce n’est pas la mer que tu cherches ?

Le pokemon sauvage n’a pas l’air de comprendre tout de suite de quoi il en retourne. Pour appuyer ces propos, le garçon se met à faire de grands gestes, tout en montrant l’eau.

— L’endroit où il y a beaucouuuuuuup d’eau. Ce n’est pas ici. Ici c’est une rivière. Il n’y aura jamais énormément d’eau, même si tu construits des barrages.

Armé de son Ipok, le garçon sort la carte et essaie de s’orienter pour mieux expliquer au Torgamord. Une fois la carte en tête, le gitan reprend.

En partant tout droit par là-bas, tu vas tomber sur une falaise. Il y a des endroits plus pratiques pour descendre. Et là-bas ça sera l’océan. Tu pourras nager avec beaucoup plus d’espace. Tu comprends ?

Itzan continue d’appuyer ses propos par de grands gestes et, surement pris dans le mouvement, le type fée en fait de même et agite ses petites pattes pour imiter quelques choses de grand. Puis, alors que d’habitude Doudou ne parle pratiquement pas, il se met à parler, en langage pokemon bien sûr, au Torgamord. Et, au bout de quelques échanges, la torte géante abat d’elle-même sa construction avant de se hisser hors de l’eau, suivant la direction indiquée plus haut. Alors qu’il paraissait d’abord perplexe, le pokemon sauvage a complètement changé après les paroles de Doudou.

— Doudou, qu’est-ce que tu lui as dit pour qu’il parte aussi vite ?

Aucune réponse.

Itzan ne saura jamais.

Cette fois-ci, histoire d’être sûr de ne pas se faire avoir, le gitan patiente tranquillement quelques minutes afin de s’assurer que la tortue géante n’a pas décidé une fois de plus de faire demi-tour. Il aimerait bien ne pas se coltiner le Torgamord jusqu’à la fin du voyage quand même. Faire fuir une tortue géante une fois c’est bien, deux fois ça commence à devenir lourd, alors autant s’assurer que ça ne recommence pas une troisième fois.

Mais après quelques longues minutes, rien ne semble venir. A croire que Doudou a été extrêmement persuasif. Itzan est très curieux en réalité de savoir ce que la boule rose lui a dit. Quels mots a-t-il pu utiliser pour convaincre un pokemon faisant facilement 10 fois sa taille de partir comme si de rien n’était ? Il ne le saura surement jamais. Une petite chose qui appartiendra à Doudou et rien qu’à Doudou.

Malheureusement, d’après ce qu’il lit de la carte, il ne va pas pouvoir rappeler Belle avant la ligne d’arrivée. La rivière prend une trajectoire drastiquement différente, et pas question de laisser un pokemon aquatique gratuitement hors de l’eau, ou en tout cas pour quelque chose d’aussi futile qu’un exercice scolaire. Il prendra plus de temps avec elle ce soir. Déjà pour la remercier, et surtout pour continuer de la mettre en confiance.

Seulement, il faut croire que les stratégies mises en place jusque là par le Voltali ne sont pas brillantes, ou en tout cas pas efficace sur le long terme. Cette fois-ci, inutile d’attendre le signal de Doudou pour qu’il comprenne que la terre se met subitement de nouveau à trembler, et que les Grolems qu’il a laissé sur le côté quelques temps plus tôt sont de retour, et beaucoup plus rapide que la dernière fois.

Le garçon a beau s’agiter dans tous les sens pour essayer de trouver une solution, plus rien ne lui vient au cerveau. Il a un peu tout essayé pour limiter la casse depuis le top départ, et maintenant il réalise à quel point très vite, tous ses moyens d’actions s’épuisent.

Heureusement, il n’est pas tout seul.

De sa propre initiative, comme très rarement il a vu son compagnon le faire, Doudou se jette des bras du garçon puis comme à creuser à même le sol avec une force effrayante. Comme tout à l’heure, il fait appel à la capacité Tunnel. Et en quelques secondes, un trou suffisamment grand pour les accueillir tous les deux est créé.

Sans perdre plus de temps, le gitan se jette à l’intérieur, amortissant la chute. Le trou est assez profond pour passer complètement inaperçu de l’extérieur, en tout cas si l’on ne cherche pas à se pencher. Par réflexe, l’agent attrape son compagnon dans ses bras et le serre contre lui, ne faisant plus aucun bruit. La terre continue de trembler, mais les pokemons sauvages ne semblent pas se rapprocher. Mieux que ça, les secousses s’éloignent jusqu’à finalement disparaitre complètement.

Le garçon soupire. Encore une catastrophe d’évité. Il desserre doucement l’étreinte autour du type fée et lui murmure.

— Quoi qu’ils diront tous, moi je dirais toujours que tu es le meilleur Doudou.

Le garçon croit voir se dessiner sur le visage de son compagnon un petit sourire, ponctué par quelques larmes. Mais peut-être que cette fois-ci, il s’agit de larmes de joie ?

A mains nues, Doudou revenu dans sa capuche, le Voltali grimpe pour se sortir du trou, afin de regagner la surface. Il espère que cette fois-ci, plus rien ne viendra se mettre sur son chemin.

Il se doute bien qu’il n’a pas été le plus rapide, ni le plus performant de ce défi. Mais au moins, il rentre en un seul morceau, sans aucune blessure ni avoir déclenché aucun combat.

C’est peut-être déjà pas si mal.

Pour un touriste.

Auikyayoani

HRP :