— Bon t’es marrante, mais tu veux qu’on appelle qui ?
Les deux jeunes femmes sortent d’une pochette au nom du petit garçon un certain nombre de document, à la recherche de celui qui devrait leur apporter les réponses tant attendues. Bien qu’elle soit au courant du fait que Luth Joy a été adopté par Cael il y a quelques temps déjà, elles savent aussi qu’il n’est pas le seul à avoir rempli cette feuille pour les cas urgents.
— Bon alors on a son papa évident, mais a priori il est en mission jusqu’à tard ce soir. Impossible de le rapatrier pour ça.
— Ok et la deuxième c’est sa marraine. Idalienor Edelwen. Mais elle a indiqué que de début septembre à fin novembre elle était à Sinnoh, soutenue par la Fédération.
— Ces rangers toujours à vadrouiller partout. Et on fait comment pour s’occuper des petits nous après ?
— Attends il reste un nom. Et a priori lui il est là.
— C’est qui ?
— Camille Noveda. C’est le compagnon de la marraine du petit. Il travaille à l’académie en tant qu’infirmier.
— Ouais mais c’est un peu loin comme lien, tu crois que ça suffira pour calmer le petit ?
— On n’a pas milles autres options de toute façon.
Déterminée, la jeune femme décroche le téléphone et tape rapidement le téléphone, en espérant qu’il décroche.
— Oui allo ?
— Oui Monsieur Noveda ? Je suis Elise, l’une des maitresses de l’école des petits Nénupiots. Je vous appelle parce que l’on a un souci avec Luth
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Camille Noveda – 23 ans
En remplissant ce papier avec Idalienor, je me doutais que cela pouvait arriver. Après tout, c’est moi qui lui aie proposé de me joindre à eux pour compléter cette fiche. L’un comme l’autre sont très souvent en mission. Cela sonnait donc comme une évidence pour moi de m’ajouter comme figure référente, mais surtout comme figure qui ne bouge pas à droite à gauche en permanence. Et cela m’a fait très plaisir de voir Cael accepter ma proposition, m’accordant toute sa confiance pour me confier son fils en cas de besoin.
J’avoue que je n’avais juste pas anticipé que cela arriverait dès le jour de la rentrée.
Evidemment ni Cael ni Idalienor ne sont là. Le premier est en mission pour la journée, et la seconde est partie tout récemment pour Sinnoh. Elle ne reviendra que début décembre à Almia. Donc, naturellement, c’est moi que les maitresses ont appelé. Apparemment il s’est mis soudainement à pleurer à midi, se sentant réellement mal à l’école. Elles ont donc jugé préférable de le ramener à quelqu’un de confiance. Sur le principe, il n’y a aucun souci à ce que je m’occupe de lui. J’ai l’habitude maintenant de passer du temps avec lui, même si nous n’avons jamais été que tous les deux. Le souci, c’est qu’il faudra bien qu’il s’habitude à l’école au bout d’un moment.
Au loin, je finis par apercevoir un imposant Arcanin sur lequel est perché le petit Luth. Les jeunes femmes m’ont prévenu qu’elles me l’amèneraient de cette façon. Ça évite une grosse surprise à l’arrivée. Le petit garçon descend de sa monture et se précipite vers moi, les larmes coulant de nouveaux sur ses joues rondes. Les bras tendus, je finis par l’attraper et à le faire grimper dans mes bras, accueillant ses gros sanglots avec un câlin bien mérité.
Il a peur sans Cael, et ça peut se comprendre. Ce petit a été abandonné. Et dans son esprit, il ne fait peut-être pas la différence entre une journée d’absence et toute une vie sans son parent.
— Je sais Luth je sais. Papa est en mission pour la journée, vous en avez parlé ensemble. Mais il va rentrer ce soir. Il faut juste être patient. En attendant, on va passer la journée tous les deux. Mais je dois travailler pour l’instant, donc pas de bêtise d’accord ?
Je sens simplement le garçon hocher la tête contre mon épaule, pleurant encore malgré ses efforts pour se montrer valeureux. Je caresse doucement sa tête et amorce le mouvement pour retourner à l’intérieur du bâtiment.
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Me promener avec un enfant aussi jeune au sein de l’école, ça a forcément fait parler. Je suis allé lui faire manger un morceau à la cafétaria et déjà les questions fusaient. Enfin les questions, plutôt les insinuations débiles à coup de « Idalienor n’aimerait pas savoir que vous vous occupez d’une autre ? » ou encore « Sully avait une double vie depuis le début ». Je sais bien qu’il ne le dise pas méchamment, mais juste pour me taquiner. Mais bon, j’aurais bien aimé m’éviter ce moment. Je me fais déjà suffisamment remarquer à cause de Sully…
De retour dans mon infirmerie, j’ai laissé Luth à côté de moi jouer avec Petit Chat. J’ai pas mal de paperasse à faire comme d’habitude, et je suis à peu près sûr que je vais avoir de la visite dans l’après-midi. Les cours un peu plus sportifs ont repris, et nul doute que je vais devoir soigner quelques bobos. En espérant juste ne pas devoir appeler les pompiers pour venir en chercher un ou deux.
Luth est extrêmement calme, ce qui en est presque surprenant. Je me doute qu’il ronge son impatience de retrouver son papa en silence, même si ce n’est pas très bon pour un enfant de tout garder pour lui. Je me dis qu’au moins, la présence de petit chat l’occupe et l’aide à un peu passer le temps.
Soudainement un élève de 6ème année entre en trombe dans l’infirmerie, de quoi faire sursauter le petit bleu, à moitié porté par un autre de ses camarades. Je repère sans trop de mal que ses genoux sont sacrément écorchés, mais dans l’ensemble il n’a pas l’air d’aller si mal vu la tête de mariole qu’il tire.
— Alec pose Jace sur la table s’il te plait. Je peux savoir ce qu’il s’est passé cette fois ? – a mon plus grand malheur, ce sont des habitués des lieux tous les deux, et ce depuis que je travaille ici.
— T’étais pas là Sully pour voir ça, la situation était idéale pour une cascade incroyable à l’aide de Tauros tout juste capstiqué. Avec ce mouvement j’aurais gagné un temps fou et avec classe.
— Je vois très bien, mais j’imagine que si tu es là c’est que ça n’a pas aussi bien marché que prévu. Alec tu peux retourner en cours je m’occupe de lui.
Le garçon hoche la tête en rigolant, sachant pertinemment que cela aurait pu être lui à la place de son meilleur ami, puis file de l’infirmerie au pas de course, ne souhaitant pas louper plus que ça du cours. Même si ces deux-là sont de vrais casses-cous, ils veulent plus que tout au monde devenir des rangers accomplis.
Non loin du blessé, Luth a l’air relativement impressionné. C’est vrai que je n’ai aucune idée de sa resistance à ce genre de choses. Heureusement pour moi, il ne se met pas à pleurer ou à crier, mais reste étrangement intrigué par ce qu’il se passe.
— Luth, est-ce que tu veux m’aider un peu à le soigner ?
— Eh tu vas pas demander à un mome de 4 ans de me soigner quand même ?
Pas perturbé par la remarque du grand, le petit garçon murmure
— Oui
— Très bien, alors viens voir.
Sur une compresse, j’applique une bonne dose de désinfectant puis la place entre les mains de Luth avant de lui expliquer.
— Avec ça, tu vas tamponner l’endroit où ça saigne sur ses jambes d’accord ? Il va te dire de toute façon où il a mal. C’est là où il faudra appuyer, mais doucement surtout, sinon il va avoir trop mal.
Le fils de Cael se détourne de moi et s’approche du lit installé dans l’infirmerie. Comme il est petit mais que Jace est assis sur le lit, il est à la bonne hauteur pour s’occuper de l’étudiant. Même si ce dernier n’a pas l’air ravi qu’un bambin s’occupe de lui, il le guide tout de même vers là où il doit appliquer le produit. Luth est très appliqué à la tâche, rendant la scène absolument adorable. Je dégaine rapidement mon téléphone pour capturer l’instant avant d’envoyer un petit sms à Idalienor.
« Tu as vu, déjà en train de soigner les autres. Ce n’est pas ton filleul pour rien ».
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La journée arrive à sa fin. Il est temps de fermer mon bureau et de rentrer à la maison. Mais à la dernière minute, je me rappelle d’un détail, provoquant immédiatement un soupire. J’avais complètement oublié que je devais aller chez le kiné ce soir. En soit, cela ne devrait déranger personne que Luth soit avec moi. Il n’aura qu’à attendre sagement. J’espère juste que Cael ne m’en voudra pas trop de l’avoir emmené avec moi.
— Ecoute Luth, avant de rentrer à la maison. Je dois aller chez un médecin. Tu vas venir avec moi. Mais il faudra aussi être sage.
— Malade ?
— Non je ne suis pas malade…c’est juste que…tu te souviens quand j’avais des béquilles ?
— Oui, mariage !
Le petit associe ça à la demande en mariage des filles. Pour ne pas le perdre, je ne nie pas et continue de lui expliquer.
— Pour ne plus que j’ai de béquille, je dois aller voir ce médecin qui m’aide pour mes jambes, tu comprends ?
— Oui, un peu.
— D’accord, alors allons-y tous les deux
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Je suis vidé. Je n’ai plus aucune énergie, et très mal aux jambes. Forcément, j’ai l’habitude maintenant c’est toujours un peu la même rengaine quand je sors d’une séance. Je sais que tout ça n’a qu’un but thérapeutique, mais ce n’est jamais un moment très agréable à passer. Avoir le regard d’Idalienor sur moi pendant ces séances m’aident à me sentir un peu mieux, et même si je sais qu’elle pense à moi comme je pense à elle-même à l’autre bout du globe, c’est dans ces moments-là qu’elle me manque encore plus. Mais j’ai promis que son bonheur passerait avant toute chose.
Je crois que la séance a aussi impressionné lutte. Il ne doit pas avoir l’habitude de voir des gens avoir mal comme ça. Les petites blessures de Jace ne représentaient pas grand-chose en comparaison à la douleur d’une rééducation suite à des jambes blessées et malmenées par ma propre bétise. Depuis qu’on a quitté le cabinet du kiné, il refuse de me lâcher la jambe. Il s’est même endormi sur moi une fois installé dans le canapé.
Quelle journée.
Lorsque j’entends toquer à la porte, je suppose qu’il s’agit de Cael qui, avec l’habitude maintenant, pousse de lui-même l’entrée pour atterrir dans le salon, nous voyant immédiatement affalé dessus Luth et moi.
— Installe toi Cael. Je vais t’expliquer t’inquiètes pas. La journée a été longue pour tout le monde il faut croire.
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