L’avantage de commencer si tard une mission, c’est que j’ai eu tout mon temps pour diner avec les copains à la cafeteria. Sauf que cette fois, j’ai dû boire une très grande tasse de café avec mon dessert. Ce n’est pas dans mes habitudes, mais devoir rester éveillé toute la nuit sans sourciller m’a fait revoir mes projets. Comme à leur habitude, ils m’ont encouragé, même si la mission n’a rien de très compliqué. Sachant que je n’aurais pas le temps de passer dans sa chambre ce soir, Candice s’est glissée un instant à la table pour me déposer un rapide baiser sur la joue. Baiser que je lui ai rendu avec un sourire avant qu’elle ne disparaisse rejoindre ses amis.
Pour moi aussi il était temps de disparaitre. Ce que j’ai à faire n’est pas compliqué, mais je vais y passer la nuit, littéralement. Malette à outils récupérés, je n’ai plus qu’à me lancer.
01/06 – 21h10
Un complexe comme le Pôle Pokeathlète contient des ampoules. Beaucoup d’ampoules. Ce n’est pas tant pour m’éclairer que j’en ai eu besoin, la nuit n’étant pas encore complètement tombée. Mais j’ai pour tâche de vérifier qu’elle fonctionne toutes. Une à une. Avec le plan officiel du bâtiment qu’on retrouve sur les issus de secours, j’ai établi un plan de parcours pour toutes les testées, sans en oublier une seule.
La plupart sont encore en état de marche. Un clic sur l’interrupteur permet de le vérifier. Mais pour celle qui avait grillé, j’ai fait appel à Belle. Grâce à sa taille, je n’ai eu qu’à grimper sur sa tête pour me hisser au plafond, dévisser l’ampoule grillée et la remplacer par une neuve. Il y a les couloirs à vérifier bien sûr, mais aussi chaque pièce une à une. Il m’a fallu 2 heures rien que pour cette étape. Au final, sur les 131 ampoules du pôle, il y en a 8 que j’ai dû changer car défectueuse ou abimée.
Le pôle est constitué de longs couloirs, de vestiaires pour se changer, de salles d’entrainements, d’une fosse principale regroupant à elle seule surement un tiers des ampoules et aussi de quelques bureaux pour les personnels y travaillant en permanence. Habituellement, je ne vais pas dans toutes ces pièces, alors je ne me rends pas compte de l’ampleur du bâtiment. Pas étonnant que ça grouille toute la journée quand y passe ne serait-ce que quelques heures pour un cours de spécialité.
**
01/06 – 23h
Maintenant, un nouveau tour est nécessaire, cette fois-ci pour vérifier que tous les radiateurs sont éteints. J’aurais pu le faire en même temps que les ampoules, mais j’ai préféré compartimenter mes tâches.
A la réflexion c’est peut-être un peu bête. Mais trop tard c’est fait.
Il fallait juste que je vérifie que le système avait bien fonctionné et que tous les radiateurs ont été éteints avec l’arrivée de l’été. Normalement, tout ça est automatisé. Mais parfois, il y a des loupés. Quand je sens un peu de chaleur qui s’échappe encore, je regarde les réglages et ressers les boulons pour les plus anciens modèles, davantage placés dans les locaux de rangement, pas à la vue directe. Les structures sont très récentes et le matériel au point.
Vu ce que ça a dû couter, pas étonnant qu’ils aient voulu économiser sur certaines choses.
La mallette fournie par le pôle scientifique est équipée de tout un tas de clé, de tournevis, et de bricolages en tout genre. Bien mieux équipée que celle qu’on se refilait tous au camp. Avec ça, j’aurais fait des miracles là-bas avec les grilles pains cassés à la chaine des plus anciennes.
02/06 – 00h05
Nouveau tour du pôle. Il faut vérifier toutes les arrivées d’eau. Il y a les douches des vestiaires. 30 pour les filles – 30 pour les garçons, sur un système de poussoir. Des robinets. 20 pour chaque vestiaire. Des fontaines à eau. 2 par vestiaire sans compter celle dans les couloirs partout dans le pôle. Ça fait 5 de plus. Les toilettes. Une dizaine pour fille, une dizaine pour les garçons, répartis sur tout le bâtiment.
Ça en fait beaucoup des arrivées d’eau.
Belle m’a aidé sur cette étape. Sa sensibilité à l’eau est plus accrue que la mienne, et en usant de ses capacités elle a été en capacité de savoir à quel endroit il était plus susceptible d’y avoir des fuites. Avec ma clé, je n’avais plus qu’à resserrer tout ça ou remettre un peu de colle PVC en cas de dégradation. Tester tous ces mécanismes un à un m’a pris un long moment.
C’est officiel, j’aurais du tout faire dans le même tour du bâtiment. J’ai multiplié mon trajet par 3 pour rien.
02/06 – 1h50
Les vérifications globales sont faites. Je me suis donc dirigé vers les salles de sport, et surtout de musculation. Dans les salles de sport classique, le matériel a été vérifié lors de mes premiers tours. En revanche, pour les salles de musculation, c’est bien plus technique. Je dois tester toutes les machines pour m’assurer qu’il n’y a pas de disfonctionnement visible. Mais avant, j’ai accès au cahier rempli par les gestionnaires habituels qui notent les difficultés qu’ils ont repéré.
Ils écrivent vraiment comme des cochons c’est terrible.
Souvent, ce n’est qu’une histoire de glissement. J’ajoute donc un peu d’huile dans le mécanisme pour lui redonner plus de fluidité. Il y avait aussi des boulons qui couinaient, alors que les ai resserrés. J’ai parfois aussi remis les machines à leur place, légèrement décale par rapport à leur emplacement initial. Ça demande un peu de force mais en rusant (et en demande à Belle) ça finit par marcher. Il n’y a qu’une seule réparation que je n’ai pas pu faire. L’un des câbles soutenant les poids disponibles sur la machine était trop abimé et menaçait de se briser. Pour des raisons de sécurité, j’ai simplement apposé la pancarte pour signaler son disfonctionnement. Il faudra que quelqu’un de l’entreprise vienne changer lui-même la pièce.
Pour les autres machines, je les ai bien testées une par une, pour m’assurer que tout est en ordre. J’en ai profité pour noter certaines où l’assise est un peu abimée. Le fournisseur acceptera peut-être de les remplacer.
Depuis que j’ai rejoint l’option des sportifs, mes performances en musculation ont considérablement augmenté. Il faut dire que le Général Jackie ne nous lâche pas avec ça. Elle nous a tous concocté un programme, et on a intérêt à s’y tenir. Elle suit de très près nos progrès. Et en plus, si j’ai bien suivi les cours généraux, je profite de mon âge et de la puberté pour améliorer mes performances. C’est étrange de constater à quel point le corps peut changer. Au clan, je n’y faisais pas attention, si ce n’est ma taille. Ici, c’est différent. Je me suis vu grandir encore, et surtout gagner en muscle. Devant le miroir, c’est relativement évident. Sans être devenu une armoire à glace (et je ne le voulais pas de toute façon), j’ai pris en muscle. Et sans être trop prétentieux, je crois être devenu désirable, en tout cas auprès de certain.e.s.
Je n’ai aucun mal à visualiser dans cette salle Magnolia juste à côté de moi. Elle aussi s’entraine dure pour réussir, surement plus dur que moi en réalité. Remarque, ce n’est pas Candice que je vais voir dans cette salle. La musculation, très peu pour elle. Elle est d’ailleurs toujours la première à me jeter à la douche quand je reviens d’une séance sans passer par ma chambre. Non ce qui est étrange, c’est le rapport de taille avec Magnolia. Si au début nous faisions à peu près la même taille, les mois passant et ma poussée de croissance avec, les centimètres s’ajoutent et creusent doucement l’écart. J’espère ne pas grandir trop. Juste assez pour avoir la taille idéale pour la blottir au creux de mes bras si elle en ressent le besoin à nouveau.
A 3h10, quelqu’un est entré dans la salle. Il a sauté au plafond en me voyant. Il ne devait pas s’attendre à voir quelqu’un à cette heure. Et quand il a compris que moi j’avais une autorisation pour être là et pas lui, il s’est senti bête. Je lui ai promis de ne rien dire dans mon rapport s’il repartait tout de suite. Désolé mon gars, mais tu vas devoir passer ton insomnie ailleurs.
Tout ça aussi m’aura pris du temps, beaucoup de temps. Mais au moins j’aurais fait une séance de musculation au passage. En plus de la marche à pieds.
02/06 – 3h30
Dans les installations du complexe sportif, il ne me restait que le sauna à vérifier. Avant situé dans le dortoir Pyroli, il a été réinstallé dans le Pôle Pokeathlète, au plus grand plaisir des athlètes après des séances particulièrement importantes. J’ai vérifié que le matériel mis à disposition n’était pas abimé, signalé d’éventuelles rayures et vérifiés que le mécanisme se lançait bien. J’avoue ne pas m’être déshabillé pour essayer sur une vraie séance, mais ça avait l’air de marché au vu de comment la pièce se mettait à chauffer.
Je suis sûr que là-dedans quand il n’y a pas trop de monde, des gens s’en donnent à cœur joie pour se donner du plaisir. Les gens de mon âge surement pas, mais les plus âgés ne doivent pas se gêner. Des gens au clan m’ont déjà raconté de sacrées histoires avec des lieux de ce type. J’imagine que la chaleur doit augmenter l’ambiance érotique du moment.
02/06 – 4h00
J’ai laissé Porygon hors de sa pokeball pendant mes travaux mécaniques. Son corps est naturellement attiré pour toute structure électronique. Je me suis dit que ce n’était pas forcément une mauvaise idée pour vérifier qu’aucune machine n’avait été laissée allumée inutilement.
Son soutien m’a été précieux. Il a pu me montrer des tableaux de bord que je n’avais pas vu, notamment des complexes électriques. Je n’avais rien à toucher, mais ça m’a permis de vérifier que tout était en ordre.
Il a beau être agaçant, il n’en reste pas moins compétent, et relativement pédagogue. Je ne dois pas être le premier à qui il explique tout ce bazar.
On a retrouvé certains ordinateurs encore allumés. J’ai mis des posts-its dessus pour signaler aux usagers de penser à les éteindre. Ça fera des économies d’électricité, et évitera un éventuel piratage. Avant de les éteindre, j’ai quand même vérifié que des documents importants n’étaient pas ouverts.
Je ne suis pas un monstre
02/06 – 4h30
Je ne suis pas sûr que ma mission de contrôle technique des appareils s’étendait au centre pokemon. Mais comme officiellement il fait parti du pôle pokéathlète, j’y suis quand même allé. Dans mon dossier, ils avaient laissé une vague explication de la structure du centre, signe qu’eux aussi l’intègre dans le bâtiment.
Seulement, je ne sais pas trop quoi faire là-bas. La médecine, ce n’est pas tout à fait mon domaine. En tout cas pas cette médecine-là.
Le centre pokemon est en service réduit la nuit. Les cas les plus graves ne sont pas sur Leiar mais sur Adala. La nuit, il n’y a que la continuité du service, et éventuellement des urgences nocturnes. Sur place, il n’y a que deux infirmières, alors qu’elles sont une dizaine en journée au pic de l’activité. Elles ont pris le temps de m’expliquer leur travail, et surtout les machines les plus importantes pour elle.
La principale, c’est la rechargeuse d’énergie vitale à travers les pokeballs. Cette machine est tellement essentielle qu’un mécanicien vient une fois par semaine pour la vérifier, et des élèves de la filière mécano viennent eux tous les jours pour des check-up. Je n’ai pas encore eu à le faire, mais je sais maintenant que ça sera bientôt mon tour.
L’autre machine essentielle, c’est l’analyse complète synthétique. Elle est systématiquement utilisée lorsqu’un nouveau pokemon est admis au centre. Même si elle n’est pas très précise, cette machine permet de dresser un bilan rapide du patient et détecter le type de problème rencontré. A nouveau, ce sont des mécaniciens spécialisés qui viennent s’en occuper.
Pendant la nuit, un élève de mon dortoir a déboulé en panique. Son pokemon avait une petite fièvre, et il a eu très peur. J’ai été impressionné par les infirmières qui l’ont rassuré en quelques mots malgré ses sanglots. Au final, son pokemon n’avait rien de grave. C’est une bonne chose.
Après ces présentations, elles m’ont fait resserrer tout un tas de chariot qui coinçait et mettre de la graisse. Même chose pour les brancards, humains comme pokemons. Les Leveinards de garde de nuit m’ont bien aidé pour tous me les montrer. Il y en a partout, je ne saurais pas compter.
J’avais commencé, mais à 152 chariots de tout type, j’ai arrêté.
De la même manière que pour les pokemons, il y a des machines essentielles pour les humains. Un scanner radio multifonction, appareil essentiel pour dresser un diagnostic et décider si oui ou non l’hospitalisation peut se poursuivre ici ou doit se faire sur Adala. Ces machines sont aussi contrôlées par des professionnels.
Comme pour le reste du bâtiment, j’ai vérifié toutes les ampoules, les arrivées d’eau et les radiateurs. Même si pour eux, les consignes sont différentes que pour le reste du bâtiment, car les besoins eux-mêmes sont différents. J’ai aussi contrôlé les ordinateurs, outils de travail tout aussi essentiel dans le traitement des dossiers. Je ne suis pas allé dans l’aile des patients pour ne pas les réveiller, mais le personnel n’avait rien à me signaler de particulier.
Ce bâtiment étant bien plus complexe, j’y ai passé plus de temps. Mais au final, c’est là où j’ai le plus appris. Et j’ai accompli mon travail de la maintenance mécanique.
A 6h50, j’avais terminé toutes les vérifications d’usage du pôle pokeathlète.
**
—
Monsieur Xoaeteno, il est 7 heures du matin —
Je sais Monsieur, mais vous vous levez vers 5 heures et demi. Et je viens de finir ma mission, donc je viens vous faire mon compte-rendu. Monsieur Nahr se saisit des feuilles tendues par son élèves, café dans l’autre main, pour jeter un œil à son travail. Ses comptes-rendus se sont améliorés depuis son alternance, en tout cas de ce qu’il en déduit d’une lecture rapide. Seulement, il y a une chose qu’il ne comprend pas.
—
La mission sur laquelle vous avez passé la nuit, en quoi consistait elle exactement ?—
Je devais réaliser la maintenance générale du pôle pokeathlète.—
Oui, mais dans quel cadre vous l’a-t-on donné ? —
A la fin d’un cours scientifique mécanicien on me l’a confié, pourquoi ?—
Et qui est votre référent pour cette filière ?—
Bah c’est Monsieur Yade…ok je crois que j’ai compris.Le bleu se sent bête là tout de suite, mais bête. Sauf que maintenant, il ne sait plus quoi dire. En fait c’est ça, il est juste bête.
—
C’est bien de vous entrainer à faire des comptes-rendus, mais dans votre parcours de mécano, ce n’est pas la peine, sauf consigne contraire. Une fois la mission faite, vous avertissez juste votre référent et cela s’arrête. —
Je suis désolé Monsieur j’étais tellement pris dans la routine des agents que j’avais complètement oublié ce détail. Je vais aller donner ça à Monsieur Yade, je vous ai dérangé pour rien.—
Non attendez.L’adolescent est surpris. Il ne s’attendait pas à cette réponse de la part de son référent. Mais bon, il n’a pas dormi depuis bientôt 24 heures, ses idées ne sont pas forcément très claires.
—
Je vais garder votre compte-rendu. Prévenez simplement Yade ou l’un de ses assistants que vous avez terminés, puis allez vous coucher. Vous faites peur.—
D’accord Monsieur. Et c’est pas sympa de vous moquer, vous n’avez pas passé la nuit à resserrer des boulons. —
Bonne nuit Monsieur Xoaelteño – ajoute Nahr pour terminer la conversation.
—
Bonne nuit, ou plutôt bonne journée Monsieur. En baillant à s’en décrocher la mâchoire, le garçon disparait dans les couloirs, à la recherche de quelqu’un appartenait d’une manière ou d’une autre au pôle scientifique. De son côté, le référent des Voltalis reprend la lecture de ce rapport, sirotant son café. Ce n’est pas encore parfait, mais effectivement il y a du progrès. Encore un peu de patience, et peut-être qu’enfin ce garçon reconnaitra ses vraies capacités plutôt que de se rabaisser tout le temps au profit de ses camarades.
HRP :
Pour ceux qui n'auraient pas compris - tout ce qui est hors des encadrés sont des choses qu'Itzan a pensé/envisagé d'écrire mais qu'il n'a pas finalement pas noté dans son rapport o/