Immobile dans sa chaise, Charlie fait de son mieux pour se concentrer sur le livre qu'elle est en train de lire. Ça fait bien deux heures qu'elle attend son frère dans ce couloir et elle s'est jurée qu'une fois qu'elle l'aurait finit elle irait toquer à la porte où a lieu son cours – encore une fois. Elle y allée une première fois, après les premières trente minutes... un frisson la parcourt au souvenir de tous les regards qui l'ont fusillé. Mais il ne lui reste plus que trois pages, et si il y a bien quelque chose que Charlie n'a pas, c'est de la patience. Il faut dire qu'après deux heures elle a bien le droit d'être un peu à cran.

Alors qu'elle tourne l'avant dernière page la porte qui lui fait face s'ouvre enfin, un flot de danseurs en sort la regardant pus ou moins curieusement. Après quelques secondes ils se sont évanouis du couloir, et une nouvelle fournée a prit leur place dans la salle, c'est à ce moment là que son frère sort enfin, tout sourire. William Passelunes, adoré par tous (au moins en apparence) il fait bon d'être dans les bons papiers du golden child. Charlie, elle, n'en a rien à faire. Elle ferme son livre d'un coup sec et se lève, les bras croisés, la mine boudeuse.

« T'es en retard ! »

Un rire l'accueille alors qu'elle se fait rapidement attrapée et lancée dans les airs, puis gracieusement posée sur une épaule transpirante comme un sac de patates. Enfin, gracieusement. Les gestes de William sont définitivement gracieux, ceux de Charlie beaucoup moins alors qu'elle bas des jambes en signe de protestation.

« Lâches moi ! En plus tu pues ! »

Maintenant sa sœur d'une main, l'adolescent attrape ses affaires et continue de marcher comme si de rien n'était.

« Ravi de te voir aussi microbe, tu as l'air en pleine forme. Ça ne te dérange pas si je vais prendre une douche j'imagine ? Tu sais, vu que tu es si compréhensive par rapport à mon emploi du temps. »

Tandis qu'ils se dirigent vers une zone plus peuplée de l'école, les insultes de Charlie commencent à faire tourner des têtes, et alors qu'elle crie au kidnapping William la dépose avec un soupir.

« Tu as dit qu'on partirait à midi, et c'est presque 14h ! »

Pas gênée le moins du monde par les regards autour d'eux, Charlie continue sa dispute comme si de rien n'était et William, qui l'a juste déposée parce qu'il est arrivé à destination, en fait de même. Ébouriffant les cheveux de son microbe préféré, il se met à sa hauteur.

« Charlie tu sais bien que je ne peux pas contrôler la durée des entraînements, si ma professeure décide que l'on doit répéter un mouvement pendant deux heures de plus, alors on répète ce mouvement pendant deux heures de plus. Je ne pensais pas que ça durerait aussi longtemps, alors c'est un peu ma faute aussi, d'accord. Mais entrer dans la salle pour te plaindre n'était vraiment pas une solution, et ça nous a fait perdre plus de temps qu'autre chose honnêtement. Compris ? »

Les sourcils froncés Charlie se contente de répondre en haussant les épaules, elle n'arrive pas à ne pas être énervée, et ça la frustre que son frère ne lui donne que des arguments logiques contre lesquels elle ne peut pas se défendre. William lève les yeux au ciel tout en se dirigeant vers les douches, la laissant ruminer ses pensées toute seule. Il l'a connaît bien sa petite sœur, il sait très bien qu'une fois qu'ils partiront à l'aventure tout ça sera vite oublié.

Et quelle aventure !

Après avoir pris un PokUber pour remonter tout au nord de Lavandia ils se retrouvent devant l'entrée de la route 111. Au premier coup d’œil elle a l'air plutôt tranquille et si Charlie marche d'un pas décidé William lui regrette déjà d'être venu, sachant très bien que c'est la route la plus longue de la région et qu'ils ne sont pas prêts d'avoir finis. Si seulement sa mère avait bien voulut que Charlie y aille seule... après tout c'est elle la dresseuse il ne va pas servir à grand chose ici. C'est même pas lui qui tient la carte, ou l'énorme sac que Charlie porte sur son dos. Non, il est complètement hors de son élément.

Il ne faut pas beaucoup de temps au duo pour que les ennuis commencent. Charlie, habituée aux sorties plus que sportives de son école s'est évidemment préparée pour une longue randonnée, mais n'a pas vraiment pensé à faire part de son expérience à son frère qui peine à tenir le rythme avec ses habits et ses chaussures de ville. Il fait chaud sur la route 111, très chaud. Et la tenue de William a beau être esthétiquement plaisante, elle n'est pas vraiment adaptée à ces températures ou au rythme de marche que Charlie impose. Elle se retourne bien quelque fois en voyant que son frère est à la traîne, mais celui-ci se contente de se plaindre de la chaleur tout en continuant de marcher.

Autour d'eux les Pokémons ne manquent pas, même s'ils restent craintifs et font bien attention à ne pas trop s'approcher. Leur effort est louable, mais complètement inutile. Charlie n'a d'yeux que pour le ciel, et tant qu'un Pokémon avec des ailes n'apparaît pas dans son champ de vision elle ne compte pas s'arrêter. Elle a fait quelques recherches sur la route 111, et elle s'est vite rendue compte qu'il n'y avait qu'un seul Pokémon de type Vol sur cette route : Maskadra. Si ça n'avait tenu qu'à elle, la future Championne aurait tout de suite changé de destination, mais comme personne n'avait le temps de l'accompagner nulle part ailleurs il a bien fallut qu'elle se résigne. Et au fond elle est bien contente que William l'accompagne, même si elle est beaucoup trop têtue pour le lui avouer.

Ça fait déjà quelques jours qu'elle habite chez lui, et elle était secrètement assez triste qu'ils ne passent que très peu de temps ensemble. Elle est venue à Lavandia plus tôt que prévu, officiellement pour préparer leur sortie, officieusement parce que personne n'avait le temps ou la patience de s'occuper d'elle. Alors Charlie a un peu l'impression d'être de trop dans la vie extraordinaire des Passelunes, le mouton noir de la famille qui n'a toujours rien accompli dans sa vie... Mais bientôt ça va changer ! Elle va capturer un Maskadra, puis plein d'autres Pokémons Vol, et enfin elle deviendra Championne.Trop facile.

Si seulement elle n'avait pas été aussi obsédée par le ciel et qu'elle avait regardé vers l'étendue d'eau à leur gauche, elle aurait peut-être vu les Arakdos dansant sur sa surface. William lui les a vus et s'arrête même un instant pour admirer leurs mouvements, mais il reprend vite sa route pour ne pas se faire distancer. C'est dommage, si les Passelunes parlaient un peu plus l'un saurait que sa sœur cherche ce Pokémon, et l'autre se serait arrêté avec son frère pour les admirer.

Au lieu de ça ils marchent tout droit vers un désastre.

« T'es pas sérieuse. »

Mais Charlie est très, très sérieuse. Avec un sourire moqueur elle tend une paire de Lunettes Sable à son frère qui les regardes incrédule avant de reporter son attention sur le désert qui leur fait face. Si il faisait chaud avant, ils pouvaient au moins compter sur la végétation pour les couvrir un peu d'ombre. Là, c'est impossible.

« Les Lunettes Sable sont pour ça, tu pensais que c'était pour quoi ? »

Le regret envahit le visage de William pour la... deuxième ? millième fois de cette journée ? Et dire que c'est lui qui les as fait livrer ces foutues choses.

« Mon bronzage ? 
Dans tout les cas elles sont hideuses. T'es sûre que tu ne veux pas qu'on reste dans la zone qui n'a pas l'air d'être un piège mortel ? Non ? Ok. »

Tout sourire Charlie n'a même pas attendu la fin de sa question pour se mettre en route, ralentissant à peine face au sable qui fouette son petit corps en tout sens. Un tissu sur la bouche, William pose une main sur l'épaule de sa sœur lorsqu'il la rattrape, pas question qu'il la laisse hors de sa vue. Elle a beau être allée dans une école de dresseurs où apparemment tout le monde est fou, il la trouve un peu trop confiante sur ce coup là.

Et elle l'est, trop confiante, puisqu'après seulement quelques pas la petite fille disparaît soudain.

La main sur son épaule la frustre autant qu'elle la rassure, alors quand ses jambes se dérobent et qu'elle sent son corps plonger dans le vide c'est à cette main que Charlie essaie de se raccrocher. Elle n'arrive qu'à attraper du sable, et bientôt il n'y a que la chute, l'obscurité, puis le silence.

Celui-ci, malheureusement, ne dure pas très longtemps et se trouve rapidement remplacé par des claquements de mâchoire. Figée par la peur, Charlie ne sort de son choc que lorsque la voix de son frère se fait entendre à la surface. Sa vision commence à s'adapter à l'obscurité qui l'entoure, mais elle ne fait que deviner des silhouettes, deux, peut-être trois, se tenant à bonne distance pour l'instant. Prudemment, aussi lentement qu'elle le peut, la photographe porte l'appareil qu'elle a autour du cou jusqu'à ses yeux et en active le mode nuit. Là elle peut voir les Pokémons qui lui font face un peu mieux, ils sont bien trois, oranges, et ont une mâchoire beaucoup trop grande pour que Charlie se sente rassurée malgré leur taille. La dresseuse se souvient vaguement de les avoir vus dans la liste des Pokémons de la liste, elle n'arrive pas à se souvenir de leur nom... ou de leurs capacités.

Vu qu'elle est actuellement sous terre, le plus logique serait qu'ils soient Sol, peut-être Roche. Elle espère Roche, son starter n'est pas vraiment doué contre les types Sol, si il y a un combat ils n'auront clairement pas l'avantage. Après, en y regardant de plus près, ils ont l'air déjà pas mal amochés... et... le rocher... derrière eux... respire ? Charlie blêmit, recule d'un pas. Merde, c'est quoi cette chose ? Par réflexe face à cette énorme masse, la main de Charlie se porte sur la Pokéball de son starter qui en sort en bâillant, très peu impressionné par son comité d'accueil. Pourtant il aurait de quoi avoir peur, même les trois petits Pokémons sont plus grands que lui. Inspirée par la confiance de son Toxizap, Charlie commence à faire marcher ses méninges, elle est TopDresseur après tout, elle n'a pas le droit de paniquer pour si peu.

Vu leur état, ils ont certainement déjà été dans un combat. Soit entre eux soit contre un dresseur, peu importe, l'important c'est qu'ils soient dans un état de faiblesse. C'est peut-être la raison pour laquelle ils ne l'ont pas attaqué d'ailleurs... ou, vu leur formation, c'est possible qu'ils protègent le Pokémon qui est derrière eux. Il est couché, mais c'est difficile de voir à quel point il est blessé, ou même si il l'est vraiment. Le plus gros problème reste de trouver un moyen de sortir d'ici, au dessus d'elle même son appareil ne repère rien que des ténèbres, tandis qu'autour elle ne voit que des parois qui l'entourent. Non, la seule sortie, c'est celle qui se trouve juste à côté de la grosse masse gardée par les trois Pokémons. Ceux qui ont l'air d'avoir des scies à la place des dents. Super.

Elle n'entend plus la voix de son frère, pendant tout ce temps elle a continué de s'éloigner. Il faut vite qu'elle le rejoigne sinon qui sait combien de temps ça prendra pour la retrouver ? Son stupide de frère, c'est sûr qu'il a vu le trou et qu'il n'a pas osé sauter. Des larmes coulent sur ses joues. Charlie les essuie rageusement. C'est pas le moment d'avoir peur, son objectif est juste devant elle, il lui suffit de courir vite. Une Pokéball vide dans la main, la dresseuse prend une grande inspiration. Elle commence à longer la paroi, ses gestes suivis de près par les trois gardes. Alors qu'ils commencent à gronder parce qu'elle se rapproche trop Charlie se lance dans un sprint, son starter sur les talons. Trois pas plus tard, la première morsure rentre dans sa peau mais elle ne s'arrête pas, portée par un mélange d'adrénaline et de panique. Ce n'est que lorsqu'elle entend le Rugissement de son Toxizap qu'elle s'arrête.

Elle se retourne mais ne voit que des ombres qui se jettent les unes sur les autres, l'une d'entre elles agrippe sa jambe et un cri de douleur lui échappe. Sans pouvoir repérer son starter, elle appuie sur sa Pokéball pour le ramener en lieu sûr et envoie la Pokéball vide qu'elle a dans la main sur celui qui refuse de lâcher sa jambe. Il disparaît, mais elle sait bien que ça ne lui offrira qu'un court répit, surtout que les deux autres ne vont pas être confus bien longtemps par la disparition de leur adversaire. Charlie recommence donc sa course, laissant la Pokéball vibrer sur le sol. Elle ne voit pas grand chose pour les premiers mètres, mais très vite de la lumière la guide vers la sortie de cette grotte infernale. Le sang battant à ses oreilles, elle ne s'arrête pas avant d'avoir mis une bonne distance entre elle et l'entrée. C'est là qu'elle s'écroule sur le sol, épuisée mais consciente.

« William ! »

Les mains en cône devant elle, Charlie essaie désespérément d'appeler son frère. Elle n'essuie plus ses larmes maintenant, ne rien voir que du sable et du sang qui coule de son propre corps ont fait des ravages sur l'espoir de la petite fille. Elle n'ose pas sortir son Toxizap, ne veut pas voir l'état dans lequel il est. C'était stupide de le laisser hors de sa Pokéball, elle n'aurait jamais dû l'en sortir. Le laisser comme ça devant des Pokémons sauvages alors qu'il n'a probablement jamais connu la vie sauvage c'était stupide, elle est stupide. Ils n'ont jamais combattus ensemble en plus, obsédée qu'elle est par trouver des Pokémons Vol elle n'a jamais fait de vrai combat avec lui.

« Charlie ! »

La tête enfouie dans ses bras, Charlie entend son frère mais ne répond pas. Elle relève la tête, plisse les yeux pour essayer de le repérer. Il ne peut pas la trouver comme ça, en pleurs et ensanglantée, même pas capable de battre des Pokémons déjà blessés. C'est pas digne d'une Passelunes. Alors Charlie se relève, sèche ses larmes, et commence à marcher dans la direction de son frère.

« Wiliam ! J'suis là ! »

Sa gorge se sert quand il la prend dans ses bras, mais elle refuse de craquer, le repousse en rigolant. Refuse de le regarder dans les yeux.

« Arrêtes je t'ai déjà dis tu pues la transpiration ! »

Mais William n'en a rien à faire, il la reprend dans ses bras.

« J'ai cru que je ne trouverais pas, merde, ça va ? »

Elle n'a pas le courage de répondre cette fois, la voix de son frère un peu trop paniquée à son goût. Elle se contente de hocher la tête. Bientôt, d'autres voix se font entendre et des pas les rejoignent.

« - Ah ça y est tu l'as retrouvée ? Mariaaaaah ! Tu peux revenir c'est bon elle est là !
- Oui, merci encore de votre aide, j'étais complètement perdu.
- Oh ça y est ? Woah ils t'ont bien amochés dis donc !
- Comment ça ? – Charlie ! Tu m'as dis que ça allait ! Vous voulez bien nous raccompagner vers la route pour Lavandia ? Il faut soigner ça. »

Les deux compagnons de son frère échangent un regard avant de continuer.

« - Vu l'endroit où on est il vaut mieux aller dans la maison de la famille stratège, ils sont habitués à recevoir un peu tout les dresseurs de la zone et crois moi je parle par expérience, ils s'y connaissent plutôt bien pour soigner ce genre de plaie.
- Et bien sûr on vous raccompagnera, on va juste mettre les Pokémons qui t'ont attaqué hors d'état de nuire avant. Il ne faudrait pas que ça se répète. Ils étaient loin d'ici ? »

Charlie se tourne vers les nouveaux venus. Vu leurs tenues ce sont sûrement des TopDresseurs, frère et sœur peut-être ? Ils ont en tout cas un sacré air de famille. Elle hésite avant de répondre, se surprend elle-même de son hésitation. C'est peut-être l'expression « hors d'état de nuire », ou peut-être la peur qui se dégageait des Pokémons sauvages, peut-être encore parce qu'elle veut se venger elle-même ; dans tout les cas elle n'a pas vraiment envie de mettre les deux TopDresseurs sur la piste de ses attaquants.

« Je sais plus... Will je me sens pas bien. »

Techniquement parlant, ce n'est pas un mensonge. La petite fille ne se sent vraiment pas bien, maintenant, évidemment, elle sait aussi que les deux petites morsures qui ne saignent même plus ne la tueront pas de si tôt. Mais quitte à être blessée, autant que le penchant pour le drama de sa famille lui serve un peu. Alors elle se repose un peu plus sur son frère. Laisse ses jambes se dérober. Ferme les yeux. Les cours de théâtre auront été utiles au final, son évanouissement est avalé tout cru par les spectateurs qui changent très vite leur plan initial pour emmener la princesse en lieux sûr.

Charlie arrête sa comédie quand son frère la dépose sur un canapé, se faire porter comme une princesse c'est amusant mais bon il ne faut trop en faire non plus. Lorsqu'elle ouvre les yeux de nombreuses têtes sont là pour l'accueillir, dont celle de son frère qui la fixe nerveusement.

« - Pourquoi tu me regardes comme ça ?
- Tu t'es évanouie, microbe.
- Ouais bah je suis réveillée maintenant ça va. »

William soupire, un léger sourire aux lèvres. Il se tourne ensuite vers une vieille dame pour s'excuser du dérangement, celle-ci est déjà en train de sortir sa mallette de secours.

« Oh vous savez jeune homme, en vivant sur cette route on prend vite l'habitude de recevoir des dresseurs un peu trop confiants qui se font piégés par le désert. »
Alors que Charlie était prête à s'insurger contre ces propos totalement diffamatoires elle se retient soudain, le souvenir du cri de son starter en tête. Cette vieille croûte n'a peut-être pas si tort que ça, elle a été trop confiante et elle s'est fait piéger, aussi simple que ça. Elle ne peut décidément rien faire de bien.

« - Vu l'état de ses plaies tout ce que je peux faire c'est les désinfecter et lui faire un bandage, mais il faudra quand même l'envoyer chez un médecin dès que vous repartez si elle ne veut pas avoir de vilaines cicatrices. Attention, ça risque de piquer un peu.
- Dites... vous auriez des potions ? Mon starter – ouch ! »

Elle s'est bien moquée d'elle la vieille, ça fait pas juste de piquer un peu son truc ! Par réflexe Charlie essaie d'éloigner son bras mais William la maintient sur place. Elle se retient de l'insulter, mais son regard noir ne trompe pas tout les mots qu'elle a en tête.

« Allez allez, c'est bientôt fini ma petite. Et ne t'inquiètes pas pour ton starter on ne manque pas de potions ici.
- Je suis pas petite !
- Charlie ! Arrêtes de bouger tu vas te faire plus mal qu'autre chose ! »

Frustrée, elle sent les larmes lui monter aux yeux. Elle se sent si faible à vouloir pleurer pour une toute petite blessure de rien du tout, elle, la soit-disant future Championne. Plongeant la tête dans l'épaule de son frère elle n'en ressort plus jusqu'à ce que son bras, puis sa jambe, soient désinfectés et entourés d'un bandage.

« Bien, tu t'en es très bien sortie. Au tour de ton Pokémon maintenant. Tu veux bien le faire sortir sortir de sa Pokéball ? »

Charlie n'aime pas se faire traiter comme un bébé, mais il y a quelque chose de si rassurant dans le ton de la grand-mère qu'elle n'arrive pas à lui en vouloir. Elle se contente donc de hocher la tête et d'appuyer sur le bouton de la Pokéball de son starter. Celui-ci en sort en position d'attaque, des décharges électriques parcourant son corps et la gueule ouverte, prêt à cracher son poison. Le groupe qui les entoure n'a pas l'air hyper rassuré mais Charlie ne bronche pas, son starter lui fait la même tête tous les matins. Essayant autant qu'elle peut d'ignorer les marques de morsure sur la peau bleutée de son Toxizap, la dresseuse enfile ses gants anti-décharges qu'elle garde à portée de main dans son sac.

« Calme Tox, ils sont là pour aider. »

Le Pokémon ne change pas beaucoup d'attitude envers les autres, mais il recule lentement vers sa dresseuse, avant de se rouler en boule sur ses jambes. La vieille dame tend une potion à Charlie, un sourire sur les lèvres malgré les grognements du Toxizap au rapprochement de son bras.

« Tel Dresseur, tel Pokémon à ce que je vois. »

Si la vieille dame a l'air plus amusée qu'autre chose, les deux TopDresseurs qui ont emmenés Charlie et William ici échangent pour leur part des regards sceptiques.

« - Hey Charlie, mmh, tu l'as depuis longtemps ton starter ?
- Un peu moins d'un an, j'me souviens plus la date exacte, pourquoi ?
- Eh bien c'est juste que euh –
- Il est à la limite du Pokémon sauvage ! Tu ne le maîtrises pas, c'est dangereux !
- Je ne l'aurai pas dit exactement comme ça mais, oui, en effet.
- N'importe quoi ! Je le maîtrise totalement ! »

Charlie a beau dire ça, Tox a tout de suite senti la tension revenir dans la pièce et elle a bien du mal à retenir son starter de sauter à la gorge des deux TopDresseurs. C'est William qui, habitué au rôle de médiateur dans sa famille, se met entre les deux groupes.

« - Excusez moi, madame Clytemnestre, est-ce que vous pourriez emmener ma sœur dans une autre pièce ? Elle a besoin de se reposer.
- Quoi ? Mais, non j'ai pas –
- Charlie tu vois bien que tout le monde est à cran, prends un peu l'air, je sais pas moi trouves quelque chose à manger et reviens après pour discuter.
- … T'as d'la chance que j'ai faim.
- Parfait, et ramènes moi quelque chose aussi ! Enfin, si c'est possible bien sûr madame. »

Un sourire toujours aux lèvres, la grand-mère se contente de guider Charlie et son starter vers la cuisine comme réponse. Il ne leur faut pas beaucoup de temps pour calmer Toxizap qui se fait tout doux dès que des baies sont à la clé, et, après une dizaine de minutes, elles ont assemblées tout un tas de chips, sodas et autres cochonneries très peu recommandées pour la santé. Rien qu'à imaginer la tête de sa mère si elle voyait ça Charlie pouffe de rire.  Alors qu'elles reviennent dans la pièce William est assis tranquillement sur le canapé, tandis que les deux TopDresseurs se passent un téléphone entre eux pour qu'une voix que la petite fille reconnaît tout de suite les engueule chacun leur tour. Elle pose son plateau repas sur une petite table puis s’assoit à côté de son frère.

« - Tu leur a lâché Maman dessus ?
- Ils commençaient à dire qu'il fallait te retirer ton starter, j'entends pas tout mais d'après leur tête j'ai l'impression qu'ils regrettent d'être nés. En plus de ce que j'ai compris c'est eux qui ont laissé filer les Pokémons sauvages que tu as rencontré. D'où le fait qu'elle les mange tout crus. »

Il lâche un rire avant d'enchaîner.

« - Ça va mieux toi ? Tu noies ton échec dans les chips ?
- Gngngn tu noies ton échec dans les chips... tu vas voir demain j'y retourne et je vais les battre ! Ils m'ont pris de court là c'est tout.
- Oooh non. Demain on part directement à l'hôpital, si tes plaies s'infectent c'est moi qui vais regretter d'être né et je n'aurais pas la chance d'avoir un téléphone entre moi et le diable...
- Mais –
- Pas de mais, en plus si ces deux là disent que tu ne maîtrises déjà pas ton starter c'est peut-être un signe que tu n'es pas prête à avoir un autre Pokémon tu ne penses pas ?
- Je les ai pas sonnés pour avoir leur avis eux... Surtout si c'est leur faute ! »

Alors que son frère est sur le point de lui réitérer que ça ne change rien à leurs plans pour demain, les deux TopDresseurs coupent leur conversation, l'air penaud, alors qu'ils tendent le téléphone à William. Celui-ci a un échange de paroles avec sa mère avant que, comme dans un jeu de la patate chaude, il refile le téléphone à Charlie. La pré-adolescente grimace mais n'a pas vraiment le choix, c'est donc avec sa voix la plus innocente qu'elle répond.

« - Bonjour Maman...
- Non, non, non ! Ne me sors pas ton « Bonjour Maman » pour me faire craquer, tu n'as plus 5 ans. Charlène, est-ce que c'est vrai ce que disent ces deux idiots ? Tu ne maîtrises pas ton starter ?
- Mais non c'est même pas vrai ! Il est tout calme là ! Regardes je t'envoie une photo ! Tu vois il est tout content !
- Mmh... très bien. C'est des chips que je vois sur la table ?
- … non...
- soupir Bon, j'imagine que vu que tu as été blessée je peux laisser passer. Mais ! Interdiction de manger ces cochonneries après ça tu m'entends ? Tu dois prendre soin de ton corps Charlène, surtout qu'aller dans cette académie n'a pas aider pour ta ligne tu le sais très bien.
- Oui, je sais...
- Et tes blessures ? Comment ça se présente ? Tu vas avoir des cicatrices ?
- La dame qui m'a soigné dit que je vais peut-être en avoir oui.
- Il ne manquait plus que ça !
- Mais ça pourrait être cool ! Comme... des blessures de guerre ?
- Mmh... J'imagine qu'on pourrait l'attaquer sous cette angle... On verra selon la situation ! Repasses moi ton frère il faut que je lui parle.
- Dis ! Juste avant, je me demandais, demain je peux réessayer d'aller les capturer demain ? Je serais prudente cette fois promis !
- Quoi ? Non, Charlène, je pense que tu en as bien assez fait comme ça. »

Une boule s'est formée dans la gorge de Charlie pendant toute cette conversation, et ces dernières paroles achèvent toute motivation. Rapidement elle passe la patate chaude à son frère, lui aussi va sûrement se prendre une explosion mais c'est tant pis pour lui, elle boude maintenant. Tox monte sur ses genoux, des étincelles parcourant son corps, une réaction instinctive à l'état mental de sa dresseuse. Pour une fois, étrangement, son électricité ne fait pas mal à Charlie. Même sans ses gants elle parvient à le caresser, elle sent le courant passer sur ses mains mais ce n'est pas douloureux, même si au bout d'un moment ça commence quand même à l'engourdir.

Presque sauvage mon œil oui. C'est juste qu'ils ne le comprennent pas c'est tout, leurs Pokémons à eux leurs obéissent certainement au doigt et à l’œil avec aucune place pour leur vrai caractère et leurs vraies envie, elle est bien contente qu'ils n'aient pas réussis à capturer les Pokémons qu'ils voulaient même si à cause de ça elle a fini blessée. C'est elle qui va les capturer. Et si personne ne veut qu'elle y aille demain elle ira cette nuit, techniquement ça ne va à l'encontre d'aucun ordre de sa mère, et en plus c'est vachement plus pratique pour se faufiler hors de la maison si tout le monde dort. Elle prendra les potions qui sont dans le cabinet pour aider Tox pendant son combat et avec cette méthode elle pourra les avoir à l'usure c'est sûr.

* * *

Aussi silencieusement qu'elle le peut Charlie referme la porte derrière elle, son sac plein de potions sur le dos, son starter à ses cotés. Elle est prête. Il lui faut pas mal de temps pour retrouver l'entrée de la grotte, malgré son très bon sens de l'orientation elle n'est que très peu habituée à ce genre d'environnement et même si la tempête de sable s'est arrêtée pendant la nuit ça ne l'a pas empêché de créer un tout nouvel environnement. Mais elle fini par trouver. Par compétence ou par chance elle n'en est pas sûre, et ce n'est de toute façon pas très important. Pour le moment ce qui est important c'est qu'elle rentre, sans peur, ou presque, avec son Toxizap sur les talons. Les trois Kraknoix, endormis, ne les repèrent pas tout de suite. Mais c'est la masse que Charlie devine maintenant être un Libégon qui se redresse. Il la fixe pendant un long moment avant de laisser retomber sa tête sans faire de bruit, sûrement pour ne pas réveiller ses compagnons.

Pendant cet échange de regard, Charlie n'a pas su quoi faire, et la réaction du Libégon la rend encore moins sûre de la suite de ses actions. Maintenant qu'elle les observe un peu plus elle se rend encore plus compte de la gravité des blessures du Libégon, et même si elle est venue là avec l'intention de tous les capturer il lui est difficile de s'imaginer l'affaiblir encore plus. Mais en même temps elle sait bien que sans l'affaiblir il n'y a pratiquement aucune chance pour qu'il se laisse capturer, ça se voit à ses blessures, il a lutté pour rester libre. Tox, en position de combat, la regarde avec attention avant de finalement s'asseoir.

« Toxi... »

Son ton est las, pourtant, dans le silence, sa voix s'impose. Charlie qui était plongée dans ses pensées sursaute, mais pas autant que les Kraknoix qui tournent des têtes confuses vers le bruit, avant de se redresser aussi vite que leurs permettent leur petites pattes quand ils reconnaissent les silhouettes inconnues. Une gerbe d'étincelles jaillit instinctivement du corps du Toxizap, mais, progressivement, il se force à les amenuiser. Il a bien compris qu'il n'y aurait pas de combat ce soir, et ce, même si sa dresseuse n'en était pas sûre elle-même. Alors qu'elle le regarde, surprise de son initiative, elle se rend compte que c'est peut-être la première fois que son starter choisit d'être passif. Elle se rend aussi compte que ce choix il le fait pour elle. Et elle compte bien le suivre.

« Je... Mmh... On ne va pas vous attaquer. On a des potions, ça peut vous aider à aller mieux. »

Les Kraknoix n'avancent pas mais s'arrêtent de grogner. L'un d'eux, un peu moins craintif que les autres fait, quelques pas vers le duo. Charlie fait signe à son starter de ne pas bouger puis sort une potion de son sac, avant d'elle aussi faire quelques pas vers le Pokémon sauvage puis de diriger la potion ouverte vers lui. Malgré les couinements inquiets de ses congénères le Kraknoix tend le cou, renifle un moment la potion et se risque même à la léchouiller un peu. Ses blessures se rétrécissent un tout petit peu au contact du liquide mais ça a l'air de le convaincre assez pour attraper la bouteille entre ses dents et l'emmener jusqu'au Libégon. L'effet de la potion n'est pas immense mais ses plaies commencent déjà à avoir une meilleure tête. Après ce premier essai concluant les Kraknoix ne semblent plus aussi sauvages d'un coup, alors qu'ils viennent docilement chercher leurs petites potions pour les faire boire à leur ami. Finalement quand celui-ci se redresse il n'en reste pas assez pour soigner toutes les blessures de ses compagnons. Ça ne les empêches pas de tourner autour de lui en piaillant, tout heureux de le voir debout à nouveau.

« Mmh, désolée d'arrêter les célébrations mais vous devriez probablement sortir de cette grotte maintenant. Les... les dresseurs qui vous ont blessés vont revenir. »

Charlie baisse les yeux, se sentant coupable d'avoir révéler aux TopDresseur une zone de recherche restreinte. Elle ne leur a certes pas donner la localisation exacte mais dans un désert aussi vaste que celui-ci avoir une petite zone à fouiller est un sacré avantage. Tox lui donne une petite décharge électrique, qui fait mal celle-là, pour lui remettre les idées en place. Elle ne comprend pas le message, se demande qu'est-ce qu'elle a bien pu faire pour que les décharges de son starter lui fasse mal à nouveau. Elle prend ça comme un pas en arrière dans leur relation. Heureusement le Libégon vient vers elle et tout doucement il pose sa joue contre la sienne, juste un instant. Sa respiration calme guide celle de Charlie qui s'était arrêtée pendant un court instant.

Oh. D'accord. De rien.

Ils sortent de la grotte ensemble et la petite fille en pleure presque lorsqu'il prend son envol. Elle préfère rire face à ses pirouettes un peu bancales, tout comme son starter d'ailleurs qui brille tellement son électricité s'en donne à cœur joie. C'est à ce moment là que Charlie remarque l'un des Kraknoix, celui qui faisait parti des plus craintifs, qui tente de reproduire les gestes de son évolution. Un rire lui échappe à nouveau, mais cette fois pas sans répercussions, le Kraknoix se retourne vers elle furieux.

« Krak ! Kraknoix Kra ! »

Les yeux écarquillés, Charlie lève finalement les mains en l'air dans un geste d'apaisement.

« Désolée désolée, je ne voulais pas t'insulter. »

Alors que le Kraknoix lui montre son mécontentement en lui tournant le dos, la dresseuse le rejoint et s’assoit à côté de lui, admirant les mouvements maintenant plus gracieux du Libégon.

« Tu veux voler comme lui hein ? Moi aussi, j'aimerais bien... »

Elle n'est plus trop sûre du chemin à emprunter pour y arriver, par contre. Suivre la voie la Championne qu'elle admire tant lui semblait le plus logique, mais si son seul but est de connaître la même liberté qu'Alizée quand elle est au dos de son Altaria est-ce que devenir Championne est vraiment la meilleure solution ? Son starter et elle commencent tout juste à s'aimer, elle a gâche un an de sa relation avec lui pour partir en quête de Pokémons Vol alors qu'elle...

« Krak ? »

Charlie sursaute, pour la deuxième fois sortie de ses pensées par un Pokémon aujourd'hui. Elle essuie ses larmes avec hâte puis chatouille la tête du Kraknoix sans vraiment y penser, comme son frère le fait avec elle quand il veut changer de sujet. Elle se rend compte de son geste presque instantanément et se fige, tout comme le Kraknoix d'ailleurs. Il restent un moment comme ça avant que le Libégon ne les débloque en se posant devant eux. Il s'ébroue joyeusement puis se baisse pour laisser ses compagnons monter sur son dos, ils sont sur le départ, le soleil commence déjà à pointer son nez. Deux des Kraknoix sur le dos il se tourne vers la petite dernière avec des yeux étonnés. Elle n'a pas bougé depuis qu'il est arrivé, et elle est même assise à côté de l'humaine. C'est un comportement bien étrange pour elle qui est d'habitude si farouche face aux inconnus. Il attend un petit moment encore, puis s'envole à nouveau, elle a prit sa décision. Charlie le regarde partir, stupéfaite.

« - Il – Il est parti ?! Mais... je... Quoi ?!
- Krak.
- Comment ça Krak ? Ça veut dire quoi ?!
- Zap ?
- Krak.
- Hein ? Quoi ?
- Tox.
- Mais vous arrêtez d'avoir une conversation sans moi oui ?! »

Alors que Charlie panique son starter laisse échapper quelques bulles de poison, sa version à lui de rouler des yeux, et renverse le sac de sa dresseuse. Avant qu'elle n'ai le temps de l'engueuler il fait rouler une Pokéball entre elle et la Kraknoix. Celle-ci la regarde un instant avant de reporter son regard vers Charlie, l'air sérieux.

« - Krak !
- … J'ai le choix au moins ?
- Toxi !
- Kraknoix !
- Ah ok, d'accord, je vois... super la... la... démocratie ! Voilà c'est le mot qu'je cherchais ! Bon ben... Capture ? J'imagine ? »

Si on lui avait dit un jour que sa première vraie capture serait décidé à la majorité elle aurait sûrement rigoler un bon moment avant de se dire que, oui, ça ferait sens. Elle ne peut rien faire de normal de toute façon apparemment. Pour une fois, ça sonne comme une bonne chose.