Netlamachia
Angoisse / Chambre d'Itzan / Solo
— Merci, bonne nuit à toi aussi bro !
Après un dernier signe de main, le gitan pénètre dans sa chambre avant de s’appuyer sur la porte, soupirant profondément. Ils ont passé une chouette soirée. Ils ont discuté, regardé un film un peu bizarre en mangeant du pop-corn et surtout bien plaisanté et rigolé. Ça lui a fait du bien à Itzan, ce petit moment-là. Mais minuit approchant, correspondant à peu près au couvre-feu tacite du weekend, les garçons ont quitté la chambre de Magnolia et Lyria, regagnant leur dortoir. Pris dans une conversation passionnante avec Ash, il a tenu à le raccompagner jusqu’à sa chambre, plein d’entrain.
Seulement, maintenant qu’il est seul, l’euphorie retombe, et les problèmes de ces derniers jours ressortent. Depuis la rentrée, il n’a pas une nuit qui se passe sans qu’il n’ait une vision. Ce sont toujours des petites choses absurdes. Une chute à la cantine. Deux étudiants qui se percutent. Un morceau d’un cours. Parfois un léger accident de voiture sur ce qu’il suppose être l’île d’à côté. Parfois il voit aussi des membres de la Section magouillant. Rien de très grave, mais ça ne s’arrête jamais. Chaque nuit c’est la même chose. Il dort un peu, se réveille en sursaut après une vision et met un long moment à assimiler ce qu’il se passe avant de retrouver son calme et espérer dormir un peu plus avant son réveil.
Ça fait deux semaines que ça dure, et il a l’impression que ça fait une éternité.
Après avoir rapidement enfilé son pyjama, le garçon s’assoie sur le bord de son lit, offrant quelques papouilles à Doudou, déjà endormi dans son coussin. Il a l’air tellement bien là, apaisé, quelque part au pays des songes. Le gitan sourit un instant avant d’attraper sa propre couverture. Mais, à cet instant, une pensée le traverse.
Et si, cette nuit, il voyait quelqu’un mourir ?
A partir de là, tout est allé très vite. Itzan a senti sa poitrine se serrer dangereusement, comme si quelque chose lui agrippait le cœur. Par réflexe, ses genoux se sont rabattus contre son corps, sans grand succès. La sensation ne s’arrête pas, et en conséquence sa respiration s’alourdit dangereusement, l’air lui manquait. Il sait ce qu’il se passe, ça lui est déjà arrivé une fois. Il fait une crise de panique, et il n’arrive pas à se calmer.
Et pour cause, trop de choses tournent dans sa tête. Si jusqu’ici son don ne lui a montré que des choses sans gravité, il finira tôt ou tard par voir bien d’autres choses. Sa mère voyait les morts, les catastrophes naturelles, les graves accidents. Lui aussi va finir par le voir. Et s’il voyait dans l’une de ses visions ses amis mourir ? Et si le pire était à venir pour sa mère, restée seule au camp ? Et si…et si…
La respiration sifflante du garçon finit par réveiller Doudou. Un peu perdu, il ne met pourtant pas trop de temps à comprendre que son dresseur est en difficulté. A l’aide de ses petits bras, il se hisse sur les jambes du bleu, puis ses genoux, pour tenter de voir son visage à travers la coquille qu’il s’est créé pour se protéger du monde extérieur. Les gémissements douloureux du gitan parviennent jusqu’à ses petites oreilles, l’attristant. Il ne sait pas ce qu’il se passe, il n’a pas vu ce qui a fait peur à son ami, mais ça a l’air terrifiant. Doucement, il laisse échapper quelques sons de ses cordes vocales, espérant attirer son attention. Doudou ne parle jamais, mais là c’est un cas de force majeur. Itzan a besoin de lui, il faut qu’il entende sa petite voix.
Seulement, le bleu voudrait bien l’entendre. Mais les idées parasites tournent et tournent dans sa tête, s’imaginant les pires scénarios. Tout ce que ce don pourrait lui faire voir sur l’avenir. Toutes les pires horreurs qui pourraient arriver assez proche. Ces idées le dévorent, tandis que son corps souffre de l’hyperventilation. Les tremblements ont pris possession de lui, incapable de se stopper.
Il a fallu de très longues minutes pour que finalement, le Voltali se sente retrouver pieds. Son souffle, bien que lourd, reprend un rythme plus acceptable et quelques instants plus tard, ses jambes se relâchent pour s’étaler dans son lit, faisant rouler Doudou au passage.
Son esprit à peu près clair, il réalise ce qu’il vient de se passer.
Il a eu peur de dormir, au point d’en faire une crise. La crise la plus forte de sa courte vie.
Sous le regard rempli de larme de Doudou, il sait qu’il ne pourra pas dormir cette nuit.
Seule Nocturna assiste à la scène. Silencieuse. Et presque satisfaite.