Tlapoua pampa choloa
Lire pour fuir / Chambre d'Itzan / Solo
Au début, c’était simplement lire un livre un peu plus longtemps. Ensuite, ça a été d’ajouter à cette lecture divers mangas, BD, romans graphiques en tout genre pour prolonger sa soirée. Et quand ça ne suffisait pas, il se surprenait même à aller récupérer des manuels de cours pour les lire. Un peu dans le vide certes, mais ça occupait son esprit, et l’évitait de penser à l’heure qui tournait, et à la lune bien haute dans le ciel. Il s’est mis à papouiller Doudou aussi, longtemps, bien plus que d’ordinaire. La boule rose ne s’en plaignait pas, appréciant les attentions de son dresseur, et endormi presque instantanément sous ses doigts experts. Mais elle a bien fini par comprendre que cela cachait tout autre chose.
Ensuite, lorsque tout cela n’a plus suffit au gitan, il a ajouté de nouvelles étapes. Trainer le plus tard possible avec les copains, sans jamais les forcer à faire le mur, mais profitant de chaque minute qui leur était permise. Il a même commencé à raccompagner tout le monde dans sa chambre, un à un, allongeant son temps de trajet jusqu’à sa propre chambre. Parfois, il faisait également trainer longtemps ses soirées dans la chambre de Candice. Très longtemps. Il savait que la presque jeune femme n’était pas dérangée par ça, bien au contraire. Au creux de sa petite chambre chez les Givralis, le couple s’est adonné à de longs moments de tendresse, de complicité, et de découverte de soi. Mais être un couple tape à l’œil à ses défauts, et ils savent que le garçon est surveillé lors de ses excursions chez les filles. Alors il ne peut pas rester extrêmement longtemps, pas à chaque fois en tout cas. Alors, quand il sent sa belle fermer doucement ses yeux, terrassée par la fatigue de sa journée, il lui dépose simplement un baiser sur ses lèvres avant de quitter les lieux, retournant à contre cœur dans sa propre chambre.
Parce que dès l’instant où il s’assoit sur son lit, cette sensation de malaise lui revient. Il ne peut pas s’en empêcher. Il ne contrôle plus son corps et cette drôle de sensation qui lui serre le cœur chaque fois qu’il pense à l’idée d’aller dormir. C’est toujours pareil. Depuis la rentrée, il a des visions encore et encore. Et depuis sa dernière grosse crise d’angoisse, il a mis en place sans vraiment s’en rendre compte tout un tas de mécanisme d’évitement pour ne pas dormir. Ou en tout cas le plus tard possible. Le plus souvent il est une heure du matin, peut-être deux, lorsque son corps craque et le pousse à se glisser sous les draps, sans savoir ce que les esprits nocturnes vont lui infliger.
Et comme toutes les nuits depuis déjà un temps qui lui parait infiniment long, il se réveille en sursaut. La main dans ses cheveux, il observe son réveil. 5h55. Il sait qu’il ne se rendormira pas. C’est trop tard maintenant.
En revanche, il sait qu’aujourd’hui, surement en début d’après-midi, il va y avoir un accident sur le parking du centre commercial. Rien de grave, quelqu’un qui n’avait pas vu en faisant une marche arrière qu’il y avait un piéton. Il n’allait pas assez vite pour faire de gros dégâts, la victime s’étant simplement fracturé le poignet.
Cela va surement finir dans les petits journaux locaux.
Mais cela va se produire. Sans aucun doute. Car les esprits nocturnes lui montrent tout, pourrissant ses nuits.