Yankuik Peualisti
Nouveau départ
Si l’information n’est pas encore arrivée officiellement jusqu’à ses oreilles, Itzan n’est pas dupe. Il comprend bien aux murmures des infirmières et à la manière dont il est soigné que son hospitalisation touche bientôt à sa fin. Cela fait déjà une semaine qu’il est là, qu’il a trouvé aussi bien long que court. Sa notion du temps a été complètement altérée par la prise importante de traitement pour le forcer à dormir. Les premiers jours, il ne faisait pratiquement que ça. Réveillé la nuit par les visions, il ne saurait même pas dire de quoi il s’agissait tellement il était assommé par les médicaments. Tout ce dont il se souvient, c’est qu’il se réveillait, et que quelques secondes plus tard, il se rendormait comme une pierre.
Depuis deux jours, cette impression le quitte peu à peu. Il arrive à un peu mieux tenir les discussions avec ses amis, venant lui rendre visite après les cours avant la fin des heures de visite, et globalement il a l’impression qu’une partie de sa batterie d’énergie s’est re-remplie. Pas dans des conditions optimales certes, mais c’est mieux que rien. Tous les jours, sa mère l’appelle pour discuter. Comme pour ses amis, au début il se contentait seulement de l’écouter parler, rassuré par sa douce voix bien qu’incapable de tenir une conversation claire. Elle n’a pas pu rester tout le temps de l’hospitalisation, mais le bleu sait bien qu’en plus de leurs appels, le Docteur Mêzon et le professeur Nahr l’appellent pour la tenir informée du moindre changement. Après tout, Itzan reste mineur et encore complètement sous la responsabilité de sa mère.
Doudou lui aussi a beaucoup dormi ces derniers jours. Collé dans le cou de son dresseur, il a refusé de le lâcher d’une semelle malgré toutes les tentatives de ses amis pour essayer de lui faire prendre l’air. Même Lyria qui a toujours eu un feeling privilégié avec la boule rose n’a pas réussi à le porter sans le faire entrer dans une crise de larmes. Le gitan ne l’a pas dit, mais il est presque heureux que ça ait été le cas. Sentir Doudou collé à lui en toute circonstance lui a fait beaucoup de bien. Porygon n’a pas quitté son téléphone et n’a d’ailleurs trop rien dit cette semaine. L’agent se doute que cela viendra, mais la créature numérique a sans doute jugé plus utile de le laisser tranquille pour l’instant. D’après les dires de ses amis, Belle pleure beaucoup en son absence. Malheureusement, impossible de la faire rentrer dans l’hôpital. Alors ils viennent la rassurer en lui promettant que très vite, Itzan reviendrait de lui-même nager avec elle. Quant à Nocturna, elle a été classée persona non grata dans l’hôpital, son influence d’un autre genre provoquant de drôles de réaction chez les patients mais aussi les machines. Nahr garde un œil sur elle, mais la spectre n’a pas l’air plus dérangé que ça par la situation. Comme si c’est ce qu’elle avait toujours cherché.
Les heures de visite terminées, et le bleu à nouveau seul dans sa chambre, les deux hommes en charge de leur suivi le rejoignent. Signe qu’ils se passent quelque chose d’important, habituellement ils viennent séparément et non ensemble. La délivrance est peut-être finalement bien arrivée. Silencieux, le garçon attend que les deux adultes engagent. Son dossier médical à la main, le Docteur Mêzon commence.
— Au regard de tes derniers résultats, nous avons décidé que tu sortirais d’ici demain. Mais pas sans traitement. Face à ta…problématique…l’équipe médicale et moi-même avons mis en place un traitement à prendre tous les jours pour t’aider à dormir sans endommager tes organes internes.
— C’est gentil d’y avoir pensé
Itzan grimace. Le Docteur Mêzon parle systématiquement de problématique. Il ne verbalise pas ce qui lui a été révélé la semaine passée par sa mère et le professeur Nahr, comme s’il refusait d’y croire. Que leur faut-il de plus pour qu’ils croient en ce qui le possède, et qu’il est très loin de tout inventer ? Comme si cela l’amusait.
— Il faudra prendre ce traitement rigoureusement. Le professeur Nahr y veillera, puisque tu devras prendre tes cachets dans son bureau tous les soirs avant d’aller te coucher.
— Ah parce que c’est ça votre solution ?! Me fliquer et me bourrer de médicaments comme une bête de foire ?! Je vous ai déjà dit que ça ne servait à rien. Tous les médicaments du monde n’arrêteront pas les visions.
— Itzan, changez de ton tout de suite.
Le garçon s’enfonce contre le mur, serrant les dents. Depuis sa chute et tout ce qui en a suivi, beaucoup de choses ont changé. Le regard de ses amis sur lui, déçus qu’il ne lui ait pas révélé la raison de son mal-être, mais aussi celui des deux adultes, composant entre compassion et suspicion. Mais surtout, et cela fait tout drôle à l’agent, le professeur s’est mis à l’appeler par son prénom. Et ça rend tout étrangement plus sérieux.
— Nous ne pensons pas que vous êtes une bête de foire. Seulement, il faut aussi nous comprendre. C’est bien la première fois que nous devons aider quelqu’un touché par un « don » de ce type. Nous avons bien compris que nous ne pouvions rien faire contre les causes, votre mère a suffisamment insisté là-dessus. Tout ce que nous pouvons faire, c’est traiter les conséquences en vous aidant à mieux vivre avec ça. Parce que s’il y a une chose de certaine dans tout ça, c’est qu’on ne peut pas vous lâcher dans la nature en prenant le risque de vous retrouver dans le même état qu’il y a une semaine. Vous comprenez ?
— Oui Monsieur, je comprends…
Le bleu déteste cette situation. Il a l’horrible impression d’être materné, et par d’autres personnes que sa mère c’est particulièrement dérangeant. Depuis que son subterfuge a été révélé aux yeux du monde, en tout cas de ceux présent, c’est comme si tout le monde craignait qu’il recommence dès qu’il aura mis un pied en dehors d’ici. Certes, il n’a pas été le plus malin dans la gestion de sa crise, mais il n’est pas complètement inconscient. Sa méthode n’était pas la bonne, et il l’a compris à ses dépens.
— Le traitement est fort, et il se peut qu’au début, le temps que votre corps s’habitue, vous ayez des périodes de somnolence. Il ne faut pas lutter contre. Vous êtes autorisés à partir de maintenant et pour les prochaines semaines à quitter un cours ou à en louper un pour vous rendre à l’infirmerie et vous reposer, et seulement pour ça. Tous les vendredis, vous viendrez me voir ici pour qu’on fasse le point et qu’on ajuste le traitement au besoin. Est-ce qu’il y a d’autres questions ?
— Non c’est très clair…
— Très bien, alors c’est acté, vous sortirez demain matin à 8 heures. Monsieur Nahr sera responsable de la prise de votre traitement. Je me charge d’envoyer tous les documents à votre mère et de les ajouter à votre dossier. Nous nous revoyons vendredi.
Le médecin, ayant dit ce qu’il avait à dire, se retire finalement, mais étonnement le professeur Nahr ne lui emboite pas le pas. Un geste qui n’annonce rien de bon pour Itzan.
— Bon maintenant c’est à moi de reprendre la parole, d’autant plus que vous êtes en état d’avoir une véritable conversation. J’aimerais comprendre. Que vous n’ayez rien dit à moi c’est une chose, mais pourquoi ne pas avoir parlé de votre mal-être à vos amis, ou même à votre mère
— Je pensais que je pouvais gérer seul…
— Au début peut-être, mais après vous avez bien réalisé que ça ne faisait qu’empirer. Vous saviez de l’expérience de votre mère que cela n’allait pas s’arrêter d’un coup d’un seul. Pourquoi vous êtes enfermé dans le silence ?
— Je ne voulais pas l’inquiéter plus que ça. Elle gère son propre don depuis tellement longtemps, ça lui fait du mal à elle aussi, bien plus que ce que vous pouvez imaginer. Elle n’avait pas besoin de s’ajouter du stress.
— Sauf que cela a eu l’effet inverse. Votre mère est bien plus angoissée maintenant qu’elle ne l’aurait probablement été si vous lui en aviez parlé dès la première vision.
— Je sais, inutile de le rappeler.
— Et vos amis, qu’est-ce qui vous a bloqué ?
— J’avais peur qu’ils ne me croient pas…
— Qu’ils ne vous croient pas ? Ils vous font confiance, ils n’auraient surement pas pensé que vous auriez pu mentir de la sorte.
— Vous dites ça comme si c’était simple. Au sein de mon propre clan, certains ne nous croient déjà pas avec ma mère, alors qu’ils sont habitués aux dons surnaturels. Alors qu’est-ce que je pouvais penser d’autre ? Vous vous voyez dire à vos plus proches amis de but en blanc que vous voyez l’avenir à travers des rêves ?
Difficile pour le professeur Nahr de complètement nier l’affirmation de son élève. La situation dans laquelle il s’est trouvé lorsque son don s’est éveillé n’a pas dû être simple du tout, il en a bien conscience. Seulement, Itzan a déployé tellement de moyens pour que cela ne se sache pas que cela en est devenu absurde. Au point de mettre sa santé en réel danger.
— Je ne suis pas à votre place. Comme vous le dites, je ne peux pas comprendre exactement ce que vous traversez. Mais vous n’êtes pas seul. Vous avez votre mère, vos amis, et moi-même. Je suis votre référent, vous pouvez venir me voir à n’importe quel moment, du jour comme de la nuit si vous avez un problème.
— Monsieur je vous assure vous ne voulez pas que je vienne à chaque fois qu’il y a un problème, sinon je viendrais toutes les nuits.
— Si ça doit être le cas alors soit. Si ma chambre est dans le dortoir, c’est aussi pour ça. Vous ne devez pas hésiter si vous en ressentez le besoin. Vous me le promettez ?
— Oui Monsieur…
La conversation aurait pu s’arrêter là. Son professeur aurait simplement pu le rassurer, être à l’écoute, et le laisser pour le reste de la soirée. Mais son air grave est plus qu’évoquant, et le bleu sait qu’il n’en a pas encore terminé avec son professeur.
— En revanche, il y a quelque chose que je ne peux pas laisser passer.
L’agent sait très bien de quoi il parle, mais il est incapable de le verbaliser lui-même.
— Vous n’êtes pas idiot. Vous savez très bien les effets qu’ont les produits dopants sur le corps. S’ils sont interdits, c’est bien pour une raison. Encore plus lorsque vous en faites un usage détourné, non supervisé par des professionnels.
— Je le sais Monsieur…
— Oui vous le savez, mais ce que je ne tolère pas, c’est que vous ayez usé de vos accès d’agent pour les voler dans la réserve. La carte agent que l’on vous remet à votre passage de grade est le symbole de la confiance que l’on place en vous. Et en vous comportant ainsi, vous l’avez trahi.
Le bleu ne répond rien, car il n’y a rien à dire. Son professeur a raison. C’est bien grâce à ses accès spéciaux dans le pôle pokeathlète qu’il a pu mettre la main sur ces produits dopants. C’est grâce à eux que son stratagème a pu se poursuivre un mois de plus, sans alerter plus que ça ses proches. Sans cela, il n’aurait jamais pu mettre la main sur des produits de ce type, interdit à la vente classique dans le commerce. Et aucun médecin ne lui en aurait sérieusement prescrit. En définitive, il a complètement contourné le système, et cela ne sera pas sans conséquence.
— Vous avez de la chance que les produits que vous avez choisis n’était pas extrêmement fort. Ils n’ont donc pas eu d’effet à court terme sur votre corps malgré la dose ingérée sur une si longue période. Mais au vu de votre attitude, je me vois dans l’obligation de vous sanctionner.
Itzan ravale sa salive. Quel traitement va-t-il lui infliger ? Des heures de colle toute l’année ? Double entrainement avec le général ? Rendre des rapports écrits de mission à la chaine ? Nettoyer toute l’école avec une brosse à dents ?
— A partir d’aujourd’hui et jusqu’à nouvel ordre je vous retire votre pass d’accès au pôle pokeathlète dans son intégralité.
— Quoi ? Mais vous ne pouvez pas faire ça Monsieur j’en ai besoin !
— Tant que vous ne me prouverez pas que vous êtes digne de confiance, vous vous en passerez. Vous continuerez à suivre les cours et les entrainements là-bas, mais vous ne pourrez plus accéder au bâtiment sans être accompagné. Peu importe qui, mais quelqu’un devra toujours être avec vous.
— Mais Monsieur je ne suis plus un enfant, je n’ai pas besoin d’être surveillé en permanence.
— Malheureusement il faut croire que si, puisque quand on ne le fait pas vous vous en servez pour voler des substances interdites.
Le gitan n’a jamais eu aussi honte de sa vie. Voilà toute l’ampleur de l’erreur qu’il a commise, du choix dangereux qu’il a fait. Aujourd’hui, on ne lui fait plus confiance pour se gérer seul. On craint qu’il prenne les mauvaises décisions. Et surement qu’il se fasse du mal à nouveau.
— Egalement, vous réaliserez un exposé sur les produits dopants. Vous avez des modèles affichés à côté des salles de classe. Je veux un déroulé précis et pertinent sur les produits dopants et les risques associés. Vous comprendrez ainsi l’ampleur des risques que vous avez pris et dissuaderez peut-être vos camarades par la même occasion de s’y aventurer. Est-ce que vous avez des questions ?
— Non Monsieur c’est très clair
— Bien. Alors reposez-vous au mieux, vous reprendrez les cours demain après-midi. Comme vous l’a dit le Docteur Mêzon, vous êtes attendu dans mon bureau tous les soirs avant de vous coucher pour prendre votre traitement. J’en suis le seul gardien.
Sur ces mots, le référent quitte les lieux, laissant le garçon dans le silence imposé par ses propres erreurs. Jusqu’au bout, et de manière complètement inconscience, il a cru pouvoir gérer.
Mais il n’a que 16 ans. Il n’y avait rien à gérer.
**
Installés tous les deux dans le calme de la chambre de Candice, le bleu laisse ses doigts glisser dans les cheveux de sa copine allongée sur ses jambes, pensif. Il n’a pas beaucoup parlé depuis qu’il est avec la Givrali. Son esprit est ailleurs, bien loin de ce moment de tendresse qu’ils ont pourtant l’habitude de partager.
— Itzan, qu’est-ce qui ne va pas ? Je vois bien à ton visage que quelque chose te pèse
Doucement, la plus âgée vient poser le bout de ses doigts contre le menton de son amoureux, soucieuse. Elle aussi a été mis dans la confidence juste après l’hospitalisation d’Itzan. Bien qu’il l’ait écartée, au même titre que ses amis, il n’a pas pu se résoudre à la laisser dans l’ignorance. Le bleu se sent bien avec elle, sincèrement. Leur duo ressemble à un cliché, et ils en jouent complètement dans les couloirs de l’académie. Mais une fois tous les deux, cela n’a plus grand-chose à voir. Ils échangent, prennent le temps ensemble de se réconforter et de profiter de moment de tendresse.
— Excuse-moi Candice, j’ai du mal à verbaliser certaines choses. Je veux t’en parler, mais j’ai peur que ça soit confus…
— Ne t’excuse pas. Et même si c’est confus on finira par se comprendre. Dis-moi, ne porte pas ça tout seul. Tu l’as assez fait pour une vie.
Itzan n’a jamais cherché à lui cacher, en tout cas pas depuis qu’il l’a compris lui-même tout récemment. Mais il ne sait pas comment amener la chose de manière un peu subtile. Candice ne mérite pas qu’il crache ça de but en blanc. Mais rien de mieux ne lui vient.
C’est un peu de sa faute après tout. Il s’est mis des œillères pendant si longtemps que ça en est presque ridicule avec le recul. Et maintenant qu’il l’a compris, pour lui-même mais surtout par respect pour sa copine, il ne peut pas laisser cette situation durer plus longtemps.
— En fait…j’ai réalisé que j’avais des sentiments pour Magnolia…des sentiments bien plus forts que je ne le pensais…
C’est la première fois qu’il le verbalise directement, et il est obligé de reconnaitre que cela a quelque chose de libérateur. C’était là sous ses yeux depuis tellement longtemps, mais sous couvert de tout un tas d’autres choses, il ne l’avait pas réalisé. Ce n’est que lors de son hospitalisation, lorsqu’il a vu l’adolescente passer toutes ses soirées avec lui, à lui tenir la main par moment tout en lui racontant ce qu’elle avait fait de sa journée malgré sa maigre attention qu’il a réalisé la réelle nature de ses sentiments. La vouloir tout contre lui, vouloir la serrer dans ses bras et boire chacun de ses mots sans en perdre une miette. Vouloir que celle qu’il voit comme sa meilleure amie le regarde comme un homme sur qui elle pourrait compter toute sa vie, dans les meilleurs moments comme les moins bons. Et plus, vouloir que sa meilleure amie l’embrasse tendrement, ça n’a plus grand-chose à voir avec de l’amitié.
— Tu fais une tête ! On dirait que tu as tué quelqu’un
— Candice…je viens de te dire que j’étais amoureux d’une autre fille. Ça ne t’ennuie pas plus que ça ?
— Si un peu forcément, mon ego en prend un coup. Mais toi et moi, on savait depuis le début que ce n’était pas éternel. Tu es mignon, mais je t’ai toujours dit que j’avais un attrait pour les hommes plus âgés. Et toi, tu regardais cette fille avec tant d’amour, même quand on venait de se mettre ensemble. Ce n’est que la continuité normale des choses.
Dis comme ça, les choses font sens. Ils se sont attirés mutuellement dans une sorte de jeu qui a donné naissance à cette relation. Mais ni l’un ni l’autre n’a jamais réalisé de grande déclaration d’amour. Ils n’ont jamais été fusionnels, très romantiques (ou en tout cas sincèrement) et n’ont jamais ressenti le besoin non plus de s’isoler face aux restes du monde. Ils ont vécu leur relation avec légèreté. Et bien qu’il y ait certainement eu des sentiments entre eux, ils étaient à mille lieux du grand amour.
— Maintenant tu vas lui dire à Magnolia ? Que tu l’aimes ?
— Non certainement pas.
— Hein ? Mais pourquoi ?
— Je ne pense pas être la bonne personne pour elle
— Tu plaisantes j’espère ?
Le gros du problème, il se trouve là. Itzan a confiance en lui sur certaines choses, mais absolument pas pour ça. Pour lui, Magnolia est l’incarnation de la lumière. Elle est brillante sur le plan scolaire mais pas que, aide ses amis autant qu’elle le peut, se révèle efficace professionnellement, est consciencieuse avec ses pokemons. Bref, elle assure sur tous les plans. Mais elle a aussi ses fragilités qu’il a entrevues, avec son accord. Elle semble lui accorder une certaine confiance, et lui-même pense avoir deviner, au moins partiellement, de quoi il en retourne.
Elle aime ses moments de solitude. Lui aime parler et être avec des proches. Elle excelle scolairement et aime logique. Lui préfère le pratique et se fier à son instinct. Elle supporte difficilement les contacts physiques. Lui fonde une partie de ses interactions sociales sur cela. Elle aime être invisible. Lui aime qu’on le remarque. Et ainsi de suite.
Et s’il a appris à s’adapter, et avec plaisir, pour être bien avec Magnolia, il ne peut pas non plus transformer totalement qu’il est.
Magnolia ne pourra jamais être heureuse, du moins en couple, avec quelqu’un comme lui. En tout cas, c’est la conclusion à laquelle il est arrivé.
— Comment peux-tu dire ça ? Elle est heureuse avec toi, ça se voit. Même moi qui ne suis pas son amie j’arrive à le deviner en la regardant.
— En tant qu’ami peut-être, mais en couple c’est tout autre chose. Je ne pense pas qu’elle ait besoin de quelqu’un comme moi pour être sa moitié.
— Oh Itzan…il faut vraiment que tu arrêtes de te dévaloriser comme ça. Si tu avais eu 5, ou peut-être 10 ans de plus, tu peux être sûre que je t’aurais gardé toute ma vie rien que pour moi.
— J’imagine que c’est un compliment
— Evidemment que ça en est un. Je suis difficile en matière d’homme tu sais. Que tu ne veuilles pas lui en parler maintenant je comprends. Mais il faudra bien à un moment que tu lui révèles tes sentiments. Ce n’est pas bon pour toi
— Je ne sais pas Candice… qu’est-ce que tu veux qu’on fasse maintenant ? Je veux dire, toi et moi ?
— Tu veux qu’on se sépare ?
— Je viens de te dire que j’aimais une autre fille. Tu voudrais rester avec moi quand même ?
— Eh bien…je n’ai pas encore trouvé le grand amour…et toi tu veux attendre avant de dévoiler tes sentiments à Magnolia. On est bien ensemble non ? Alors pourquoi se séparer ? On aura qu’à le faire quand l’un de nous aura trouvé la personne pour qu’il a de réels sentiments. Qu’est-ce que tu en dis ?
Itzan ne s’attendait pas à ce que Candice prenne les choses de cette façon. Elle l’a toujours beaucoup surpris dans sa manière d’être, loin de la superficialité régulièrement affichée. Mais là, c’est encore une autre étape qui vient d’être franchie. Ce qu’elle propose ne lui déplait pas, mais est-ce respectueux pour elle ?
— Mon gitan, tu te poses trop de questions. Je vois ton esprit tourner en boucle d’ici.
La jeune femme se redresse finalement du lit et vient délicatement tenir le menton du garçon avant de l’embrasser tendrement. Un baiser auquel répond le bleu, trouvant du réconfort dans les lèvres familières de sa copine.
— Profitons ensemble, sans nous poser de questions. Nous sommes gardien de nos réels sentiments, et seul maitre de nous-même. Alors profitons-en, comme on l’a toujours fait.
A l’aise, les dernières barrières écartées, le gitan finit par repousser la Givrali, dos sur le lit, avant de se placer au-dessus d’elle. Les yeux plein de désir, il reprend ses baisers sur les lèvres de sa copine, explorant davantage son cou.
A défaut de pouvoir vivre son amour, Candice lui accorde ce réconfort si particulier qui lui manque tant.
**
— Haaaaaaaan !
Le garçon se redresse vivement de son lit, transpirant à grosse goutte et éjectant le pauvre Doudou au passage. La respiration lourde, Itzan retrouve rapidement son calme, une main sur la poitrine pour se forcer à respirer plus doucement. Ce type de réveil n’est plus inhabituel, et sans aller jusqu’à dire que ça ne lui fait plus d’effet, il parvient à s’apaiser seul bien mieux qu’auparavant. Un couinement le ramène toutefois à la réalité, se penchant vers le sol pour ramasser son pokemon.
— Excuse-moi Doudou, tu peux te rendormir ce n’est rien.
Le Toudoudou ne se fait pas prier, et rapidement ses yeux se ferment de nouveau pour reprendre sa nuit, à l’aise entre les mains de son dresseur. Seulement, de son côté, le gitan sent que le sommeil ne reviendra pas. Malgré les traitements et les remontrances de ses professeurs pour le pousser à essayer de retrouver le sommeil après une vision, il y a des fois où cela ne vient juste pas. Alors dans ces cas-là, il se lève, s’installe à son bureau et sort son petit cahier pour y ajouter une nouvelle entrée.
« 28/11, 4h59 – Une petite fille a failli se faire renverser par un camion. Heureusement, le conducteur a braqué suffisamment pour ne pas la toucher et éviter un grave accident. Elle a hurlé extrêmement fort. Elle s’est vue mourir ».
Simple, concis, le garçon ne s’étend jamais sur ses visions, et ne les note pas toute, sinon il n’en finirait jamais. Il note celles qui sont les plus significatives, celles qui l’empêchent de se rendormir, ou plus rares, celles qui impliquent des personnes qu’il connait. Il finit par ranger son carnet dans un faux fond d’un de ses tiroirs, ne souhaitant pas que quelqu’un vienne lui prendre, avant de prendre sa tête entre ses mains, las. Il ne pourra aller au petit déjeuner que dans une heure et demi. Et éventuellement rejoindre Magnolia dans une heure. Il sait que c’est à cette heure-là qu’elle va réaliser son footing matinal avec ses pokemons. Mais en même temps, il ne veut pas la déranger dans ce moment solitaire qui fait partie de sa routine. Bon, il a encore une heure pour se décider.
En attendant, tout ce qui lui reste à faire, c’est de reprendre le travail sur cet exposé imposé par son référent. Livre en main, il se remet à griffonner des informations à droite à gauche pour organiser ses idées. A défaut de dormir, autant rentabiliser son temps.
**
— Je suis désolé Magnolia de te faire déplacer encore
— Je te l’ai déjà dit Itzan, ça ne me gêne pas
— Mais moi ça me gêne…
La porte du vestiaire déverrouillée par son amie, le bleu peut entrer dans les lieux et récupérer la veste qu’il a oublié après le cours de ce matin. La punition n’a toujours pas été levé, et le temps commence à se faire long pour l’agent, systématiquement au crochet de la rose pour faire le moindre déplacement. Si lors des cours cela n’est pas bien gênant, étant de toute façon toujours ensemble, Itzan ne peut plus prendre la moindre initiative solitaire. Et malgré la honte associée, il préfère encore que Magnolia soit la seule gardienne de son secret auprès des autres élèves.
— C’est bon j’ai, on peut y aller
Toujours aussi calmement, la demoiselle referme la porte avant qu’ils ne reprennent la route vers le bâtiment principal. Les cours se sont terminés un peu plus tôt aujourd’hui, ils ont donc le temps de flâner un peu avant de retourner se mettre à leur devoir, et lui son exposé. Il doit le rendre bientôt de toute façon, et l’agent en voit enfin le bout. En espérant que cela convienne à son professeur.
— Dis Itzan
— Oui ?
— Je sais qu’on te l’avait dit au début, quand tu étais à l’hôpital, mais on est là pour t’aider. Moi ça ne me gêne pas de t’aider après les cours pour rattraper certaines notions qui te sont plus difficiles. Même si ce n’est pas de ta faute, moins dormir ce n’est pas bon pour la mémoire. Alors il faut répéter les choses plusieurs fois. Mes fiches peuvent t’aider. Je ne te force pas, c’est juste que j’aimerais vraiment pouvoir t’aider, et comme je suis surtout douée pour ça, enfin le scolaire je veux dire…
— Magnolia dit pas n’importe quoi. Tu es douée pour plein de choses, pas que pour le scolaire. Et c’est super gentil de ta part de vouloir m’aider. J’ai de la chance de vous avoir, je l’ai compris que trop tard c’est ma faute.
— Excuse-moi, je n’ai pas dit ça pour ça
— Ne t’excuse pas ! Je me parle à voix haute. Ce soir je regarderais les chapitres où j’ai le plus de mal, et je te demanderais de me faire un petit rattrape d’accord ?
— Pas de souci, n’hésite pas
Le bleu lui sourit en réponse à sa petite moue adorable.
Qu’est-ce qu’il aurait voulu l’embrasser là tout de suite
**
— Itzan, tu as l’air vraiment fatigué là…
— Ouais, t’as l’air presque mort !
— Lyria, il y avait des manières plus gentilles de le dire
Le gitan ne prend même pas la peine de répondre, la tête entre ses mains, son petit déjeuner attendant sagement d’être dégusté. Autour de lui, ses 4 amis le regardent, ne sachant pas vraiment par où commencer. Depuis son hospitalisation, c’est la première fois qu’il apparait devant eux avec une tête pareille. Il a bien pensé à se maquiller, mais il n’a finalement pas eu le courage. Et puis de toute façon, ils lui seraient tombés dessus tout de suite, associant désormais le maquillage hors mission a une volonté de sa part de cacher son état.
— Tu es sûr que tu ne veux pas aller te recoucher ? Les professeurs t’excuseront de toute façon
— Non surtout pas, j’ai vraiment besoin de prendre l’air et de sortir de cette chambre
Comme pour s’auto-persuader, l’agent tire sur ses paupières avant d’attraper sa cuillère pour tenter de prendre quelques forces. La nuit a été particulièrement longue et agitée. Une première vision l’a rapidement réveillé, mais grâce à l’aide de ses médicaments, il a cru pouvoir se rendormir sans trop d’encombre. Mais c’était sans compter sur les aléas de son don. Les esprits nocturnes ne l’ont pas lâché, tandis qu’en parallèle il a cru deviner Nocturna rester à ses côtés toute la nuit durant. Un mélange costaud qui ne lui a permis que tout juste 2 heures de réels sommeils.
— Je me demandais Itzan, je sais que tu n’aimes pas ça, mais il ne vaudrait pas mieux que tu rentres dans sa pokeball Nocturna pendant la nuit ?
— Hein ? Pourquoi tu dis ça ?
— Et bien j’ai fait des recherches, et il a été démontré que les Feuforêves absorbait le…désespoir des gens pour s’en nourrir à l’aide de ses perles rouges. Et comme Flotte-Mèche en est une sorte d’ancêtre de Feuforêve, on peut supposer que c’est le même mécanisme qui est à l’œuvre
— Je ne sais pas, on ne sait pas grand-chose des paradoxes. Ça serait peut-être présumé que c’est de sa faute. Et puis les pokemons ne sont pas faites pour être des boules de métal.
— Non mais Itzan tu t’entends ?!
Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas entendu Ash lever la voix. Depuis son hospitalisation en fait. Il n’est pas fier d’avoir menti à son bro pendant autant de temps. Et si maintenant le Noctali est passé à autre chose, il sait que son ami à mal vécu ce que lui et Agatha particulièrement ont ressenti comme une trahison. Et même s’il fait de son mieux pour se racheter, il sait que le mal reste fait.
— Cette créature vient d’un cratère interdit au public de Paldea. Ils n’y envoient que les élèves ayant atteint un certain grade parce qu’elles sont dangereuses et difficilement contrôlable. L’une des personnes les plus recherchée de l’île en possède un, et elle n’a même pas eu le droit de rentrer dans l’hôpital tellement son aura trafiquait les machines et les patients. Il te faut quoi de plus pour te convaincre que dormir avec est une très mauvaise idée ?
— Il a raison Itzan. Nocturna sera surement mieux pour tout le monde dans sa pokeball. Et puis tu pourras la sortir la journée, ce n’est pas comme si tu l’enfermais définitivement
Bien que le gitan ne soit pas parfaitement convaincu, il doit reconnaitre que ses amis n’ont pas tort. Beaucoup d’indices convergent vers Nocturna et son aura paradoxale. Sa présence, similaire à celle d’un esprit nocturne, ne l’a jamais rassuré, et joue peut-être sur son état de santé actuel. Bien sûr, il sait qu’elle ne fait pas tout. Mais si au moins cela peut lui permettre de ne pas se réveiller en sursaut avec ses yeux jaunes le fixant intensément tout en absorbant son énergie vitale…
— Je vais y réfléchir…
— Bien, et on va te ramener à l’infirmerie. Tu as vraiment une tête à faire peur. Tu vas dormir quelques heures et tu nous rejoindras après
— Hmm… - répond-il, n’ayant pas la force de contre-argumenter
**
— J’aimerais tellement te dire ce que veut mon cœur, mais je n’ai plus les mots…
Assis au bord de sa fenêtre, tourné vers l’extérieur et guitare en main, le bleu chante cette chanson un peu clichée sur les bords mais qui en ce moment lui apporte un certain réconfort. Il n’a pas pu passer la soirée avec Candice, et les membres du club des 5 avaient d’autres projets pour la soirée. Quoi de plus normal, ils ne peuvent pas être tout le temps collé. Seulement, depuis la manifestation de son don et bien que les choses ne soient plus aussi extrême qu’au début, sa chambre n’est plus un environnement aussi rassurant qu’avant. Alors, par passion mais aussi pour passer le temps, il chante des morceaux qu’il aime, l’emmenant un peu plus loin de sa nouvelle réalité.
Seulement, le garçon est surpris par des bruits à sa porte, invitant l’inconnu à entrer. Il ne s’attendait toutefois pas à voir son référent au pas de la porte.
— Monsieur il est encore tôt. Je vous jure que j’allais venir. Je ne me suis jamais défilé.
— Je sais bien, vous n’êtes pas en retard. Mais j’aimerais vous voir un peu plus tôt. Vous pouvez venir ?
— Oui j’arrive
L’adolescent repose l’instrument sur son lit et suit son professeur sans faire d’histoire, emmenant tout de même Doudou avec lui. Officiellement pour ne pas le laisser seul. Officieusement pour se rassurer face à ce qui l’attend ce soir.
Arrivé à l’intérieur, le gitan n’a aucun mal à apercevoir ses traitements que le professeur a déjà sorti, ainsi que son exposé fraichement imprimé. Bien que les doses ne soient plus exactement les mêmes qu’à la sortie de l’hôpital, il reste toujours sous traitement et n’a pas la permission de le rater, semaine comme weekend. Désormais, il rencontre le Docteur Mêzon une fois toutes les deux semaines qui s’assure également qu’il n’a pas de carence en quoi que ce soit. En résumé, on le garde à l’œil, même s’il sent bien que la pression n’est pas la même qu’au début.
— Tout d’abord j’ai lu votre exposé. Vos écrits ont bien progressé depuis vos débuts, et vos recherches pertinentes. C’est donc validé comme moi, et bien qu’il s’agisse d’une punition, je le validerais dans le cadre de vos passages de grade.
L’agent lâche un soupir de soulagement. Voilà une bonne chose de faite. Cet exposé lui a pris pas mal de temps, d’autant plus qu’il n’a sollicité l’aide d’aucun de ses amis pour le terminer. Après tout, c’était sa punition, en lien avec ses erreurs. Il ne lui a pas paru correct de procéder autrement.
— Egalement, cela fait maintenant 3 mois et demi que vous êtes sous traitement et surveillance de notre part. Nous avons noté des signes d’amélioration. Tout n’est pas réglé mais il y a du progrès. Et vous avez respecté vos engagements médicaux. Vous ne me sollicitez pas lors de vos crises, mais j’imagine que vous arrivez à vous gérer puisque nous ne vous avons plus vu dans l’état catastrophe de fin octobre.
L’adolescent se contente de hocher la tête, ne pouvant que confirmer le résumé de son professeur. Le don est très loin d’être maitrisé, mais la situation critique d’avant son hospitalisation semble dorénavant derrière lui.
— Par conséquent, et avec l’arrivée du nouveau semestre, j’ai décidé de vous rendre votre carte agent, de vous laisser gérer votre prise de médicaments et de vous inscrire de nouveau sur les cours de spécialité et les missions. La punition est levée.
— Ah…euh… merci Monsieur
Itzan persuadé qu’il allait encore se faire engueuler c’est raté, voir même tout l’inverse. Presque timidement, il récupère sa carte rendue par son professeur en même temps que ses médicaments, un léger sourire aux lèvres. Mine de rien, au-delà des accès matériels, ce pass lui a beaucoup manqué. Après tout, être un agent fait partie de son identité.
— Vous m’avez prouvé que je peux de nouveau vous faire confiance. Je reste convaincu de vos capacités. Reprenez sérieusement votre investissement dans votre parcours agent et sans aucun doute, vous deviendrez un excellent agent. Voyez ce semestre comme un nouveau départ.
— Oui Monsieur, merci pour votre confiance.
— Les rendez-vous bi-mensuel avec le Docteur Mêzon ne change pas. Je vous laisse autonome sur votre prise de médicament. Vous commencez à les connaitre. En revanche, ne tentez pas de vous automédicé. Si à un moment vous sentez que ce n’est plus adapté, rendez-vous à l’hôpital pour en parler. Seuls eux sont autorisés à vous délivrer une alternative. Ou venez me voir, nous trouverons une solution, même si c’est en pleine nuit.
— C’est compris Monsieur
— Bien, alors vous pouvez y aller. Bonne nuit, autant que faire se peut.
— Bonne nuit Monsieur
Le garçon, soulagé, quitte le bureau. Demain commence un nouveau semestre.
Son don reste sa principale problématique. Mais petit à petit, il sent que de l’espace se libère de nouveau pour d’autres projets. Ses amis bien sûr, mais aussi son parcours à l’académie, et tout un tas d’autres petites choses.
Cela ne va pas être facile. Mais il est entouré, et il l’a enfin compris.