J'étais étendue dans mon lit, mon regard anthracite vagabondant au plafond alors que l'épuisement m'avait gagnée. Même après une longue douche glacée et une bonne heure de repos, j'avais l'impression que toute cette chaleur ne me désertait pas. L'entraînement des Pyroli était on ne peut plus infernal et, en nouvelle que j'étais, mon corps était loin d'être habitué à fournir de tels efforts physiques chaque matin. L'heure en elle-même n'était pas un problème, il y avait longtemps que j'avais appris à me lever la première à la maison afin de préparer le petit-déjeuner de la maisonnée et m'assurer que Logan avait passé une bonne nuit de sommeil, mais il y avait un monde d'écart entre ça et ces austérités. Néanmoins, c'était avec beaucoup de diligence que je participais à cette nouvelle routine, espérant hors de tout doute que cela me serait profitable à l'avenir vu le parcours pour lequel je me destinais. Quoi qu'il en soit, je sentis une pression contre ma personne, comme si une boule poilue se frottait et se collait contre moi. Puis, la pression de petites pattes qui se pressaient contre moi, le mâchouillement de petites dents qui tiraient sur mon chandail et de petits gémissements ponctuels qui m'imploraient de lui accorder un peu plus d'attention. Si on me demandait mon avis sur la question, je dirais volontiers que ce Pokémon était un véritable dépendant affectif et j'avais choisi de ne pas l'encourager. Si je lui montrais que tout cela portait ses fruits, plus jamais il ne me laisserait tranquille et je ne voulais surtout pas de ça. Ainsi, c'est dans cet ordre de pensée que je le soulevai un peu maladroitement pour l'éloigner. Chaque fois que je lui touchais il croyait que j'allais le prendre dans mes bras et lui offrir une caresse, je du donc le déposer rapidement pour l'empêcher de se jeter sur moi avec contentement. Poussant un soupir, je cherchai plutôt une autre occupation, espérant lui donner une bonne raison de me laisser tranquille. Par réflexe, ma main s'étira pour gagner la table de chevet, y récupérant un livre de poche. Je cherchai le signet, mais en vain. Aurais-je donc oublié de noter ma page la veille après ma période de lecture? Non, je me souvenais maintenant, je l'avais terminé celui-là. Maintenant gagnée d'une envie de lecture, je me dirigeai vers ma tablette contenant mes plus précieux ouvrages, quelques oeuvres de fiction que j'affectionnais assez pour les avoir toutes lues une demi-douzaine de fois et achetées. Bon, rien d'inédit là-dedans apparemment. Assis sur le lit, Tenebrae me regardait avec un air bien trop fier, comme s'il savait. Oh oui, il savait. Si je n'avais rien à faire, rien à lire, j'allais devoir m'occuper de lui, accepter de créer un lien avec quelqu'un d'autre que mon frère, accepter de lui ouvrir une toute petite porte jusqu'à mon coeur pour le laisser s'y installer bien au chaud. Mais ce qu'il ne savait pas, c'est qu'un voyage à la bibliothèque ne m'effrayait nullement.
Je vérifiai ma tenue, soit des jeans, un t-shirt simple et de petites bottes. Bien, rien à signaler de trop original. Je recoiffai sommairement ma courte coiffure d'ébène, rien qui devrait me faire remarquer là non plus. Ne me manquait plus qu'un accessoire qui valait plus que tout ce que je possédais, précieux objet dont j'ignorais la localisation dans l'instant présent. Un peu paniquée, je parcouru la pièce des yeux en long en large et en travers pour finalement découvrir le coupable. Tenebrae s'était affalé de tout son long sur l'écharpe, comme pour me forcer à l'emporter avec moi ou à partir sans les deux. Non, je ne cèderais pas à ce genre de chantage, surtout si cela impliquait mon foulard à la valeur inestimable. C'est donc sans hésiter que je repris mon bien, le débarrassai des poils du Zorua et le passai à mon cou, comme à l'habitude. Il ne me manquait plus que mon sac brun à bandoulière et j'étais prête pour le départ. Je sortis et fermai la porte aussitôt, mais je n'avais pas fait deux pas que le bruit des griffes de Tenebrae contre la porte se faisait entendre, accompagné de gémissements d'outre-tombe. Je ne pouvais pas le laisser là, c'était un fait. Ce n'est pas que je n'aimais pas sa compagnie, mais il n'avait su qu'attirer l'attention vers nous depuis que je l'avais en ma possession et cela me déplaisait fortement. D'autant plus que nous allions à la bibliothèque et que je ne voulais pas en être bannie dès ma première visite. Cet endroit serait pour moi un refuge précieux et je ne laisserais pas le manque d'attention de mon starter gâcher mes ambitions d'apprentissage.
Mes pieds se mirent en route presque d'eux-mêmes, sans que j'eu besoin de tergiverser sur la direction à prendre. S'il y avait bien une chose que je possédais, c'était un sens de l'observation accru doublé d'un sens de l'orientation plutôt convenable. Au final, il ne me fallait donc que très peu de temps pour m'adapter à un nouvel environnement, ce qui ne pourrait être qu'un plus pour moi. Le trajet aurait certes été plus facile et plus agréable si le Pokémon ténèbres n'avait pas passé son temps à se faufiler entre mes jambes, mais je réussi tout de même à gagner l'endroit sans encombre et à y pénétrer. Connaissant mon chemin dans une bibliothèque, je ne mis pas longtemps à repérer la rangée qui m'intéressait, mais un problème subsistait. Avec le Zorua sur mes talons, je ne serais jamais tranquille et je n'arriverais pas non plus à me décider. Ce faisant, je devais l'éloigner un peu, juste le temps de choisir. Je m'accroupis à ses côtés et lui chuchotai à l'oreille, espérant que cette petite mission soit suffisante pour l'occuper et détourner son attention.
- Je vais chercher un livre, pendant ce temps trouve nous l'endroit le plus confortable de la bibliothèque pour lire. Tu dois être silencieux en tout temps et une fois que tu auras trouvé, attends moi là, compris?
La petite créature sembla avoir compris et reparti maintenant en mode conquérant, ses petits yeux vifs détaillant déjà les environs. J'esquissai un sourire amusé. S'il y avait bien une chose que j'aimais de lui, c'était cette façon qu'il avait de toujours s'impliquer au maximum dans ce qu'il entreprenait, une qualité que je lui enviais beaucoup. Quoi qu'il en soit, je me pensai tranquille, à l'abris de tout soucis, et m'engouffrai dans l'allée sans me douter de ce qui se tramait. Effectivement, Tenebrae avait trouvé ce qu'il considérait comme étant la meilleure place, mais un problème subsistait, cette place était déjà prise par un autre élève. Est-ce que cela allait arrêter le Zorua dans sa quête du confort de sa maîtresse? Bien sur que non. S'approchant furtivement, il surveillait l'inconnu du coin de l'oeil jusqu'à finalement passer à l'attaque, refermant ses crocs sur le bas du pantalon du lecteur pour ensuite se mettre à tirer avec fougue, bien que tentant de demeurer silencieux. Comprenant bien rapidement qu'il était trop petit pour tracter seul cet élément perturbateur, il sauta ensuite d'un mouvement agile sur l'accoudoir, puis sur le dessus du siège, posant ses pattes de devant sur l'une des épaules de l'élève afin d'essayer de le pousser, s'accompagnant d'un petit "zooo". Prêt à lutter, si l'élève essayait de le repousser il n'hésiterait pas à planter ses crocs acérés dans sa main et à serrer aussi fort que ses mâchoires le permettaient. Heureusement j'avais appris à entendre ces satanés appels de partout maintenant, comme si j'avais eu un sonar intégré pour retrouver mon petit Pokémon générateur de catastrophes. Me demandant ce qui l'avait poussé à briser la règle du silence, je tentai de l'apercevoir entre les rayonnages et ce que je vis ne m'enchanta guère. Abandonnant les livres que j'avais commencé à sélectionner, c'est à toute vitesse que j'allai les rejoindre, me saisissant au vol de Tenebrae pour le serrer contre moi et le forcer à l'abandon. Maintenant par contre je devais bien des explications et des excuses à l'inconnu, et à tous pour avoir dérangé l'ordre général. Espérons juste que la bibliothécaire ne vienne pas me gronder pour ça et que le jeune homme aux yeux d'ambre ne m'en veuille pas trop.
- Je suis désolée, ceci n'aurait pas du se produire. J'ai encore du mal à savoir comment me comporter avec lui... J'espère que vous n'avez rien?
J'avais envie de soupirer. Dans quel pétrin allait-il encore m'embarquer? Enfin, ce n'était pas tellement une catastrophe à proprement parler, mais il semblait avoir un don inusité pour provoquer les interactions sociales, que ce soit entre lui et moi ou entre moi et les autres élèves.Ne me restait plus qu'à espérer que cet inconnu soit comme 90% des habitants de cette Terre, soit assez centré sur lui-même et sa lecture pour juste me dire de ne plus le déranger avant de retourner mettre le nez dans son livre. Je sais bien que ce n'était pas ce que souhaiteraient la plupart des gens, mais j'aurais encore préféré être éconduite sauvagement que de devoir rester plantée là. Mais Tenebrae savait choisir des cibles de choix et le jeune homme semblait curieux, intéressé par ma présence, comme si je venais de perturber son train-train quotidien et qu'il comptait bien en profiter. Puis, une fois que j'eu terminé de m'excuser, il trouva des yeux la responsable des lieux avant toute chose, comme s'il vérifiait s'il pouvait parler. Je l'imitai par simple curiosité et mon regard anthracite en arriva à la même conclusion que lui, nous pouvions parler en toute quiétude, bien sûr. L'inconnu pu donc prendre la parole, cherchant visiblement à entamer ce qui s'apparentait à une conversation en bonne et due forme. Au moins son dialogue commença par la confirmation de son état, il allait bien et donc Tenebrae ne lui avait porté aucun préjudice, en espérant que le jeune homme ait pensé à garder sa page. La suite par contre me rendit un peu inconfortable et j'enfouis quelque peu ma tête dans mes épaules, mes joues se teintant d'embarras. Confirmer comme ça que j'avais l'air d'avoir du mal, ce n'était pas pour plaire à mon orgueil qui était, je dois l'avouer, plutôt consistant. Il ajouta même que c'était curieux puisqu'habituellement le Collectionneur avait toujours une idée derrière la tête en confiant un Pokémon. Dans ce cas ci c'était très probablement de me rendre la vie infernale dans cette pension, m'occuper assez pour que je n'ai plus une seule seconde de libre pour penser à l'avant Pokémon Community.
Quoi qu'il en soit, il venait de noter très clairement son intérêt pour mon cas et sa curiosité à cet égard. Et oui, c'est soigneusement que j'ai choisi d'employer ce mot. Être là à cette heure pour lire alors qu'il n'était pourtant pas membre d'un dortoir de maniaques comme le mien, c'est qu'il était forcément dans une branche scientifique et que, du coup, je ne devenais plus qu'un cas parmi les autres. Remarque, ça avait quelque chose de bien pour moi d'être un cas source de curiosité plutôt que d'être une personne à qui il fallait parler, il faut croire que j'étais vraiment bizarre comme fille. Néanmoins, il aurait été impoli de ne pas répondre à cette affirmation. Pourquoi le Collectionneur me l'avait donné à moi et pas à un autre? Pour moi c'était évident, il avait vu ou su qu'un vide s'était formé dans ma vie et rien de mieux qu'une boule collante pour le remplir d'affection et de câlins si fréquents qu'ils m'en rendaient malades.
- Peut-être est-il simplement sadique. Cet homme est si inquiétant qu'on me dirait qu'il tire des élèves à la courte paille pour jouer à un jeu et je le croirais. J'ai simplement du tirer le mauvais numéro et maintenant voilà le résultat.
Voilà, j'étais une jeune fille simplette et naïve, rien d'intéressant pour un garçon que j'estimais plutôt savant et probablement vif d'esprit vu l'éclat de ses yeux. Si je paraissais d'une fille quelconque qui n'avait pas envie de se creuser la tête, peut-être se désintéresserait-il? Sauf que je n'étais pas du tout cohérente là. Nous étions au total trois dans la bibliothèque : lui, moi et la bibliothécaire. Qu'est-ce que j'irais faire là si je n'étais pas moi aussi une individu curieuse et avide de passionnantes lectures et aventures? La question était : intelligent oui, mais assez pour relever ce détail et rester accroché assez longtemps pour en apprendre plus sur moi? Ça, c'était à voir. À l'apparition de ce sourire amusé, ce sourire me proposant clairement un défi, me testant, me criant "Ne joue pas à la plus maligne avec moi, j'ai déjà compris de quel genre t'étais", je su que j'étais très clairement dans le pétrin. Tel qu'anticipé, ses paroles furent très exactement à l'image du pire scénario possible. Oui, mon Zorua aimait les caresses. Il en raffolait au point qu'il aurait pu vivre d'amour et d'eau fraîche sans jamais manquer de rien. Et tomba la suggestion. Le câliner, lui offrir un peu d'affection pour essayer de le calmer. Dans mes bras, Tenebrae avait bien sur tout entendu, il n'était pas sourd et il était plutôt intelligent je dois l'avouer. Il leva un regard remplit d'espoir vers ma personne en une imitation digne du Meowth botté. Ils étaient de mèche contre moi, il n'y avait pas d'autres explications possibles. Je restai plantée là à regarder le petit Pokémon ténèbres qui attendait toujours, beaucoup trop emballé par la proposition du lecteur, certain que j'allais abdiquer et lui offrir une once de tendresse. Je relevai mon regard anthracite vers celui d'ambre, comme pour vérifier s'il était bien sérieux et il l'était presque trop à mon goût, bien que ce sourire me narguait encore un peu.
- Il est vraiment très collant, si je commence à capituler j'ai bien peur de ne plus pouvoir faire quoi que ce soit sans le câliner au préalable. Je ne négocie pas avec les terroristes.
"Zooooruuuuuuaaaaaaa" fut la réponse que je reçu du petit Tenebrae, une plainte aigue et criarde. Paniquée, je tournai le regard vers madame Pervenche qui dormait plus loin et plaquait ma main sur la bouche de l'élément perturbateur pour le forcer à se taire. Voilà le genre qu'il était, si je n'abandonnais pas, il allait tout faire pour que je sois violemment expulsée de mon petit oasis de paix. Le terme que j'avais employé n'était donc pas si erroné en fin de compte. Poussant un soupir, je capitulai, le serrant contre moi avant de le gratter derrière l'oreille, ce qu'il sembla beaucoup apprécier. Je gardai les yeux bien rivés sur la bibliothécaire, mais rien, elle dormait toujours. Sauvée. Puis, une fois qu'il sembla satisfait, je le redéposai au sol sans plus de cérémonie, heureuse que ce soit terminé.
- Voilà, je l'ai fait maintenant.
On pourrait certainement appeler cela un manque d'efforts, de la mauvaise foi ou ce que vous voulez, mais j'étais terriblement mal à l'aise à l'idée de le chouchouter et le contact avec d'autres était lui aussi assez désagréable pour ma personne. Mon attention s'était reportée vers le jeune homme, soutenant son regard comme l'air de lui dire "Autre chose?". Néanmoins, Tenebrae n'était pas du genre à baisser les bras et, quand il voulait quelque chose, se débrouillait généralement pour l'avoir. Sachant que l'inconnu était favorable à sa cause, il n'allait pas me laisser filer tant et aussi longtemps qu'il n'avait pas tiré le maximum de son complice improvisé. Le petit animal alla donc retrouver l'inconnu, se frottant contre ses jambes avant de tirer sur son pantalon, comme pour lui demander de le prendre afin de me faire une démonstration en règle de ce que "donner des caresses" voulait dire. Et, pour ne pas changer, il s'était bien sur armé de son regard le plus mignon pour convaincre l'intellectuel. Je sentais que j'allais prendre cher si je ne trouvais pas très rapidement une façon de sortir d'ici.
Je le regardai s'exécuter, caressant d'abord le Zorua pour ensuite sortir quelque chose de sa poche. De la nourriture pour Pokémon? Ça en avait tout l'air. Tenebrae semblait beaucoup l'apprécier d'ailleurs, bien d'avantage que celle que je lui avais trouvée en tout cas. Puis, il poursuivit ses caresses et le renard chromatique en semblait plus qu'heureux, s'abandonnant totalement au lecteur pour finalement s'endormir sur lui. Était-ce par confort ou pour m'obliger à rester encore un peu plus longtemps? L'un comme l'autre était tout à fait plausible à ce stade, mais je préférai laisser glisser. Quoi qu'il en soit, le jeune homme aux yeux d'ambre venait de réaliser ce qui s'apparentait pour moi à un miracle. Il n'attendit guère pour me partager ses conseils que j'écoutai attentivement, il était évident qu'il avait beaucoup plus d'expérience que moi avec les Pokémon et j'aurais été stupide d'ignorer les informations qu'il me partageait. Ainsi selon lui j'aurais plus à gagner à faire des compromis. Effectivement, avec cet exemple sous les yeux je n'avais d'autres choix que de me résoudre à admettre qu'il n'avait pas tort. Son sourire était toujours présent, comme s'il m'avait entendu admettre mentalement que je devrais suivre ses consignes. Je fronçai un peu les sourcils malgré moi, je n'aimais pas ce type. Il était intelligent et j'avais l'impression qu'il avait mené la conversation du début à la fin jusqu'à maintenant, m'emmenant exactement là où il le voulait, m'incitant lentement, mais surement, à m'ouvrir à sa présence. Peut-être me faisais-je des idées, mais c'était le genre de détail sur lesquels je me trompais rarement. Puis, alors que je cherchais que dire ou que faire, il reprit la parole, guidant cette rencontre avec autant d'assurance que si nous avions dansé et qu'il m'enseignait chacun des pas à faire. En profiter pour aller chercher mes livres? Au moins il n'était pas méchant. Je jetai un dernier regard à mon Zorua endormi et acquiesçai, celui-là ne se réveillerait pas de si tôt, puis me retournai vers le jeune homme.
- Merci. Je tournai les talons, mais m'arrêtai et tournai seulement la tête vers lui. Tenebrae a eu l'air de beaucoup apprécier la nourriture que vous lui avez donné alors qu'il rechigne à manger celle que j'ai trouvée. Si ça ne vous dérange pas, est-ce que je pourrais savoir où vous l'avez achetée?
J'attendis une réponse et, lorsqu'il me la fournit, je le remerciai d'un signe de tête et me dirigeai vers les rayonnages. Une fois tout près de la rangée m'intéressant, je reportai mon regard anthracite vers le duo, constatant que le jeune homme lisait paisiblement, presque comme si Tenebrae n'avait même pas été là. Ce garçon avait manifestement un don que je ne partageais pas. Je m'engageai dans l'allée, cherchant rapidement ce dont j'avais besoin, soi un ou deux bons romans de fin de soirée. Je sélectionnai un livre que je n'avais pas lu depuis de nombreuses années et en choisit un autre presque au hasard des couvertures, agrippant celle la plus quelconque possible. C'était encore une fois étrange, mais on faisait parfois de belles découvertes comme ça et parfois pas. De petits livres qui passent un peu inaperçu, mais qui peuvent littéralement changer notre façon de voir la vie. Oui bon, c'était rare, mais c'était comme ça que j'avais découvert le Petit prince et je ne l'avais jamais regretté. J'allais retourner au coin lecture lorsque je remarquai du coin de l'oeil un livre sur l'astronomie. Sans prendre le temps de le feuilleter je m'emparai de l'ouvrage pour l'ajouter à ma petite pile. Au total, cinq volumes reposaient dans mes bras : trois romans, un livre aux allures bidon intitulé "Votre premier Pokémon et vous" et mon précieux livre d'astronomie. Maintenant satisfaite, je rétablis le contact visuel pour les retrouver exactement comme je les avais laissés. Restant sur place, je les observai un moment, me disant que le Zorua aurait probablement été beaucoup plus heureux avec un dresseur aussi aimant que lui. Au final ce n'était pas moi la plus malchanceuse des deux, mais bien le Pokémon endormis. Laissant échapper un soupir, je m'approchai d'eux deux, pensant simplement m'asseoir sur la chaise d'en face pour lire aussi et ne pas déranger le jeune homme d'avantage. Néanmoins, il me semblait logique de récupérer Tenebrae afin de l'en débarasser, ce pour quoi je devais interrompre la lecture de l'adolescent, malheureusement. L'inconnu déposa rapidement son livre et, comme sentant mon retour, le Zorua s'éveilla, à son rythme, mendiant pour un peu d'affection jusque dans son sommeil. Un peu maladroite, je me demandais comment il convenait de récupérer le dormeur, surtout que ce dernier serait sans doute peu heureux de quitter son nouveau lit. Conformément à ses habitudes, l'intellectuel reprit rapidement le contrôle, me guidant vers la suite logique de la conversation. Ainsi il se prénommait Noctis? Tenebrae et lui étaient donc encore plus assortis que ce que j'avais cru. Je pris place dans le siège d'en face, laissant choir mes livres sur mes cuisses, avant de lui répondre.
- Kalel. Enfin, je m'appelle Kalel. J'ai rapidement appris à me repérer, l'Académie est moins complexe qu'il n'y parait à mémoriser, bien que j'aurais sans doute du mal à retrouver certains endroits plus à l'écart comme le bureau du Collectionneur. Quant aux entraînement matinaux j'ai eu un peu de mal au départ, mais je pense que j'arriverai à suivre le rythme de ça aussi.
Je me mordis l'intérieur de la joue, consciente que ce n'était pas du tout de ça qu'il voulait parler. Noctis me demandait si j'avais réussi à me faire des amis, mais ce n'était pas le cas et je n'osais pas le lui dire. Je comptai sur son intelligence, espérant qu'il comprenne de lui-même la vérité sous-jaçente et qu'il comprenne également que je n'osais pas trop m'attarder sur le sujet, gênée d'être si retardée socialement. C'est à ce moment environ que surgit de nulle part un Pokémon spectre que je n'arrivai pas à identifier, je ne les connaissais pas tous après tout, volant vers le jeune homme comme s'il le connaissait. Ce Pokémon lui appartenait-il? Il semblerait que oui vu cette familiarité exprimée par une petite pichenette. Le jeune homme lui suggéra de faire un tour du côté de la cantine et le fantôme accepta avant de repartir aussi vite qu'elle était arrivée. Quel passage rapide. Je me tournai vers Noctis pour prendre la parole... lorsque l'intrus réapparu soudainement devant moi, ne manquant pas de me faire sursauter au point de réagir sans réfléchir, jetant mes livres sur le Pokémon en un réflexe défensif. J'avais commis une bêtise, n'ayant pas pris le temps de penser au fait que les objets le traversaient pour continuer leur course directement devant moi, en une trajectoire parfaite pour aller s'échouer en plein visage de mon bienfaiteur. Je me figeai sur place, ne réalisant que trop tard ce que je venais de faire. Premier réflexe? Tourner la tête vers la bibliothécaire. Bon sang, elle devait avoir pris des somnifères celle-là, puis de nouveau vers Noctis. Tenebrae semblait aussi avoir été réveillé par cela, pointant le bout de son nez entre deux ouvrages encore échoués sur le garçon, me cherchant des yeux avant de s'en extirper pour venir trotinner vers moi.
- Je suis désolée, je n'aurais pas du faire ça... Petite pause gênée. Mais n'est-il pas imprudent de le laisser aller et venir comme ça? J'ai entendu dire qu'il y avait eu beaucoup de vols de Poké--
Je m'arrêtai dans ma question, laissant échapper un petit rire amer accompagné d'un soupir avant de baisser un peu la tête. Encore une erreur, je devais penser d'avantage avant de parler. Il était si inhabituel pour moi de mener une conversation soutenue que je n'arrivais pas à le faire tout en conservant mes capacités d'analyse à leur niveau habituel. Sans oublier que je n'avais dormi que quatre heures la nuit dernière pour ensuite faire presque autant d'heures d'activité physique intense avec les autres élèves de mon dortoir. Je devais trouver un moyen de m'adapter plus rapidement sinon j'aurais tôt fait de commettre des erreurs de plus en plus graves.
- Non, c'est inutile de demander. Vous avez l'air d'un dresseur expérimenté et donc ce Pokémon est sans doute déjà bien entraîné, sans oublier que cette capacité qui vous a valu de recevoir ces livres au visage devraient le protéger. C'est plutôt à moi-même que je devrais poser cette question pour avoir laissé mon starter inexpérimenté dans les bras d'un inconnu, surtout vu que je ne possède pas d'autres Pokémon pour le défendre en cas de délit. Désolé, je pense que ces insomnies commencent à avoir raison de moi pour que je pose des questions si inutiles...
Ce réflexe n'avait pas été très intelligent de ma part, je dois l'avouer. Au moins Noctis n'avait pas l'air trop mal en point, juste un peu rouge au visage, ce qui partirait probablement assez rapidement avec un peu de chance. J'avais ensuite présenté mes excuses et m'étais corrigée moi-même alors que, pendant ce temps, Tenebrae était maintenant venu gratter le bout de ma botte. D'un signe de la tête je lui indiquai qu'il pouvait monter, ce pour quoi il ne se fit pas prier. Maintenant revigoré par sa petite sieste il avait toute l'énergie nécessaire pour grimper sur moi jusqu'à se faufiler jusqu'à mon écharpe pour essayer de s'y glisser avec moi. Jamais je n'aurais cru qu'un Pokémon puisse être aussi envahissant, me dis-je en le récupérant pour le forcer à rester bien sagement sur mes cuisses et arrêter de convoiter mon précieux foulard. Il me regarda en couinant, ses deux pattes de devant se posant sur le précieux objet pour le tirer vers lui et je l'arrêtai dans son élan, le caressant malgré moi pour essayer de détourner son attention vers autre chose, ce qui fonctionna heureusement. Pendant ce temps, je remarquai du coin de l'oeil que l'intellectuel s'attardait à mes livres. S'il aimait s'adonner au profiling, je venais de lui offrir du matériel de choix pour poursuivre son analyse, c'était à peu près certain. Il passa toutefois le tout sous silence, me répondant que je n'avais pas à être désolée vu que la faute revenait à son Feuforêve qui s'amusait à terroriser les élèves depuis quelques mois. Puis il marqua une pause et je sentis qu'il se dirigeait vers un sujet plus sérieux, ce qui s'avéra exact. Ainsi ma question était pertinente selon lui, ce genre de choses pouvant toujours se produire malgré sa présence depuis l'année dernière. Peut-être, mais à quelques jours de la rentrée n'importe quel voleur un peu futé irait s'emparer des Pokémons fraîchement arrivés de chez le Collectionneur plutôt que ceux d'un élève ayant déjà au moins une session d'expérience à l'Académie, bien que ce genre de détail ne fut après tout pas écrit dans le front du Pokémon en question. Le jeune homme aux yeux d'ambre m'interrompit toutefois dans mes réflexion afin de me faire remarquer, en passant bien sûr un commentaire sur mon sens de l'observation, qu'il était l'un des préfets de l'école et que cela faisait de lui une personne fiable. Le texte était correct et ne me posait pas de problème en tant que tel, mais le sourire qui l'accompagnait m'était aisé à lire. Cette fois c'était quelque chose qui se rapprochait de : "Oui je sais que tu n'aimeras pas que je mette tes capacités d'observation en doute, mais comprends moi, c'est marrant de narguer un peu la nouvelle qui a besoin de mon aide". C'est donc pour cela que je répondis sans réfléchir, laissant sortir mes pensées presque malgré moi sous forme de paroles.
- Les Préfets sont simplement des élèves nommés par le corps enseignant et vu le contenu de celui-ci et son attitude générale, je serais d'avantage portée à m'éloigner autant que possible des élèves qui satisfont à leurs critères. Sans oublier que tu aurais très bien pu voler cette broche ou t'en fabriquer une copie, les eeveelutions sont plutôt populaires auprès des jeunes après tout, une bidule comme ça doit être facile à trouver. Le fait que tu sois Préfet ou pas ne m'incite pas à te faire confiance, mais le fait que tu sois un élève assez studieux pour être ici à cette heure et la façon dont tu as traité Tenebrae sont déjà de meilleurs arguments.
Prends ça, sourire moqueur. Certes, ce n'était pas l'attitude la plus joviale possible et j'avais peut-être l'air un peu trop à cheval sur cette histoire de Pokémon à me méfier autant, mais je n'en avais cure. Dans le pire des cas je l'offusquerais et la discussion se terminerait comme ça. Dans un autre cas de figure il pouvait simplement trouver mes réflexions intéressantes et les approuver. Dans un cas plus réaliste, il allait approuver sur certains points et retourner les autres contre moi avec finesse afin de continuer à s'amuser, voilà qui était plus crédible dans le cas de Noctis selon mes premières observations. Puis, il se tourna vers le cas des entraînements matinaux, me suggérant de demander aux plus anciennes élèves des trucs afin de m'y adapter plus facilement. S'en suivit une requête un peu maladroite pour que je cesse de le vouvoyer, ce à quoi j'acquiesçai sans broncher. C'était devenu une habitude chez moi, je parlais toujours à des adultes et presque jamais à d'autres jeunes de mon âge, du coup j'avais appris à être polie en toutes circonstances envers mon interlocuteur, bien que parfois ce n'était pas toujours évident de le remarquer vu mes répliques accidentellement acerbes. Bref, l'idée sur les autres Pyrolienne n'était pas mauvaise en soi, mais dans les faits ce serait une mission suicide pour des raisons que j'allais lui exposer sous peu.
- Je préfère éviter de m'approcher trop des anciennes. Elles sont déjà soudées et le premier jour j'en ai même vu une ou deux s'emporter contre les nouvelles qui ne savaient pas ce qui se passait. Mais c'est toujours moins pire que celles qui s'amusent à prendre des photo des nouvelles les plus déboussolées pour s'en moquer et se les échanger par la suite. Je préfère continuer à me fondre dans la masse et éviter d'attirer trop leur attention, je pense que ce serait plus mauvais qu'autre chose pour être honnête. Je pourrais peut-être aller demander conseils au Général par contre, elle a l'air de tenir mordicus à ce que ces entraînements soient effectués exactement comme elle le veut et vu son expérience elle doit avoir quelques trucs en réserve pour maximiser les performances.
Certaines nouvelles auraient sans doute été d'avantage intimidées par la référente des Pyroli, mais bizarrement ce n'était pas mon cas. Elle m'avait l'air d'une femme passionnée par ce qu'elle faisait et décidée à nous inculquer ses valeurs afin de faire de nous des étudiantes en parfaite forme, ce dont je lui étais amplement reconnaissante. Après tout j'avais un objectif, devenir Ranger, et pour cela j'aurais besoin de cette forme olympienne que le Général nous encourageait à développer. Je ne reculerais devant rien dans la poursuite de mes objectifs, y compris cette enseignante qui intimidait beaucoup de monde. Je récupérai alors les volumes qui avaient été lancés sur Noctis un peu plus tôt afin de les déposer sur la table à côté de moi, m'assurant ainsi qu'ils ne risquaient pas d'être abîmés d'une quelconque façon maintenant. Le petit Zorua s'accrocha à moi quand il vit que je bougeais, mais j'eu tôt fait de recommencer à le gratter derrière l'oreille et il se ré-installa sans rechigner plus longtemps. Ce petit truc était vraiment efficace on dirait, auparavant je n'aurais jamais pu m'asseoir et discuter avec quelqu'un sans être interrompue par ses cris de la mort pour un peu d'attention. Peut-être étions-nous sur la bonne voie pour nous entendre finalement. Quoi qu'il en soit, j'ajoutai également pour la forme :
- Et navrée pour le vouvoiement, c'est une vieille habitude maintenant. J'essaierai de faire plus attention à l'avenir, je n'ai simplement pas l'habitude de converser avec des gens de mon âge, mais j'imagine que tu me diras que c'est évident ça aussi? Terminais-je avec l'ombre d'un sourire presque complice.
Je regardai son sourire disparaître et son regard s'intensifier. Il en avait marre on dirait bien, mais je lui préférais de loin ce regard dur qui cherchait à me percer à jour. Enfin, oui et non. Je n'avais pas envie d'être l'objet d'une curiosité trop poussée, mais d'une certaine façon j'étais contente qu'il ait laissé tombé ces sourires au travers desquels je voyais sans mal. Puis, finalement, il reprit la parole. Il n'allait bien sur pas simplement approuver mes dires, ça n'aurait pas ressemblé au personnage. Il devait en rajouter un peu plus, il devait mettre le pied devant le premier, décider du changement de direction en cette valse des mots, ces évitements, cette tentative de repartir sans qu'il n'ait pu s'approcher d'un peu trop près. En ce sens, nous partagions au moins un trait de caractère en notre orgueil respectif, c'était une évidence que je ne pouvais manquer. Quoi qu'il en soit, il nota tout haut qu'il était évident que les relations humaines me terrifiaient. Et il était évident également qu'il cherchait à me faire réagir, autrement pourquoi avoir dit ça? Il devait s'ennuyer ferme pour provoquer les gens comme ça et l'ombre d'un doute s'insinua en moi. Mon regard anthracite rencontra le sien et nous nous fixâmes ainsi un court moment, chacun tentant de lire l'autre, de mettre le doigt sur ce petit quelque chose que nous recherchions tout deux, être le premier à comprendre la vérité de l'autre. Puis, il se leva pour aller porter son livre et je me demandai si en fait il ne l'avait pas déjà lu avant. Je le suivit du regard, sachant que Noctis allait revenir. Encore une fois il imposait son rythme, son tempo, sa décision. Il gardait le contrôle d'une main de fer et ce n'est que quand il eu décidé de le faire qu'il revint, me regardant d'abord de haut pour ensuite s'accroupir à ma hauteur. Je n'avais toujours pas bougé, je voulais le laisser faire, je voulais voir à quel point il était vraiment intelligent et à quel point il me ressemblait. Retour de ses iris contre les miens, il voulait voir si l'attente m'avait fait faiblir, si j'avais commencé à m'inquiéter de son absence et à me demander tout ce qu'il avait bien pu comprendre sur moi. Il voulait savoir jusqu'où les crocs du doute s'étaient enfoncés en mon esprit par sa faute, mesurer son pouvoir sur ma personne. Il serait déçu. Les prochains mots, je les attendais presque, bien que je fus surprise de les entendre les prononcer, déglutissant même malgré moi. Bingo. Mon regard anthracite avait sourcillé, mais je m'étais reprise ensuite avec autant de calme que possible. Et lui était resté impassible, veillant à être l'observateur et non l'observé, à se détacher de moi pour ne rien me permettre de tirer de lui. Sans doute voyant qu'il ne tirait pas de moi une réaction aussi forte qu'il aurait voulu, il fit un pas de plus, m'invitant à danser avec lui, enfonçant le clou en me disant qu'il n'était pas difficile de faire confiance. Mais la musique achèverait bientôt et, sous peu, ce serait à mon tour de l'attirer dans mon sillage et de le faire danser, je n'attendais que ça maintenant, qu'il se retire ne serait-ce qu'un instant pour que j'entre sur la piste vraiment.
Il soupira avant de s'éloigner. Il se rapprochait des étagères, utilisant un principe très simple. En s'éloignant, il savait qu'il m'attirerait à lui. Oui, Noctis était quelqu'un de brillant à ne pas en douter et j'étais très consciente que si je pourrais mener, ce serait simplement car lui-même n'attendait que ça. Il voulait voir ce qui se cachait derrière mon regard et la seule façon de faire ça, c'était de me pousser à désirer prendre le dessus. Même en cette tentative de le renverser, je jouerais dans son jeu. Ce n'était décidément pas un jeune homme ordinaire et il était facile de comprendre pourquoi c'était lui le préfet des Phyllali et pas un autre. Au final, il me confia que ceci était son antre, qu'il y était chez lui et que c'était à mes risques et périls. Je posai un regard en coin vers Tenebrae qui n'avait pas quitté le préfet des yeux durant toute sa manoeuvre et, voyant que je voulais me lever, il rejoignit poliment le sol, s'effaçant pour me laisser me lever et faire quelques pas vers Noctis. Je retrouvai son regard d'ambre assez rapidement et son air sombre, mais souriant, avait l'air ravi que je réagisse enfin. Comme il semblait avoir attendu ce moment. Les mains dans les poches, je conservai pour ma part un air neutre. C'était à mon tour et nous le savions tous les deux, à moi d'abattre les cartes qu'il m'avait fournies, consciemment ou pas.
- Un individu qui se sent chez lui dans une bibliothèque, me dire que je suis celle qui est terrifiée des interactions humaines. Il est plus facile de faire sortir un intellectuel de sa bibliothèque que d'y faire entrer un illetré, je parie que tu n'étais pas si différent de moi à ton arrivée ici. Tu ne m'as pas chassée parce que je t'intéresse, sans doute vu nos quelques ressemblances. Tu n'es pas méchant vu ton interaction avec Tenebrae, mais tu n'as aucun tact, un peu comme moi ça aussi. Tu t'ennuie ici, dans ce que tu appelle pourtant ton antre, c'est pour ça que tu as voulu jouer avec moi. Tu as su reconnaître rapidement les signes de la perte d'un être cher, tu as probablement de l'expérience dans le domaine. Tu l'as peut-être vécu par procuration via un ami ou un cousin, mais ton manque de compassion, cette façon de t'imposer sans te soucier de blesser les autres dans ton sillage, je dirais qu'il est plus probablement que tu ais perdu une figure maternelle comme une mère, une tante très proche ou une soeur. Au fait, le passionné d'astronomie était mon grand-frère, décédé il y a un peu plus d'un mois maintenant. J'espère que tu t'amuses beaucoup, parce que moi je m'éclate.
Sur ce, j'abandonnai mes livres sans ménagement sur la table la plus proche de nous deux et tournai les talons, prête à me diriger vers la sortie, mon Zorua sur les talons. Ce dernier jeta un regard à Noctis par dessus son épaule, tentant de me rattraper autant qu'il tentait de dire au Préfet de m'arrêter. C'était presque mignon comme le renard s'était déjà entiché du garçon, mais je n'en avais cure. Il avait voulu que j'abatte mes cartes et je l'avais fait, maintenant je me fichais bien de savoir si j'avais joué les bonnes ou pas. De toute manière le temps me le dirait bien, et peut-être bien Noctis lui-même s'il me trouvait suffisament intéressante pour me rattraper au vol.
Noctis me dépassa rapidement, des livres sous le bras, un sourire effroyable tapissant son visage. Il répondit positivement à ma toute dernière question et je ne su si je devais être découragée ou amusée de cela. Nous sortîmes de la bibliothèque presque ensemble au moment où la bibliothécaire se réveillait enfin, heureusement que nous n'étions plus sur les lieux ou nous aurions pu avoir droit à une petite discussion désagréable avec la responsable. Je marchai au hasard, lui faussant compagnie et ne portant plus trop attention à l'endroit où j'étais jusqu'à ce que, au détour d'un couloir, j'entende sa voix m'interpeller de nouveau. Je tournai mon regard anthracite et surpris vers lui alors que ses paroles sous entendaient presque que j'avais fait exprès de le retrouver alors que, de mon point de vue, ce serait surtout l'inverse. Il ne pouvait pas s'empêcher d'avoir le dernier mot, n'est-ce pas?
- Qu'ils jasent, de toute façon j'ai sans doute encore moins à perdre que toi et personne ne me connait ici.
Sur ce je lui faussai compagnie dès le tournant suivant, portant bien attention cette fois à mettre autant de distance que possible entre moi et le Préfet. Il s'était amusé, il avait eu ce qu'il voulait, maintenant il pourrait me laisser la paix, non? Je me retrouvai seule dans le parc avec Tenebrae, m'arrêtant pour réfléchir en observant le ciel alors que le petit renard s'assit à mes côtés, me guettant pour voir ce que je ferais ensuite. Je regrettai d'avoir laissé ces livres là sous le coup de l'impulsion, surtout celui d'astronomie. Mais comment une discussion comme celle-là avait-elle pu avoir lieu autrement que dans une oeuvre de fiction? N'empêche, il m'avait bien eu ce Noctis et mon Pokémon était même devenu totalement fan de lui, tout ça pour quelques caresses et de la nourriture. Et maintenant quoi? J'allais l'ignorer chaque fois que je le croiserais dans les corridors? J'allais lui reparler comme si de rien n'était en oubliant qu'il savait pour Logan? C'était décidément une situation plutôt compliquée et j'ignorais comment y faire face, n'étant malgré tout pas très expérimentée dans les liens sociaux. Je repris tranquillement le chemin du dortoir pour aller y passer le reste de mon temps libre, prévoyant de re-lire très probablement l'un de mes vieux livres que j'avais emportés avec moi. Ce n'était guère une perspective qui m'enchantait, mais je n'avais pas trop le choix. Je m'engouffrai dans le couloir menant à ma chambre et une élève que je ne connaissais que de nom vint me parler avec un air un peu inquiet.
- Kalel c'est ça? Y'a le préfet des Phyllali qui est venu demandé où était ta chambre... tu as pas des problèmes j'espère? Non parce que Jackie...
- C'est la Général Jackie, et je n'ai aucun problème qui te concerne.
Je pénétrai dans ma chambre en refermant la porte au nez de l'autre nouvelle Pyroli. Je devais admettre que ce n'était pas le moment de déplaire au Général, surtout que je m'étais déjà fait remarqué l'autre matin lors de l'entraînement. Alors, je devais trouver, pourquoi s'était-il intéressé à ma chambre celui-là? Une rapide inspection visuelle m'informa que rien n'avait bougé, mais quelque chose s'était ajouté dans le décor. Des livres sur le bord de ma fenêtre? Je m'approchai de celle-ci et l'ouvrit, découvrant une pile de livres qui m'était familière, incluant le fameux livre d'astronomie. L'observant rapidement, je ne manquai pas de voir le petit papier coincé entre les pages qui dépassait. M'en emparant, je le lus rapidement, bien au courant de qui avait laissé ça là malgré l'absence de signature. Oui, il avait raison, j'étais justement en train de regretter de les avoir laisser derrière moi. Oh, un rayon entier consacré à mon sujet de prédilection? Ça c'était un tuyau précieux, sans même parler de cette histoire de télescope. Un vrai de vrai? Je regardais habituellement les étoiles comme ça sans rien, jamais je ne m'étais servis d'un tel appareil, mais cette seule idée était soudainement très alléchante. Donc je devrais faire amie-amie avec madame Pervenche, heureusement qu'elle ne nous avait pas mis dehors dans ce cas. Je regardai le verso de la note, mais rien. Il se devait d'avoir le dernier mot, n'est-ce pas? J'eu cette fois un véritable sourire. C'était une drôle de façon de se faire un ami, si on pouvait dire ça comme ça, mais au moins maintenant je n'étais plus entièrement seule dans cet environnement inhospitalier. Je baissai les yeux vers Tenebrae qui était venu se percher sur mon bureau pour sentir les livres, reconnaissant sans doute déjà le parfum de son oreiller attitré. Il releva ensuite des yeux plein d'espoirs vers moi, comme pour me demander si nous allions revoir ce nouvel ami. Je poussai un soupir amusé et me dirigeai vers mon étagère. De la Terre à la Lune, Jules Vernes. Je récupérai le papier qu'il m'avait laissé et trouvai un crayon avant de noter au verso :
Tu sais où le remettre. Prends en soin.
Puis, je glissai le papier à l'intérieur du volume, laissant un petit bout dépasser, et me tournai vers le Zorua qui avait d'or et déjà compris qu'il était investit d'une mission. Je lui confiai l'ouvrage et le caressai sommairement avant de lui ouvrir la porte, lui conseillant d'être prudent et de revenir aussitôt le colis livré. Pendant ce temps, j'allais bien sûr feuilleter mes trouvailles de la bibliothèque. Tout heureux, le petit renard chromatique se mit à gambader dans les couloirs, à la recherche de Noctis.
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