Île Pumkin, date floue, temps de merde. C'est beau, c'est blanc, ça brille de partout, mais c'est très froid. Un bon -7°C était donné par le thermomètre. En bref, il était totalement impossible de sortir sans être un minimum couvert. Il n'y avait qu'à en juger en passant la tête par le fenêtre, mauvaise idée que Ruby eût envie d'expérimenter en situation réelle. Tout ce qu'elle obtînt fut un bref mal de crâne, des frissons plus que perturbants ainsi qu'une future toux qui se montrera certainement d'ici deux ou trois jours. Génial ! Dire qu'il n'y avait qu'à plisser les yeux pour apercevoir les autres personnes déjà dehors, à profiter de la neige. Les points communs entre chacune de ces personnes : une doudoune digne du guide Michelin, une écharpe, un bonnet, des gants. Certains avaient des patins dans les bras, sans doute pour aller profiter d'une des nombreuses patinoires. Et la rousse, que faisait-elle pendant ce temps ? Rien ! Absolument rien, si ce n'est contempler le paysage avec le regard vide. Ce n'est pas bon, vraiment pas bon. Elle n'avait rien fait depuis son arrivée sur l'île. C'était mauvais, très mauvais. Après tout, l'académie entière était censée être en vacances. Rester dans son coin à ne rien faire, ça ne s'appelle pas profiter. Soit ! Il fallait se bouger.
Elle râla après quelques étirements, puis jeta son regard sur la pendule de la maisonnette. Il n'était que 17h30, mais le ciel s'assombrissait déjà. Ô joies de l'hiver ! Pourtant, il fallait avouer que ce chalet que Ruby pouvait distinguer depuis la maisonnette semblait assez attractif et animé. Enfin... les lumières y étaient allumées et beaucoup de monde semblait s'y agglutiner. C'était bien plus convivial que cet espace où tout le monde était désormais parti, sauf elle. Enfin, elle soupira et fouilla dans ses valises à la recherche d'habits plutôt chauds. Elle n'allait être dehors que le temps d'arriver au fameux chalet, mais tout de même. Ce n'est pas une raison pour sortir légèrement vêtue. Par conséquent, elle se recouvrit d'un manteau beige plutôt long, d'une écharpe bordeaux, de collants sombres plus épais qu'à l'accoutumée et de bottes. Ça devrait suffire.
Ainsi, Ruby sortit dehors, non pas sans oublier ses Pokémon. Ne sait-on jamais. Depuis l'incident avec la Team Rouage, mieux vaut redoubler de prudence. Bref. Elle quitta donc la maisonnette en soufflant. C'est vrai qu'il faisait bien froid ici, sans parler des quelques flocons de neige qui n'arrangeaient vraiment rien. Mais puisque la traversée ne dura pas des lustres - cinq minutes dans le froid hivernal tout au plus - ce fut supportable. Une fois dans le chalet convoité, la Pyroli souffla un bon coup, n'ôtant guère son manteau pour le moment. Elle avait encore froid. Mais au moins, l'ambiance ici eût le mérite de lui réchauffer ne serait-ce que le cœur. En intérieur, ça rassemblait à une sorte de foyer pour jeunes. Quelques fauteuils trônaient çà et là, tandis que des baby-foots, billards et jeux d'arcade traînaient de chaque côté de la salle. Dans un des coins se trouvait une sorte de mini-bar auquel les jeunes pouvaient se payer des boissons non-alcoolisées (évidemment) mais surtout un bon chocolat chaud, la boisson qui faisait un carton en ces jours frigorifiques. Enfin ! Après que quelques minutes soient passées, la rousse osa enfin retirer la première couche, histoire de ne pas se sentir gênée en intérieur. Suite à quoi, elle scruta brièvement les moindres recoins de la pièce. Elle était venue ici pour s'occuper après tout. Il lui fallait donc trouver quoi faire.
– Mouais. Au final, je ne vais rien faire et tout le monde va pouvoir y assister, murmura-t-elle dans la barbe qu'elle n'avait pas. Tant pis. Ça me servira de leçon pour la prochaine fois.
Elle partit donc s'asseoir sur un des fauteuils en soupirant, constatant enfin que ceux-ci étaient disposés en une sorte d'arc de cercle face à une scénette sur laquelle s'essayaient des comiques en herbe. Comiques ? Tu parles. Certains ressemblaient plus à de simples déceptions qu'à une personne apte à faire rire un public. Et puis voilà quoi. Quand on fait une blague aussi sexiste, on ne mérite qu'une claque. Non, Ruby n'est aucun cas féministe, juste un peu trop irritable ces temps-ci, si bien que sa vision de l'humour se détériorait, puisque les autres avaient ri aux blagues un peu borderline du pitre. Qu'à cela ne tienne. Au final, ça ne semblait pas si intéressant que ça. C'est pour cette raison qu'à peine assise, elle se releva, quitte à être jugée d'étrange. Il suffira de mentir aussi habilement que simplement. Un banal « j'ai reçu un message » pouvait servir d'excuses. Enfin... pour ces idiots certainement, mais pas pour Chrona la Feuforêve chromatique qui, à la simple entente des acclamations d'un public, ne put s'empêcher de sortir de sa prison bicolore. Elle piailla, enthousiaste comme jamais, alors que les regards se posèrent sur la dresseuse. Ah bah bravo ! De quoi devait-elle avoir l'air ? D'une fille qui ne sait pas tenir ses Pokémon en place, certainement. Non, au contraire. Certains se montrèrent admiratifs devant la créature - de quoi nourrir encore plus son ego - tandis que d'autres reconnurent la rousse à l'aide de quelques rumeurs, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Parmi elles, les rumeurs sur sa carrière assez avancée à l'académie, quelque chose de positif. Mais de l'autre côté planaient ces quelques anecdotes fâcheuses, notamment l'histoire avec Orren et le conflit avec Ace. La concernée soupira et répondit à la foule, un tantinet agacée.
– Bah quoi ? J'ai quelque chose sur la tronche ?
Un soupir, un haussement d'épaule et un abandon. Il faut croire que cette réaction n'eût servi qu'à nourrir davantage les mauvaises rumeurs et donc à réconforter Ruby dans le fait qu'elle n'aurait jamais dû venir. C'est ça. Il fallait partir. Cependant, Chrona ne sembla guère du même avis et ne bougea pas d'un millimètre. Tant pis ! Cette petite peste finira par venir... ou pas. Un autre soupir. Qu'est-ce que la Pyroli allait faire avec un tel phénomène de foire ? Il n'y a plus le choix. Satisfaire la blanche capricieuse semblait être la meilleure des solutions pour qu'elle accepte enfin de s'en aller. Mais comment ? C'est simple. Il fallait simplement la faire monter sur scène. C'est alors que la chance se montra, pour une fois. Dans un coin du chalet, juste là. Mais si ! C'est cette Mentali un peu rose, celle qui eût la mauvaise chance de partager les malheurs de la dépressive. Pourquoi ne pas aller l'embêter un peu plus ? Il n'y avait pas de raison.
– Faith ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Si j'avais su qu'il y avait des connaissances ici, peut-être que je serais venue plus tôt. Enfin... Depuis le temps, ça va ?