Freyja suivait attentivement la conversation sur son Ipok, en plein mieux de la soirée. Elle était au milieu d'un groupe de pimbêches, et caméléon redoutable, notre jeunette s'intégrait plutôt bien. On lui faisait cependant de nombreuses remarques sur son aptitude à regarder sans cesse son téléphone, comme si elle avait un petit copain. Ce n'était absolument pas le cas, seulement, elle était tombée en plein milieu d'une conversation révolutionnaire. Elle ne se sentait pas vraiment concernée par les changements au sein de l'administration, ne connaissant pas les deux hommes charismatiques qui précédaient Olsen et Jefferson. Elle n'appréciait pas la manière de faire, et ce sentiment d'injustice bouillonnait depuis plusieurs jours. Freyja se souciait peu des conséquences, agissant grâce à des principes qu'elle trouvait nobles, et celui-ci en faisait parti. Bien qu'elle ne connaissait pas les autres protagonistes, la blonde s'était fait un plaisir de se dévouer à la cause.
Une Pyroli avait demandé un relooking pour pouvoir s'incruster dans cette soirée Mentali. Près du buffet, la blonde attendait de pouvoir se faufiler pour faire son travail. Les pintades avaient fait plusieurs allusions à propos d'elle, ainsi que sur les autres membres de l'étrange conversation. La dénommée Ruby était, selon les dires, « une spécialiste du type spectre car elle se croyait trop dark, mais au cœur brisé par un mec qui l'était vraiment ». Super, joli tableau. Dans tous les cas, si elle se croyait aussi ténébreuse que la nuit, la jeunette allait être heureuse, car grâce à Freyja, on allait voir sa lune. Cette blague de mauvais goût la fit rire toute seule, ce qui provoqua des regards médusés de la part de ses copines. Une certaine Estelle voulait également venir. La coordinatrice avait appris de nombreuses rumeurs sur cette pauvre fille, qui apparemment, était une salope qui jouait sur de nombreux tableaux. Pour la connaître de vue, la dresseuse n'en croyait pas une miette, et même si c'était le cas, elle s'en moquait totalement. Pour une fois que quelqu'un avait une vie intéressante, pleine de rebondissements, pourquoi la blâmer ?
Prétextant un besoin imminent d'aller se poudrer le nez, Freyja quitta ses camarades de dortoir pour se faufiler hors de la soirée. Sa manière de faire n'était ni discrète, ni élégante : sa petite robe rose pâle, mi-cuisse, était difficile à porter avec des escarpins. Elle zigzaguait maladroitement, se cognant à plusieurs reprises contre d'autres élèves, qui répondaient par un sourire hypocrite, ou par une moue légère. La coordinatrice savait totalement comment faire avec ce genre de filles, qui composaient quatre-vingt-dix pour cent de la gente féminine de la capitale de Kalos. Elle avait depuis longtemps appris à prendre du recul sur leurs propos superficiels, se contentant de leur partie humaine et les actions drôles qu'elles lui proposaient.
Une fois dans sa chambre, la jeunette fit un regard dépité en constatant qu'elle était dans un bordel incroyable. Elle se contenta de faire un peu de place dans son lit, sortant toutes ses affaires de mauvais goût pour les étendre, ainsi que d'amener sa trousse de maquillage de la petite salle de bain. Certes, nombreuses étaient les Mentali qui n'étaient pas vulgaires, la plupart étaient d'ailleurs plutôt élégantes, mais pour une fois qu'elles pouvaient s'amuser à faire absolument n'importe quoi, c'était à faire. De plus, la subtilité ne passerait pas : du peu qu'elle en savait, Ruby était une fille plutôt connue. Un changement flagrant était nécessaire, et non pas quelques coquetteries, pour éloigner tous les soupçons chez les Mentali. Au pire, elle subirait quelques critiques de mauvais goût, mais pas des doutes et une gifle de Jackie. C'était déjà ça de pris.
Il ne leur restait pas beaucoup de temps avant la réunion sous la table du buffet. La jeunette, inquiète, envoya un texto pour signaler à Estelle sa position. Elle fit ensuite un petit mot, qu'elle scotcha à sa porte pour que la jeune fille aux cheveux rosés trouve sa chambre.
Estelle, ton vernis bleu couaneton est sur mon bureau.
Freyja
C'était assez con pour éloigner les doutes, mais assez explicite pour montrer l'emplacement de sa chambre. En passant la tête dans le couloir, elle aperçut la Pyroli. Elle sautait, rampait, se traînait d'un endroit à l'autre. Quoi de plus flagrant ? La blonde déboula dans l'avenue, la saisissant fermement pour l'amener dans sa chambre. Après de multiples plaintes de sa part, elle rabattit la porte.
« - Je devrais prendre des otages plus souvent, ça me rapporterait quelques jetons, signala t-elle en riant.
C'est Freyja, tu sais, la cruche qui doit faire de toi une des nôtres. On va bien rire, c'est sûrement la seule fois de ta vie que tu vas pouvoir pousser le vice et le manque de subtilité à ce point. Pas vraiment le choix, si tu te contentes d'être jolie, on te reconnaîtra bien vite. »
Elle lui passa des bas, ainsi que d'autres vêtements qui, habituellement, ne se mettaient pas ensemble (si tu portes une juge courte, ma chéééééééérie, pas de maxi décolleté!). La blonde n'eut pas le temps de souffler que quelqu'un rentra sans ouvrir la porte. Par pur réflexe, elle attrapa la rousse et la cacha brutalement sous le lit. Ceci aurait pu être un succès, si Léon, son cher Psystigri, n'était pas sous celui-ci, faisant son habituel regard creux de psyschopathe à la Pyroli révolutionnaire.