Je détestais me faire du souci comme ça pour les autres. Mais au moins, avec les meubles, on pouvait se diriger vers les escaliers. Que ça soit pour moi et pour les autres, ça ne changeait rien, hein ? J'étais un peu d'accord avec la dénommée Belle quand elle faisait comprendre que le plus important, c'était nous - enfin selon son point de vue, elle - mais je savais que Cleve était plus ... Disons droite que ça. Et que si il y avait la moindre chance qu'on laisse quelqu'un derrière, elle se ferait du mouron. Elle était idiote de songer aux autres, surtout qu'elle devait sûrement penser aux autres élèves avant elle. Et moi ? Est-ce que je pensais à moi avant les autres ? N'avais-je pas affronté le danger sans penser, ne m'étais-je pas rué sur ce tentacool avant même d'avoir réfléchi ? Est-ce que je mettais sa protection avant la mienne ? Non, c'était nul de réfléchir à tout ça. Et puis c'était une fille ; je ne faisais que mon rôle de prince, de protecteur, non ? Bon, dans la peau écailleuse d'un hypotrempe, c'était ridicule, mais qu'y pouvais-je ?
Un Embrylex s'amusa à effectuer une tempête de sable, et les gouttes de pluie auxquelles je m'étais habitué se changèrent en grains abrasifs qui chatouillèrent ma peau, avant d'encombrer ma trompe. Je toussais, énervé, et me retins de le suivre pour lui montrer ma façon de penser. Sale petit con, j'étais enfin bien avec toute cette eau, et voilà qu'on me refilait du sable à la place ! Génial, merci ! Je soufflais par ma trompe pour en retirer le sable, mais peine perdue ; les grains poussiéreux tournaient autour de nous, pluie fine qui se déposait dans l'eau avant de sombrer, allant tenir compagnie aux bestioles démentes et brutales. Bon, nous étions saufs, restait plus qu'à monter. J'étais resté près de Cleve, et entendre la stalgamin expliquer que les étages étaient barricadés fit naître un frisson sur mes écailles. Merde, comment allions-nous faire ? La proposition de Cleve me fit réaliser que j'avais du mal à réfléchir : nous étions des pokémons, et nous avions donc leur puissance, non ? Avec un sourire intérieur des plus vicieux, je hochais doucement la tête.
« Hormis la pluie et le sable, peut-être pourrions nous tout simplement détruire les murs ou le plafond ? Nous sommes des pokémons, après tout, et nous avons leur puissance. Il ne serait pas impossible à certains pokémons de détruire des choses, et pourquoi pas de créer un accès aux étages ? »
Pouvoir enfin réfléchir à une solution me faisait du bien ; plus de bien que le sable humide qui tombait en même temps que la pluie. Je soupirais et secouais ma tête en regrettant de ne pas être un gros pokémon fort. J'aurais roulé ou foncé dans un mur, j'aurais créé une ouverture. Peut-être qu'on m'aurait même admiré. Mais surtout, je ne me serais pas senti aussi mal. Quelle idée d'être un hypotrempe aussi, tss. Je me sentais comme un magicarpe malade hors de l'eau. Juste capable de frétiller.
« Et ce saaaable ! » grognais-je d'une voix rauque, alors que je toussais, les poumons envahis de poussière, éternuant à moitié, les yeux piquant à cause du sable qui s'y logeait. « Si je tombe sur cet embrylex, je lui fais sa fête, putain ! »
Ma politesse était sûrement partie là où s'était envolée ma gentillesse. Je grognais encore, et me tournais vers les demoiselles. Il y avait un nombre incroyable de pokémons dans cette salle, et il était évident que nous ne pouvions pour le moment pas en sortir.
« Si vous voulez geler le plafond, libre à vous. Personnellement, je suis aussi utile qu'une passoire pour puiser de l'eau ! » et bougonnant, je me détournais et me mis à envoyer des jets d'encre précis sur les lumières que je voyais dans l'eau. Loupio, Tentacool, me voilà ! Du haut de mon promontoire, hors de danger, je les mettais KO les uns après les autres, parce que ça me calmait, et parce que c'était sûrement la seule chose que je pouvais faire. Soupirant intérieurement, je regardais avec méchanceté un tentacool remonter à la surface, l'une de ses tentacules tordues de façon douloureuse. Mais je me lassais vite, et me retournais vers les filles. Je ne savais pas ce qu'elles voulaient faire, mais je ne pouvais que suivre, et cette façon d'être, de me laisser porter par le courant, je détestais ça. Mais il fallait qu'on bouge, qu'on fasse quelque chose. Ou cette salle allait être notre tombeau.