Deux mots : un accident. C’est malheureusement ainsi que l’on peut résumer la piètre existence de Serah Ambrose. Sa naissance n’est nul autre qu’un événement imprévu. Si les parents avaient les ressources nécessaires pour permettre un avortement, alors cette jeune fille n’aurait jamais vu le jour. L’argent n’a jamais été un luxe dans cette famille. C’est lors du onzième jour du troisième mois qu’elle naquit, dans un monde de rouille et de ferraille – Pyrite, baptisé la ville des vauriens. Et c’est exactement ce même destin qui attend cet enfant.

L’innocence de l’enfance est une chose magnifique. Un monde sans soucis où tout est parfait. Un gamin ne peut penser à tous les problèmes que les adultes doivent faire face. Un bambin ne peut comprendre ce qu’est le chômage et ô à quel point c’est tout un choc sur l’homme qui n’a plus d’emplois du jour au lendemain. Un rejeton ne peut saisir la pression financière exercée sur la femme, elle doit désormais travailler elle-même pour nourrir toute une famille. Un poupon ne peut concevoir pourquoi un individu sombre sous les jouissances de l’alcool « pour oublier » et pourquoi agit-il si différemment après avoir consommé ce célèbre nectar. Non, une enfant comme Serah ne pouvait imaginer à quel point la vie était si difficile pour ses parents. Elle était heureuse, bien que quelques fois, elle voyait bien que son père et sa mère n’avaient le moindre intérêt pour elle. Mais ce n’est pas grave. Elle souriait pour eux. S’ils sont autant sur les nerfs, s’ils ne sont pas heureux de la voir, s’ils lèvent la main contre elle, c’est uniquement car elle a commis une faute. À cet âge, on ne pense qu’à l’amour et la reconnaissance de nos parents et de nos proches.

Néanmoins, la puberté intervient. Les réalités de ce bas monde arrivent telle une claque monumentale à la figure. Ce désintérêt pour sa personne est interprété comme une trahison, un abandon. Elle réalise à quel point son univers est brisé, corrompu. Elle réalise qu’elle n’a jamais été souhaité, mais plutôt le résultat d’un malheureux hasard. Puis elle sombre à son tour dans les ténèbres. Elle coupe les liens avec ses ami(e)s, se réfugie dans sa chambre et devient végétative. À l’âge de 13 ans, c’est un professeur de l’école qu’elle fréquentait qui l’envoie voir un psychologue. Diagnostique : trouble de la personnalité limite. Un avis d’urgence est envoyé à la maisonnée, mais ignoré, jugé comme inutile et superflu. Après tout, comment peut-on espérer que des parents puissent venir en aide à leur fille alors qu’ils ne peuvent s’aider soi-même ?

En détresse, elle se tourne finalement sur ce qui peut apaiser ses souffrances . Évidemment, les tendances criminelles suivirent rapidement : vol à l’étalage, crochetage, gang de rebelles. Heureusement qu’elle ne traîne pas un casier judiciaire. À vrai dire, cela relève du miracle. Ou bien les autorités de Pyrite n’ont simplement pas de temps à perdre avec ces infractions mineures. Est-ce une vie qui la rend satisfaite ? Est-elle heureuse de ce qu’elle est devenue ? Bien sûr que non. Elle est dégoûtée d’elle-même. Parfois, elle n’ose pas se regarder dans le miroir. Cependant, c’est le mieux qu’elle puisse faire dans sa situation, qui est au-delà de pénible et suffocante. Pour oublier dans quel genre de merdier elle vit.

Puis, une brochure traverse sur les réseaux sociaux. Une école sur une île recluse a ouvert ses portes et est réceptive à toutes les candidatures. Un monde paradisiaque sur un îlot hors d’accès de toutes les régions ? Immédiatement, Serah sût qu’il s’agit de l’endroit parfait pour commencer une nouvelle vie, loin de cet enfer. Néanmoins, la problématique principale reste la monnaie. Aucune chance que ses vieux croutons possèdent l’argent nécessaire pour la faire rentrer dans un tel établissement ainsi que le trajet. S’ils avaient cet argent, toutefois, ils n’hésiteraient pas à déporter leur propre fille, se délivrer d’un fardeau. Une situation désespérée demande donc des mesures désespérées. L’heure de la fugue a sonnée : il faut qu’elle se trouve un job pour amasser la somme nécessaire, pour quitter ce désert de métal et de vauriens.

C’est avec peu d’espoir qu’elle envoya sa candidature à la « Pokemon Community ». Miracle ou non, elle reçut une lettre électronique pour confirmer son approbation et qu’elle peut s’installer sur l’île d’ici le début du mois de février. Suite à un an de travail acharné dans une épicerie lambda – payé sous la table, car c’est le seul job qu’elle a réussi à décrocher – elle fugua son domicile. Sans aucun adieu, elle quitta son piètre logement pendant la nuit. Pour débuter une nouvelle vie d’un bon pas, il faut laisser son passé derrière. Peut-être que ses parents avertiront les autorités, s’ils ont réellement du cœur… Ce qu’ils n’ont pas fait après trois jours d’absence de la jouvencelle.

Une triste fin pour une vie qui n’est en rien à envier. Néanmoins, c’est le début d’une nouvelle aube. Et il ne peut être pire que cette vie antérieure.