| Coordination #4 - Défilé de mode RP Compétition
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C’était l’histoire d’un jeune pêcheur solitaire qui habitait en haut d’une montagne fort reculée. Dans son village, la neige ne fondait jamais ; les saisons s’écoulaient lentement et, seules annonçaient le printemps, les fleurs d’ornithogales en ombrelle qui sortaient de terre et les grues qui passaient au-dessus de sa maison dans un ballet aérien fragile et élégant. Le jeune pêcheur aimait les grues ; il trouvait qu’il n’y avait rien de plus gracieux que ces oiseaux blancs aux ailes tachées de noir qui dansaient dans les airs.
Un jour néanmoins, alors qu’il se dirigeait en aval pour relever ses filets, il vit l’une de ces grues blessée sur son chemin. Pris de pitié, il la porta délicatement entre ses bras et l’amena jusqu’à chez lui. Il en prit soin trois jours durant, soignant ses plaies et lustrant ses ailes pour qu’elle se rétablisse. A la fin du troisième jour, la grue quitta sa modeste demeure et s’envola rejoindre les siens.
Les jours s’écoulèrent alors lentement, jusqu’à ce que, un soir, une tempête de neige fasse rage. Blotti dans son cabanon, le pêcheur tentait de combler l’état déplorable de ses planches de bois pour ne pas que la neige se faufile, lorsqu’on frappa à sa porte. Intrigué, il ouvrit et se retrouva face à une magnifique jeune femme qui lui demanda refuge. Incapable de laisser une personne dans cette tempête de neige, il l’invita à entrer. Il ne put apprendre ni d’où elle venait, ni ce qu’elle était venue faire ici. Tout ce qu’il savait était que, les jours passant, ils étaient tombés amoureux l’un de l’autre.
Six mois plus tard, le pêcheur et l’inconnue qui était à présent devenue sa femme connurent une période difficile. Les pêches se faisant de plus en plus rares, l’honnête homme n’eut plus assez de moyens pour subvenir à leurs besoins. La jeune femme, douce et reconnaissante, lui proposa alors de tisser une étoffe pour qu’il puisse la vendre au marché. Elle lui demanda d’installer son métier à tisser dans sa chambre et de n’y entrer sous aucun prétexte. N’ayant pas d’autre solution, le pêcheur accepta et laissa sa femme tisser.
Trois jours s’écoulèrent durant lesquels il ne la vit pas. Seul le bruit du métier à tisser lui indiquait qu’elle était encore en vie. Respectant néanmoins sa promesse, il ne la dérangea pas une seule fois. Au bout du troisième jour, elle sortit enfin de sa chambre fatiguée, une magnifique étoffe entre les bras. L’étoffe était si légère et si fluide qu’on avait l’impression qu’elle était tissée avec du vent. Sa beauté était telle que le pêcheur fut certain d’en tirer un excellent prix. Il remercia sa femme, courut jusqu’au centre du village et parvint à la vendre au plus offrant. Le succès de l’étoffe fut tel qu’il en tira de quoi survivre six mois. Il retourna donc dans sa maison isolée, avec pour seule compagnie celle de son aimante femme.
Six mois plus tard néanmoins, l’argent vint à manquer de nouveau. Le pêcheur supplia sa femme de tisser une autre étoffe, mais cette dernière refusa. Tisser lui demandait beaucoup d’efforts, et elle n’était pas certaine de pouvoir le refaire. Sous les demandes insistantes de son mari néanmoins, elle décida de s’isoler une seconde fois pour tisser une étoffe plus belle encore que la première. Elle lui fit promettre de ne pas entrer dans la chambre et de ne plus jamais demander d’autre étoffe. Heureux de pouvoir une nouvelle fois tirer profit des talents exceptionnels de sa femme, le pêcheur accepta.
Trois jours s’écoulèrent de la même façon que la première fois. Au dehors, le pêcheur attendait simplement que le bruit du métier à tisser s’arrête. Pendant ce temps, il observait les ornithogales en ombrelle, aussi appelées dames de onze heures car elles ne s’ouvraient qu’à partir de cette heure si particulière. Il les vit éclore trois fois, sans voir son aimée. Inquiet de ne pas voir sortir sa femme au bout du temps habituel, le pêcheur patienta encore. Ce ne fut qu’à la fin du quatrième jour qu’elle sortit enfin de la chambre, épuisée mais heureuse d’avoir pu achever son étoffe.
Le pêcheur courut jusqu’au village et vendit une seconde fois l’étoffe. Cette fois-ci, il réussit à obtenir assez d’argent pour vivre sept mois entiers ! Heureux, ils purent donc vivre sans soucis durant plusieurs mois.
Un jour néanmoins, un riche prince vint dans leur village. Il avait entendu parler de l’exceptionnelle qualité des étoffes de la femme du pêcheur, et souhaitait qu’on lui tisse un kimono d’une beauté sans pareille. Le pêcheur hésita, car sa femme lui avait fait promettre qu’il s’agirait de la dernière. Cependant, lorsque le prince lui assura qu’il payerait de quoi le faire vivre 20 années durant, le pêcheur se précipita chez lui pour convaincre sa femme. Il ne lui demandait qu’une seule étoffe de plus !
Sa femme refusa longuement mais, à l’usure, finit par accepter. S’enfermant dans sa chambre, elle fit promettre à son mari de ne jamais entrer, comme les premières fois.
De nouveau, trois jours s’écoulèrent. Puis quatre. Puis cinq… Le prince s’impatientait et demandait sans cesse quand son kimono serait prêt. Et, malgré les demandes incessantes du pêcheur, jamais sa femme ne lui répondait. Piqué par la curiosité, le pêcheur finit par pousser la porte de sa chambre pour voir si le kimono était bientôt prêt. Quelle ne fut pas surprise lorsqu’il se retrouva face à face avec la grue qu’il avait sauvée, tissant avec des plumes qu’elle arrachait directement de ses ailes ! Avec un regard triste, la grue ouvrit la fenêtre d’un coup de bec, puis étendit ses ailes ensanglantées. Sans se retourner, elle sauta par l’encadrement et s’envola, pour ne plus jamais revenir. Ainsi s’achève l’histoire du pêcheur qui, par curiosité, cupidité et égoïsme, avait fini par perdre celle qu’il aimait.
***
La voix magnifique de Stentor s’arrêta doucement. Allongé sur son lit, ton serviteur venait de s’endormir, tandis que Chell, blottit contre lui, ronflait en mordillant la couverture qui le recouvrait. Les autres Pokémon s’étaient déjà tous précipités vers les bras de Morphée tandis que toi, Hélios, Larveyette parmi les Larveyette, veillait de tes grands yeux noir de jais. Le livre de contes glissa des doigts de ton serviteur et atterrit sur le sol dans un chuintement feutré. Un coup d’œil à droite, un coup d’œil à gauche ; parfait, personne ne te verrait faire. A petits pas, tu te précipitas vers le livre et l’ouvrit pour relire une troisième fois le conte.
Tu l’aimais, cette histoire. Elle était belle et tragique à la fois. Elle te rappelait ton histoire, ton passé. La bonté de cette femme qui donne tout pour son mari était touchante. Elle était comme toi, Hélios ; généreuse, délicate, aimante. Et elle aussi, tissait magnifiquement bien. Tournant doucement une page, tu regardas les illustrations faites à l’encre de Chine. Tes yeux pétillaient littéralement de millions de paillettes d’or. Tu adorais le tragique. Et Arceus que cette fin l’était ! Elle était parfaite pour toi. Il fallait que tu ais l’occasion de la jouer au moins une fois dans ta courte vie.
Car tes jours étaient comptés, Hélios. Tu le savais, étant né mâle dans ce Monde de violences et d’injustices. Tu l’avais su dès lors que Maman Manternelle t’avait raconté avec passion et tristesse ses derniers instants avec ton père. Oui elle lui avait mangé la tête après avoir reçu en son sein, la promesse de ta naissance. Mais non elle n’avait pas mal agit. C’était la nature. C’était le cycle de la vie. Mais toi, tu ne voulais pas te soumettre aux aléas de l’inéluctable.
Tu voulais être maître de ton propre destin. Tu voulais mourir de façon spectaculaire, Hélios. Que ce soit sur scène, picoré par un Pokémon Vol ou foudroyé par de l’Insecticide - tes deux pires ennemis -. Tu accepterais la visite de la Mort, un jour ou l’autre. Mais avant la fatidique rencontre, il te fallait briller. Briller devant tous. Être Hélios, le Larveyette parmi les Larveyette. Et pour ça, tu avais besoin de cette Compétition.
Ah, la Compétition ! Ce n’était pas ta première scène, mais c’était la première fois qu’elle serait publique. D’ordinaire, tes admirateurs secrets se faisaient discrets quand tu incarnais Phèdre, Macbeth, Jules César ou encore Michel Polnareff. Tu ne les voyais jamais, mais tu savais qu’ils t’épiaient pour se délecter de ton talent sans pareil. Cette fois-ci pourtant, ce serait pour de vrai. Devant des millions voire des milliards de spectateurs ! Avec en jury, ni plus ni moins que ce délicieux Andreas Heartnett. Ah comme tu l’admirais ! Il avait un charisme des plus raffiné, et ses cours sonnaient toujours comme de puissants Opéras à tes oreilles. Il avait souvent attribué de merveilleuses notes à Stentor, ton serviteur, lorsque tu avais décidé de prendre les choses en pattes et de rédiger ses examens de Performer à sa place. Il ne fallait pas que tu le déçoives. Il fallait que tu sois au-dessus de tout ! Raison pour laquelle tu avais décidé, sans consulter ton serviteur, d’inscrire son nom dans la liste des participations. De toute façon, pourquoi lui aurais-tu laissé le choix ?
Mais voilà qu’à présent, Hélios, tu te retrouvais face à une situation plus difficile que jamais. Il te restait trois semaines avant le jour fatidique, et tu n’avais toujours pas trouvé de thème ou d’idée pour ton défilé. Tu savais que tu allais être obligé de parader aux côtés de Stentor ; officiellement, c’était tout de même lui le « dresseur ». Et c’était une donnée qu’il fallait absolument prendre en compte ! Seul, tu aurais certainement été plus inspiré. Mais à deux...
Un soupir traversa tes mandibules. C’était de la faute de Stentor si tu étais autant bloqué, mais ce n’était pas en ressassant cela que tu allais avancer. Tu ne pouvais compter que sur toi-même, Hélios. Alors il fallait que tu réfléchisses. Comment associer le Glamour à la Grâce ?
Décidément, ce thème était bien compliqué. Tu étais certain que ce n’était pas ton cher Andreas Heartnett qui l’avait choisi : après tout, c’était bien trop stupide pour être de son fait ! Glamour ? GLAMOUR ? Pouvait-on faire plus large comme thème ? Autant dire tout de suite qu’ils n’avaient pas d’autres idées, hein. Mais, de bonne foi que tu étais, tu avais tout de même vérifié sur Poképédia si ta définition était celle qui était « attendue » par le jury. Après tout, chacun avait sa propre interprétation du Glamour, et mieux valait se fier à l’origine même du mot.
C’était ainsi que tu avais appris qu’étymologiquement parlant, le mot « Glamour » était tiré d’une langue d’une contrée étrangère qui signifiait à la base les changements d’apparence opérés par des êtres magiques. Il n’y avait pas beaucoup plus de précisions sur cette origine, mais ça te faisais vomir de penser ne serait-ce qu’un instant que ce mot pouvait avoir été inspiré de la famille des Zorua ou des Métamorph. Non mais sérieusement ?! De nos jours néanmoins, le Glamour désignait plus le charme, la séduction, la sensualité et une tenue vestimentaire suggestive. Mais dans ce cas, était-il possible d’être Glamour et Gracieux à la fois ? Certainement oui, si on trouvait le bon équilibre entre « juste suggestif » et « carrément provocateur ».
Tu te creusais la cervelle, grand Hélios, lorsque tes yeux tombèrent automatiquement sur le livre de conte. La grâce. Le Glamour. La tragédie. Aussitôt dans ta tête, l’idée fit tilt. Mais oui, comment avais-tu ne pas y penser plus tôt ?! Tout dans le conte tournait autour de la grâce. L’élégance du vol des grues, décrit par le pêcheur. La beauté de la femme grue. La délicatesse des étoffes qu’elle tissait. Si on n’était pas pile dans le thème, alors tu t’appelais Apollon ! Bon dans les faits, il était vrai que juridiquement parlant, tu t’APPELAIS certes Apollon. Mais là n’était pas le sujet, voyons !
Quant au Glamour… Le Glamour désignait les changements d’apparence. La femme grue n’était-elle pas dans cette catégorie, elle qui se transformait mystérieusement en femme ou en grue ? Hm… Certes oui, mais tu trouvais que tu étais trop léger sur le thème, Hélios. Il fallait ajouter des choses. Encore plus de détails pour que le lien soit encore plus percutant.
Et c’est là que quelques mots brillèrent sur le livre de conte. Les ornithogales en ombrelle. Les fleurs. Les roses… Andreas Heartnett ! Qui d’autre que lui pouvait incarner l’essence même du Glamour ? Dans ton esprit, c’était limpide comme de l’eau de roche : absolument personne. Il fallait que tu fasses de ta scène, un hommage à ce brillant homme. Sous tes pattes de tisseur, le conte de la grue allait devenir réalité. Tu allais faire de Stentor, une véritable dame de onze heures… Alors, crayon en main, tu te mis à esquisser des patrons sur ton carnet de croquis. Il fallait que tu avances. Que tu couses. Tu avais de l’or entre les pattes, Hélios ; et tu n’allais pas hésiter à t’en servir.
***
« Pssst, Ceres »La disgracieuse Barpau sortit les nageoires de l’eau dans laquelle elle était en train de barboter. Comme à son habitude, cette idiote était en train de chercher des « trésors » pour Stentor, dans l’espoir de s’attirer ses faveurs. Tu trouvais son comportement ridicule, Hélios ; elle était la représentation même de l’asservissement des Pokémon aux humains. Retenant l’envie de te facepalmer violemment, tu t’approchas d’elle en prenant bien gare à ne pas mouiller la feuille qui constituait ton costume.
« J’aurais besoin d’une trentaine d’écailles de poisson très brillantes. Pas forcément toutes intactes. Est-ce que tu pourrais me rapporter ça dans la journée ? C’est pour heu… la Compétition. Le servit-… heu, notre dresseur, serait très content si tu pouvais faire ça pour lui. »Il n’en fallut pas plus pour que Ceres accepte joyeusement sa tâche. Dans un petit bond, la Barpau rejoignit les profondeurs tandis que toi, Hélios, Larveyette parmi les Larveyette, soupirais de contentement. Ce petit détail réglé, tu allas te reposer à l’ombre d’un grand arbre pour étendre ta confection.
Dans un mouvement gracieux, l’immense filet de pêcheur se déploya. C’était un enchevêtrement très travaillé de fils de Sécrétion enroulés les uns avec les autres pour donner un résultat plus épais et brut. Tu avais passé des nuits et des nuits à les tisser pour former un filet convenable. La tâche n’avait pas été simple, puisque sortir autant de fil t’épuisais énormément. Mais il n’y avait rien que ton corps ne puisse faire, quand ta volonté l’avait décidé ! Satisfait, tu passas une nouvelle fois ta patte sur la toile pour sonder sa résistance. Elle était certes épaisse, mais ton talent était parvenu à lui donner une souplesse agréable. Dans tes affaires, tu piochais alors une bombe légèrement grisâtre et la passais légèrement le long de la toile ; le blanc nacré de tes parfaites Sécrétions devint progressivement plus terne, comme s’il avait été dégradé par le temps et les éléments. Un filet de pêcheur parfait ! Avec un sourire en coin de mandibules, tu redressas la tête lorsque Ceres vint déposer sur le bord, quelques écailles luisantes et quelques débris de coquillages.
« Wow, des débris marins ! C’est bien ça, Ceres ! »La petite Barpau fit frétiller ses écailles puis replongea pour une seconde fournée. Pendant ce temps, tu récupéras le contenu de son butin et vint te positionner à côté de ton filet de pêcheur.
Dans ton esprit, ton costume était clairement défini. Toi, celui qui allait incarner le pêcheur du conte, se devais de porter des marques rappelant son statut. Pour autant, pour ta première scène, tu n’avais pas envie de te séparer de ce qui faisait l’essence même de ton être : tes feuilles. Alors, il avait fallu trouver un compromis, que tu pensais avoir plutôt bien négocié. Mais ça, c’était la surprise pour plus tard ! En attendant, il te fallait achever les préparatifs. D’une patte habille, tu disposais les écailles brillantes entre les mailles du filet de pêche. Tu avais récupéré un peu de glue dans la remise de Gaston Fooly, et tu t’appliquais à ne pas trop en mettre pour éviter les pâtés disgracieux. Un bruit d’eau te fit lever la tête. Devant toi, Ceres venait de déposer de nouveaux petits bijoux.
« Tu en as encore besoin de beaucoup, Hélios ? » demanda la petite Barpau avec un penchement de tête sur le côté.
« Oui Ceres. Autant que ton amour pour notre dresseur. »Et à la petite Barpau de repartir joyeusement sous l’eau. Ah Hélios. Qu’est-ce que tu pouvais être machiavélique, parfois !
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- Stop stop stop STOP STOP STOP ! hurla la voix de Stentor, qui cette fois, n’avait plus rien de mélodieuse.
Il était dans l’encadrement de sa chambre, main sur la poignée. Ses yeux bleus étaient presque rendus fous par la scène. Tu t’immobilisas un instant, comme pris sur le fait, avant de te renfrogner. Allons, tu étais dans ton droit le plus fondamental, Hélios ! Le droit des Pokémon à la créativité et aux arts ! Tu ne te gênas d’ailleurs pas pour le lui faire remarquer, sous les regards penauds d’Aura et de Zénith. Pour autant, Stentor n’eut pas l’air extrêmement réceptif à ton discours. Vrai qu’il ne pouvait pas encore comprendre le langage des Pokémon. Ah la la… Il ne faisait jamais d’efforts celui-là, aussi !
- Quelqu’un. peut-il. m'expliquer. ce. FOUTOIR ?!Tu fermas un œil face à tant de stupidité. Ben tu venais juste de le faire ! Quel bougre d’andouille cet humain, alors…
Bon, il était vrai qu’à mieux y réfléchir, vous y étiez allés un petit peu fort. Tu tournas la tête vers le reste de la chambrée pour contempler le désastre qui t’avait pourtant parut être une bonne idée, à la base.
Les coussins de Stentor et de son colocataire muet avaient été éventrés par une attaque Coupe de Zénith. Entre tes pattes et celles de la Togepi et du Reptincel, leurs cadavres évidés étaient en train d’incarner la véritable peau de chagrin pour ton serviteur. Des plumes blanches qui avaient autrefois soutenu les cervicales de Stentor lors de ses sommeils les plus réparateurs volaient à présent dans toute la pièce, comme de la neige en plein Noël. Ça avait été drôle et fun. Les premières secondes. Maintenant tu voyais bien que vous aviez poussé le bouchon un peu trop loin
Maurice. Et tu comprenais - un peu - pourquoi. Car à présent que toutes les plumes étaient éparpillées dans la chambre, comment allais-tu faire pour toutes les rassembler ?
Stentor parut réfléchir à une solution également, car il se massa les tempes pour ne pas exploser.
- Je vous donne dix minutes pour me ramasser tout ce bordel, le temps que j’aille voir Orren pour lui expliquer qu’il nous faudrait de nouveaux oreillers par VOTRE faute. Et vous avez intérêt à avoir fini lorsque je reposerai un orteil ici. EST-CE BIEN CLAIR ?!Zénith et Aura - ces faibles ! - acquiescèrent tandis que toi, tu te contentais d’un regard insolent et fier. Evidemment que tu allais les ramasser, ces plumes ! Tu en avais besoin. BE-SOIN. Fallait-il que tu lui épèles ça ? Comme si ça t’amusais de jouer à la bataille de polochon avec des coussins éventrés en plein après-midi, alors que les Compétitions approchaient ! Bon certes oui, ça t’avait amusé, mais le sujet n’était point-là. Tu faisais ça pour ton art, Hélios ! Et cet idiot était en train de brimer ton art !
Avec mauvaise humeur, tu tapas du pied - ou de la patte de ton anatomie qui faisait office de pied - pour balancer l’oreiller à l’autre bout de la pièce. Pfeuh ! Il serait bien content, cet abruti de serviteur, lorsque tu lui ferais gagner la Compétition !
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« … »Cette fois-ci, tu étais conscient d’être dans une situation des plus difficiles. A dire vrai, tu t’y étais un peu attendu, venant de la part d’Auster. Cet espèce de snobinard était toujours réticent à donner un coup de pattes, sauf lorsque c’était demandé par Stentor. Pour autant, aujourd’hui, tu avais réellement besoin de son aide. Alors tu avais fait appel à toutes tes capacités de persuasion pour.
« Allez Auster, steûplait. Je te le demande gentiment. J’aurais juste besoin de quelques centaines de feuilles vertes, ce n’est pas non plus si difficile pour un grand Pokémon comme toi, non ? »Le Noctali tourna ses yeux blasés vers toi. Bon. Il n’était pas très réceptif à la flatterie.
« En plus, je vous ai aidé pour la Compétition d’Archéologie, je te rappelle. Et notre dresseur m’en a été extrêmement reconnaissant. Il m’a même dit qu’il ferait tout pour m’aider dans ma quête de victoire. Toi qui es si soucieux de lui faire plaisir, tu devrais donc m’aider, non ? »Aucune réponse. De toute façon, Auster n’avait jamais été du genre bavard. Même en langage Pokémon, ses grognements et ses aboiements restaient… ben des grognements et des aboiements. A croire qu’il était trop demeuré pour faire des phrases complètes ! A ta plus grande surprise néanmoins, le Noctali se mit à sortir les griffes et à grimper à l’arbre pour découper des feuilles par la tige. Emerveillé, tu vis des dizaines de feuilles se nimber doucement d’une aura violette, et retomber en un tas parfaitement arrangé sur le sol. Qu’est-ce qu’Auster pouvait être pratique, parfois ! Tu allais la gagner, cette Compétition ! Mouhahahahaha !
« Bon par contre Auster, c’est pas les feuilles de cet arbre là que je voulais. Tu peux recommencer pour l’autre ? »« … »Jamais tu n’avais reçu une telle quantité de feuilles lancées à pleines vitesse par une attaque Psyko dans la figure. Ah décidemment, la vie d’artiste était semée d’embuches et de drames.
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Le jour J était enfin arrivé. Dans ta loge privatisée, tu te sentais trembler. Sûrement frétillais-tu d’excitation, Hélios ! Larveyette parmi les Larveyette ! Après tout, ça ne pouvait pas être des choses aussi banales que le stress ou le trac, n’est-ce pas ? Pfeuh. Sûrement pas !
Tentant de te calmer, tu fis de ton mieux pour te remémorer ce que tu avais lu sur internet à propos de ce qu’il fallait faire avant de monter sur scène. Dessiner trois fois le symbole victoire sur la paume de sa main, et ensuite faire semblant de l’avaler. Ok. Tracer la victoire… Tracer la victoire… ARGH, MAIS COMMENT POUVAIS-TU TRACER LA VICTOIRE SANS DOIGTS ?! Tout à ta panique, tu te pris les pattes dans ton filet de pêcheur et releva la tête, grognon, lorsque Stentor souleva un pan du rideau qui vous permettait d’avoir un peu d’intimité dans les vestiaires. Oui bon. Peut-être avais-tu exagéré en mentionnant des loges privatisées. Juste un peu.
- Je suis là, Hélios. Que dois-je mettre ?Le regard de Stentor était déterminé et ardent, ce qui eut don de te plaire immédiatement. Ah ! Là, tu le retrouvais clairement ! C’était pour cette raison que tu avais voulu rejoindre son équipe ; pour des moments comme ça que tu étais fier de l’avoir choisi comme serviteur ! Reprenant contenance, tu te dirigeais vers lui pour lui montrer ce qu’il devait porter, et pour lui mettre entre les mains son script que tu avais écrit toi-même. Après quelques minutes d’hésitation, Stentor se tourna vers toi.
- Tu es sûr ?Oh que oui, tu étais sûr. Un rictus vint s’esquisser sur tes mandibules. Après ton aide lors de la Compétition d’Archéologie, il n’avait plus le choix. Il sembla d’ailleurs le comprendre, puisqu’il soupira et alla s’isoler derrière un rideau pour revêtir son costume.
Pendant ce court interlude, tu fis profit du temps pour mettre le tiens.
C’était une ode au conte du pêcheur et de la grue. Partant de tes épaules, une magnifique traine comme celles des mariées prolongeait ton sillage. Elle faisait aux alentours de trois mètres de longueur, et vu le temps que tu y avais passé, tu étais heureux qu’elle rende aussi bien en vrai. Contrairement à celle des mariées néanmoins, elle n’était pas tissée en dentelle ou en tulle ; non. Cette fois, c’était un véritable filet de pêche qui drapait tes épaules. Au creux de ses nœuds, des morceaux d’écailles brillantes aux teintes arc-en-ciel scintillaient comme des millions d’étoiles. Quelques débris de coquillage ajoutaient un côté grossier mais vrai à l’ensemble. Tu avais même ajouté trois plumes en cristal que tu avais demandé à un Coordinateur Mode de confectionner pour toi. Elles permettraient de faire un rappel avec le conte et avec la grue. Egalement, en écho au costume de Stentor, tu avais glissé quelques fleurs d’ornithogales en ombrelle blanches entre les mailles du filet.
Pour parachever ta tenue, tu avais troqué ton habituelle feuille contre une, plus verte et brillante, qui soulignait avec merveille ton teint de soufre. Contrairement à Stentor, tu n’avais pas besoin de plus d’apparats pour être Glamour et gracieux. Pas besoin d’artifices, car tout ton être l’exsudait ! Pour plus de charme néanmoins, tu t’étais permis de maintenir le filet de pêche en le fermant grâce à un magnifique pendentif en forme de Feuille de Jade. Tu étais parfait. Soucieux d’avancer néanmoins, tu entrepris la dure tâche de te peindre le visage. Un fil de Sécrétion s’échappa de tes mandibules pour attirer la trousse de maquillage vers toi.
Il fallait que tu sois le pêcheur, fatigué mais heureux. Las et pauvre, mais aimant. Celui qui souffrait également, à la fin. Alors, pour rappeler le noir du bout des ailes de grue, tu appliquais une généreuse couche de noir sous tes yeux. Au-dessus, un eyeliner doré à paillettes doublé d’un trait de vert anis. Ton regard était à la fois épuisé et pétillant ; ce contraste était magique. Du plus bel effet ! Fin prêt, tu te tournais vers le rideau qui venait de s’agiter. Stentor avait fini ! Ça allait être ton œuvre, ta gloire !
Il sortit et tu restas muet un instant face à tant de beauté.
Ses cheveux avaient été ramenés sous une perruque du même châtain qu’à son habitude. Un véritable ruisseau de mèches cascadait sur ses épaules et lui arrivait jusqu’au bas du dos. Une frange légère masquait le côté gauche de son front, et ses yeux verts étaient assortis à tes feuilles. Sa robe lui allait à merveille. Tu avais passé tant de temps à coudre, tisser, et apporter des finitions à cette pièce que tu avais envie de l’encadrer dans la vitrine de tes plus belles réussites. Un bustier légèrement rembourré pour donner l’effet d’une fausse poitrine de bonnet B couleur vert pâle lui ceinturait le torse et la taille. Avec sa morphologie et ton talent, on ne voyait plus rien de masculin qui puisse gâcher la prestation. Une dentelle finement ouvragée que tu avais cousue en forme de feuilles recouvrait le bustier, pour faire encore une fois rappel avec ton propre costume.
Le jupon était ce qui t’avais pris le plus de temps. Un magnifique jupon blanc de plusieurs couches de tulle superposées donnait à Stentor un air de mariée. Sur toute la surface à l’exception d’une bande triangulaire sur le devant, des feuilles agencées les unes sur les autres avec la régularité d’une pomme de pin avaient été délicatement cousues. Quelques fleurs fermées d’ornithogales en ombrelle avaient été glissées aux endroits stratégiques. Derrière, au niveau du dos, deux grandes capes à la forme légèrement recourbée vers l’intérieur étaient également recouvertes de feuilles suivant la même logique. Enfin, Stentor portait une belle paire de chaussures vertes au talon de cristal ouvragé de façon à rappeler la forme d’une plume et d’une feuille entrelacées. Ça t’avait demandé un temps fou également, cette chaussure. Tu avais dû soudoyer à grands renforts de Jetons un Kaimorse sculpteur de glace qui avait bien accepté de répondre à tes caprices, mais tu étais fier du rendu final. Bon OK tu avais dit que c’était du cristal alors qu’il s’agissait en fait d’un type de glace incroyablement solide fait par un putain de phoque, mais STOP JUGER, OK ?!
M’enfin. Ton œuvre finale était là. Mal à l’aise sur ses talons, Stentor piétina maladroitement sur place. Humpf. Même pas de problème !
Tapant dans tes mains, tu fis venir Auster jusqu’à toi. Briefé au préalable, le Noctali savait très bien ce qu’il devait faire pour ne pas que son maître se ridiculise devant l’école entière. Un Psyko vint nimber le talon et le pied d’Alban d’une aura violette, le maintenant debout. Avec ça, il n’avait même pas à s’inquiéter de marcher comme un demeuré, puisqu’Auster s’occuperait de tout à sa place !
Dans un flashback, tu te remémoras ces longues sessions que vous aviez passées, Auster et toi, à regarder des défilés de mannequin à la télévision. Tout ça pour que le jour de la Compétition, le Noctali puisse être capable d’imiter parfaitement la démarche d’une fille. Stentor sembla surpris, mais il s’accommoda rapidement à cette nouvelle sensation. Venait à présent le moment du maquillage !
D’un coup de patte, tu lui intimas de venir jusqu’à toi. Il s’assit sur la petite chaise prévue à cet effet, et tu le fusillas du regard lorsqu’il se cogna contre la commode du bout de sa cape de feuilles. C’était fragile, screugneugneu !
Comme une œuvre d’art, le visage de Stentor commença à prendre forme. Avec habileté, tu appliquas une première couche de fond de teint adapté à sa couleur de peau. Puis, comme pour toi, un trait d’eyeliner vert et doré vint surligner sa paupière. Crayon noir sous l’œil, léger mais sophistiqué. Puis, rouge à lèvre or. Avec application, les ombres furent marquées de façon à donner un effet plus féminin ; ses traits déjà fins se firent encore plus délicats. Autour de ses yeux en amande, le fard à paupière vert discret traçait comme deux feuilles pour rappeler la thématique de ton costume. Une touche de spray à paillettes et le résultat était là…
Vous étiez tous les deux magnifiques. Lui, femme délicate et sensible, dont la robe végétale venait souligner avec légèreté ta superbe. Toi, Larveyette parmi les Larveyette, beau et touchant à la fois dans tes apparats oscillant entre le sophistiqué et le modeste. Tout dans votre allure et votre apparence avait été travaillé de façon millimétrée. Tu avais repris avec perfection ta thématique générale du conte du pêcheur et de la grue. Toi, tu incarnais le pêcheur avec ta cape de filet dont les nombreux détails rappelaient la mer. Stentor incarnait la grue lors de sa première apparition sous la forme d’une femme, belle et désirable. Les fleurs des dames de onze heures placées subtilement sur vos costumes venaient d’ailleurs rappeler avec discrétion votre thématique. Quant au Glamour… Tu n’avais pas besoin de grand-chose d’autre que toi et ton attitude, pour représenter le désirable et le charme. Pour Stentor, c’était déjà plus subtil… Sa robe laissait deviner beaucoup de choses ; en ce sens, il était donc sensuel. Mais tu avais préparé une surprise qui risquait de ravir le public, tout en revenant aux origines même du Glamour…
Enfin, tu avais choisi d’interpréter à ta manière les thèmes, en y ajoutant ta patte. Casser les codes et offrir une version végétale à ce conte était quelque chose qui te tenait à cœur. Quel aurait été l’intérêt de refaire à l’identique l’histoire ? C’était si ennuyeux… Alors tu avais fait en sorte d’être ce marginal ; metteur en scène qui tisse et détisse son décor pour surprendre et choquer. Ah ça, tu allais choquer, Hélios ! Et le show commençait… maintenant !
- Ça va être notre tour… Tu te sens prêt, Hélios ?Tu relevas la tête vers Stentor et fut frappé par la perfection de ton travail. C’était si émouvant que tu aurais écrasé une larmichette si le noir sous tes yeux avait été waterproof. Mais trêve de séquences niaises ; évidemment que tu étais prêt ! Si toute l’équipe suivait le scénario à la lettre, il n’y aurait pas de problèmes. Alors, jetant ta cape derrière-toi avec un geste dramatique, tu quittas les vestiaires pour emprunter le long corridor vers la gloire. Au bout du tunnel… y verrais-tu la victoire ?
***
La salle était plongée dans le noir, comme tu l’avais demandé. Postés sur les divers coins de la scène, les Pokémon de Stentor t’attendaient, prêts à répondre au moindre de tes caprices. Le script avait été répété une dizaine de fois avec eux ! Ils devaient normalement être au point, non ? Nerveux, même si tu ne voulais pas te l’avouer, tu commenças à piétiner sur place tandis que le présentateur faisait sa transition. De quoi parlait-il ? Tu ne parvenais même pas à capter les bribes tant ton esprit était brouillé. Tu étais focalisé sur la victoire, Hélios. Il te fallait briller, Larveyette. Briller. Car c’était ton moment.
- Et le duo suivant... STENTOR ET…. HELIOS !Sourire plaqué sur tes mandibules, tu t’avanças vers la scène. Stentor s’était crispé un instant lorsqu’il avait entendu le pseudonyme sous lequel tu l’avais enregistré, mais qu’importe. Peut-être te remercierait-il d’avoir tenté de conserver son intimité sous ce nom de scène ô combien charmant. Allons, c’était cool, non ? Ok. Peut-être avais-tu exagéré.
Pas le temps d’y penser néanmoins, car le premier tour de piste commençait. Sur ta demande, Mistral et Zénith lancèrent les hostilités. Une Brume blanche émana doucement de l’Altaria chromatique, tandis que le Reptincel lâchait de gros nuages de fumée noire de sa gueule. Les deux vapeurs vinrent se mêler et s’entrecroiser, donnant un aspect mythique à la scène à peine éclairée par un unique spot blanc qui suivait votre avancée. Pendant ce temps, tu savais qu’Aura profitait de sa petite taille et de l’écran de fumée pour poser les fleurs d’ornithogales en ombrelle le long de l’estrade. La musique se lança, doux mélange entre la harpe et le piano. Puis, après les premières notes, Zéphyr le Goélise chromatique lança une douce attaque Vents Violents pour disperser progressivement la fumée.
Vous sortirent Stentor et toi de la brume, dans une apparition presque magique. Les exclamations des spectateurs se firent entendre tandis que toi, Hélios, t’avançais dans ton costume de pêcheur végétal. A tes côtés, ton faire-valoir attirait certainement quelques regards grâce à sa robe magnifique.
Dans un flash te revinrent quelques bribes de souvenirs. Ce travail, ce n’était pas uniquement le tiens ; c’était le vôtre. Tout le monde avait participé, à sa manière. Auster avec les feuilles, Ceres avec les écailles… Barber en te prêtant un peu de Jetons qu’il avait gagnés au Poker lorsque tu étais le plus dans le besoin. Zénith et Aura dans cette orgie de plumes et d’oreillers… Et à présent, tous étaient en train de travailler de concert pour rendre ta prestation spectaculaire. Tu leurs en étais reconnaissant, Hélios… Tu allais partager ta gloire avec eux, selon le pouvoir de l’amiti-… WAIT. Qu’est-ce que tu racontais ? Tu te fichais bien de tout cela. Tu étais le seul à avoir du mérite pour avoir été aussi bon dans ton travail. FUCK LE TEAMWORK, MOUHAHAHAH ! Hm, excusez pour ce bref écart. Revenons-en à notre défilé.
L’audience était subjuguée par ta superbe. Tu étais tellement beau, après tout ! En face de toi, Andreas et deux autres Coordinateurs anecdotiques - pfeuh - étaient en train de te juger. Mais qu’importe. Tu savais que tous dans la salle connaissaient le fameux conte du pêcheur et de la grue. Sûrement seraient-ils sensibles à tous les petits clins d’œil ? Quelques pas de plus. A côté, Stentor avait une démarche parfaite grâce à Auster qui guidait ses pas de son attaque Psyko. Sa robe scintillait de mille feux sous le spot.
Puis, sans prévenir, tu te nimbas d’une aura dorée pour lancer une attaque Zénith. Des rayons de soleil vinrent prendre naissance sur le plafond pour tomber sur la scène comme des lances de lumière en plein jour. Sous l’effet de la lumière vive, les ornithogales en ombrelle se mirent à s’ouvrir doucement. Sur ta cape, sur la robe de Stentor, autour de la scène… Dans un ballet merveilleux, les pétales se développèrent pour dévoiler au public leurs pistils d’or et leur forme fuselée. Les six pétales de la fleur formaient comme une étoile ; celle de ta réussite. Et c’était aussi l’éclosion de l’amour entre le pêcheur et la femme.
Se tournant lentement vers toi, Stentor te gratifia d’un regard qui se voulait éperdument amoureux. Bon. Pour ses talents d’acteur en dehors d’une caméra, on repassera. Mais c’était un bon début ! Tout en surjouant, tu lui fis silencieusement la cour dans un jeu de regards qui ne trompait personne. Vous vous aimiez. C’était indéniable.
Arrivé à la moitié de l’estrade, tu te renfrognais cependant. Votre ménage ne pouvait plus subvenir à ses besoins. Tes pêches ne rapportaient pas assez, pour. D’un coup de tête dramatique vers le côté, tu baissais les yeux ; honteux de ta propre faiblesse. Stentor ne cessait cependant pas de sourire. Ses fines lippes aux éclats dorés s’agrandirent encore une fois, et il écarta les bras comme une ballerine. Sa promesse de tisser une étoffe faite de vent. Sa promesse de te remercier pour tout ce que tu avais fait pour elle.
Alors, doucement, tu relevais la tête. Puis, de tes mandibules, un fil de Sécrétion vint s’apposer délicatement sur les doigts tendus de Stentor. Un fil. Puis deux. Puis trois. Puis encore... Lorsque vous parvinrent aux trois quarts de l’estrade, chaque doigt de Stentor était relié à un filin brillant qui flottait majestueusement dans les airs grâce aux Vents des ailes de Zéphyr. Dans une danse suave et mystique, Stentor agita les bras avec grâce, faisant voler sa soie comme s’il était en train de tisser. Pendant ce temps, toi Hélios, tu contemplais les fleurs en attendant patiemment le retour de ta femme, sans oser croiser son regard. Tu n’avais pas le droit de la contempler, Hélios. Elle t’avait fait promettre de ne pas entrer, après tout. T’en souvenais-tu ?
Puis l’étoffe fut achevée. Mais toi, Hélios, tu avais été cupide, égoïste, avide d’en connaître plus.
Vous parvinrent heureux au-devant de la scène pour laisser le jury contempler vos costumes. Pour autant, quelque chose n’allait pas dans votre union.
Stentor s’était mis à pleurer. De fins sillons de larmes vinrent s’écouler le long de ses joues. Au-dessus de vous, tu savais que Zéphyr s’était caché au plafond pour faire tomber doucement quelques gouttes de Pistolet à O sur le visage de Stentor. Il ne visait pas forcément bien vu qu’on voyait clairement que l’eau mouillait la frange de la femme-grue, mais qu’importe ; c’était plus dans la signification et l’évocation que tu voulais être.
Ton regard se fit plus inquiet. De profil à présent, tu regardais ton aimée. Tu l’avais surprise alors qu’elle était en train de tisser sous sa forme de grue. Et à présent, elle ne voulait plus se présenter devant toi. Après que tu ais rompu votre promesse. Après avoir été surprise ainsi…
L’attaque Psyko d’Auster vint doucement auréoler la cape de Stentor d’une aura violette. Les feuilles se détachèrent une à une pour tomber au sol. Sous les exclamations ravies du public, tu sentais ton cœur tambouriner dans ta poitrine. Car ce qu’ils avaient au départ pris pour une cape drôlement ouvragée était en fait une paire d’ailes de plumes camouflées sous un rideau de feuilles. A présent que son enveloppe végétale s’était retirée, on voyait clairement que Stentor avait dans son dos, deux magnifiques ailes bordées de plumes blanches, parfois entrecroisées des plumes de cristal que Sirius t’avait confectionné. Sur les bords, les plumes avaient été colorées en noir pour rappeler la grue. Stentor était la femme grue. Il était une grue. Le Glamour à ses origines n’aurait su être mieux représenté.
Dans un demi-tour dramatique pour que toute l’audience puisse admirer ses ailes, Stentor fit volte-face, se cachant le visage entre les mains. A présent que le secret avait été révélé, il se devait de s’envoler par la fenêtre… Le laissant retraverser seul l’estrade sous un torrent de plumes déclenché par la Danse Plume de Barber, tu restas là, sur les devants de la scène.
Tu avais été un mauvais mari, Hélios. Cupide. Grossier. Ne prenant pas en compte tout l’amour que cette femme te portait. Elle avait été reconnaissante ; tu avais été ingrat. Alors, ton Zénith s’intensifia pour aller jusqu’à brûler les fleurs et à les faire flétrir. Le passage du blanc pur au noir défraîchi représentait la fin de votre amour. A force de vivre de façon trop ardente, voilà que vous vous étiez brûlé les ailes.
Tu regrettais Hélios. Ô, tu regrettais.
La musique s’arrêta doucement et la Voix Enjôleuse de Mistral s’éleva, comme pour t’appeler vers d’autres horizons. Silencieusement, tu écartas les pattes avant, comme pour montrer ta résignation. Tu n’avais plus celle que tu aimais. Par ta faute. Alors, il ne te servait plus à rien de vivre.
Une attaque Fléau dirigée vers toi te fit tomber à genoux - ou l’équivalent, au vu de ta morphologie - sur le sol jonché de feuilles et de plumes. Tremblant et haletant, tu déclenchas une attaque Ecosphère pour que tout ton être se nimbe d’une lumière verte. Les spectateurs retenaient leurs souffles ; toi, tu en étais à ton dernier.
Alors, dans une dernière attaque Piqûre, tu transperças ton buste, à l’endroit où tu avais caché un petit ballon rempli de paillettes. Des millions de paillettes blanches et vertes furent projetées devant toi, représentant ton sang qui s’écoulait doucement sur la scène. Puis, après quelques gestes dramatiques, tu finis enfin par tomber sur le sol. Ton agonie était longue, mais au moins était-elle spectaculaire. Tel un Macbeth des temps modernes, tu eus un dernier râle et ferma les yeux, terrassé par la douleur de la perte de ton aimée et de ton abdomen percé d’un coup de poignard.
Utilisant Psyko, Auster souleva une dernière fois les feuilles et les plumes pour les faire tourbillonner autour de ton corps. La Brume et le Brouillard de Mistral et Zénith s’élevèrent de nouveau, tandis que, discrètement, Stentor te tirait le long de la scène grâce à un fil de Sécrétion presque invisible qui vous avait relié depuis le départ.
Ainsi s’acheva ta première scène devant un public.
Et au fond, tu étais heureux de ce que tu avais pu faire ; Hélios, Larveyette parmi les Larveyette. Aujourd’hui, dans la sensibilité, la subtilité, la tragédie et la beauté… tu avais brillé.
HRP : Informations
Pokémon utilisé : Hélios (Larveyette)
Points de Beauté : 5
Objets Bonus attachés : Pendentif Feuille de Jade (+2), Plumes de cristal (+2)
Points Pokéblocs : 3
Note : Le conte de la femme-grue est un récit japonais typique, mais je l'ai réécris à ma façon pour les besoins de la Compétition.