La démarche légère mais assurée, elle semble toujours savoir où elle va. Sa chevelure bouclée, ridiculement épaisse, flotte derrière elle comme un nuage. Nombreux sont ceux qui ont déjà essayé de dompter la crinière de la demoiselle, mais rien n'y fait ; peu importe le nombre de rubans et autres élastiques, les boucles châtains et rebondies d'Eris en viennent toujours à bout. Au milieu de cette masse de cheveux se trouve la petite bouille de la jeune fille. Le teint porcelaine, des joues bien rondes et légèrement rosées, la puberté a jugé qu'il valait mieux épargner ce visage d'ange. En même temps, quand ses grands yeux bleus se posent sur vous, l'idée de lui faire du mal n'est certainement pas la première qui vous vient à l'esprit. Souvent, l'espace d'un instant, on préfère s'y noyer, attiré par l'abîme de son regard. Si soudain, ses épais sourcils se froncent, c'est qu'il grand temps pour vous d'émerger, c'est que ça devient gênant. Peu importe, le spectacle de ses lèvres couleur pêche, qui se resserrent pour signifier sa désapprobation, est au moins aussi divertissant. Méfiez-vous malgré tout, du haut de son mètre 60 et avec son gabarie de poids-plume, elle arrive à compenser son manque de force par une agilité et des réflexes assez remarquables, un petit coup bien placé est souvent vite parti, surtout quand on est fille de boxeur. Au delà de ça, pas de soucis, les apparences ne sont pas trompeuses : Eris est frêle et fragile. Elle se blesse quotidiennement, marque beaucoup et vite, en revanche, à la surprise générale, elle bénéficie d'une bonne santé. Concernant ses « atouts féminins », elle a ce qu'il faut où il faut, ni trop ni trop peu. Secrètement, elle espère en gagner un peu plus. C'est d'ailleurs là la seule préoccupation qu'elle partage avec la plupart des jeunes filles de son âge. Du reste, Eris est une marginale qui s'ignore. Consciente que tout le monde ne partage pas son amour du risque, le manque d'ambitions de certains ne manque pas de la scandaliser pour autant. Rebutée des personnes lasser par la vie, elle cherchera à les éviter plus ou moins inconsciemment. La jeune demoiselle est pressée de vivre sa vie avec un grand V et elle ne tolérera pas qu'on lui fasse perdre son précieux temps. Au fil des années, c'est cette même impatience qui l'a lentement et irrémédiablement isolée des autres. De ce fait, mise à part les principes de bienséances qui lui ont été inculqués dès son plus jeune âge, Eris n'est pas très au fait des codes qui permettent une sociabilisation et une intégration réussites. Au premier abord, ce n'est pas systématiquement handicapant, si elle se contente de se taire ; le charme opère et la compagnie de la ravissante poupée est tout à fait agréable. Cependant, à la minute où la conversation sera engagée, vous serez autant déconcerté par la spontanéité de ses propos que par la vivacité de sa voix. Oh, elle n'a pas un timbre désagréable, c'est juste que le reste du monde s'attendait certainement à un discours plus modéré (que ce soit par ses paroles ou son débit). Cette rafraîchissante sincérité est un des nombreux traits insoupçonnés que recèle la demoiselle et ce, par pur pudeur. Non, Eris n'est pas la fille débordante d'assurance dont elle a pourtant l'air. La peur est une amie possessive qui l'empêche de faire beaucoup de choses et l'ennui, cet autre compagnon, la conforte dans son état stagnant, préférant le confort et l'amour que lui offre le cocon familiale plutôt que l'exposition au reste du monde qui pourrait, oh si facilement, la briser. C'est cette dualité entres ses envies et ses besoins qui, encore aujourd'hui, rythme son quotidien et la plonge dans une mélancolie dont elle espère désespérément voir la fin.

Il y a quinze ans de cela, Cordélia, étoile montante du cinéma originaire d'Atalanopolis, rendait visite à son époux sur les plateaux de tournage Pokéwoodiens. Ce dernier -Lazard de son nom- était un ancien boxeur émérite, dont le corps fatigué avait été pour lui le prétexte pour se reconvertir et se consacrer à sa véritable passion : les films d'actions. A leur plus grande surprise -c'est le moins qu'on puisse dire- ainsi qu'à celle de toute l'équipe présente sur place ; l'enfant que portait la jeune femme décida qu'il était temps de faire son entrée dans le monde extérieur et ce, avec 3 semaines d'avance. C'est ainsi que naquit Eris, entourée de fonds verts et autres caméras montées sur rails ; le tout dans la panique la plus générale (dont tout le monde ri volontiers aujourd'hui).

Une fois le tumulte de cet accouchement peu orthodoxe terminé et les inquiétudes quand
à la précocité de l'enfant soulagées, la petite famille fraîchement agrandit alla couler des jours heureux dans leur résidence principale, à Vaguelone. N'ayant jamais pu se défaire du mal du pays qui l'accablait, c'est Cordélia qui avait choisit ce lieu. La quiétude des vagues de la baie lui rappelant celle de la cité blanche d'où elle venait. C'est dans cette grande villa qui côtoyait l'océan qu' Eris grandit. Ici, ainsi qu'au Pokéwood où ses parents l'emmenèrent de multiples fois. Très protecteurs du fait de son statut d'enfant précoce qui, à l'époque plus que maintenant, la rendait terriblement vulnérable ; ils avaient prit la décision de lui faire suivre des cours par correspondance. De cette façon, la jeune enfant pouvait toujours demeurer à leur côté ou presque, puisqu'en grandissant, la chipie avait, avec les années, développée maintes techniques pour se dérober aux regards de ses parents et autres adultes qui auraient pu essayer de la stopper dans les expéditions qu'elle entreprenait. Plus petite, on pouvait l’apercevoir courir gaiement sur les différents plateaux, allant d'univers en univers suivant les thèmes des films dans lesquels elle ne manquait jamais de faire irruption. Naturellement, nul reproche ne lui était fait : être « fille de... » facilitait (et facilite encore) beaucoup de choses.

Eris a sûrement eu l'enfance dont tout le monde rêve. Gâtée, aimée, choyée ; de nos jours, rien n'a changé si ce n'est le visage de la jeune fille. La joie qui illuminait auparavant son visage a laissé place à une figure morose, rendu quasi-inexpressive par une vie confortable dans sa cage dorée. Les héros de ses films préférés ne l'inspirent plus, les effets spéciaux ne font plus briller ses yeux, les scénarios d'aventures plus fabuleuses les unes que les autres ne la font plus rêver. Eris est lassée. Au grand dam de ses parents qui, ne sachant plus quoi faire pour revoir ce sourire qu'ils chérissaient tant, cédèrent à l'ultime demande de leur petite princesse : qu'ils la laissent aller étudier à l'académie de la Pokémon Community. Cette décision les étonnèrent autant qu'ils l'horrifièrent en apprenant les récents événements qui avaient secoué l'île. Au cours des interminables négociations que mena Eris avec ses parents, cette dernière se tint, par ailleurs, bien de leur préciser que c'était justement pour cette même agitation qu'elle avait porté son choix sur l'académie.

La jeune demoiselle voit en l'île de Lansat le moyen pour elle de se défaire de cette mélancolie qu'il lui parasite l'existence et elle est bien décidé à faire tout ce qui est en son pouvoir pour s'en libérer.