Vaguelone. Pour Cylian, qui n’avait, avant de venir faire ses études à l'académie, n’avait jamais quitté sa ville natale, ce nom sonnait comme une promesse de mille découvertes et plaisirs nouveaux. Lui n’était jamais parti en vacances, plus jeune. Mais tout comme sa mère l’avait poussé à quitter le cercle familial, ses frères et soeurs avait aujourd'hui bien plus d’occasion de voyager et il en était plutôt heureux. La situation financière de son foyer s'améliorer et ceux qu’il aimait disposeraient d’un confort dont il ne pouvait que rêver à son époque mais le Phyllali ne pouvait être jaloux. D’autant plus qu’on ne l’oubliait pas. La preuve, il avait, quelques jours plus tôt, reçu un message de sa cadette la plus âgée l’informant que toute la troupe partait en vacances dans une des plus grandes et belles stations balnéaires de la région. La puce semblait surexcitée et il la comprenait. Mieux encore, on l’invitait à les rejoindre pour un week-end. Il n’avait alors pas fallu plus d’une demi-heure pour que tout soit réglé et la valise du petit blond prête.

Le lendemain, il empruntait un bateau ressemblant fortement à celui qui l’avait mené sur cette île. Le voyage lui parut étrangement court. Lui qui n’avait aucun sens de l’orientation pensa alors que Touga ne se trouvait peut-être pas si loin d’Unys que prévu. Oubliant bien vite cette pensée, il avait mis pied à terre en fin d’après-midi, sous le bien moins agressif soleil de sa région de naissance. Cela lui avait fait beaucoup de bien de se retrouver en ces lieux, bien qu’il le visitait pour la première fois. Malgré sa force et surtout sa fierté, sa famille manquait à Cylian qui se surprenait souvent à déprimer quelques minutes lorsque le soir venait et qu’il se trouvait dans son lit sans trop savoir quoi faire. Mais à présent qu’il pouvait serrer sa mère dans ses bras, il se sentait aussi heureux qu’un homme pouvait l’être. Il ne s’était d’ailleurs pas privé de s’oublier en étreinte lorsque les retrouvailles étaient venu, ignorant les moqueries affectueuses de son cadet, Morgan.



Le plus jeune s’était contenté d’un claquement de langue, masquant un sourire. S’en était une joyeuse dispute pour savoir dans quelle chambre dormirait le nouveau venu. Chacun semblait vouloir passer le plus de temps possible avec le frère de retour. Finalement, une entente fut conclue. Il partagerait la chambre des plus grand mais passerait ses soirées avec les plus petits de la fratrie afin de leurs lire toutes les histoires promises. Sans qu’il ne s’en rende vraiment compte, Cylian promit également qu’il emmenait les jumeaux qui étaient ses cadets à la chasse aux pokémons afin de leur faire une petite démonstration. Malgré les taquineries qui ne manquèrent pas de fuser, les deux concernés semblaient ravis de cette proposition.

C’est ainsi qu’à peine le soleil levé, le lendemain, on pressait le Phyllali pour qu’il se réveille. Lorsqu’il ouvrit les yeux, deux visages se trouvaient à quelques centimètres du sien.




Il avait grogné ces mots, de mauvaise humeur au réveil, et les deux jeunes avaient détalé, riant et se bousculant. Ils semblaient vraiment impatients de sortir. Souriant malgré lui, Cylian se pressa alors, enfilant des vêtements propres avant de descendre prendre un important petit déjeuner. Comme il s’y attendait, toute la famille se tenait déjà autour de l'immense table couverte de nourriture dans laquelle piocha aussitôt le blond. Une bonne demi-heure plus tard, la petite équipe s’équipait de sac à dos et quittait l’appartement loué pour les vacances, direction les routes sauvages bordant la ville.

Il faisait doux en ce début de journée. Certes, la chaleur n’était pas aussi assommante que lorsque Cylian était encore sur l'île Touga, mais les trois jeunes n’avaient pas froid malgré le t-shirt léger qu’ils portaient. Sous le couvert de quelques arbres bordant la route qu’il parcourait, le vent soufflait à peine, créant d’agréable courant d’air. Cylian, d’humeur sereine, avançait à petit pas, sans se presser. La sortie n’était pas moins une balade qu’un moyen de passer du temps avec sa deux membres importants de sa famille. Mais ces derniers ne semblaient pas du même avis. Impatients, comme toujours, ils le distançaient de plusieurs mètres et ne l’attendaient que lorsqu’un croisement faisait son apparition, les plongeant dans le doute. Bien sûr, le Phyllali ne connaissait pas mieux les alentours que les jumeaux. Alors, tentant de retenir le chemin parcouru, il cherchait à s’enfoncer toujours plus loin dans la campagne. Loin du fracas de la ville, les pokémons se montreraient sans doute rapidement.

Plongé dans ces pensées, l'aîné ne faisait cependant pas vraiment attention à ce qui se passait autour de lui. En silence, il observait son frère d’un an son cadet. Ce dernier faisait presque sa taille, chose qu’il n’avait pas remarquée du temps où il vivait encore avec lui. A présent, il notait sans mal son assurance nouvelle et sa carrure légèrement plus carrée. Morgan aimait le sport et cela se ressentait, lui donnant une allure solide et fière. Il sourit, bien que lui et la jeune fille qui marchait à ses côtés soient jumeaux, ils se ressemblaient de moins en moins. Gabrelle, pour sa part, conservait les traits doux et paisibles de sa mère. Cylian n’en doutait pas, elle serait une femme superbe. Lorsque la demoiselle remarqua le regard posé sur elle, elle se figea, attendant que le blond la rattrape. Les deux échangèrent un sourire avant de se remettre en marche. Comme toujours, la présence silencieuse de sa sœur lui faisait beaucoup de bien.


Le dernier membre du trio, bien loin devant, semblait s’impatienter. Sa voix tira définitivement son aîné de ses pensées et il força le pas, soufflant pour la forme. Bien, il était temps de se mettre au travail. Sans cesser d’avance, Cylian ouvrit son sac et en sortit un objet rond et lisse : une pokéball. Curieux, les jumeaux se rassemblèrent devant lui. Plutôt content de lui, il l’ouvrit, révélant Mara aux yeux de ses spectateurs. Un brin perdu, le Grainipiot ne bougea pas, comme étourdie. Elle n’avait pas l’habitude de ce genre de séjour et en voulait un peu à son dresseur de l’avoir enfermée. Pourtant, elle ne montra aucune agressivité, se contentant de venir se blottir dans les jambes du blond lorsqu’elle le reconnut. Tient ? Il ne l’imaginait pas timide. Amusé, il se pencha pour tapoter gentiment sa tête.


Il s’était presque attendu à quelques moqueries. Mais les deux jeunes semblaient vraiment impressionnés malgré l’aspect frêle du pokémon. Le remarquant, Mara fit un pas en avant, curieuse. Gabrelle avança alors une main dans sa direction, l’invitant à s’y frotter. Attendri sans l’avouer, Cylian assistait en silence à la création d’un lien nouveau entre sa cadette et le pokémon. Un instant, il se dit qu’elle ferait sans doute une excellente dresseuse. Morgan, lui, observait l’échange de loin, moins concerné. Il voulait de l’action, lui. Ne voulant pas le faire patienter plus que cela, le propriétaire du pokémon frappa dans ses mains.


D’un commun accord, tout le monde se remit en route. Route qui fut bien longue encore. Le groupe progressait pourtant lentement, aux aguets, entre les fourres. Mara mettait toute la précision de son ouïe au service de la chasse, sondant les sous-bois. Mais, finalement, ses efforts ne furent pas vain. Sans un cri, sans un bruit, Mara se figea soudain avant de filer brusquement entre les herbes hautes, laissant Cylian et ses cadets sur place. Morgan fut le premier à réagir, il lui emboîta le pas le plus silencieusement possible pour ne pas effrayer une possible prise. Ainsi, il fut également le premier à apercevoir le pokémon que Mara fixait, au détour d’un arbre. Sans broncher, la Grainipiot menaçait du regard ce qui semblait être une boule de… Tentacules ? Cylian entendit le rire de son frère avant même d’arriver sur les lieux. Lorsque ce fut le cas, il lui lança un coup d’œil interrogateur avant de baisser les yeux. Quoi, un Saquedeneu ? Un profond soupir quitta ses lèvres entrouvertes. Un instant, il s’imagina passer son chemin, simplement laisser tomber. Mais l’excitation de Morgan et l’attente de Gabrelle parvenaient jusqu’à lui, lui ôtant toute envie de fuite. Il allait leur montrer de quoi il était capable ! Et, lorsqu'il rentrera ce soir, c’est une capture qui contera aux plus jeunes de la fratrie.

Durant ces quelques secondes de réflexions, le pokémon sauvage ne fit pas un geste, plus que calme. Il les observait simplement, ignorant Mara. Notant cela, Cylian fit discrètement comprendre à la concerné de bousculer un peu son adversaire, afin de le distraire. Alors qu’elle s'exécutait vivement, les jumeaux firent quelques pas en arrière, disparaissant presque dans le décor. La rencontre entre les deux pokémons fut violente et chacun repartit dans le sens inverse, étourdi. Et maintenant ? Une pokéball ! Paniquant un peu, le blond fouilla vivement dans son sac pour trouver l’objet. Celle-ci faillit même lui échapper des mains. Il parvint cependant à la retenir et exécuta ce geste qu’il avait plus d’une fois vu mais jamais répété. La balle vola en direction du Saquedeneu et le frappa avec un “ploc” ridicule.

Un frisson commun agitait le groupe qui fixait, silencieux et parfaitement immobile, la ball et sa cible. Voir l’objet percuter la masse informe qu’était le Pokémon n’avait rien d’appétissant. Les curieux appendices qui constituaient son corps ondulaient faiblement et pendaient mollement de chaque côté de ses grands yeux ronds et vides. Décidément, Squadeneu n’était pas la proie dont tous rêvaient, bien au contraire. Et pourtant, au fond d’eux, les trois adolescents priaient pour que la capture soit un succès. Cylian, éprouvait une certaine angoisse à l’idée de rentrer bredouille et d’avoir été incapable de faire ses preuves. Morgan, pour sa part, ressentait un étrange cocktail de pitié amusée et de fierté envers son aîné qui, devant son regard attentif, lui montrait une fois de plus un exemple qu’il s'efforçait de suivre sans l’avouer. Gabrelle, enfin, restait la plus neutre de l’équipe. Sans se départir de son sourire innocent, elle posa une main délicate sur l’épaule de son frère le plus âgé, l’encourageant sans un mot.

Cette sortie avait une saveur particulière pour chacun d’entre eux. Car ils savaient que bientôt, ils seraient séparés de nouveau, et ce, pour bien plus qu’un petit mois. Ainsi, ils goûtaient chaque instant passé ensemble, aussi spéciales qu’ils soient. Et ce sentiment partagé, ce plaisir d’être réunis vint gonfler la poitrine du Phyllali qui se sentit, l’espace d’une seconde, pousser des ailes. Et, comme en réponse à ce bonheur, une vive lumière enveloppa le Pokémon sauvage, faisant reculer chaque être d’un pas, Mara la première. Lorsque le flash s’apaisa, il ne restait plus, au sol, que le réceptacle, immobile. Plus de Saquedeneu, plus d’éclat, plus rien. Surpris, personne ne fit le moindre geste avant une courte minute.



Cylian semblait à la fois irrité et fasciné et sa voix s’en trouvait légèrement tremblante. Il ne s'imaginait pas sensible au point de vaciller dès sa première capture. Pestant contre sa propre personne, il s’avança et, se penchant, ramassa la ball. Cette dernière était aussi froide qu'inerte, comme si rien ne s’était passé. L’observant longuement, l’apprenti dresseur, frappa doucement dessus. Rien. Il songea alors que rien n’indiquait la présence d’un Pokémon non plus lorsque Mara sommeillait dans sa Pokéball. Soupirant, il céda à l’envie de faire un test.


Lorsqu’il l’enclencha, le mécanisme d’ouverture de l’objet émit un léger cliquetis qui résonna un moment dans le calme de la forêt. Mais ce sur quoi se concentra l’attention de tout le monde fut la forme floue qui apparaissait sous leurs yeux. Gagné ! Le Saquedeneu était bien là et exhibait de nouveau ses tentacules ridicules. Soudain, un élan de joie prit le groupe qui souffla d’un bel ensemble, soulagé. Son sourire maintenant presque suffisamment large pour tracer un croissant d’une de ses oreilles à l’autre, l’unique demoiselle présente, se laissa tomber à genoux et tendit la main au Pokémon sans une once de crainte. Tandis que ce dernier avançait précautionneusement vers Gabrelle, celle-ci laissa demanda innocemment :


Seul le silence lui répondit.