Je savais que les rues étaient blindées, mais pas à ce point. Enfin, peut-être que ça dépend des jours, mais je dois dire que c'est vraiment... Déroutant. C'est un peu comme à mon arrivée dans le dortoir Mentali, mais en pire. Parce qu'il grouillait de... Bah de Mentali, certes, qui gesticulaient dans tous les sens en discutant de tout et n'importe quoi. Je me souviens encore de certaines bribes de conversations qui avaient pu envahir mon esprit au moment où j'avais pénétré dans le dortoir. Mais tout était embrouillé dans mon esprit, c'était horriblement déroutant car j'assemblais des mots et formait des phrases qui n'avaient ni queue ni tête avec les morceaux de conversations que j'avais entendues! Mais je m'égare. Donc oui, la ville qu'il y a sur Lansat, c'est comme le dortoir Mentali à mon arrivée.. Mais en pire. Dix fois plus de monde, donc dix fois plus de difficulté à avancer sur l'île. Bon sang c'est bien trop compliqué... donc, sans gêne comme à mon habitude, je bousculais les gêneurs, en protégeant comme il le faut mon visage et mon crâne. N'importe quel coup violent porté à ce niveau là pourrait être fatal pour ma vue. En passant en plein milieu de la foule, je suis obligée de marcher presque à genoux, en protégeant bien évidemment ma tête. Je n'ai pas envie d'être de nouveau privée de ma vue. Si une telle chose arrive, non seulement il sera bien plus difficile de subir une autre opération, mais en plus il y a des chances pour qu'on refuse de m'opérer une seconde fois. Je suis contente de voir, et même si je n'arrive pas a voir les couleurs, au moins je ne suis pas totalement aveugle...
Tant bien que mal, je parvenais à me frayer un chemin au milieu des passants. Croyez-moi, j'ai failli me jeter au sol et ramper, si ça m'assurait de garder ma vue intacte! Enfin, quoi que... On aurait très bien pu me marcher sur la tête, auquel cas ça aurait été horriblement désagréable. Désagréable et surtout plus risqué... Bon, enfin, cela ne m'a pas empêché d'arriver jusqu'à destination. Mais par moments, en étant coincée dans cette fichue foule, il m'arrivait de... Voir totalement noir. Non, pardon, je reformule. Il arrivait que je ne voie plus rien. Tout simplement parce que... Je n'en sais rien, en réalité. Tout ça pour dire que c'est incroyablement déstabilisant. Alors vous n'imaginez pas le soulagement qui m'a envahie au moment où je voyais enfin le bout de cette foule! J'en était presque à me jeter sur le sol pour m'assurer que j'étais bien au bout de la foule. Maintenant, il fallait que je demande à quelqu'un la route du centre commercial... Parce que oui, c'est là-bas que je voulais aller, bien évidemment! Pour le visiter, surtout, et peut-être a la limite... Trouver de nouvelles choses là-bas. J'étais donc allée m'adresser a un jeune passant, qui m'indiqua, presque avec un air moqueur, que j'étais juste devant le centre commercial. … Sans aucune honte, je ne le remerciais même pas et fonçais à l'intérieur du bâtiment que j'avais mis un temps monstrueux à trouver. La première chose que je fis fut de m'adosser contre un mur, et de souffler.
-Bon sang... Plus JAMAIS je ne m'aventure dans une foule en plein après midi!
Oui, j'étais complètement essoufflée. Poussant un long soupir, je me massais les tempes. Non, c'est fini, plus jamais je ne remets les pieds dans une foule comme ça en plein milieu d'après midi! Quelle horreur, j'ai vraiment cru qu'on allait me marcher dessus. Une fois que j'eus pleinement repris ma conversation, je commençais à m'aventurer dans ce centre commercial, entourée de... Monde. C'est pas possible, ça recommence! Bon, heureusement qu'il est plus vaste et que là, j'ai la possibilité de circuler un peu correctement... A peine, mais on ne va pas en faire toute une histoire.
Me voilà donc qui commençait mon chemin à travers le centre commercial, prête à explorer les nombreuses boutiques que l'on pourrait y trouver. Au fond de moi j'avais hâte, j'étais contente, aussi il m'arrivait fréquemment de bousculer les personnes qui me gênaient, qui bloquaient mon passage. J'entendais comme une certaine agitation s'approcher non loin de moi, enfin, je sentais comme une agitation arriver sur moi, presque à me submerger. J'entendais des cris, des voix fortes, tout en continuant mon chemin sans trop me soucier de ce que je faisais, d'où j'allais. C'est alors que, sans comprendre, toute cette agitation déferla sur moi et d'un seul coup, je me retrouvais au beau milieu d'une vague d'adolescentes en folie. … Attendez qu'est-ce qu'il se passe, là? J'étais littéralement prise en plein milieu d'une foule de jeunes filles qui hurlaient et criaient après quelque chose, quelqu'un. De pauvres adolescentes à la recherche de leur star préférée, espérant obtenir de lui un autographe, une parole, et ne recevant de cette star au final qu'un simple regard détaché. Parce que là, clairement, c'était ça. Elles semblaient crier le nom d'une star de la chanson, star qui serait présente, là, au centre commercial. Et moi qui me retrouve prise au piège de leur admiration, coincée, à vouloir me sortir de là. Je n'arrivais même pas a les bousculer, elles étaient bien trop nombreuses. Elles m'écrasaient, m'empêchaient presque de bouger. Je n'arrivais même pas à me débattre, je me sentais écrasée, emportée par cette foule incontrôlable.
-S'il vous...
Même mes pauvres paroles étaient recouvertes par leurs cris hystériques. Dans un grognement, je me pinçais les lèvres. Qu'elles me lâchent, qu'elles me laissent partir par pitié! Soudainement, je me sentais mal. J'étais perdue au milieu d'elles, presque à genoux, et par dessus tout je... Je ne voyais plus rien. Ma vue était comme coupée, à cet instant, et me voilà accroupie sur le sol, les bras couvrant mon visage pour éviter de recevoir le moindre coup de leur part. Jamais je ne m'étais sentie aussi mal, tremblante. Un mélange de panique et de colère. C'était rare que je paniquais, mais là, elles étaient tellement hystériques, bruyantes et elles bougeaient tellement que je craignais qu'a tout moment, je reçoive un coup qui soit fatal pour ma vision. Je ne veux pas... je ne veux pas qu'il m'arrive de nouveau la même chose que quand j'étais enfant. Et comme si cela ne suffisait pas, il semblait que je ne suivais pas leur rythme, que je m'enfonçais vers l'intérieur de cette foule plutôt que l'extérieur. Je sentais irréguliers les battements de mon cœur, je ressentais comme une envie de crier. Je voulais juste sortir de là. Je me sentais incroyablement mal, comme si elles m'engloutissaient, et qu'elles n'étaient pas prêtes de me libérer. Même si je tentais d'ouvrir la bouche, mes demandes étaient masquées par leurs cris. Je ne savais pas que voir une star qu'on idolâtrait tant provoquait autant d'hystérie.
Soudain, alors que je m'apprêtais à frapper la jambe d'une des adolescentes pour qu'elle me remarque et me laisse partir, j'écarquillais les yeux en sentant qu'on attrapait mon bras. En une fraction de seconde je fus tirée à l'extérieur de cette foule, et je me sentais comme... Soulagée. Enfin, cela n'empêchait pas que j'avais reçu de nombreux coups sur le corps, et qu'on avait notamment écrasé mes pieds, ou même mes jambes! C'était horrible, mais j'étais soulagée d'avoir été tirée à l'extérieur de cette foule remplie de folles furieuses. Non mais, sérieusement, c'était quoi l'intérêt qu'elles éprouvaient pour ce Justin Bébé? Alors que je me questionnais et me massais frénétiquement les tempes, je papillonnais des cils par plusieurs fois pour tenter de recouvrer une vue correcte. Car du noir complet où je ne voyais rien j'étais passé à gris embrumé. J'avais sans doutes dût recevoir un petit coup à la tête, mais pas suffisamment puissant pour mettre fin a ma vue qu'on m'avait redonnée... Lorsque je relevais les yeux, j'entendis la voix d'une jeune s'adresser à moi. Je n'étais pas vraiment d'humeur à courir partout, ou a lui parler d'une voix décontractée, violente ou enjouée et de sourire comme j'en avais l'habitude. Enfin, peut-être que je ne devais m'en prendre qu'à moi de m'être fait embarquée dans cette foule... Si ça se trouve, c'est mon karma, c'est une vengeance de l'univers pour me faire regretter l'époque où j'étais chef de gang...
Au final, lorsque la jeune femme eut achevé de parler, je n'avais rien dis. Je me contentais d’analyser ses paroles, pour le moment. Au contraire, elle ne m'embêtait pas du tout! Elle avait même bien fait de me sortir de là.
-... Merci, merci, merci beaucoup Mademoiselle. Je fis, presque à me jeter sur elle pour la remercier. Vous pouvez pas savoir à quel point vous m'avez aidée! J'ai été submergée par... Par cette foule de folles furieuses hystériques et d'un seul coup, le noir complet. Je ne voyais vraiment plus rien. Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive, mais dans ce genre de situation j'aimerais ne pas avoir a couvrir ma tête pour éviter de recevoir un coup qui pourrait être fatal à ma vue.
Toussotant à cause de la poussière qui était montée jusqu'à ma gorge, je repris.
-Je n'étais pas du tout entrain de m'amuser. Ces filles m'ont presque écrasée, quelle horreur. Et comme si ça suffisait pas j'avançais du mauvais côté! Non mais je commence à croire que l'univers se venge et profite de mon problème de vue. D'abord la foule à l'extérieur, et maintenant les filles à l'intérieur.
Sérieusement, je crois que cette jeune femme n'était pas mieux tombée. Encore quelques secondes à l'intérieur de cette foule d'hystériques et je crois que je serais entrain d'être écrasée. Et moi qui était venue ici pour parcourir le centre commercial, juste à la recherche de nouvelles choses! Je ne m'attendais vraiment pas à tomber là dessus... Si je recroise une de ses débiles, je crois que mon côté chef de gang va leur montrer de quel bois j'me chauffe.