(past)
Quand Sirius était petit et qu’il allait mal, il allait toujours se réfugier sur les genoux de son père. Il n’avait aucune honte à reconnaître qu’il était un fils à papa bien trop gâté par la vie. Il ne comptait plus le nombre de fois où il s’était enfuit de la maison où Reg et Mère étaient trop complice. Il ne comptait plus le nombre de fois où son père l’avait attrapé et le nombre de fois où il avait suivit des yeux les difficiles calculs que faisaient son père. Il se rappelait avec une précision affolante les calculs, les gémissements de frustrations, les insultes murmurées à mi-mots. Il se rappelait que son père le prenait ensuite sur ses épaules pour monter tout en haut de l’observatoire, là où le public n’avait pas le droit d’aller. Il se rappelait que chaque fois, il tombait un peu plus amoureux du ciel et des étoiles. L’amour qu’il porte à l’espace semble être quelque chose marqué dans ses gènes et il n’y a jamais rien eu d’autre qui n’a put le calmer aussi efficacement que les étoiles. Et pourtant aujourd’hui, le voilà qui craquait, non pas sous le ciel étoilé mais yeux dans les yeux avec le soleil qu’il a détruit.
C’était presque symbolique cette manière de se lâcher. Comme s’il coupait vraiment le cordon, après toute cette année de tentatives ratées, c’est sa nouvelle famille qui l’aide à saisir ce ciseau et lentement, couper les liens. Fermer les ports. S’émanciper. Ne pas se retourner. Il ne retournera à Algatia que le jour où il sera totalement fier de ce qu’il est devenu. Pas question de s’y rendre avant. Il y retournera un jour, il n’en doutait pas car il atteindra ses objectifs. Tôt ou tard. Alors il reniflait, pleurnichait et reprenait courage dans la délicatesse de sa sœur, il reprenait courage dans ses bras, dans ses mots, dans cette compréhension terrible que deux enfants ne devraient pas pouvoir trouver dans un autre gosse.
On disait souvent que l’amour que se porte une famille est indestructible. Pourtant, il en avait des exemples Sirius, de familles détruites. Il déglutissait en écoutant l’histoire d’Ilea et il la regardait dans les yeux et son courage l’effrayait et l’intriguait. Et lui, comment réagirait-il ? Comment ferait-il si demain, il apprenait qu’il n’était plus un Powell ? Que ferait-il s’il apprenait que tout ce qu’il avait tenu pour vrai pendant 16 ans n’était plus que des rêveries étranges ? S’il apprenait tout à coup que ce qu’il prenait pour acquis, ce qui était la base de sa vie, de sa personnalité, de lui, n’existait tout simplement plus ? Il resserra son étreinte sur la rousse. Il ne voulait pas y penser. Ça faisait un peu trop peur à imaginer et il était aujourd’hui un peu trop égoïste pour s’y lancer. Il se contenta d’enfouir son visage dans son épaule et de profiter de cette tendresse qu’il cherchait dans le moindre regard et dans le moindre geste. Cette tendresse que seule une sœur pouvait vous offrir, cette tendresse maternelle et féminine. Bien loin des accolades viriles des garçons, bien loin du débordement de testostérone qu’il vivait sans cesse dans son dortoir, il se complaisait dans cette délicate et tendre affection. Il reprenait des forces pour redevenir, lentement, Sirius le soleil, Sirius le sourire, Sirius. Pas ce reflet de lui même.
Alors dans sa tête il hurlait, il hurlait merci à Ilea, il lui disait tout ce qu’il pensait et pourtant pas un mot sortait de sa bouche et c’était juste ses gestes qui s’adoucissaient et son nez qui se frottait contre son épaule et ses doigts qui se serraient sur son haut et c’était le langage de Sirius c’était au-delà de ses mots et ses insultes et ses brimades et ses fiertés, quand Sirius parlait avec le corps il ne mentait plus il disait la vérité. Ses gestes étaient bien plus véritables que le reste. Les mots n’étaient qu’un moyen de mentir, il les contrôlaient. Ses yeux n’étaient que le reflet de l’émotion qu’il voulait faire passer. Ses sourires étaient bien souvent fades. Mais ses gestes, ah, ses gestes, ils ne mentaient jamais. Il ne touchait pas les gens qu’il n’appréciait pas et il manifestait son affection par des caresses plus que par des mots. On touchait Sirius avec un baiser, pas avec un « je t’aime ».
C’était juste comme ça qu’il fonctionnait.
★★★★★
(present)
Le sourire qu’affichent aujourd’hui les deux jeunes gens sont comme des miroirs du soulagement qu’ils éprouvent. Aujourd’hui, c’est comme avancer, tourner la page d’un livre. C’était une époque sombre et Sirius n’est pas assez naïf pour croire que c’est tout à fait finit. Quand il pose la tenue sur la table et qu’il s’adresse joyeusement à Ilea, il sait qu’il lui reste du chemin à parcourir. Mais ça ne lui fait plus peur. Il a une épaule, quelque part où s’échouer quand il coule. C’est rassurant de sentir la présence toute proche d’Ilea.
Elle attrape la robe tout en le taquinant légèrement. Tandis qu’une terrible rougeur monte sur les joues du garçon, la rousse s’éclipse. Le visage d’Etna s’est immédiatement imposé dans son esprit. Pourtant son sourire s’affaiblit un peu. Ça fait quelques mois qu’il ne lui a pas parlé. Parce que tous les deux, ils ont peur. Depuis Halloween, depuis que les souvenirs de leurs futur(s) se sont mêlés aux leurs, c’est perturbant. Perturbant de s’imaginer une femme que l’on aime pas, perturbant de s’imaginer lui donner des enfants et de ne pas l’aimer. Ça lui semble étrange, que lui, entre tous, n’épouse une femme qui le passionne. Au final il a bien compris. Sirius, quelque soit la dimension, n’aime qu’une seule femme et elle s’appelle Etna. C’est bien ça qui fait peur. Un amour aussi exclusif et aussi intense, quand on a 16 ans, ça fait terriblement peur. Alors ils doutent, hésitent et esquivent. C’est normal. Il rougit et hoche la tête, oubliant qu’Ilea ne peut pas le voir et baragouine une réponse gênée.
« Je … J’ai pas de copine. Ou de copain d’ailleurs. Pour ce que ça change, aha. »Il ajoute rien et se tortille les doigts un instant avec un sourire stupide en pensant au bref contact des lèvres de lui plus vieux sur celles d’Etna plus vielle. Il secoue la tête et va attraper les biscuits. « Comme d’habitude » le sourire s’étend. C’est un peu chez lui aussi, ici. Il attrape un biscuit et le fourre tout entier dans sa bouche en s’installa à la table. Il attend patiemment que la jeune femme ressorte.
« Wow. » C’est chose faite. Elle resplendit, un diamant brut dont il n’a fait que taillé légèrement les bords. Il s’enflamme, la bouche grande ouverte alors qu’elle tourne sur elle même pour lui faire voir le résultat de son travail. Il savait d’avance qu’elle serait sublime dans cette robe. Après tout, il l’avait faite pour elle. Mais, ça surplombait toutes ses espérances. Il agite les mains dans tous les sens. Il la coupe même dans ses paroles.
« Tutututu ! Tu es littéralement l’une des plus femmes que j’ai vu dans ma vie, et je veux être styliste, donc des belles femmes, j’en vois des centaines. Alors s’il te plaît crois moi quand je te dis que tu es magnifique. Tu es comme un diamant brut, je n’ai qu’à te polir un tout petit peu pour que de sublime tu passes à féerique. Cette robe, Ilea, est faite, littéralement, pour toi. Elle te va à la perfection. Je suis immensément flattée de t’avoir comme modèle. » La conversation n’alla pas plus loin. Un bruit les arrête. Un bruit que Sirius reconnaît avec aisance. C’est une éclosion. Les deux jeunes gens se précipitent vers l’œuf et l’un à coté de l’autre, ils assistent à la naissance d’un nouvel être. Petite chose marron et douce, c’est un Evoli qui s’éveille à la vie sous leurs yeux. Et il porte ensuite ses yeux chocolats sur la jeune femme l’air surpris.
« Moi ? Tu … tu es sûre ? » Elle l’est. Et lui est flatté. Il s’installe en tailleur face à la jeune femme dans sa belle robe rouge et du bébé pokemon qui le regarde avec de grands yeux innocents. Presque immédiatement, l’une de ses histoires préférées lui vient en tête. Les Sept Sœurs à jamais réunies dans les étoiles. Il caresse la peluche marron et réfléchit un instant de plus. Le nom doit être parfait et plaire à Ilea. Il s’en voudrait tellement s’il se trompait. Et l’évidence le frappe. De la constellation du taureau. Membre des Pléiades.
« Electre. Qu’est ce que tu en penses ? »Son sourire est rayonnant. C’est vraiment la maison ici.
★★★★★
(future)
Ce sera aujourd’hui. Dans quelques heures, Ilea montera sur scène et défilera, dans la robe rouge qu’il lui a confectionné avec soin pendant ce mois et des poussières. Elle défilera, avec ses allures de modèle et sera sublime. Sirius n’en douta pas une seconde ce matin là. Elle sera resplendissante et lui, l’observera derrière les rideaux, observant cette scène qui dicte la moindre seconde de sa vie.
Elle sera sublime Ilea, quand elle descendra l’allée, ses longs cheveux rouges élégamment remontés en chignon bas. Elle sera magnifique et mettra parfaitement en valeur la robe rouge à la ceinture étoilée. Elle sera incroyable quand accrochée à son bras, ils iront récupérer le prix de la seconde place. Ce sera peut-être qu’une médaille d’argent aux yeux du monde, mais ce sera leur grande victoire à eux. Le début d’une nouvelle ère, une ère où ils ne seront plus vraiment seuls parce que quand ils regarderont à leurs cotés, il y aura cette silhouette familière. Et ce sera ça, ce sera ça que Sirius voudra appeler famille. Ce sera ce sentiment d’appartenance de tendresse de douceur. Ce sentiment qui ne leur appartiendra qu’à eux. À lui et à elle.
Ilea et Sirius, c’était deux gamins perdus. Ilea et Sirius, c’est deux gamins qui s’apprivoisent. Ilea et Sirius, ce sera une famille.