Il faisait froid. Et il bruinait. Le jour parfait pour une sortie en ville, pas vrai ? Ouais non, ce n’était pas l’idée du siècle. Rodrigue soupira, en s’emmitouflant dans son gros manteau d’hiver avant de poser bonnet gris sur la tête. Suivirent son écharpe noire et ses gants en laines de la même couleur. Mis à part son jean bleu, il était entièrement paré de couleurs monochromes et sombres. Paré pour un enterrement, quoi. Mais il fallait qu’il sorte aujourd’hui, puisqu’il avait déjà trop tardé et que les endroits où il devait aller venaient juste de rouvrir. Attrapant son parapluie, sa sacoche et l’étui de son sitar il se dirigea vers la sortie, étouffant un deuxième soupir. Ah mince, les Pokémon… Qui allait venir avec lui ? Optant pour Grindur, Baudrive et Crabicoque, il laissa le soin à ses lieutenants de maintenir en place le reste. Shaofouine et Gringolem ne seraient pas de trop pour cette tâche ardue. Luxray était de sortie, parti s’entraîner avec Lamantine et Ludicolo près du lac ce qui contrariait un peu le Dresseur : il voulait aller repérer quelques habits pour ses Pokémon après avoir fini ce qu’il avait à faire et aurait bien voulu les avis de son starter, enfin bon.
S’il descendait en ville aujourd’hui c’était avant tout pour la révision annuelle de son instrument fétiche. Malgré le fait qu’il ne l’utilise plus de trop et laisse passer beaucoup trop de séances d’entraînement à son goût, il tenait à garder le sitar en parfait état. Après tout c’était un de ses biens les plus précieux et il abandonnerait toute sa bibliothèque pour lui. Il faut dire que la belle pièce avait pas mal d’histoire derrière elle. S’il n’en jouait plus autant qu’à un moment, trop pris par ses cours, les rares moments où il sortait l’instrument de sa housse étaient toujours respectés par tous. Ses Pokémon se calmaient, son frère observait un silence religieux et Rodrigue se prenait parfois à chanter malgré sa timidité. Ces rares moments étaient particulièrement chers à son cœur, l’entretien de leur source était tout bonnement une nécessité pour lui. Et ça tombait bien, parce que la boutique qui avait reçu son approbation rouvrait de ses vacances de fin d’années. C’était donc le jour parfait, même si le temps ne s’y prêtait pas. Les quelques regards étonnés des passants qui voyaient le jeune homme marcher, son parapluie protégeant un étui plutôt que sa tête, ne le dérangeaient pas.
Enfin il arriva à destination. La boutique en question faisait l’angle d’un carrefour des rues commerçantes. Outre leur service de maintenance, ils vendaient aussi du neuf et des accessoires. Pour entretenir ses autres instruments, il venait aussi ici. Mais pour les travaux les plus importants, il renvoyait le tout à Rivamar où ses parents se chargeaient du reste. Tout en poussant la porte, il retira son bonnet qu’il rangea dans sa sacoche, laissant ses cheveux blonds partir dans tous les sens. Eux aussi auraient bien besoin d’un bon coup d’entretien. Mais ce n’était pas au programme du jour : pendant l’inspection et les petites réparations du sitar, il avait prévu d’aller faire le plein de chocolat, d’aller s’acheter quelques habits pour le printemps mais aussi d’aller faire du lèche-vitrines dans quelques libraires. Il avait finalement réussi à se fixer un budget niveau livres et il l’avait déjà explosé en une semaine.
S’approchant du comptoir, il salua le vendeur, qui commençait à bien le connaître. Rodrigue posa ensuite le grand étui sur la surface plane et il manquait quasiment de place : le contenu était bien grand, lui arrivant facilement au menton. Et encore, il avait un petit modèle. L’instrument à corde fut sorti et inspecté au regard afin que le blond puisse avoir une estimation du temps que l’opération allait prendre (il venait sur rendez-vous pour que ce soit fait directement et qu’il n’ait pas à revenir le chercher un autre jour) La peinture était comme neuve, les différents tons bleus rappelant toujours autant la mer, tout comme les clefs qui rappelaient de petits coquillages. La tête partait toujours en trois pointes parfaitement polies afin de ne pas se blesser dessus. Oui, il n’y en aurait pas pour long. En attendant d’entendre le résultat, le Phyllali regarda autour de lui, profitant du cadre calme et … moderne-ancien de la boutique. Oui, tout était protégé par de belles vitrines immaculées mais dans un cadre qui sentait le poids des âges. Cette atmosphère toute particulière donnait un certain charme à l’endroit. Il y avait peu de clients, principalement de vieux musiciens qui passaient leur journée ici, mais ce n’était pas toujours le cas, certains élèves venaient aussi ici. Le chercheur mélomane ne prêtait habituellement pas trop attention aux autres clients, il vérifiait juste que ses Pokémon n'importunaient personne. Pour le moment Baudrive flottait tranquillement dans les rayons donc aucun souci.