Je n'allais clairement pas bien. Ce n'est pas la peine de me mentir à moi-même. J'ai conscience de mon état et des risques que je prends en continuant dans cette voie. Mais je l'ai accepté. A la seconde où j'ai dit oui à Max, je savais ce qui m’attendait à la fin du parcours. Je ne me suis jamais faite d'illusion à ce sujet. Je connais ma façon de raisonner et mes méthodes. Dans l'heure qui suivait cet instant du mois de juillet, tout était planifie. Du déroulement jusqu’à la conclusion. Et cela me convenait tout à fait. Et aujourd'hui je ne regrette rien du tout. Tout n'est pas toujours simple, calme comme un fleuve tranquille mais je me dis que ça fait partit de la vie et des épreuves qu'elle nous réserve. Mais rien que pour cette situation, je crois que j'ai sous-estime sa difficulté.
Sirius est un être différent. Il n'est pas comme tout le monde. Chacun est différent c’est sûr, mais lui ce n'est pas pareil. Il est en quelque sorte mon point faible. Il peut lire en moi comme si on se connaissait depuis des années. Il voit toujours là ou ce ne va pas, là où les autres ne voient pas. Et le plus frustrant dans cette histoire, c'est que je suis incapable de le faire pour lui. Ruru l'a très bien compris et aujourd’hui elle a décidé de faire appel à lui en quelque sorte. Le brun était souriant comme à son habitude. Il évoque rapidement sa cheville mais éclipse vite le sujet sur moi. Moi.
J'ai bugué. Je ne savais pas quoi faire, quoi dire. J'ai cru que le chant allait m'aider à le sortir de ce mauvais pas, que comme dans les contes de fées, tout allait s'arranger par la bonne humeur et la musique. Mais il faut croire que non. Il n'en fallut pas beaucoup, seulement quelques mots pour briser cette idylle. Un mensonge. Oui c'est un mensonge. Le grand garçon attrape ma main bandée mais n’osa pas en faire plus. Il fixait simplement mes doigts, à la recherche de réponse. Il les attend, il les veut. Mais moi je ne veux pas lui donner. Je ne veux pas qu'il sache ce que j'ai fait.
Dans un mélange de douceur mais tenace, Sirius m'embarqua vers les escaliers, particulièrement vide mais logique pour un samedi. Assis sur les marches l'un à cote de l’autre, il essaie de me rassure, de me réconforter. Il utilise des mots doux, des mots gentils mais que je n'arrive pas à prendre comme je le devrais. Le regard fuyant, je n'arrive pas à le fixer dans les yeux. Trop peur de son jugement. Un moment même, il me surprend à me prendre à demi dans ses bras, comme un grand frère réconfortant sa petite sœur. Ces derniers mots me touchent. Je ne pensais qu'il me voyait de cette façon, que j'avais une telle place dans son cœur. Je pensais être une simple amie parmi d’autres. Une jeune fille parmi d'autres. Sirius est populaire. Il a beaucoup d'amis. J'avais l’impression de n’être qu'une petite pièce de ce puzzle que forme son cercle d’amis. Finalement, je suis peut-être un peu plus qu'une simple pièce.
Qu’est-ce que ça va m’apporter de lui montrer la vérité ? Parfois on dit qu’il vaut mieux ne pas savoir, ne pas chercher à comprendre des choses qui pourraient nous blesser. Vivre dans l’ignorance pour mieux se protéger. C’est souvent ce que font les jeunes enfants. Mais les adultes aussi le font. A tout âge, nous avons besoin de défendre notre esprit contre quelque chose qui nous fait du mal. Mais cette fois, ce n’est pas mon esprit qui risque d’avoir mal, c’est celui de Sirius. Celui de mon ami. Moi aussi je tiens à lui, je ne veux pas lui faire du mal, je ne veux pas le blesser. Mais je crois que ses mots m’ont convaincu.
Délicatement, je détache la première bandelette de ma main puis laisse glisser le reste au sol. Ma véritable blessure n’est plus cachée. La plaie en croix violette est découverte. Et le brun à côté de moi peut la voir. C’est le premier à la voir, à voir ma main abimée par les épreuves que je me suis imposée. La main dos contre sa cuisse, j’attends. Doucement, je lève les yeux vers mon ami. Je veux voir son visage. Je veux le voir.
***
A quoi je m’attendais ? Qu’est-ce que j’espérais en faisant ce geste ? Je n’en sais rien. Mais je sais déjà que je regrette de lui avoir montré. Son regard, d’abord surpris puis inquiet, trahit tout ce qu’il pense de moi à cet instant. De la peur, de l’inquiétude, et peut être un peu de pitié. Il n’ose rien dire. Mais j’ai bien compris ce qu’il pensait, je n’ai pas besoin de mot pour comprendre. Doucement, je me lève de cette marche et me place devant lui, pour lui parler.
Une amie avait besoin de moi. J’ai promis que je l’aiderais, et c’est ce que j’ai fait. Je l’ai fait à ma façon, avec mes méthodes. Et voilà où elles m’ont conduites.Le regard du garçon ne change pas, toujours à me dévisager avec pitié. Mes yeux deviennent humides. Une certaine rage emplie mes mots et mes pensées. Inconsciemment, je me mets à la déverser sur lui. Sans m’en rendre compte, ce sont mes faiblesses que je jette sur l’un des plus gentils garçons que je n’ai jamais rencontré.
Mais pourquoi toi tu ne veux pas faire comme tout le monde en écoutant mes mensonges sans te poser de questions ?! Pourquoi tu ne peux pas simplement plaisanter sur ma maladresse et me dire de faire attention quand je te dis que je me suis coupée ?! Pourquoi tu ne veux pas être comme tout le monde, à simplement me sourire et passer ton chemin ?! Pourquoi tu cherches toujours à lire en moi ?! Sirius, pourquoi tu ne veux pas être comme tout le monde !Mon poing gauche est serré. J’ai mal. Je me mords les lèvres, et une larme coule sur ma joue gauche. Je ne sais pas quoi faire ni quoi dire. Je ne sais pas comment je dois me comporter face à lui, qui je dois être. De ma bouche ne sort que des mots de rage contre moi-même, contre mes faiblesses.
Pourquoi tu ne veux pas…