« Est-ce une star en déconfiture ? Est-ce une étoile du futur ? » Autant de questions que chacun peut légitimement se poser lorsqu’Anemone entre en scène. Où qu’elle aille, sa silhouette passera aussi inaperçue qu’une mystérieuse apparition de l’astre solaire en pleine nuit ; on découvrira alors que l’endroit était une scène munie d’un projecteur qui semble conçu spécifiquement pour être pointé droit sur la jeune fille. Chaque détail de son apparence ne fait que renforcer cette aura involontaire : de ses longs cheveux verts formant deux gigantesques spirales autour de son visage jusqu’à ses élégantes bottes à talons, tout en passant par ses innombrables accessoires tous plus miroitants les uns que les autres, Anemone paraît sortir d’un conte de fées. Ses grands yeux bleus s’empliront d’une légère timidité et sa démarche se fera quelque peu hésitante lorsqu’elle s’apercevra qu’on la regarde ; mais elle continuera à sourire innocemment, inconsciemment et inconsciente. Ses longues et délicates robes volent au vent tandis qu’elle traîne derrière elle une valise que l’on croirait si lourde pour ses frêles bras... Pour sûr, si son apparence trahit une forme de noblesse, de sang ou de richesse, alors son cœur doit également posséder dignité et assurance, n’est-ce pas ? Si ses traits juvéniles ne s’empourprent pas d’attirer sur elle tant d’attention dès qu’elle sort de chez elle, c’est qu’Anemone possède les qualifications requises pour être une véritable princesse et en est bien consciente, n’est-ce pas ?

Pourtant, la réalité est plus mitigée. Peut-être que son innocence fait justement partie de ces caractéristiques auxquelles on s’attendrait de la part d’une princesse, en effet, tout comme son manque de contact avec la réalité. On peut deviner qu’elle considère son statut comme « normal », sans vraiment chercher à en changer. Mais la raison de cette attitude stagnante est plutôt différente : Anémone est profondément indécise. Pour combler le vide laissé par cette indécision, la jeune fille a intégré le mécanisme social de l’adaptation : si elle se contente de faire ce qu’on attend d’elle, elle n’aura pas à réfléchir sincèrement sur ce qu’elle souhaite elle-même, n’est-ce pas ? Ayant vécu sa courte vie à obtenir tout ce qu’elle aurait pu désirer avant même de se rendre compte qu’elle le désirait, Anemone a perdu toute trace de ce qu’elle souhaite vraiment. D’un naturel calme, modeste et paisible, le statu quo est alors peu à peu devenu son mode de vie à part entière. Anemone évitera le conflit et se complaira dans une douce passivité. Cependant, elle n’a pas non plus la force de volonté de changer ses habitudes vestimentaires, décidées pour elle par sa mère dès sa tendre enfance, ce qui crée des complications supplémentaires : à la voir, il est facile de penser qu’elle a quelque chose à prouver, alors qu’Anemone ne pense en vérité qu’à se laisser bercer par le long fleuve tranquille de sa propre vie. Inconsciente de l’emprise des autres, et principalement de ses parents, sur son comportement et ses envies, elle possède une certaine naïveté qui peut sembler touchante ou au contraire, irritante au possible, selon le point de vue. Sa sempiternelle gentillesse parfois teintée de maladresse viendra apaiser ou attiser les tensions, au choix du client.

En fin de compte, la personnalité d’Anemone s’est construite en fusionnant les intérêts de ses deux parents : c’est pourquoi elle parlera de ce que chacun lui a apporté lorsqu’on lui demandera ses centres d’intérêts. Pourtant, le petit oiseau en cage hésitera en son for intérieur. Est-ce vraiment ce qu’elle apprécie, elle ? Avec le temps, il devient impossible de ne pas se soucier du regard des autres : mais quelle image renvoie-t-elle donc ? Celle d’une ballerine automate, dansant au son d’une boîte à musique aujourd’hui obsolète, ou bien celle d’une princesse à tout moment capable de redevenir grenouille ?

Car en vérité, il suffit d’un instant pour perturber les idées reçues que l’on peut imaginer à son sujet. En effet, s’il est facile de deviner à travers ses vêtements que sa mère est une coordinatrice renommée, grande appréciatrice du strass et du spectacle, il est plus dur de trouver ce que son père lui a transmis. Puis, un beau jour, lorsque sonnera le glas du hasard, Anemone dévoilera avec une violence tranquille la passion de son père... à travers ses connaissances en kickboxing, discipline où il s’avère exceller et espère bien que sa fille excellera également. Anemone n’a pas plus de sincère intérêt pour l’art martial que pour la coordination, mais tout comme elle a intégré l’élégance de l’apparence à travers sa mère, elle a tout aussi bien intégré bon nombre de techniques martiales enseignées par son père. Son caractère de pacifiste dissimule la plupart du temps cette partie de ses compétences, mais qui sait ? Un accident est si vite arrivé. Ses bras sont tout à fait capables de traîner cette valise, ne vous en faites pas. Sous ses beaux atours, Anemone possède un corps peut-être pas d’athlète, mais au moins de sportive, contrairement à ce qu’on pourrait croire.

Perdue entre deux eaux, entre deux chaises, entre tant d’attentes différentes à son sujet, Anemone a du mal à considérer quel genre de personne elle est. Se couper de ces relations sociales toujours si ambiguës nécessiterait plus d’efforts et de changement qu’elle ne pourrait le supporter, aussi Anemone reste sociable ; mais elle apprécie grandement les pokémons et le temps qu’elle peut passer avec eux sans avoir besoin de « convenir » à qui que ce soit. Tout particulièrement, elle aime les pokémons de type fée : elle se retrouve en eux comme dans sa psyché, chaleureux reflet d’une douce illusion. Leur apparence adorable contraste bien souvent avec leurs véritables capacités, et eux aussi doivent faire face à des attentes qu’ils ne peuvent statistiquement pas tous avoir envie de satisfaire... Plus ou moins consciemment, cette fascination représente un rare éclat d’introspection de la part d’Anemone. Quelque chose qui lui appartient, et non pas qu’elle a hérité d’autrui. Mais son séjour à Pokémon Community la poussera-t-il dans cette direction, ou le vent soufflera-t-il à l’opposé de ses attentes ? La fille du vent se verra-t-elle pousser des ailes ou bien se laissera-t-elle flotter voire emporter au gré des caprices d’un ouragan ?

Il était une fois une reine et son roi, habitant tous les deux dans leur palais d’argent ; passionné, noble, riche, et aimant à la fois, ce couple plus que tout désirait un enfant. Pourtant, tous leurs efforts n’aboutissaient à rien ; malheureux coup du sort, tout leur paraissait vain. La coordinatrice à l’instinct maternel perdait de sa superbe, écourtait ses spectacles ; le roi, sans sa lumière, comme dans un tunnel, n’avait plus de vigueur, priait pour un miracle. On voyait désormais qu’ils n’étaient point royaux : de simples amoureux aux points faibles normaux. La gloire et la richesse qu’ils avaient obtenues ne pouvaient désormais suffire à leur bonheur. Leurs cœurs vides de liesse avec cet imprévu étaient plus que jamais noyés dans le malheur.

« Chéri, je... je suis enceinte ! Enfin ! »

Eclair dans le brouillard, éclaircie dans l’orage ! Cette bonne nouvelle, alliant dans son sillage surprise et cris de joie, rendit aux amoureux joie de vivre et gaieté, un avenir radieux ! Quelques neufs mois plus tard naquit jeune Anemone. Une enfant si charmante au regard si brillant, qu’en croisant son sourire, certains dirent « Elle rayonne ! ». L’amour qu’elle recevait, tel un flot déferlant, correspondait non pas à elle seulement, mais aussi une sœur, un frère inexistants.

« Maman, pourquoi les autres ils ont des frères et sœurs et moi pas ? »
« ... »

Pour toujours fille unique, Anemone grandit couverte d’affection, bien couvée dans son nid. Dès lors, ses deux parents inconsciemment cherchèrent à se rapprocher d’elle en partageant leur art. Chacun était patient mais défendait sa part : et le père et la mère avaient leur caractère... La coordinatrice, égérie de la scène, respirait la grandeur comme son oxygène. Elle désirait donc que son enfant l’imite et devienne à son tour une élégante star, qu’elle et ses pokémons dépassent les limites et obtiennent ensemble rubans et oscars. Son père, a contrario, était un grand sportif : il n’abandonna point face aux abords chétifs de sa tendre Anemone et la prit sous son aile. Il l’a donc initiée à son sport favori : le kickboxing et, force d’amour paternel, contre toutes attentes, le sport lui réussit. Se posait désormais un tout autre problème : entre ces disciplines, il lui fallait choisir. Laquelle était première et laquelle deuxième ? L’indécise Anemone avait-elle un désir ?

« Anemone, ma chérie, à ce niveau, tu ne peux pas suivre ton entraînement avec ton père si tu veux continuer à venir assister aux concours... Je sais que tu aimes passer du temps avec lui, mais tu préfères les concours, non ? »
« Tu dis ça uniquement parce que tout le monde la complimente sur les tenues que tu lui choisis... mais ce n’est pas parce qu’elle ressemble à une poupée qu’elle aimera forcément la coordination ! Anemone, tu es faite pour être une athlète. C’est ce que tu veux, non ? »
« Je... ... J’aime... les deux ? »

Un innocent mensonge, un sourire penaud. Nul ne l’intéressait au point de décevoir l’un de ses deux parents qui ne l’aimaient que trop. Chacun voyait en elle un reflet de miroir. Pourtant, bien malgré elle, ils désiraient un choix, et décidèrent donc de l’envoyer là-bas : sur cette île Lansat, dans cette académie, quelle que soit la voie qui guiderait sa vie, la fleur s’épanouirait et peut-être qu’enfin, le chemin qu’elle prend ne sera que le sien ?...
I