Marie remit une mèche de cheveux en place.
Elle se laissait bercer par les secousses du car. Elle appréciait voir défiler devant elle le paysage. La forêt, la jungle, puis progressivement, la ville, et enfin, l'océan. Vaste. Immense. Une vie entière ne lui suffirait jamais à l'explorer dans sa globalité. Alors, la planète entière... ? Ce n'était même pas la peine d'imaginer la chose.
Ce qui était certain, c'était qu'en restant sur Lansat, elle se restreignait à parcourir le monde. Cela pouvait paraître triste, certes, mais Marie restait pragmatique : si elle devait quitter l'île, cela serait pour quoi faire ? Elle n'avait nul part où aller. Pas de maison. Pas de famille. Aucune terre natale, ni d'attache particulière.
Alors elle restait là. Elle gâchait peut-être d’innombrables occasions, mais à ses yeux, seulement sur le court terme. L'académie lui permettrait d'acquérir l'expérience et les moyens de ses ambitions, et lorsque elle sera devenue une Ranger accomplie, elle pourra arpenter Almia de part en part. Et peut-être plus.
Il n'était pas encore l'heure de quitter la Pokémon Community.
Pour elle, tout du moins.
Maxine Arago allait partir. Elle faisait comme Alban Abernaty avant elle. Marie en ignorait les raisons – et elle en avait très certainement des bonnes, mais à vrai dire, elle s'en moquait complètement. Elle était libre de faire ses choix pour son avenir, et la Mentali n'avait certainement pas à les critiquer ou les juger. Dès lors, inutile de les connaître.
Elle soupira. Et elle ? Quand saura-t-elle que son moment sera venu ? Le moment de déployer ses propres ailes, de s'envoler vers sa destinée ? Elle l'ignorait. L'accomplissement était un sentiment étonnement étranger à la demoiselle. Ce qui pouvait surprendre, de la part d'une fille si distinguée et érudite. Et pourtant... La vie de Marie n'était qu'une succession d'échecs, de tentatives désespérés qui n'aboutissent à rien. Elle espérait qu'elle parviendrait à mener ses études à leurs termes.
Même si elle ne savait toujours pas à quoi cela pouvait bien correspondre.
Après tout, le système mis en place par l'académie était bien singulier. A peu près n'importe quel élève pouvait la quitter diplôme en poche, pour peu qu'il soit resté assidu pendant quelques années. Il y avait bien un système de grade témoignant de l'implication des adolescents, mais cela aboutissait tout au plus à une mention spéciale sur le certificat remis au départ de l'école. Ainsi, il n'y avait aucun élément concret permettant d'attester de l'aboutissement des études.
Ce qui n'arrangeait pas Marie. Elle aimait pouvoir se fier à des choses concrètes et qualitatives.
Le car s'arrêta.
La Mentali se leva d'un bond, et descendit du bus. La brise marine vint balayer ses cheveux, et elle dut à nouveau écarter une mèche. Elle devrait peut-être songer à les couper.
Elle avisa le port. Si elle n'était pas arrivée trop tardivement, Maxine devait être dans les parages. Il lui fallait trouver le quai correspondant au ferry à destination de Port Tempères, à Kalos.
Ce qu'elle fit.
Arago se tenait droite, aux côtés de son Diamat. Les yeux perdus dans l'horizon, elle attendait patiemment de pouvoir traverser le dernier rempart qui la séparait du reste du monde.
L'océan. Vaste. Immense.
Marie s'approcha.
« -Dame Arago ? »Elle n'avait pas souhaité surprendre Max, mais nul doute que cette interpellation soudaine l'eut fait à sa place. Lorsque la blanche eut l'attention de la Givrali, elle fit une révérence polie, comme à son habitude, puis se redressa. Elle passa alors sa besace devant elle, et en tira une pièce de carton. Petite, rectangulaire. Et avec quelques inscriptions dessus.
Marie la lui tendit.
« -Tenez. J'avais préparé cela pour l'ouverture officielle du Club de Lecture, mais... » un léger sourire se dessina sur ses lèvres
« Je n'en ai plus vraiment l'utilité, désormais. »Il s'agissait d'une carte d'adhérent.
Extrêmement sobre – du fait Marie, quoi –, elle contenait simplement le patronyme de son propriétaire, et un petit message signalant son appartenance à l'association étudiante.
La Mentali attendit que Max la saisisse pour reprendre, hésitante.
« -Je... » elle détourna le regard, et fixa la ligne se dessinant à l'horizon
« Je suis admirative du courage dont vous faites preuve, vous, Dame Sozuy, et Messire Abernaty. » elle plissa les yeux, sans se détourner de l'océan
« Être capable d'ainsi tourner la page, aller de l'avant... Ce n'est pas quelque chose que je me sens encore prête à faire. » elle baissa la tête
« Cela serait avouer que j'ai passé une étape. Celle de la découverte, de mes premiers pas en tant que Pokémon Ranger... » elle releva le menton, et observa enfin Max droit dans les yeux
« J'en suis encore parfaitement incapable. »Elle passa une main dans ses cheveux, gênée. Sa tendance à l'épilogue n'aidait pas vraiment à établir une discussion sereine, dans de telles circonstances.
« -Je vais être franche : je ne vous connais pas, Dame Arago. Pas autant qu'il m'ait été donné de connaître Messire Abernaty... Toutefois, je sais qu'il tenait énormément à vous. » elle se rectifia immédiatement
« Qu'il tient toujours à vous. » elle inspira
« Et du peu que j'ai pu constater... Je sais que vous êtes une bonne personne. L'une des rares... A être passée outre de mon attitude... Désobligeante, je dois bien le reconnaître. Et pour cela... Je vous en remercie. »Marie fit une nouvelle révérence. Puis elle fit un pas en arrière, sur le départ.
« -Désormais, je ne peux que vous souhaiter bon courage pour la suite. Que vous... Et vos Pokémon, soyez comblés. Je l'espère de tout cœur. »Elle fit volte-face. Seule une main se souleva en guise de dernier au-revoir, couplée à ces ultimes paroles.
« -Prenez simplement garde à ne pas trop exhiber votre passion débordante pour les sols, à l'avenir. »Et elle s'en alla. Sans même s'arrêter, sans même un regard en arrière. Marie laissait derrière elle ce qui était peut-être le dernier lien qu'elle avait avec Alban Abernaty. Le long du quai, une bourrasque vint secouer ses cheveux, alors qu'elle retournait tranquillement vers l'arrêt de bus. Calme. Sereine.
Arrivée à la station, elle s'arrêta, et s'assit sur le banc.
Une page se tournait, tandis qu'elle jetait une œillade dans son dos.
L'océan était toujours si vaste. Et immense.
Il pourra bien attendre qu'elle quitte à son tour l'académie.
HRP :
Réponse du yolo presque un mois plus tard.