Couverte de son chaud manteau divers, Ilea traverse les rues matinales de Nuevo pour rejoindre son bus, direction l’académie pour une nouvelle journée de travail. Aujourd’hui elle commence tôt. Sa présence est exigée à 8 heures, comme tous les vendredis. Matinale, la rousse souffle sur ses mains déjà couvertes par des gants pour tenter de se réchauffer, sans grand succès. Attitude qui a d’ailleurs attiré l’attention du pokemon d'un commerçant, un Lipouttou père Noel, prêt à offrir ses grands bras pour la réchauffer. Pressée, la jeune femme a dû lui dire à plusieurs reprises qu’il était inutile de la suivre et qu’elle allait très bien, jusqu’à ce que finalement ce soit l’arrivée du bus en direction de la pokemon community qui la sauve de ce pokemon un peu trop collant. Après une vingtaine de minute de bus, la jeune femme est déposée devant l’école. 7h44, ça va lui laisser un peu de temps pour aller se chercher un chocolat chaud en salle des professeurs avant d’attaquer sa journée. Elle a encore certains dossiers à trier, notamment ceux entre les nouveaux et anciens élèves de l’école partis avant la rentrée. Après quoi, elle ira dans les couloirs à la rencontre des étudiants jusqu’à midi. Matinée classique.
Une fois dans la salle des professeurs, la rousse dépose son manteau sur l’attache qui convient avant de s’approcher de la machine pour se choisir sa boisson. Petit rituel depuis le début de l’hiver, Ilea ne regarde même pas l’écran, préférant saluer les premiers professeurs arrivant à l’étage réservé au corps enseignant. Une fois la boisson chaude sortie du distributeur, elle place ses deux mains contre le gobelet en carton avant de porter le liquide à ses lèvres. Immédiatement, elle le retire de sa bouche, une drôle de mine affichée sur le visage. Ce n’est clairement pas son chocolat chaud. On dirait plus du lait de poule particulièrement épicée. A tous les coups elle est allée trop vite en sélectionnant sa boisson. Ilea soupire avant de reprendre sa dégustation, désireuse de ne pas gâcher. Au moins ça aura le mérite de la réveiller.
Il est 7h55 quand le professeur Roseverte entre dans la pièce, une grosse pochette en carton à la main. L’ensemble du corps professoral et donc présent, sauf Yade. D’habitude il arrive en avance pour lui aussi prendre son café avant de commencer les cours. Comme si le professeur de science avait lu dans ses pensées, il se dirige vers elle avant de prendre la parole.
- Ilea je crois que Percy va avoir besoin d’aide. Je ne sais pas quelle idée lui a pris de vouloir avancer ses cours avec trois mois d’avance en pleine nuit mais le résultat est là. Il est incapable de sortir du lit, beaucoup trop fatigué pour tenir devant une classe de nouveaux tout excités. Il m’a donc demandé si vous pouviez tenir le cours de ce matin à sa place. Il m’a laissé le texte que vous devez faire passer aux élèves.
La jeune femme déglutit. Être éducatrice c’est une chose, être professeure en est une autre. Même si ça ne dure que 3 heures, il faut quand même qu’elle puisse tenir une classe sur un sujet qu’elle ne connait pas. Aura-t-elle l’autorité suffisante pour tenir un groupe de 30 élèves impatient d’être en week-end ? Aura-t-elle les compétences nécessaires pour parler d’un sujet qu’elle ne maitrise pas forcément ? Voyant le désarroi sur le visage de la rousse, Roseverte reprend.
- Ne vous inquiétez pas. Pendant longtemps Percy a eu du mal à gérer sa classe. Mais il a fini par réussir alors vous aussi vous pouvez le faire.
- Je ne sais pas si ça devait me rassurer mais je vais m’en occuper ne vous inquiétez pas.
Ilea reprend la pochette, sa veste, et quitte la salle des professeurs pour rejoindre la salle de cours. Au rez de chaussée, numéro 24. Personne dans le couloir, ils doivent déjà tous être entré. Après avoir respiré un grand coup une dernière fois, la rousse pénètre dans la pièce et referme derrière elle. 8 heures pile, le cours va pouvoir commencer. Un drôle de silence s’installe quand Ilea prend place au niveau du bureau de Percy Yade. Les murmures commencent déjà à voler dans tous les sens, tantôt des papiers administratifs à distribuer, tantôt un prof malade qui va leur permettre de rater le cours et elle surprend même les garçons du premier rang à demander si leur professeur ne serait pas mort. La jeune femme se retourne, pochette en main, avant de prendre la parole.
- Votre professeur ne pourra pas assurer son cours ce matin. C’est donc moi qui prendrais sa place. Certains d’entre vous m’ont peut-être déjà vu au sein de l’académie. Pour les autres je me présente. Je suis Ilea Alezar, éducatrice spécialisée. Je travaille donc à la Pokemon Community depuis la rentrée scolaire. Sortez vos feuilles et vos stylos pour prendre le cours. Aujourd’hui, cela sera sur….
La rousse, tout en parlant, essaie de décortiquer les notes laissées par Percy. Même si l’écriture est à peu près lisible, le sujet quant à lui n’a pour effet que de provoquer un immense vide dans le cerveau d’Ilea. « La position géographique de la région d’Hoenn et ses avantages économiques politiques et culturelles ». Un intitulé qui n’annonçait clairement rien de bon pour l’éducatrice. La jeune femme vient de Sinnoh et ne connait pas grand-chose sur les autres régions du globe. Il est évident qu’elle n’est pas en position pour parler de ça. En parcourant rapidement les notes, relativement décousues mais certainement compréhensible pour un professeur dans le domaine, Ilea ne se fait pas d’illusion. Elle ne pourra jamais donner un cours cohérent et intéressant à des élèves sur le sujet. D’autant plus que les adolescents commencent à s’impatienter et reprennent leurs bavardages entre eux. Bon allez Ilea n’hésite plus et prend l’initiative. D’un mouvement, elle lâche la pochette remplie de document sur le bureau, provoquant un « paf » suffisamment fort pour ramener le silence.
- Je ne vais pas vous mentir, je ne suis pas professeure de géographie et le cours que m’a laissé monsieur Yade ne me permet pas de vous faire classe dans de bonnes conditions. A la place on va faire autre chose. En revanche je veux un silence absolu et une écoute mutuelle, sinon je vous colle pendant trois heures sur le sujet qu’il m’a laissé si jamais vous étiez trop embêtant avec moi. Difficile, noté, et coefficient 4 bien sûr.
Instantanément, il n’y avait plus un seul bruit dans la classe de nouveaux. On aurait pu entendre une mouche volée. Joli coup de bluff puisqu’évidemment Percy n’avait pas du tout laissé de sujet d’examen à la rousse. Seulement voilà, Ilea a été étudiante aussi, et sait que la menace ultime c’est bien sûr le contrôle difficile et noté. Une fois assise sur le bureau, son sac posé à côté d’elle, la rousse reprend.
- Quel est votre rêve ?
La question les a tellement surpris que certains ont clairement affiché sur leurs visages de gros yeux ronds. Visiblement on ne doit pas souvent leur demander ce genre de choses. Même s’ils viennent juste d’intégrer l’académie, ils ont forcément un projet quelconque. Et c’est ça qu’Ilea veut savoir aujourd’hui.
- Ce n’est pas une question piège, je veux juste savoir ce que vous rêvez de faire une fois que vous sortirez diplômés de l’académie. Cela peut être des projets à long terme comme à court terme.
Certains yeux se baissent, comme réfléchissant à la question, pendant que d’autres se jaugent entre amis pour savoir quoi répondre. Mais le résultat est sans appel. Toujours cet effroyable silence dans la salle de classe. Finalement, histoire d’essayer de faire avancer la discussion, Ilea interroge une élève aux hasards. Les cheveux frissés, la peau mate, assise vers le milieu de la salle.
- Mademoiselle, quel est ton prénom ?
- Ezra Epicea, madame.
- Ezra, c’est un joli prénom. D’où tu viens ? Tu veux bien venir au tableau s’il te plait pour que tout le monde t’entende bien parler ? Désolé je t’en demande beaucoup. D’ailleurs ne m’appelez pas madame par pitié. Je ne suis pas votre professeur, je vous dispense donc de ces formules de politesse qui de toute façon ne me plaisent pas du tout.
L’étudiante finit par arriver au niveau petit estrade, juste à côté de la rousse avant de répondre.
- Je viens de Sinnoh. Mais mes grands-parents viennent d’Alola...
- Oh moi aussi je viens de Sinnoh. En revanche je n’ai pas d’origine alolienne, je suis une pure Sinnoïtes, Unionnienne pour être précise. Alors Ezra dis-nous, quel est ton rêve ?
- Heeeeu...je...en fait j’aime prendre soin des Pokemons...mais je veux pas être éleveuse. Mon père est éleveur et je sais ce que ça implique...mais je sais pas trop vers quoi me diriger...enfin pour le moment...j’aime apprendre des choses nouvelles sur les Pokemons, apprendre des techniques pour les rendre heureux...enfin...voilà...
- Ce sont déjà des premières orientations que tu as là, c’est une bonne chose. Du coup comme tu nous as dit que ton père était éleveur, tu veux bien en dire plus au reste de la classe ?
- Éleveur ? Éleveur c’est un métier de passion. On ne compte pas son temps ni ses forces. On ne doit pas avoir d’apriori pour certains types...quand on est éleveur on aime tous les Pokemons. On trouve à chacun ses qualités et on sait faire la différence entre un méchant Pokemon et un Pokémon mal dressé. Mon père m’a toujours dit que les Pokemons ne sont pas de nature méchante, ils le deviennent. Être éleveur c’est connaître chaque pensionnaire personnellement, connaître ses goûts, sa personnalité et travailler avec lui en conséquence. C’est partager sa patience et sa force. Pour être éleveur il faut être courageux et aimer les Pokemons a en mourir parce que parfois il faudra veiller tard pour des naissances, il faudra rester présent face aux douleurs. Il faudra donner de son âme pour aider et protéger ces Pokemons...voilà comment je vois le travail de mon père...
- Merci pour ton explication Ezra. Je pense que ça a pu aider d’autres personnes qui se demandaient ce qu’étaient exactement les éleveurs. Tu peux retourner t’assoir. Ça tombe bien la transition est toute trouvée pour la suite du débat.
La jeune femme descend de la table et se dirige vers le tableau. Elle saisit un feutre Velléda et trace un grand tableau avec deux colonnes. La première se nomme « suivre un métier fait au sein de la famille » et la seconde se nomme « quelque chose de complètement différent de ma famille ». Après avoir fini son tracé, elle retourne sur l’estrade et se tourne vers les élèves.
- Vous allez chacun votre tour passer au tableau et me faire un petit bâton dans la colonne qui correspond à votre rêve. Est-ce que ce que vous rêvez de faire est inspiré par une profession de vos parents, familles ou tuteurs ou est-ce quelque chose de complètement différent, inspiré par une expérience ? C’est parti qui se lance ? Au passage vous me rappellerez votre prénom quand vous irez au tableau, histoire que j’apprenne à vous connaitre.
Un des garçons du premier se lève et prend le crayon pour aller remplir la case appropriée. Rapidement, les élèves s’enchainent, les réponses et les prénoms aussi. La jeune femme se concentre pour associer chaque prénom à un visage. Ilea n’a pas trop de difficulté pour ça. Un peu de concentration et elle connaitra les prénoms de quasiment tout le monde d’ici la fin du cours. Une fois les trente étudiants passés au tableau pour le compléter, la jeune femme se retourne et fait un rapide compte.
- Sur les 30 étudiants, 13 veulent faire quelque chose de similaire à un membre de leur famille, tandis que 17 veulent partir sur complètement autre chose. Globalement, c’est assez équilibré. Alors est-ce que quelqu’un qui a coché la première colonne peut me dire ce qu’il veut faire ?
Beaucoup plus rapidement que tout à l’heure, une élève lève la main, faisant pétiller les yeux de l’éducatrice.
- Oui Gilda dis-moi !
- Eh bien, ma tante travaille dans une petite entreprise d’électronique. J’aimerais beaucoup faire la même chose qu’elle. C’est intéressant ça ! Donc je présume que tu vas suivre la filière scientifique mécano de l’académie ? La jeune fille hoche la tête avec le sourire.
- Bien, qui d’autre ? Un garçon finit par lever la main. Lannon dis-moi. Je m’appelle Lannion ma…Ilea. Bah moi mes parents travaillent dans leur propre ferme biologique et comme je suis l’ainé je dois reprendre le flambeau familial c’est comme ça.
Voilà exactement l’un des types de réponse que la jeune femme s’attendait à entendre dans cette salle de classe. Il est temps de rectifier le tir immédiatement. D’un pas déterminé, elle s’approche du jeune homme jusqu’à arriver juste à côté de lui, même si en réalité son regard scrute l’ensemble de la salle.
- C’est justement là où tu te trompes Lannion. Même si parfois vous désirez faire des choses que votre famille fait parce que ça vous intéresse, comme Gilda, parfois cela ne vous intéresse pas. Et vous avez parfaitement le droit de ne pas être spécialement intéressé parce que votre famille fait ! Il n’y a pas de mal à ça. Il ne faut pas croire que vous êtes obligés de faire comme eux parce que vous êtes leurs enfants ou que vous leur devez quelque chose. Vous êtes libres de votre destin, libre de faire vos propres choix. Forcément, tous les parents ont des attentes, parfois plus exigeantes que d’autres. Mais le mot d’ordre à votre âge reste la liberté ! Vous êtes libres de faire ce que vous souhaitez de votre futur, tant que vous respectez la loi évidemment.
Ilea s’éloigne pour revenir à une position un peu plus centrale, au milieu du couloir principal de la salle de classe. Elle regarde les élèves un par un, suspendus à ses lèvres.
- Alors ne vous mettez pas de barrière. Vous avez la chance d’être dans une académie qui vous permet de vous former dans de multiples disciplines et de vous ouvrir très tôt sur le monde. En sortant avec votre diplôme, vous aurez des capacités que beaucoup d’autres jeunes vous envieront. Alors ne gâchez pas tout ce potentiel à faire quelque chose que vous n’aimez pas. C’est vraiment très important alors j’insiste, et je suis sûre que Lannion n’est pas le seul dans cette situation.
Finissant son petit point leçon de vie, l’éducatrice jette un œil à l’horloge. Elle a encore du temps cela tombe très bien. Toujours avec le sourire, elle reprend les interrogations des différents élèves pour en apprendre plus sur eux et sur leur rêve. Chacun à la parole pour expliquer leurs projets ou au moins leurs idées. Parfois, les autres posent des questions en réaction à ce que dit un autre élève. De fil en aiguille, de longues discussions naissent que la jeune femme recadre régulièrement pour ne pas trop dériver. La rousse aime les entendre parler de leurs espérances, de leurs rêves, de ce qu’ils s’imaginent pour la suite. L’insouciance de la jeunesse lui donne le sourire.
La sonnerie de 11 heures finit par retentir, annonçant la fin du cours dispensé par l’éducatrice. Les voyant s’agiter, Ilea frappe dans ses mains pour ramener le calme ne serait-ce qu’une minute supplémentaire.
- Merci à tous pour avoir écouté avec attention ce cours. Je sais que ça n’avait pas grand-chose à voir avec un cours de géographie ordinaire mais j’espère que ça vous aura quand même plu. N’hésitez pas à venir me voir je suis là pour ça si vous avez la moindre question ou juste envie de discuter je suis là pour ça. Je vous libère, et bon appétit.
Après un merci collectif, les élèves ramassent leur cahier pour sortir de la salle en chahutant. Le repas préparé par Mama Odie attire les estomacs et en moins de 5 minutes la salle est entièrement vide. Rangeant la pochette cartonnée, Ilea ne voit pas arriver le professeur Roseverte, avec une autre pochette cartonnée dans les mains.
- Je suis désolé Ilea mais il semblerait que Percy se soit trompé de pochette ce matin et m’ait donné un cours qu’ils ne verront qu’à la rentrée des vacances de Noel. Au pire ce n’est pas grave ils auront de l’avance.
- Ça tombe très bien justement parce que je n’ai pas fait ce cours. Aujourd’hui on a plutôt fait une leçon de vie. Je suis éducatrice après tout pas professeur d’histoire géographie. Je vous laisse je suis de surveillance cantine ce midi. Bon appétit.
La rousse descend de l’estrade, sac à main à la main et sourire plaquée sur le visage. C’est justement pour des matinées comme ça que la jeune femme est devenue éducatrice spécialisée, et ce contre la volonté de ses parents.
Non, Ilea ne serait jamais médecin.
Alezar Ilea L'échec n'est qu'une opportunité de recommencer plus intelligemment ~ |
Appréciation J'ai beaucoup aimé ton appel d'offre ! Ilea est adorable et son désarroi face au sujet est juste parfait xD Quand à la manière dont elle gère la crise que sont les autres élèves, c'est vraiment chouette ! C'est très intéressant de voir Ilea qui s'implique autant à faire comprendre à ses petits monstres ce qu'elle pense et que chacun est maître de ses choix. (nico en aurait bien besoin ahaha) En tout cas, c'est une jolie tranche de vie que tu proposes, on voit bien qu'Ilea s'est intégrée au système éducatif de l'école mais qu'elle a encore à apprendre. Bref, très chouette ! Gain Tu gagnes 16 xps ! |