Derrière ses lunettes, Roméo ressemble à un jeune garçon doté d'une grande intelligence. Ce qu'il est réellement, un enfant doué de logique et de pragmatisme qui semblent impressionnés la plupart des adultes. Son cerveau, composé de plusieurs engrenages complexes, le mène à une attitude mature contre son physique gringalet d'adolescent, décharné de muscles et de graisses. Cette intelligence, enfouie dans ce corps de jeune incompris, bouillonne d'envie, de découvrir le monde extérieur et toutes ces incompréhensions dont il tente de répondre par une petite pointe de logique.

Derrière ses mèches noires, légèrement ébouriffées tel un scientifique fou, le front de Roméo est énorme, véritable paroi d'un QI d'un véritable génie. Enfin, ce qu'on pourrait dire de lui car ce garçon ne trouve qu'un ennui, un manque d'activité cérébral. Mené par une solitude dont il se voile, ennuyé de ces leçons dont il lâche finalement l'affaire, Roméo se noie de pensées qui va bien au delà de la compréhension d'un enfant. Il se trouve ainsi à mâchonner le bout d'un crayon, le regard hagard, ignorant l'activité autour de lui, espérant retomber dans ses livres où il trouve uniquement un peu de plaisir à faire évoluer son cerveau.

Guère en manque de connaissances, Roméo n'éprouve uniquement le plaisir de travailler seul, sans l'aide d'une autre personne. Cela ne veut pas dire qu'il est associable mais n'apprécie nullement les "obstacles" qui pourraient le ralentir. Débrouillard, il aime travailler à son rythme, préférant le calme afin de faire marcher son cerveau toujours assoiffé mais haïssant les cours plus qu'autres choses.

On peut trouver Roméo trop égocentrique, à la pointe de l'orgueil même avec ses habits noires et son look toujours bien soigné. C'est qu'il aime prendre soin de lui et sait mettre en valeur ses yeux grisés avec ses lunettes ou des verres de contact.

Pourtant, Roméo est un jeune adolescent qui a besoin de divertissement social, comme tout les autres. Il sait se montrer amical et confiant malgré ses airs de garçon surdoué. Il a toutefois le souci de se montrer trop direct, montrant un garçon toujours sûr de lui dont l'énergie semble être sur le feu, sifflante et prête à exploser. Et pourtant, Roméo est extrêmement calme, ne montre nullement ses faiblesses et dit clairement les choses comme le fait que tout peut l'ennuyer à la mort. Il ne sait guère écouter les autres, manquant d'une certaine empathie qui se montre alors handicapante et Roméo se voit alors délaisser ses camarades en ne se souciant uniquement de lui.

Et sous cette apparence se cache en vérité un sourd-muet aidé de ses appareils auditifs. Peu impressionné par les autres, Roméo se jette facilement dans la communauté, tentant du mieux qu'il peut de communiquer par quelques mots oraux.

Comme dans les ténèbres, Roméo gisait dans l'ombre du monde, recourbé sur lui-même d'un air inexpressif. Petit garçon coupé du monde, noyé dans des livres, personne ne comprenait le pourquoi il ne réagissait à aucun appel et autres ou encore le fait de s'exprimer. Il était toujours dans son coin pendant que la lumière passait prêt de lui, jamais il ne pleurait, Roméo ne connaissait pas les sentiments, il ne connaissait rien à son entourage. Ce n'était qu'un corps sans âme, sans lumière.

Traîné d'hôpital en hôpital, trimbalé entre les mains de spécialistes, on tentait de chercher ce qui n'allait pas avec lui, alors qu'il montrait une certaine fascination pour la culture scientifique. Après plusieurs examens qui durèrent des mois, les médecins finirent par admettre qu'ils ne pouvaient rien faire, que jamais Roméo n'aurait une vie normale. Il était né sourd-muet. Un handicapé. Deux sens qu'il ne connaîtra sûrement jamais.

Cela a été un énorme choc pour ses parents qui s'écroulèrent, prenant dans leurs bras le seul enfant qu'ils aimaient. Leur monde venait de s'écrouler alors que Roméo ne savait le pourquoi de leur peine. Étrangement, le garçon ressentit quelque chose au fond de son âme vide, une petite étincelle qui faisait mal à son cœur. Son esprit s'éveilla légèrement, fixant avec curiosité cette perle transparente. Qu'était-ce? Que cela voulait-il dire?

Roméo fût emmené dans une école spécialisée dans son cas, on tenta d'expliquer ce qu'il avait, le pourquoi il était différent. Mais c'était difficile, comment dire à un enfant né handicapé de deux sens ce qu'il ne connaissait pas et qu'il ne ressentira jamais? Même Roméo n'avait jamais entendu son nom, jamais il l'avait prononcé, il ne savait même pas ce que voulait dire enfant. Le garçon tentait de mettre un sens à à ces gens, ces objets sans vraiment en déchiffrer le sens, toujours perdu dans un monde de ténèbres où les pensées étaient rares.

Seul dans son monde, il passait la plupart du temps dans sa chambre avec pour seul amusement des livres et quelques inventions qu'il fabriquait de ses propres mains. Roméo se voyait uniquement dans chaque chose qu'il entreprenait, seul, sans l'aide de ses parents. Sa vision était bien plus supérieur que ses parents et autres humains, apprenant à lire sur les lèvres, apprenant le langage des signes. L'enfant était capable de ressentir chaque petit changement autour de lui, sans les entendre. Mais il était lasse. Il avait peut-être progressé mais il y avait toujours ce trou dans son âme. N'y avait-il aucun espoir d'être une personne normale? De savoir ce qu'est le son? Ce monde est horrible, à part les images, il n'y a rien, ce n'est que le désespoir.

Roméo aurait pu continuer à se morfondre de cette vie laide et sans goût. Petit enfant qui ne pouvait sortir pour s'amuser avec des personnes de son âge. Qui ne savait rire ou même sourire une seule fois, qui ne connaissait que les larmes pour seul réconfort d'être un humain... Ses parents, malgré leur tristesse voyaient bien que leur fils allait de plus en plus mal, qu'il ne pourrait continuer à vivre sans connaître le véritable bonheur, cette vie que beaucoup ont et lui non. Ils demandèrent l'aide de spécialistes et leur appel fût entendu, un homme se proposa à leur porte afin d'aider ce jeune garçon qui vivait sans réellement vivre. De sa charité, l'homme offrit à l'enfant un des appareils auditifs. Roméo ne comprenait pas, comment pouvait-il écouter alors que son sens n'était jamais né. Mais il fit ce qu'on lui demanda, déposant l'appareil sur ses orifices.

Et l'illumination naquit dans le coeur du garçon, les mains sur  ses oreilles, il entendit à faible fréquence ce qui l'entourait. Etait-ce ça un son? Cette petite chose qui venait frappait à l'oreille de Roméo? Pour la première de la vie, il sourit à ses parents, ouvrant la bouche et laissant un gargouillis en sortir. Pour la première fois de sa vie, il venait d'ouvrir la bouche pour s'exprimer. Sa mère l'embrassa, pleurant de joie pendant que le père remerciait sans cesse cet homme qui venait de donner vie à cet enfant.


Ce n'est que plus tard, habitué de cette nouvelle vie que Roméo décida de vivre sa vie tel un vrai garçon, de ne plus se cacher au monde. S'ouvrir était sa volonté, découvrir était son devoir. Il avait appris, en quelques petites années, à s'exprimer par des mots, des phrases encore incomplètes et faibles. Pourtant, l'adolescent parlait avec une certaine assurance, donnant alors assez de fierté à ses parents autrefois malheureux. Et c'était le pourquoi il avait choisi une école, loin de sa région natale, loin de sa famille afin de continuer à s'épanouir.