Mandaté par la Pokemon Community, je venais tout juste de débarquer sur Adala, une île dont je ne connaissais absolument rien. Mon rôle était d’y explorer divers lieux au cours de ma première semaine et de faire un rapport clair et concis de la faune et de la flore à l’académie. Donc du travail simple et efficace. J’estimais aisément, que cela ne me prendrait pas plus de trois heures par jour sur un même lieu pour en faire son bilan, étant donné mon passé avec les Pokémon et mon aisance à communiquer avec eux.

En outre, j’avais fait appel à un taxi qui m’accompagnerait tout au long de mon exploration afin de me rendre sur les divers sites. Jusque-là, rien de sorcier. J’attendais le long d’un trottoir de Nuevo, mallette en main, que mon taxi passe me prendre. De temps en temps, je regardais ma montre pour y voir le temps défiler à vive allure. Il avait cinq minutes de retard. Ni à gauche, ni à droite, je ne voyais quelconque voiture pour moi. J’étais à deux doigts de rappeler la compagnie pour leur demander où était mon véhicule, lorsque le véhicule arriva en trombe. Il freina brusquement en m’apercevant et stoppa sa course plusieurs mètres plus loin, avant de se reculer pour se mettre à ma hauteur. Peu confiant, je restais un instant interdit devant le taxi. La fenêtre se baissa et un homme à la chevelure noire en épi se pencha vers moi.

- Faites pas attention, je suis nouveau.

Je ne savais pas si cela pouvait être qualifié d’excuse valable, néanmoins j’avais suffisamment de boulot sur la planche pour ne pas avoir de temps à perdre. Je le qualifiais d’un petit geste signifiant que ce n’était rien et je grimpais sur la banquette arrière. Le chauffeur n’était peut-être pas expérimenté, mais l’intérieur du taxi était impeccable, ce qui devait traduire d’une certaine rigueur de prendre soin chez cet homme.

- Je m’appelle Son Gosen. Et vous ?

Malgré son aisance de communication, on sentait qu’il n’était pas habitué à vouvoyer.

- Eric. Eric Ilgueule.

- Bienvenue Eric à bord des Taxis Adada ! Où… Où… Où puis-je vous emmener ? Demanda-t-il après un effort pour se rappeler de la phrase sûrement toute faite que sa compagnie devait lui imposer. Cela témoignait effectivement de son manque d’expérience.

- J’aimerais me rendre au lac Keldeo, je vous prie.

Il démarra aussitôt en continuant d’entretenir la conversation en me regardant.

- Oh vous savez, pas besoin de prier ! Avec moi, vous êtes sûr d’arriver en un seul morceau haha.

- Je n’en suis pas si sûr, si vous ne regardez pas la route.

- C’est pas faux. En plus en ville c’est horrible, il y a des dessins de signale partout. C’est à n’y rien comprendre.

- Vous voulez dire « panneau de signalisation » ?

- Ouais, les machins ronds avec des traits. Comment on appelle ça déjà ? De l’art abstrait ?

A ce moment-là, mon instinct me prévint qu’il était extrêmement préférable de sortir dès maintenant de ce taxi et d’en appeler un autre. Toutefois, pour une raison inconnue, je restais assis sans rien dire à l’écouter déblatérer une série de bêtises plus grosses les unes que les autres. Régulièrement, je le coupais pour le reprendre, tout en vérifiant le contenu de ma mallette. A l’intérieur, j’avais une petite caméra d’appoint, des jumelles pouvant réaliser une dizaine de photos, des cartes DS pour la mémoire, un carnet, des stylos et quelques flacons pour le prélèvement d’échantillons du sol. Parfait, je n’avais rien oublié et chaque outil était opérationnel.

- Vous devriez vous accrocher. On entre dans une zone de perturbations.

- Qu’entendez-vous par « perturbations » ? M’inquiétais-je à juste titre.

La seconde suivante, nous sortions de la route avec fracas et pénétrions la forêt de l’île. Selon mon chauffeur, faire le tour était beaucoup trop long et ennuyeux, il avait donc pris un « raccourci ». Dans sa traversée, la voiture se mit à danser, sautant dès le moindre choc avec une pierre ou une grosse branche au sol. Ce n’était plus de la conduite, mais du rodéo. Suivant son conseil, je me redressais bien droit dans mon siège en cas de choc et attrapais la poignée de sécurité au-dessus de la porte avec fermeté. Pour rien au monde je ne la lâcherais.

- C’est quand même bien plus amusant en passant par-là.

- Je suppose que ça dépend pour qui. Disais-je avec une voix tremblotante.

- Ne vous faites pas de bile, tout va bien se passer.

- REGARDEZ LA ROUTE ! Je vous ai déjà dit de ne pas me regarder en conduisant. D’autant plus lorsqu’on fait du hors piste.

- Boarf, je connais ce chemin par cœur, je le faisais en trottinant tous les matins.

- Ce n’est pas la même chose lorsqu’on est au volant d’une voiture. Surtout lorsqu’on a des passagers à bord.

Je commençais sérieusement à douter de la compétence de ce Gosen. C’était à se demander s’il avait eu son permis et si oui, comment ? Selon lui, la route était sans danger, mais à lui tout seul, il constituait très certainement le plus grand danger dessus. Par pitié Arceus, faites que j’arrive à destination en un seul et unique morceau. Au nom de Créhelf, de Créfadet et de Créfollet, malayotyphlops koekkoeki.

- Nous y voilà ! S’exclama joyeusement Gosen.

Ma prière fut peut-être entendue. Nous débouchâmes de la forêt sur une grande étendue d’herbe entourant un lac d’une beauté cristalline sous un soleil de début d’après-midi.

- Wow, c’est que c’est beau ici !

- Oui. Ce sera parfait pour mes recherches.

- Des recherches ? Sur quoi ?

- Les Pokémon et leur habitat naturel à Adala.

- Pokémon… C’est marrant, vous êtes pas le seul à employer ce mot, comme s’il y en avait pleins, mais je n’en ai jamais croisés.

Jamais ? Cela me paraissait invraisemblable. Aucun être humain n’avait jamais croisé de Pokémon. Il y en avait partout, notamment en ville où soit ils accompagnaient des dresseurs, soit ils traînaient dans les ruelles et pillaient les poubelles. De même, vivant sur cette île, il devait forcément s’être rendu une ou deux fois à la plage. Or c’était un endroit abritant de nombreux Pokémon. En clair, il était impossible qu’en courant dans la forêt, traversant la ville ou allant se baigner dans la mer, ce garçon n’ait jamais croisé de Pokémon. Mais malgré son air guilleret, qui aurait pu être traduit comme de la plaisanterie de sa part, je décelais une honnêteté vraie en lui. Cela me fendait le cœur, qu’il ne sache pas ce qu’un Pokémon était, tandis que pour moi, chercheur dans ce domaine, c’était tout ce qu’il y avait de plus naturel.

- Écoutez, vous pouvez m’accompagner si vous le souhaitez. Je vous présenterai différentes espèces.

- Ouais, génial ! Je suis carrément pour.

- Dans ce cas, allons-y.

Quand bien même Gosen était un danger au volant, je doutais qu’il puisse en être un aussi lors de mes investigations. Entre autre, avoir un observateur ne me dérangeait absolument pas, ni même de lui apprendre quoi que ce soit. Au contraire, j’appréciais ce rôle d’instructeur qui m’était offert lors d’un court laps de temps. C’était agréable et ça me donnait de la confiance en moi. En plus, c’était bénéfique pour mon travail aussi, puisque le regard objectif d’un inconnu m’obligeait à donner le meilleur de moi-même pour être le plus juste.

Après nous être garés à l’ombre d’un chêne, nous descendîmes du véhicule et marchâmes jusqu’aux bords du lac. Le ciel azuré, exempt de nuages, se reflétait à la surface de l’eau. Je déboutonnais le haut de ma chemise, la chaleur étant pesante cet après-midi. Mon chauffeur, affublé d’un costume noir, décida de complètement en retirer le haut. Sans y prêter attention, il jeta ses habits en boule sur l’herbe, comme le ferait un malpropre, et laissa exhiber à l’air libre ses impressionnants muscles avant de s’extasier.

- Aaaaah ! On se sent mieux sans ces fringues de pingouin. Vous devriez en faire de même, vous verriez.

- Non merci, ça ira. Déclarais-je absolument pas convaincu par l’avis de cet homme sorti tout droit d’une autre planète.

- Comme vous voulez. Bon, on commence par quoi ?

Il était vrai que nous n’étions pas là pour bronzer, mais bel et bien pour travailler. Je sortais mon appareil photo et prenais quelques clichés des environs, tout en lui expliquant ma démarche.

- En premier lieu, je pose le cadre. Il faut déterminer l’environnement avec précision avant de découvrir les espèces qui le peuplent. En l’occurrence, nous nous trouvons sur un lac tout à fait classique, d’une bonne profondeur, entouré d’une vaste zone d’herbe avant de déboucher sur une zone boisée. Cela peut paraître anodin, mais si vous prenez en compte la zone d’herbe où nous nous trouvons, nous pouvons estimer que des Pokémon comme Aspicot ou Chenipan pourraient être des proies idéales pour un rapace comme le Furaiglon qui nous survole en ce moment même.

Gosen leva la tête pour voir l’oiseau qui tournait autour du lac depuis que nous étions arrivés. Je le braquais de mon appareil photo et dès qu’il fut dans un angle de vue shootable, je l’immortalisais. En effet, beaucoup de gens penseraient qu’au niveau d’un lac, seuls des Pokémon de type Eau seraient à répertorier. Or, il existait une multitude d’autres acteurs qui dépendaient du milieu où se trouvait le lac.

- Cet oiseau est un Pokémon, c’est ça ?

- Tout à fait.

- J’ai du mal à le croire.

- Et bien, je suppose que vous avez dû croiser beaucoup de Pokémon au cours de votre vie, sans vous en rendre compte. Je ne sais pas pourquoi, mais ça semble être l’unique explication. Regardez. Disais-je en pointant le Psykokwak qui se baignait dans le lac. Ceci est aussi un Pokémon. Il est de type Eau et s’appelle Psykokwak.

- Psyko… Kwak. Essaya de répéter Gosen en penchant la tête vers le Pokémon. En fait, c’est son prénom ?

- Hum. Cela peut être vu ainsi, mais c’est avant tout sa dénomination. Voyant que le dernier mot laissait pantois le garçon, je précisais le fond de ma pensée. Le nom de son espèce si vous préférez. Tout comme nous, nous sommes des homo sapiens sapiens, eux sont des Psykokwak.

A bien le regarder, je n’étais pas sûr que Gosen est vraiment compris ce que je lui racontais. Néanmoins, il observait le Psykokwak avec insistance, comme s’il tentait d’assimiler l’information. Je ne savais pas avec quelles idées sur les Pokémon en tête il avait vécu jusqu’à présent, mais il devait désapprendre ces informations erronés ou les compléter, si elles étaient insuffisantes, avec mes propos. Usant de mon appareil une fois de plus, je captais le Psykokwak au beau milieu de sa toilette.

- Nous allons faire un petit tour du lac. Ça nous permettra de peut-être croiser d’autres Pokémon et d’alimenter mon dossier de recherches.

Gosen hocha vigoureusement de la tête, tout en se redressant.

- Pas de problème, je vous suis.

L’homme prit ma suite et nous entamâmes le tour du lac par la gauche. Mes yeux n’avaient de cesse de balayer mon champ de vision. Je devais être capable de déceler le moindre Pokémon s’y trouvant ou à défaut, le moindre indice pouvant m’aiguiller sur la nature des Pokémon habituels en ces lieux.

- Ouvrez l’œil, les Pokémon laissent parfois des traces de leur passage dans le sol. Ça peut être des empreintes, une traînée de terre, de l’herbe aplatie,… N’importe quoi qui aurait altéré cet environnement.

- Ah bah, j’ai justement vu des traces dans l’herbe un peu avant.

- Ah oui ? M’étonnais-je. Montrez-moi !

- D’accord. C’est par-là.

Nous faisions aussitôt demi-tour. Je forçais Gosen à se presser, excité par cette prochaine découverte que j’avais loupé à l’aller. Comme quoi, avoir un assistant, même incompétent, peut s’avérer utile. Je ne suis pas un surhomme et je n’ai que deux yeux, il est normal que je ne puisse pas tout analyser au premier coup d’œil. La trace du passage de ces Pokémon avait sûrement dû passer à la trappe lors de l’un de mes mouvements de tête. Je devais me montrer plus vigilent à l’avenir.

- C’est ici.

Je sortais de mes pensées et prêt à dégainer mes instruments de mesure, je m’approchais de la scène de crime. Au sol, de nombreux piétinements entouraient un carré net et propre au sol. Mon excitation se transforma en désillusion et mon sourire s’évanouit.

- Ce ne sont pas des traces de Pokémon, mais celles d’un pique-nique. Je pensais que vous sauriez au moins faire la différence.

- Désolé. Au moins vous pourrez mettre dans vos recherches, que les humains viennent aussi ici pour manger. J’avoue que l’endroit est parfait pour casser la croûte. Son ventre grommela. Rien que d’y penser, ça me donne la dalle.

- Il va falloir patienter. Vous venez de nous faire perdre un temps précieux et nous n’avons pas encore visité la moitié du lac.

- C’est pas de ma faute, je suis juste chauffeur, pas chercheur !

- Il est vrai, alors reprenons notre route et veuillez vous taire à moins d’être certain de ce que vous avancez à l’avenir.

Tout était de ma faute. Je l’avais inclus à mes recherches à mes risques et périls. Le temps était aussi une ressource précieuse, que je n’aurais pas dû négliger et que ce garçon, gentil mais idiot, pouvait à ses dépends me faire perdre. Je réalisais que je lui avais demandé beaucoup, aussi je devrais lui redonner son simple rôle d’observateur.

La suite de notre promenade autour du lac se passa plutôt bien. A mesure que nous avancions, je faisais plusieurs découvertes assez basiques de Pokémon vivant dans la région. A partir des données récoltées sur les Pokémon de la forêt, je serais en mesure, ce soir avec mon ordinateur, de recouper ces renseignements avec les Pokémon Vol existants et ceux pouvant effectuer un vol migratoire dans ce secteur. Cela me donnerait un échantillonnage approximatif mais plutôt réaliste de ceux pouvant être croisés ici.

Quant à Gosen, il se montrait plutôt calme depuis ma remontrance. Je n’aurais peut-être pas dû être aussi dur avec lui, après tout, il faisait sûrement de son mieux. Pour ne pas l’écarter de mes investigations, je lui présentais tout ce que je savais sur chaque Pokémon que nous rencontrions. Ainsi, cela lui donnait matière à réfléchir. Si tant est qu’il en soit capable.

- Chenipotte, Barloche, Teddyursa, Pikachan,…

- Pikachu. C’est Pikachu.

- Pika-chu. Ok ! Je crois que j’ai retenu. Mais c’est bizarre, je discutais avec eux et ils n’avaient pas vraiment conscience d’avoir ces noms. Par exemple, Pikachu m’a dit qu’elle s’appelait Géraldine et qu’elle n’avait jamais entendu parler de Pikachu.

- Comment ça ? Tu veux dire que tu peux parler aux Pokémon ?

- Bien sûr. Pas toi ?

- Non.

- T’es bizarre.

- C’est plutôt toi qui l’est. Personne ne comprend le Pokémon et si Pikachu s’appelle Pikachu, c’est justement parce que c’est le bruit que l’on entend lorsqu’il s’exprime.

Gosen ne répondit pas immédiatement, traitant l’information. Moi de même, je devais avouer que j’étais déstabilisé par ce que je venais d’apprendre. Je connaissais diverses personnes qui pouvaient comprendre ce qu’exprimaient certains Pokémon, mais de là à être capable d’entendre leur véritable langage… Je n’avais jamais entendu une telle chose. Cela pouvait aussi expliquer la raison pour laquelle Gosen semblait ne connaître aucun des noms des Pokémon que je lui avais donné.

D’où sortait ce garçon ?

Il s’apprêtait à me répondre, lorsqu’une idée de génie me vint. Je coupais court à la phrase qu’il allait prononcer, sûrement peu intéressante, et lui balançais mon idée.

- Serais-tu capable de demander à l’un de ces Pokémon, qu’elles sont ceux qui vivent dans le coin ? Même s’ils ne sont pas aptes à te donner l’espèce, ils pourraient t’en faire une description, que tu aurais juste à me donner. C’est amplement suffisant pour moi afin que je détermine précisément de quel Pokémon il s’agit.

Le garçon se frotta la tête quelques secondes.

- Ça devrait être faisable.

- Super ! M’extasiais-je.

J’attrapais le bras du colosse et le traînais derrière moi jusqu’à un banc de Barloche qui tournait en rond dans le lac.

- Vas-y, demande-leur. Ils sont incapables de se déplacer hors du lac, ils doivent par conséquent connaître toutes les espèces le peuplant et venant s’y abreuver.

- Euh… Ok.

Il n’avait pas l’air très chaud à l’idée de parler aux poissons, mais il se mit directement au travail. Doucement, il entra dans l’eau en intimant par la parole aux Barloche de ne pas fuir. Son pantalon de costume se mouillait à mesure qu’il avançait, mais cela ne semblait pas le déranger. Une fois le corps à moitié immergé, il s’arrêta et commença à discuter. Les Pokémon restèrent dans un premier temps en retrait, mais petit à petit, certains s’approchèrent et vinrent se placer devant lui.

- … feuillu, avec un long nez et des cheveux blancs…

A haute voix, Gosen répétait toutes les descriptions que lui donnaient les Barloche, puis leur demandait confirmation. Pour ma part, je faisais rapidement le tri dans ces données et extirpaient les Pokémon qui en ressortaient. Grâce à lui, je retirais pas moins de huit Pokémon étant venus récemment au lac et que je n’avais pas encore noté ! Il devait en rester encore un bon paquet à découvrir, mais cela doublait mon premier échantillon. Évidemment, je filmais toute la scène avec Gosen dans l’optique de garder une preuve mais aussi de pouvoir revisionner au besoin les différents éléments et corriger d’éventuelles erreurs de ma part.

Le garçon sorti de l’eau et nous répétâmes ce procédé plusieurs fois. Les autres Pokémon venaient ainsi corréler nos précédentes informations. Cela donnait du poids à ces dernières et cela augmentait drastiquement la vitesse à laquelle nous récoltions des informations. De plus, cela ne m’empêchait pas à côté de poursuivre mon enquête de manière plus classique et de toujours plus affirmer nos découvertes. A la suite de quoi, nous retournâmes au véhicule.

- J’ai appris beaucoup de choses, grâce à toi aujourd’hui. Disait Gosen en rentrant dans le taxi.

Après plusieurs heures de recherches en commun et un ciel violacé, ayant remplacé celui azuré, nous avions fini par nous tutoyer, ce qui seyait à merveilles à Gosen. Cela dit en passant, le garçon était resté torse nu et semblait avoir totalement oublié de récupérer ses affaires au bord du lac.

- Merci. Je suis obligé de te dire qu’au début, j’ai pensé que tu ne ferais que retarder mon travail. Mais force est de constater, que tu as finalement accompli un très bon travail. Sans toi, mon dossier n’aurait pas été aussi complet.

- Boarf, c’est pas grand-chose haha. Je n’ai fait que leur parler.

- C’est peut-être un détail pour toi, mais pour moi ça veut dire beaucoup. D’ailleurs, je te paye le dîner une fois à Nuevo pour conclure cette journée comme il se doit !

Les yeux de Gosen se mirent à pétiller. Son ventre n’avait pas arrêté de grogner de tout l’après-midi. Je devinais qu’à son travail, il ne devait pas gagner beaucoup d’argent. Ce n’était pas grand-chose pour moi, je pouvais bien me permettre de lui offrir le repas.

- Oh oui, c’est chouette ça !

Il alluma le contact et démarra son engin. Heureusement, il n’oublia pas de mettre aussi les feux. La nuit tombante, je n’avais pas envie de finir dans un arbre à devoir dormir à la belle étoile ou terminer le trajet de nuit à pied.

- Si tu pouvais juste, rouler tranquillement… Qu’importe l’heure où nous arrivons, tu auras ton dîner, ne t’en fais pas.

Il se tourna vers moi.

- Faut pas avoir peur, je sais exactement ce que je fais. Allez, c’est parti ! Je meurs de faim !

La voiture rugit tel un lion, et pied au plancher, il fit un demi-tour qui frôla la rive du lac avant de nous faire disparaître dans la forêt. Finalement, je n’étais pas sûr de pouvoir dîner ce soir.