« Rassurez-moi,
les Maraiste peuvent pas se noyer ? »S’il est facile d’être absorbé par l’élégance et le mysticisme qui auréole la danse d’une flamme, l’eau se montre beaucoup plus prude, plus modeste dans son scintillement. Elle n’en reste pas moins agréable à côtoyer.
C’est tout une ambiance qu’elle dégage. Cette inqualifiable sentence humide renvoie à une fraîcheur, ainsi qu’une nostalgie certaine. Une enfance passée au bord des plages et des ruisseaux… Voilà ce qu’elle m’évoque. Pouvoir passer d’une chaleur étouffante à un froid revigorant… Par la simple action d’un corps plongé dans cette étendue bleuté… Et ainsi se retrouver en apesanteur, hors du temps. Ne plus être restreint par les lois physiques élémentaires – ou du moins, les percevoir d’une toute autre manière, et se laisser aller à un abyme de calme et de silence.
Mais il n’est pas question d’un simple ressenti. Des reflets insondables s’agitent erratiquement sur les parois des murs et du plafond, en écho à toute ces variations de couleur apportées par la transparence lumineuse. Les corps en mouvement créent alors les remous, une agitation imprévue mais pourtant parfaitement accueillie. L’eau s’agite, elle se déplace, et progressivement…
Du calme, surgit la tempête.
Ce bassin si hospitalier, si ouvert, voila qu’il fait montre d’une inexplicable véhémence. Peut-être se laisse-t-il emporter par l’émotion. Peut-être en a-t-il juste assez. Rien en tout cas qui justifie une telle violence, que le son perdu d’un sifflet ne résout guère.
En apparence du moins.
Dans ce chaos, des silhouettes se détachent. L’une d’elle s’est fait entraînée vers le bas, mais l’autre s’y est fermement opposée. La colère de l’eau ne l’affecte guère, habituée qu’elle est à son caractère soupe au lait.
Et c’est ainsi que Maraiste et Idalienor réapparaissent à la surface.
Immédiatement après, mes mains s’abattent sur le panneau de contrôle, et mettent fin à l’expérience. Les vagues cessent, et ma collègue quitte le bassin avec un certain retentissement. Je ne peux alors qu’approuver son enthousiasme.
« -Oui ! Est-ce que ça te va si on fait encore quelques essais pour s’assurer que… ? »Je n’ai pas le temps de finir ma phrase. La décidément très sarcastique Cora, et sa sympathie peu apparente, font leur apparition sur le pas de la porte. Depuis combien de temps nous observe-t-elle ? Nous ne le saurons probablement jamais. Elle tourne rapidement les talons, et s’en va après nous avoir gentiment… « remercié » ?
« -…. Déjà ?… Booon… »Pas d’autres tests, donc. J’espère que ça suffira.
J’envoie une serviette à Idalienor, qui manifeste définitivement un certain désamour pour la chercheuse. Cela ne l’empêche cependant pas de vivement féliciter le Maraiste, pour ensuite redescendre, et lever une main pour concrétiser cette fin de collaboration.
Évidemment, je tape dedans, et la laisse se changer. Pendant qu’elle fait ça, je remonte en haut du bassin, et dégaine mes Pokéballs.
« -Soul, Meg, merci pour votre coopération ! »Le cri enthousiaste de la Loupio me fait comprendre sa reconnaissance réciproque, tandis que Soul se montre plus réservé. Je présume qu’il aurait préféré un bassin moins sujet aux courants soudains et agités… Enfin, avec moi, il doit avoir l’habitude, des perturbations spontannées.
Mes Pokémon de retour dans leurs Pokéball, et Idalienor sèche, il ne reste que le Maraiste barbotant dans le bassin. Celui-ci a plaqué ses deux pattes contre le rebord, et nous observe de là-haut. Je le toise également, sans trop deviner la suite.
« -Nous n’avons pas sa Pokéball, et il était déjà là quand on est arrivés, donc… Je présume qu’on le laisse ici, et qu’on part faire notre rapport à Hortense ? »Je ne vois pas trop quelles sont les autres options qui s’offrent à nous, de toute façon. Sobrement, je pose le sifflet bien en évidence sur la table de la salle, histoire qu’il puisse être facilement retrouvé, et me contente de saluer le Pokémon d’un vif geste de la main.
« -Prends soin de toi, bonhomme. On compte sur toi pour sauver des vies ! »Il ne réagit pas vraiment, et se contente de nous suivre laconiquement du regard, jusqu’à ce qu’on ait quitté la pièce. Difficile de savoir à quoi il pense exactement.
Alors que nous marchons dans le couloir afin de quitter le complexe, une pensée me traverse l’esprit, et je croise les bras derrière la tête.
« -On ne lui aura pas donné de surnom, au final… »C’est peut-être pas plus mal. On ignore sa réelle appartenance et son rôle futur. D’autres gens seront certainement amenés à tisser des liens plus étroits avec lui que nous le temps de ce cours seul.
Le temps de faire notre rapport tout beau tout propre à notre professeure, et nous sommes invités à retourner au car. Ça ne tiendrait qu’à moi, je partirai d’ici à grand renfort de Ptéra, mais les règles sont les règles… Nous sommes sous l’autorité de Hortense jusqu’à notre retour à l’académie, elle ne peut pas prendre le risque qu’il nous arrive quelque chose.
Mais à peine la Pyroli entreprend de monter dans le car que je me sens obligé de interpeller. Si je ne lui parle pas maintenant… Alors ça n’aura pas le moindre intérêt ensuite.
« -Idalienor ? »Postée plusieurs marches au dessus de moi, elle se retourne et me dévisage. J’ai un bref instant d’hésitation, et le regard un peu fuyant, mais je finis par la fixer et rependre.
« -On va pas mentir, c’était… Bizarre, au début. » Les ressentis de notre dernier échange restent encore palpables, et bien que nous soyons restés courtois, je ne peux pas non plus en passer outre. Néanmoins…
« -Mais… Le cours s’est vraiment bien passé, et… Enfin, si on exclut le fait que j’ai manqué de me noyer, et que… Cora ne cessait de nous mettre des coups de pression, mais… Ça encore, c’est le facteur PC, on connaît… Je veux dire… » Les années ont beau passer, j’ai toujours une certaine propension à me perdre dans mes discours. Heureusement que je parviens à me recentrer, et à simplement hausser les épaules.
« -J’ai bien apprécié cette séance, et j’en suis plutôt content. C’est tout. Je tenais à ce que tu le saches. » Je ne sais pas si épiloguer de la sorte était vraiment nécessaire, mais en tout cas, moi, ça m’a fait du bien. J’imaginais une plus forte rancune s’installer entre Idalienor et moi, à l’issu de notre différend…
Enfin, si c’est encore le cas, ce cours m’aura donné l’illusion du contraire.
HRP :
Cours terminé ! Merciiii !