Dix-neuvième jour du mois de Juillet de l'an 2006. C'est le début de l'histoire d'une toute petite nouvelle-née, qui voyait le jour sur le continent d'Alola, au plein cœur de la charmante île de Mele-Mele, dans le centre hospitalier de la ville de Lili'i. Une journée ensoleillée bien qu'étouffante en température et en sècheresse de l'air. Une liesse incomparable pour la famille des Farrell. Un moment de bonheur à graver dans les anales pour la petite Lowane. L'enfant des océans, qu'on la surnommait, de par le fait que ses gobilles étaient d'un bleu si profond et si déconcertant, qu'on les compara à l'océan tumultueux bordant l'île de Mele-Mele.
Bon, je parle de moi à la troisième personne, mais soyons réaliste, à part ce moment où tout commença pour moi, rien de bien fantastique ne se produisit par la suite. J'ai eu une enfance des plus banales, vivant un quotidien très confortable de par le train de vie que mes parents pouvaient mener grâce à leurs métiers respectifs : Leonis, mon paternel, un artisan menuisier dont la principale inspiration venait de Tokorico - le pokémon à l'origine de toute cette tradition que Lili'i perpétrait depuis des générations et des générations - et qui ornait très logiquement toutes ses créations, qu'elles eurent été artistiques ou fonctionnelles ; et ma maman, Shandora, était infirmière au Centre Pokémon de Lili'i, et consacrait la plupart de son temps à l'étude des pokémons, leurs modes de vie, leur physionomie, leur environnement et tout ce qui pouvait l'aider à mieux comprendre ces créatures, afin de leur venir en aide de façon plus efficaces.
En vrai, je pense que j'ai grandi sans trop de problème, tout en nourrissant une certaine jalousie vis-à-vis de ces Pokémons. Ils prenaient beaucoup de place dans la vie de mes parents, bien plus que ce que je ne pouvais en prendre depuis mon arrivée au monde. Ils étaient leur gagne-pain. Ils étaient la raison pour laquelle ils se donnaient autant de mal pour me mettre à l'abri du besoin. Mais ... leur présence m'a fait défaut, et quand bien même les différentes nourrices eurent à cœur de me combler de bonheur, de bonnes intentions, de cadeaux et de friandises en tout genre ... je n'étais jamais satisfaite. Capricieuse. Envieuse des autres enfants dont les parents passaient le plus clair de leur temps avec. Et progressivement, j'en devins blasée. Pourrie gâtée. Insensible aux preuves d'amour, d'amitié, ou de quelconque bienveillance à mon égard. J'étais une privilégiée, dans une prison dorée.
Pourquoi je vous raconte tout ça, bien que rien d'autre de passionnant ne soit arrivé entre temps, même pas mon temps passé à l'école ? Parce que tout bascula le jour où mon caprice ultime fut sur le point de se réaliser. A l'âge de six ans, je décidais que j'allais relever le plus grand défi qu'aucun autre enfant n'avait pu jusqu'à lors. Je voulais devenir une légende. Je voulais que l'attention ne soit portée que sur moi et moi seule. Dans l'espoir que celle de mes parents soit de la partie. Le défi en question ? M'aventurer au sein de la Grotte Verdoyante, dans le but de braver le parcours pour enfant, qui consistait à se frayer un chemin parmi des obstacles en tout genre, à même les parois rocheuses, dans des tunnels escarpés, dans une pénombre presque oppressante. Le tout, sans Pokémon. Oui, je les jalousais à un tel point que je ne voulais absolument aucun contact avec l'un d'entre eux, et j'allais réussir là où les gamins de mon âge échouaient. Lowane la rebelle. Lowane l'inconsciente. Lowane l'intrépide. Des surnoms parmi tant d'autres ... qui allaient courir à ma perte.
Sixième jour du mois de Juin de l'an 2012. Mes parents n'étaient bien évidemment pas au courant de mon projet. Tout était gardé à l'intérieur d'un petit carnet que je prenais pour mon journal intime. Je n'y consignais pas grand chose à vrai dire, simplement une liste d'objectifs à remplir pendant que je le pouvais, et selon l'âge que j'avais au moment des faits. Mais ce jour arriva. J'étais devant la Grotte. J'étais prête pour le grand saut. L'inconnu me tendait les bras. L'adrénaline devenait ma seconde source d'énergie. Les premiers obstacles n'étaient pas très compliqués, certainement une mise en jambe pour quiconque eut envie de se faire les dents avec son compagnon de fortune. Ceux qui venaient par la suite étaient déjà plus ardus, et nécessitaient bien évidemment une aide conjointe d'une créature bien spécifique ; mais qu'importait, je me devais de passer tout cela toute seule, quitte à m'écorcher sur le chemin. Je galérais alors sur des obstacles que mes camarades de classes franchissaient sans trop de problèmes avec l'aide de leurs créatures. Ma haine grandissait à vue d’œil pour ces créatures. J'en avais assez de les voir se dandiner à leurs côtés comme s'ils étaient plus importants que quiconque. «
Plus importants que moi ? Plutôt mourir. »
Que n'avais-je pas souhaité à ce moment là. Car le prochain obstacle, un champ de Taupiqueurs, allait être le début de ma fin. Un terrain miné. Une traversée plutôt mesquine pour une fillette de mon calibre, et sans Pokémon pour me venir en aide de surcroît. Quelle petite bêtasse je faisais décidément quand j'y repense. Dans ma fierté et mon orgueil, je commençais mon excursion sur ce terrain accidenté comme si de rien était. Et dans mon horrible excès de confiance, je ne me rendais pas compte que le simple fait de progresser sur ce terrain sans aucune aide conjointe, accidentait encore plus le sol. Oui, cet obstacle n'était définitivement pas fait pour se faire en solo, mais en coopération. J'étais butée. J'étais bornée. J'étais capricieuse et imbue de ma personne. Et j'allais le regretter amèrement. D'un coup d'un seul, le sol se mit à trembler, si bien que je commençais à perdre mes appuis. Il s'avérait que mes pas avaient affaisser certaines parties du sol déjà endommagées en profondeur par les Taupiqueurs, et que le peu de soutien aux parois environnantes devenaient branlantes et menaçaient de s'effondrer.
La panique me gagna. Je perdais mon self-contrôle. Si bien que je me mis à courir vers la sortie sans prendre conscience du relief que j'avais créer sous mes pieds. Et ma course s'arrêta nette, en même temps que les tremblements de la pièce troglodyte où j'étais. Dans la secousse, un morceau du plafond rocailleux s'était détacher, et était venu percuter l'arrière de mon crâne. Le choc fut si brutal, que je m'effondrai en une fraction de seconde. Raide. Incapable de quoi que ce soit. Je me sentais consciente. Je m'entendais penser. Mais mon corps refusait de bouger. Mon envie de me relever ne parvenait plus à mon cerveau. J'étais immobile, enfermée dans mon propre corps. Des minutes passèrent avant que je ne sentis mon corps se soulever et prendre des directions chancelantes vers je ne savais où. Un corps presque sans vie. Dont le seulement pouls suffisait à donner un semblant de signe à quiconque me transportait que j'étais encore de ce monde, mais visiblement inapte à manifester une quelconque once de vie. C'était la fin de ma pathétique représentation. Le rideau était tombé. Mon ultime caprice avait eu raison de moi.
Le noir complet. Les sons ne me parvenaient plus. Les odeurs ne me rencontraient plus. Seul le toucher était actif, mais ne m'indiquait rien de révélateur sur quoi que ce soit sur ce qui pouvait bien se passer à l'extérieur de ce corps inerte et vide de mouvement. J'étais dans le coma. Un coma profond qui était survenu des suites de cet éboulement imprévu. Une catastrophe naturelle que j'avais malgré moi engendré du fait de risques inconsidérés pris en m'aventurant seule dans cette Grotte Verdoyante. Si seulement j'avais été plus intelligente. Si seulement j'avais été plus aimante de ces créatures qui auraient pu rendre mon défi plus abordable, au lieu de les haïr en haut lieu et des les rendre responsable de mon malheur du quotidien. Si seulement ...
Sept années. Quatre-vingt-quatre mois. Deux mille cinq cent cinquante-cinq jours. Et encore bien plus d'heures, de minutes et même de secondes. Une période longue, très longue, trop longue. Je ne sais toujours pas comment mes parents s'y sont pris pour y croire. Croire que j'allais un jour me réveiller. Croire que j'allais de nouveau ouvrir mes yeux. Croire que j'allais de nouveau vivre comme une adolescente de mon âge. N'importe qui aurait abandonné cette lutte presque inhumaine. Mais contre toute attente, j'étais devenue dans mon malheur, le combat de toute une famille, de toute une ville, qui n'avait qu'une prière, qu'un espoir : revenir à la vie.
Il fallait dire que de là où j'étais, rien ne laissait présager que je pouvais en revenir. Tout ce que je sentais, tout ce que je ressentais, ne venait que des rares contacts cutanées que je recevais de temps à autres. Une caresse, un baiser, une embrassade, un câlin, une présence se blottissant contre ma poitrine, un signe de vie extérieur qui me coiffait, me nettoyait, effectuait des séances de kinésiologie - une science qui permet de garder des muscles en activités chez des patients dans le coma pour éviter une atrophie ... de ce que j'en avais compris des médecins par la suite - j'avais pu aussi sentir qu'une personne avait apposé autour de mon cou, une sorte de collier en tissu, accompagné d'une espèce de masse froide et solide. Une pierre peut-être ? C'était le fameux soleil de rubis que ma mère avait acheté après avoir vendu sa lune d'améthyste. Pour elle, j'étais son soleil, le rouge était l'une des mes couleurs préférée, et elle se devait de se manifester de cette manière pour que je sache qu'elle veillait sur moi. Et parfois, je sentais un fluide couler le long de mes joues, ou parfois de mes mains. Des larmes sans doute. A qui faisais-je tant de peine ? Mes parents ? Les rares enfants qui m'avaient connue par le passé ? Ma nourrice ? C'en était trop. Il fallait que mon corps réagisse. Que je montre un signe de vie pour qu'ils cessent de s'inquiéter et surtout de souffrir. Je n'en avais que faire d'être une fille pourrie gâtée. Je n'en avais que faire de vivre une parfaite petite vie à l'abri des besoins. Et je m'en moquais de ne pas être aussi intéressante que ces créatures appelées Pokémons. Je voulais vivre bon sang ! Vivre !
RÉVEILLE-TOI LOWANE !Une nuit. Alors que les premières pluies d'automne tombaient. Une alarme retentit. Ou plutôt, un écran alertait d'un son strident une pièce de l'hôpital. Quelque chose venait de se passer. Une patiente venait de se réveiller et montrait quelques signes de lutte pour un besoin vitale : respirer. Les infirmières et les médecins accoururent vers cette chambre. La panique se lisait sur les visages de chacun des spécialistes. Des parents devenaient blêmes devant un corps parcouru de spasmes de détresse. Était-ce la fin ? Non. C'était le début. Le début d'une nouvelle histoire qui commençait comme elle s'était interrompue : un défi à relever, celui de respirer, de prendre cet air qui s'était dérober jusqu'à présent, pour de nouveau vivre plus ardemment et plus véritablement que jamais.
Vingtième jour du mois d'Octobre de l'an 2019. Lowane Farrell venait de se réveiller d'un coma long de sept années. Elle parvenait difficilement à respirer, mais elle reprenait des couleurs, et montrait des signes vitaux de nouveau normaux. Mes parents étaient eux aussi revenus à la vie, loin de la peur et de la peine constante qu'ils avaient eu à endurer pendant ces sept ans. A mon réveil, mon père se faisait de plus en plus absent, car il devait rattraper tout le travail en suspens, et son ardeur à nous mettre à l'abri du besoin maman et moi était devenu son cheval de combat. Ma mère avait temporairement cesser son activité d'infirmière Pokémon, et s'était entêtée à vouloir rester auprès de moi pour subvenir à n'importe lesquels de mes besoins vitaux. C'était donc d'elle que me venaient la plupart des manifestations du toucher. Je crois que je ne pourrai jamais lui être plus reconnaissante de son amour et de son opiniâtreté à avoir voulu faire de moi sa priorité, quitte à renoncer à notre vie tranquille.
Les semaines, puis les mois passèrent. Ma rééducation suivait son cours, mais j'avais pris tellement de retard que je ne pouvais rien faire d'autres que d'arpenter les couloirs de l'hôpital. Maman avait repris son travail maintenant que j'étais apte à faire preuve d'autonomie, et mon père se tuait toujours autant à la tâche pour subvenir à nos besoins familiaux, et à financer la prise en charge médicale que je recevais. Les rares conversations que je pouvais avoir étaient avec le personnel soignant, soit des moments d'échanges plutôt formels, froid de tout sentiments personnels. Parler avec les différents patients n'était forcément plus joyeux, mais au moins, leurs personnalités respectives me redonnait un peu d'énergie. Je devenais plus empathique, j'étais plus à l'écoute des autres, et je me surprenais à prier pour eux et leur convalescence. Je leur souhaitais de reprendre une vie normale, comme cette seconde chance que l'on m'avait accordée en revenant d'un coma profond d'une si longue durée.
Cependant, il me manquait quelque chose. Je crois que a fille intrépide du passé n'était pas totalement partie. Je ressentais ce besoin de me mettre en action, pas forcément pour reproduire des missions périlleuses et inconsidérées, mais plutôt pour apprendre, expérimenter, joindre le geste aux paroles. Il fallait que je trouve un nouveau but, une nouvelle inspiration, et surtout, il fallait que je redonne une seconde chance également aux Pokémons, ces créatures qui, sans le savoir, avaient participé à mon rétablissement, de par les traitements que je recevais pendant le coma, mais aussi pendant les séances de rééducation que je suivais. Et c'est en observant un Queulorior que je compris ce qu'il me fallait pour le moment : j'allais cultiver mon côté artistique, et j'allais me lancer dans l'univers de la peinture. Je voulais donner vie à cet endroit, je voulais l'illuminer des mes rêves, de mes envies, de mes passions.
Bien évidemment, certains tableaux étaient plus mélancoliques d'un passé raté, inachevé. Certaines peintures devenaient plus écorchées, plus sombres, traduisant toute la détresse que j'avais eu à éprouver pendant mon coma. Mais quoi que je pouvais en dire, mes œuvres parlaient à la plupart des personnes, les Pokémons eux-mêmes semblaient être affectés par mes créations. Ils me témoignaient de la sympathie, ils venaient m'apporter quelques unes de leurs friandises en gage d'amitié, et plein de petites autres attentions qui avaient le don de me faire sourire aux éclats, et parfois, de me faire rougir de gêne, car ils me donnaient tout, et je ne leur rendais pas forcément à part égale.
Décembre approchait. Mes peintures devenaient de moins en moins inspirées. Je perdais par moment le fil de mes pensées, au fur et à mesure que je m'apercevais que ma mémoire du passé devenait de plus en plus limitée. En effet, mon amnésie était telle que je ne parvenais plus à me souvenir tout ce qui avait précédé mon accident. Déclenchant des moments de tristesse et de perte de confiance en moi. Finalement, j'étais toujours enfermée dans une sorte de prison. Mais tout changea lorsque l'un des médecins de l'hôpital m'apporta une brochure provenant de l'île d'Adala. Une localisation que je ne connaissais absolument pas, et qui s'était développée pendant ma période d'absence totale. Je regardais la brochure en question. Une école ? Mêlant études et pokémons ? Des parcours atypiques ? De la recherche ? De la création ?
«
Dois-je comprendre que la clé vers ma mémoire d'antan se trouve là-bas docteur ? »
Quelle ironie. Le temps de m'apercevoir du plan que le docteur avait en tête, ce dernier était déjà parti de ma chambre, sans dire un mot. C'était un signe. L'élément de changement qu'il me fallait se trouvait sur l'île d'Adala. Il fallait que j'en parle à maman et papa avant tout, car même en pleine possession de mes moyens désormais, il fallait tout de même pouvoir prévoir un voyage, une ou plusieurs années d'études, une remise à niveau sur le plan intellectuelle, et une documentation sur les Pokémon. Bah oui quoi ! Je n'allais pas non plus arriver comme une fleur là-bas, en espérant que tout me tombe tout cuit dans le bec si ? Ah la la, quelle bande d'arriviste vous faites. D'ailleurs, pas de temps à perdre, il faut que je m'active et que je fasse de cet hypothétique voyage une réalité. Une opportunité s'offre à moi pour pouvoir évoluer en tant que personne, et pour retrouver cette partie de moi qui s'étaient enfui le jour de l'incident de la Grotte Verdoyante. Adala. La Pokémon Community. Tel est mon nouvel objectif ! Partons étudier ces créatures, tout en forgeant mon avenir professionnel, en tant qu'artiste ou quoi que ce soit d'autres si jamais.
Oh ! je suis en retard pour l'une des mes dernières séances de rééducation ! Flûuuuuute ! Désolé, cher journal, mais je dois y aller. A très vite !
- Entrée du 27 Novembre 2019