Une mission.
La première que j'allais mener.
En arrivant à la Pokémon Community, on m'avait appris qu'il allait falloir mener des missions au nom de l'académie afin d'apprendre des choses sur le terrain. Sur le coup, j'étais quelque peu perplexe. L'idée m'intriguait pas mal, mais je ne savais pas vraiment ce qu'il en retournait. Ok, je savais que j'allais en retirer quelque chose, mais quoi ? J'étais perdue à ce niveau. Heureusement, ma camarade éclaircit finalement ma lanterne. Une mission pouvait donc être de toute nature, que ça soit ordinaire, en accomplissant de petites tâches pour d'autres, ou alors spécialisé, avec des enjeux particuliers et liés à notre spécialité. En comprenant cela, je visualisais bien mieux ce que représentait les missions dans mon parcours. Malgré cela, je me sentais encore dans le flou.
Je n'arrivais pas à savoir ce que cela allait réellement m'apporter en dehors de l'expérience sur le terrain. Y avait-il d'autres enjeux, ou ce n'était fait que pour pouvoir s'habituer progressivement au terrain ? La question me tarauda pendant quelques jours avant que je décide finalement de régler ce problème en me lançant dans une mission ordinaire. Ma camarade m'avait dit qu'il n'y avait pas vraiment d'intérêt à le faire avant d'avoir obtenu mon premier grade et donc avoir débuté mon parcours, mais je m'en fichais pas mal. J'étais motivée à l'idée d'en faire une.
En trouver une plaisante ne fut pas chose aisée, mais en parcourant un peu celles qui étaient proposées, je finis par tomber sur une annonce plutôt singulière. Garder un musée en proie à des disparitions étranges et essayer de résoudre cette histoire avec la police. Sur le coup, je me dis que cette mission était plus réservée à des personnes compétentes et habituées à ce type de mission, mais après coup, je me dis que si j'avais pu l'avoir dans les mains, c'est que mon inexpérience ne posait pas problème. De toute façon, je me doutais qu'ils cherchaient surtout des personnes avec l'esprit de réflexion et ce genre de choses. Comme je me retrouvais un peu là-dedans et que la mission m'intéressait au plus haut point, je me décidai à m'inscrire sur celle-ci. Rendez-vous prévu pour le lendemain soir.
▬ J'espère que Vanitas sera de la partie …
Avec ses accès de sommeil irréguliers, il m'était difficile de prévoir si le Nostenfer serait éveillé au moment venu. En y pensant, je me dis qu'il serait peut-être temps de s'intéresser plus en détail de sa maladie, mais malheureusement, dans l'immédiat, je n'avais guère plus le temps que de garder cette idée de côté. Je ne pouvais donc qu'espérer qu'il soit bien réveillé pour la mission. Au moins, j'avais toujours Hortensia. C'était toujours ça. Ensuite, je me doutais bien que sur une mission, je ne me trouverai pas seule. Ma camarade m'avait bien fait comprendre que l'école préférait nous mettre plusieurs, ne serait-ce que pour la sécurité. Je pouvais donc, je l'espérais, compter sur mon ou ma futur partenaire. Rassurée sur ce point, je quittai le quartier des missions pour retourner avec mes activités habituelles, me préparant au passage pour le lendemain …
La journée suivante se passa tranquillement. Journée calme, quelques cours par-ci par-là puis je fus enfin libre de quitter l'académie pour rejoindre Malnova et son musée. Pour cette fois, je pris le bus, ne prenant pas le risque de me retrouver à marcher dans l'obscurité sur la longue route rejoignant la ville médiévale. C'est donc tranquillement que je me rendis sur place, Hortensia à mes côtés comme d'habitude et ce cher Vanitas qui dormait encore dans sa Pokéball. Pour l'instant, j'allais devoir faire sans lui, mais puisque cela faisait bien deux heures qu'il s'était endormi, j'avais espoir qu'il revienne à lui pendant la mission. J'étais étrangement confiante à ce sujet, ce qui me fit d'ailleurs afficher un large sourire satisfait tandis que je descendis du bus, arrivée près du musée.
▬ Ce doit être ça.
Je me sentis un peu bête de regarder le bâtiment sans être sûre de moi. Je me grattai la tête, gênée et perdant un peu de mon grand sourire, mais rapidement, je passai à autre chose, pénétrant à l'intérieur du musée pour aller m'annoncer à l'accueil. L'hôtesse d'accueil me mit en attente le temps que le directeur, en vérité une directrice, ne vienne à ma rencontre. En la voyant arriver, je fus prise de surprise par son accoutrement. Moi qui m'attendait à une grande dame sérieuse avec costard cravate , petites lunettes et cheveux longs et bruns ramenés en un chignon bien serré, voilà que je faisais face à une rousse dont les cheveux étaient coiffés en une grosse queue de cheval légèrement bouclée et lui descendant jusqu'au cou, sapée comme une hippie colorée en marron en plusieurs déclinaisons. Qui plus est, au lieu d'afficher un regard sérieux, voilà qu'elle arrivait avec son air visuellement insouciant et plein de vie.
▬ Bien le bonjour, jeune fille ! Moi c'est Angélic Couch, mais tu peux m'appeler Ange si tu préfères !
Je souris sur ses derniers mots, mais je me retins de lui faire part de mon avis dessus. À la place, je répondis à la main qu'elle me tendit en la serrant poliment.
▬ Enchanté, je suis Camille Duval, même si je suppose que vous le savez déjà.
▬ Hmm, tout à fait ! Bon, suis-moi, je vais t'expliquer ce qui t'attends !
Achevant sa phrase, la directrice de musée se retourna et se mit en marche, n'attendant pas que je la suive. Je ne tardai pas à le faire de toute manière, me tenant juste derrière elle pour ne pas me perdre. Nous rejoignîmes ce qui devait être son bureau au vu des deux bibliothèques sur les côtés et comportant tonnes de livres et d'objets archéologiques en tout genre, mais surtout au vu du bureau centrale dans un style plutôt vintage et accompagné d'un fauteuil en cuir au dossier plus haut que la tête de la directrice une fois assise. Cette dernière m'invita à rejoindre un fauteuil un peu plus classique - quoi qu’également en cuir lui aussi - et me lança un regard amusé tout en me souriant.
▬ Bien, bien ! Alors si tu as accepté ma mission, c'est que tu sais ce qui se passe actuellement dans mon musée, right ?
▬ Je n'ai pas tous les détails, mais j'ai l'essentiel je pense.
▬ Super !
Angélic sourit avant de fouiller dans un tiroir pour en sortir un plan du musée.
▬ Alors pour que tu comprennes mieux, voici le musée.
Elle pointa une grande aile sur laquelle était annotée le mot « tableaux ».
▬ C'est dans cette zone que les disparitions ont été recensées. On ignore purement et simplement comment ils ont pu disparaître et nos caméras de sécurité n'ont pas pu nous aider à éclaircir ce mystère. J'avais donc besoin que quelqu'un aille regarder ça de plus près, mais si la police a accepté de m'aider parce que disparitions mystérieuses, aucun n'ose approcher des étranges tableaux que j'ai reçu la semaine passée et que j'ai exposé il y a peu.
▬ Ils pensent qu'ils sont maudits ou quelque chose dans ce style ?
La directrice sourit.
▬ Oui, c'est exactement ça ! Et malheureusement, tous les officiers qu'on m'a envoyé sont visiblement très croyants de ce genre de superstition. Je n'ai pas eu d'autre choix donc que de solliciter l'aide de la Pokemon Community.
Cette dernière phrase me fit tiquer.
▬ Et pourquoi pas l'AES ?
Angélic se mit à rire légèrement.
▬ Bouah, ils sont trop opportunistes à mon goût. Je suis certaine qu'ils m'auraient demandé un dédommagement ou une récompense pour leur aide. Non pas que je ne veuille pas en donner, loin de là, mais je préfère que ça ne soit pas une obligation.
▬ Je vois !
▬ Enfin ! En tout cas voilà pourquoi tu es là ! J'ai besoin de quelqu'un qui puisse aller voir ce qu'il en est réellement, au moins pour que la police puisse faire son travail.
▬ Ok, d'accord !
Sur mes mots, la directrice de musée quitta son fauteuil, m'invitant à faire de même. Elle me mena jusqu'à l'extérieur de son bureau et m'invita d'un mouvement à aller explorer les lieux.
▬ Va donc découvrir un peu le musée, il n'est pas encore fermée. Dis que c'est Ange qui t'envoies, les gardiens à l'entrée de l'aile des tableaux te laisseront passer.
Elle commença à fermer puis se stoppa soudainement, se rappelant visiblement quelque chose.
▬ Au fait, je vais voir pour te trouver un ou une partenaire, donc tu ne seras potentiellement pas seule !
▬ Ah ! Eh bien, merci pour l'information.
Je lui rendis le sourire qu'elle me lança puis je la laissai refermer sa porte, me dirigeant sans tarder vers la fameuse aile. Hortensia, restée silencieuse jusqu'à présent, quitta subitement mon épaule, se tournant vers moi en laissant éclater sa joie à l'idée d'y être. Visiblement, elle était aussi excitée par cette mission que moi. Comme quoi, nous étions pareilles, elle et moi. Sûr qu'à nous deux, cette mission ne serait qu'une formalité ! De plus, si j'avais finalement quelqu'un avec moi, ce serait parfait.
J'accélérai le pas.
J'avais hâte de commencer !
▬ Ce doit être là.
Ayant prise en compte ce que m'avait dit Angélic, j'avais décidé d'y aller d'un pas tranquille, ne cherchant pas à presser les choses. Si je devais avoir un ou une coéquipière, mieux valait l'attendre avant de débuter l'enquête. Je me postai donc devant l'entrée du hall où étaient stationnés deux gardiens à l'air farouche qui me dévisagèrent quand je me positionnai sur le banc près d'eux. D'ailleurs, après quelques instants, l'un d'eux ne tarda pas à venir me voir.
▬ Vous savez que c'est une zone interdite ici, jeune fille ? Je vais vous demander de vous en aller, merci.
▬ Je suis venu pour ça justement. Je suis envoyée par Ange.
Ma réponse prit au dépourvu le trentenaire, qui se reprit cependant assez vite.
▬ Bon ben dans ce cas je n'ai rien à dire. Faites quand même attention à vous.
Et sans chercher plus longtemps, l'homme s'en retourna à son poste de gardien, me lançant tout de même quelques regards furtifs, visiblement plus curieux qu'il ne le laissait croire. Pendant ce temps, je restai planté sur le banc pour laisser passer le temps, espérant que la personne qui viendrait m'aider viendrait rapidement. Malheureusement … Il se passa bien vingt bonnes minutes sans que personne ne fasse son apparition. Finalement, cette longue attente eut raison de ma patience et je me relevai, me dirigeant sans tarder vers l'hall. Mais comme si le destin avait répondu à mon appel …
▬ Oh, hum… Excuse-moi ?
Une voix féminine me stoppa nette, me faisant faire un demi-tour sur moi-même pour me faire croiser le regard d'une blonde faisant à peu près ma taille – un peu plus grande quand même – mais dont le physique me fit comprendre qu'elle avait bien cinq ou six ans de plus que moi. Avec elle se trouvait un petit Korillon tout mignon, que je me retins une seconde d'aller immédiatement caresser. Je préférai me concentrer sur ce qu'elle allait dire.
▬ On m’a dit qu’un élève de la Pokémon Community était présent dans le musée, par rapport à toute cette histoire de… Disparition.
Je hochai la tête presque instinctivement, ne réalisant qu'après coup, c'était de moi qu'il était fait mention.
▬ Oui, en effet. Je suis cet élève.
Lorsque je terminai ma phrase, la blonde s'approcha de moi et fit voix basse, comme si elle avait un secret à me dire.
▬ … C’est vrai ce qu’on dit ? Que les tableaux sont… Maudits ?…
▬ Oh, euh …
Sur le coup, je ne sus quoi dire. Devais-je la jouer franc jeu et dire le fond de ma pensée ou me montrer plus rassurante ? Mon cœur me fit considérer la seconde option, et j'allais finalement répondre lorsque la directrice de musée déboula subitement, affichant une moue déprimée.
▬ Je suis désolé Camille, je n'ai pu trouver personne qui veuille bien t'aider et …
Alors qu'elle parlait, elle se rendit enfin compte de la présence de la blonde et s'arrêta aussitôt, abandonnant sa tristesse pour dessiner un air radieux.
▬ Dites-moi ! Est-ce que vous voudriez bien aider cette jeune fille à enquêter sur le mystère du hall qui est juste derrière vous ? J'offre une récompense si c'est ça qui peut vous faire hésiter !
Son ton ne laissait aucun doute quant au fait qu'elle semblait désespérée. Est-ce qu'elle avait pris conscience qu'avoir laissé une élève seule, même venant de la Pokemon Community, n'était pas forcément la meilleure des idées ? Possible. En tout cas difficile de ne pas deviner cette détresse. À vrai dire, je la comprenais très bien : j'avais beau me convaincre moi-même que je pouvais y arriver toute seule, je me sentais beaucoup plus assurée avec quelqu'un pour me soutenir. Il n'y avait qu'à voir le nombre de fois que l'idée d'avoir un ou une partenaire m'avait traversé la tête.
▬ Au fait, je m'appelle Camille Duval, et voici Hortensia !
Qu'elle ait déjà répondu à la demande d'Angélic ou non, je me décidai à me présenter à la jeune femme, ne serait-ce que par politesse. Restait à voir si elle y répliquerait …
▬ Hum… Vous êtes sûre de ce que vous me demandez, là ?...
Visiblement, la proposition de la directrice sembla quelque peu gêner la blonde. C'est vrai qu'en y pensant, alpaguer quelqu'un pour lui proposer d'aller prendre de son temps pour aller accomplir une tâche que même la police ne voulait pas faire, ça avait de quoi faire hésiter. Enfin, peut-être qu'elle n'était pas au courant de ce détail – ce qui était même plutôt probable – mais le fait est que la jeune femme ne fut pas immédiatement des plus emballée. Cela n'allait pas arrêter Ange qui s'approcha de moi avant de taper légèrement mon épaule.
▬ Je sais bien que cela peut sembler soudain, mais… Je serai beaucoup plus rassurée de la savoir accompagnée. Si elle aussi venait à… Hum… Disparaître… Cela deviendrait… Gênant…
J'affichai un air surpris lorsqu'elle termina sa phrase. Bon, j'avais déjà prévu ce risque dès l'instant où je savais dans quoi je m'embarquai, mais innocente que j'étais, je m'étais convaincue que c'était bien là le cadet de mes soucis et que j'aurai plus à m'inquiéter de ce qui pouvait m'attendre une fois sur place que ce qu'il pouvait me faire. Je notai dans un coin de ma tête de ne plus me surestimer et de ne pas négliger le moindre risque, puis je me décidai à me présenter, histoire d'achever de motiver la blonde à se joindre à moi. Ange en fit de même et se présenta comme elle se présenta à moi.
▬ … Caroline.
Caroline … c'était donc son prénom. Elle me faisait penser à une musique de rap, mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. De toute façon, ce devait être une musique du siècle dernier qu'écoutait ma mère … Bref ! À présent, je connaissais son prénom. Et sachant cela, je compris assez rapidement qu'elle partait pour accepter la proposition. La suite de la conversation m'intéressa bien peu, mais je pus en conclure qu'elle avait effectivement accepté de se joindre à moi pour la mission. Parfait ! Je me sentis soudainement un peu soulagée et, allégée de ce poids, j'affichai un large sourire satisfait tandis que la blonde se tourna vers moi.
▬ Voici Lysian, ma partenaire.
▬ Rillon ~ ♪
▬ Enchanté, Lysian !
Enjouée, je saluai la petite Korillon, très vite imitée par Hortensia, puis je reportai mon intérêt sur Caroline.
▬ Bon, dis-moi tout… Qu'est-ce que tu sais de cet endroit ? T'as déjà pu y jeter un coup d’œil ?
▬ Pas encore. J'attendais de voir si quelqu'un se joindrait à moi, je trouvais ça plus prudent. Et je pense que je n'en sais pas vraiment plus que vous …
Après tout, elle était venue m'aborder en me parlant directement des fameux tableaux. Aucun doute qu'elle savait au moins ce que m'avait appris Ange. Enfin, encore une fois, il y avait toujours ce problème de la police qui ne voulait pas approcher des tableaux, mais était-ce une information si difficile à deviner, ne serait-ce que par le fait que le musée en ait été réduit à demander l'aide de la Pokemon Community ? Non, j'étais convaincue que Caroline était au même niveau de compréhension de la situation que moi ...
▬ Bah, il ne reste plus qu'à aller voir, alors. ~
… Et c'était bien suffisant pour pouvoir se lancer dans la mission avec moi. Voyant que la blond se mettait en mouvement, j'en fis de même, me tenant à son niveau pour ne pas paraître en retrait ou trop en avant. Nous passâmes ainsi côte à côte au niveau des deux gardes, celui qui m'avait interpellé plus tôt se contentant d'afficher un léger air satisfait en voyant que je n'étais plus seule. Nous nous retrouvâmes ainsi dans la salle d'exposition. L'endroit n'avait rien d'extraordinaire, ressemblant en tout point aux autres salles du musée, à ceci près qu'une grosse statue de marbre trônait au milieu de la pièce, bloquant une partie de la visibilité. Bon, elle n'avait rien de fou non plus, mais sa taille avait quand même de quoi surprendre.
▬ Je présume que s'ils avaient vu quelque chose sur les caméras, on n'en serait pas là ? …
▬ En effet !
Ange m'avait bien dit que les caméras de surveillance n'avaient rien donné, mais elle ne m'avait précisé la raison de leur inutilité. Je ne pouvais donc qu'émettre des hypothèses à ce sujet. En tout cas, on allait effectivement pas pouvoir compter sur elles. Caroline en prit rapidement compte et commença à observer autour d'elle. J'en fis donc de même, me dirigeant de l'autre côté par rapport à la blonde. Mais juste avant …
▬ Hortensia, tu veux bien aller observer la pièce depuis le plafond ?
▬ Arcko !
Le type plante s'exécuta dans l'instant, montant au plafond en quelques secondes. J'étais quand même bien contente de l'avoir pour cette mission. La capacité des Arcko à s'accrocher à tout et n'importe quoi était tout de même vachement pratique. Grâce à cela, une fois au plafond, Hortensia put servir de caméra vivante, se plaçant sous la grosse sculpture pour avoir un maximum de vision. Au moins, avec ça, si quelqu'un ou quelque chose apparaissait, Hortensia pourrait nous prévenir. En plus de cela, la Korillon de Caroline semblait servir de radar, ce qui assurait d'autant plus notre sécurité. C'est donc en toute confiance que je me mis à observer un peu tout ce que je pouvais.
Il me fallut cependant très vite arriver à la conclusion évidente : je ne suis pas une fine observatrice. Sans doute était-ce pour ça que mon sens de l'orientation était aussi catastrophique. Pour moi, tous les tableaux se ressemblaient, tout comme les murs et le sol. Pire encore, n'étant pas réceptive à l'art, à l'inverse de mon père – bien qu'il n'en soit pas à jouer les critiques d'art -, je n'avais aucune idée de si quelque chose clochait avec les tableaux. Ils se ressemblaient tous ! Enfin, les couleurs et les formes différaient, mais dans la forme, rien ne changeait : ils m'apparaissaient seulement comme un assemblage de couleur pour remplir le vide comme on le fait quand on est en maternelle. Mon père m'aurait certainement dit que la technique utilisée et la disposition des couleurs rendaient ces toiles magnifiques, mais malheureusement, sans lui, elles n'avaient rien d'extraordinaire …
▬ Hortensia, tu vois quelque chose ?
Sans détourner le regard, j'interpellai l'Arcko pour savoir ce qu'il en était. Je me tournai un instant vers elle, lui accordant un rapide coup d’œil pour voir qu'elle indiquait ne rien avoir repéré. Cela pouvait paraître bête comme façon de faire, mais si je n'avais pas vraiment pris en compte le fait que je puisse être enlevée, j'avais au moins prise des dispositions pour réagir en cas d'attaque. Hortensia était la première de ces dispositions, aussi préférai-je ne pas trahir sa position à un possible ennemi caché. Sans doute que c'était parfaitement inutile, mais je ne voulais pas écarter cette possibilité. Heureusement, ma starter l'avait bien compris et ne s'en senti pas vexée, se contentant de continuer son observation.
▬ Tu trouves quelque chose, toi ?
▬ Malheureusement no...
Alors que Caroline m'avait interpellé pour savoir où en était mes recherches et que j'allais lui dire que je n'avais rien vu, mon regard s'arrêta subitement sur un des coins du socle de la sculpture. Celui-ci n'était pas totalement posé sur le sol mais était monté sur pieds et offrait un léger espace en-dessous. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi faire cela, mais je m'en contrefichais à ce moment-là. Au niveau du fameux coin que je fixais, un léger tissu épais dépassait, me faisant penser à un bout de peluche doudou. Ni une ni deux, je m'abaissai et attrapai ce bout de tissu que je tirai, dévoilant comme je m'y attendais un doudou sale et légèrement abîmé, signe qu'il était là depuis quelques jours au moins.
▬ Regardez ça.
Retournant le doudou, mes yeux repérèrent aussitôt une étrange tâche violette et légèrement dégoulinante, quoiqu'en bonne partie séchée.
▬ Beurk ! Ça m'a l'air bien dégoûtant !
Est-ce que c'était de la morve ? De la bave ? Tout était possible pour moi, ne parvenant à identifier clairement ce que c'était. Je montrai le doudou sale à Caroline et plus particulièrement la fameuse tâche, lui laissant la possibilité de prendre ce que je pouvais presque définir comme un torchon ou de simplement le regarder plus en détail.
▬ Je ne saurais pas dire si c'est humain ou Pokémon. Ou même que ça provienne d'un être vivant …
Je ne voulais pas paraître flippante, mais le fait est qu'on ne pouvait exclure la possibilité qu'il s'agisse d'un être ou un phénomène qui nous dépasse tout simplement. Tant qu'on avait pas plus d'informations en tout cas, c'était une hypothèse à prendre en compte …
▬ Hortensia, tu pourrais peut-être venir renifler ça ? Ça pourrait te dire quelque chose, qui sait.
Certes, en tant qu'Arcko, elle n'était pas forcément la plus adaptée pour ça, mais à côté de Caroline et moi, je n'avais pas de doute quant au fait qu'elle sentirait plus de choses que nous. Restait à voir si ça donnerait quelque chose.
▬ Hortensia ?
Surprise que ma starter ne réponde pas à l'appel, je commençai à m'inquiéter et leva alors les yeux vers le plafond, découvrant alors une Arcko aux abois, fixant le tableau le plus opposée à l'entrée de la salle. Il faut savoir que la seule entrée possible était celle où se trouvait actuellement les gardes. Malgré tout, Hortensia soutint son regard dans la direction du tableau, comme si elle y détectait une présence.
▬ Caroline ? Je crois que ma Arcko a détecté quelque chose au niveau de la toile là-bas.
Je pointai du doigt cette dernière.
▬ On devrait aller voir …
Est-ce que j'étais en train de prendre peur ? Oui. Mais je crois que ce qui me faisait le plus peur, c'était encore le regard d'Hortensia, que l'on pouvait voir sans peine.
C'était celui d'une bête que l'on chassait …
▬ Non. C'est bon. Tu peux le garder …
J'esquissai un léger sourire en voyant la mine horrifiée de Caroline lorsque je lui tendis le doudou dégoûtant. Voyant bien qu'elle ne serait pas prête d'approcher plus qu'elle ne l'est de la peluche, je me contentai donc de la garder dans ma main, attirant mon regard vers Hortensia après que celle-ci n'ait pas répondu à mon appel pour venir renifler l'indice qui nous était donné. C'est là que je vis qu'elle fixait un des tableaux de la pièce avec intensité, se mettant sur la défensive comme si elle faisait face à un adversaire puissant. Gloussant, je n'avais pas manqué de comprendre ce qu'elle fixait, le faisant remarquer à Caroline pour qu'elle s'y intéresse également.
▬ Reste en arrière.
La réaction de la blonde ne s'était pas faite attendre. La jeune femme, jusqu'alors assez fanfaronne, se montra soudainement très sérieuse, se positionnant en un instant entre moi et le tableau, ses mouvements trahissant son envie de me protéger de cette menace pour le moins étrange. Naturellement, je décidai de lui laisser mon entière confiance. Après tout, elle avait tout de la maman poule, physique compris, et je voyais inconsciemment en elle ma propre mère. Enfin, en tout cas, c'est l'impression que cela me donnait en voyant la jeune femme agir ainsi.
Je me trouvai donc plutôt rassurée, me tournant un court instant vers Hortensia le temps qu'elle revienne à mes côtés, la Arcko conservant toujours son air crispé faisant comprendre à tout ceux pouvant la voir le mal être dans lequel elle se trouvait à cause de ce tableau. Mais que pouvait-il bien cacher ? Nous n'allions pas tarder à le savoir. Caroline progressa lentement mais sûrement vers le tableau, et commença à l'observer prudemment, vérifiant tout autour qu'aucun piège ne l'attendait. Son Korillon l'y aida, jouant de ses grelots. Moi je restai là, quelque peu intriguée par la situation, me demandant si ce n'était pas un peu risqué de faire cela, mais en voyant les agissements de la blonde, je préférai me dire qu'elle savait ce qu'elle faisait. D'ailleurs, cela ne tarda pas.
▬ ... Là.
D'un doigt, elle indique une étrange forme qui fit aussitôt grogner Hortensia, mais réalise bien vite de quoi il s'agit se ravise, me laissant l'opportunité d'avancer pour voir ça de plus près sans qu'elle ne se brusque et saute sans prévenir de mon épaule. Il s'agissait d'une belle trace de doigt, détonnant assez clairement du reste du tableau, et que Caroline prit en photo, sans doute pour ne pas oublier à quoi elle ressemblait.
▬ Camille ?
▬ Oui ?
▬ Je vais poser ma main dessus. Mets-toi derrière la statue, et décale-toi juste un peu pour observer ce qu’il se passe. Au moindre soucis, tu préviens la dirlo, ok ?
Instinctivement, je hochai la tête pour lui faire savoir que j'avais bien compris et je reculai comme prévu, me cachant derrière la statue pour observer la situation. Je ne voyais pas forcément ce que faisait la blonde, mais je voyais au moins son dos, et c'était bien suffisant. Hortensia, elle, se posta au sommet de la statue, se mettant en position pour réagir à la moindre attaque. Nous nous trouvâmes donc toutes les deux à fixer Caroline en train d'approcher du tableau pour le toucher, dans un long moment de silence bien angoissant comme il faut.
Rien. Pendant quelques secondes, la jeune femme resta immobile, ayant visiblement touché le tableau. Sauf que … Rien ne se passa. Aucun mouvement, aucun bruit, aucun souffle même. Rien du tout. C'en fut à se demander si le temps ne s'était pas arrêté tout autour de nous. Heureusement, Caroline finit par briser ce moment de silence.
▬ ... Attends, quoi ?
Et dans un mouvement qui me cloua sur place de stupéfaction, la jeune femme attrapa le tableau avant de le décrocher sans gêne, le déposant rapidement sur le sol sans trop de précautions.
▬ Ce n'est pas de la toile. C'est une matière beaucoup plus rigide.
Wait, what ? Cette révélation me fit aussitôt sortir de ma semi-léthargie, me poussant à approcher de Caroline pour en découvrir plus. Pendant que je vins vers elle, la blonde retira rapidement le cadre du « tableau » et laissa tomber sans hésitation ce dernier, ce dernier venant se fracasser au sol sans dégâts mais surtout dans un vacarme métallique qui me fit grincer des dents, faisant aussitôt réagir les gardes toujours situés près de la porte qui firent aussitôt volte-face, se préparant à venir vers nous découvrir ce qu'il se passait.
▬ Ce n'est rien, on va bien !
Je lançai ça par réflexe, préférant éviter que l'on se retrouve à devoir expliquer pourquoi l'un des tableaux avait été balancé sans vergogne par terre et son cadre retiré. Je n'avais de toute façon pas envie de découvrir les joies du poste de police … Et fort heureusement, mon réflexe fut le bon puisque les deux gardes s'arrêtent nets et font immédiatement demi-tour, apparemment rassurés. Lorsqu'ils furent sortis, je soufflai de soulagement, contente que la situation n'ait pas dérapé. Situation dont Caroline ne sembla pas y porter plus attention, concentrée sur l'étrange toile qui n'en était pas une. La jeune femme m'invita à venir l'aider à soulever l'objet mystérieux, ce que je fis, découvrant avec stupeur le poids relativement excessive de la chose. Intérieurement, je remerciai ma mère de m'avoir fait faire quelques entraînements physiques avec elle.
▬ C'est une dalle de téléportation.
▬ ... Hein ?
Je me braquai de nouveau, ne parvenant pas à faire remonter immédiatement l'information à mon cerveau. Une … Une dalle de téléportation ? … Quoi ?! Ne réalisant toujours pas, je fis la même chose que Caroline et observe le dessous de la « toile », découvrant à mon tour de nombreux fils et des interrupteurs. Sur le coup, je ne pouvais pas dire qu'il s'agissait d'une dalle de téléportation, mais en tout cas, ça n'avait rien d'un tableau classique, ça c'était certain. D'ailleurs, Caroline, prise dans sa découverte, ne tarda pas à me faire comprendre que c'était effectivement difficile de considérer ça comme un tableau – sauf si l'artiste avait vraiment des goûts très étranges.
▬ Tu vois les téléporteurs, qu’il y a dans certaines entreprises ? C’est l’un d’eux. Normalement, tu poses ça au sol, et sa couleur suffisamment explicite t’indique à quoi il sert. Il te suffit de marcher dessus pour être amené à la destination associée.
▬ Euh, eh bien … Oui.
C'est tout ce que je parvins à répondre à Caroline. Ayant vécu à Frimapic où la technologie se résumait à l'électricité, la téléphonie et aux équipements de santé, je voyais difficilement à quoi pouvait bien ressembler un téléporteur. Mon père, néanmoins, m'avait au moins fait mention de leur existence au cours d'une de ses histoires, m'évitant de passer pour une imbécile face à Caroline.
▬ Et en quoi ça nous intéresse ?
Pour être honnête, j'avais ma petite idée sur le sujet, mais je préférai avoir l'avis de Caroline pour m'accorder dessus ensuite. De toute façon, la situation paraissait plutôt évidente.
▬ Pour une raison complètement obscure, quelqu’un s’en est servi pour faire son tableau, et a peint par dessus. Mais entre le moment où il a été accroché ici et les première visites, quelqu’un a réactivé le système de téléportation. Tous ceux qui ont touché la toile ont depuis été téléportés ailleurs.
Accompagnant ses paroles en remettant la dalle au sol, Caroline en profita pour appuyer sur un interrupteur, faisant réagir l'objet qui s'illumina à certains endroits, signe qu'il fonctionnait toujours.
▬ Et il marche encore. Donc quelqu'un a fini par l’éteindre.
À partir de cet instant, je ne pus que reconnaître qu'il s'agissait bel et bien d'une dalle de téléportation. Qui plus est, la blonde s'y connaissait visiblement très bien, donc douter d'elle n'avait pas vraiment d'intérêt pour moi.
▬ Il n'y a aucun fantôme, au final. Ça te dit d’aller voir ce qui se trouve de l’autre côté ? Pour que personne n’en revienne, ça doit être méga chouette.
Je souris. La remarque de Caroline soulignait un certain point sur sa personnalité que je trouvais amusant. Je mis ça dans un coin de ma tête et portai ensuite mon intérêt sur le reste de sa phrase. Est-ce qu'on devait aller voir ce qui se cachait à l'autre bout de ce téléporteur ? Ça m'avait tout l'air d'une question rhétorique. Après tout, c'était là notre seule indice dans votre enquête. Évidemment que nous irions voir ce qui se trouvait de l'autre côté. Cependant, il était important d'être précautionneuse pour ce genre de choses, aussi je fouillai rapidement le sac que j'avais prise avec moi et en sortis un petit carnet duquel je déchirai une page, attrapant ensuite un stylo pour y noter « La toile est un téléporteur, faites attention. Nous l'avons activé et nous sommes partis de l'autre côté. Pas d'inquiétude pour nous. ».
En l'écrivant, je me rendis compte que la dernière phrase n'avait rien de rassurant, autant pour nous que pour ceux qui liront ce mot, mais la trace d'espoir que j'avais la sensation d'y laisser me convainquit de ne pas le changer. Satisfaite, donc, je déposai le papier sur le socle de la statue et invitai Hortensia à me rejoindre, cette dernière ne se faisant pas prier. En la regardant rapidement se poser sur mon épaule, je remarquai qu'elle restait quelque peu crispée, mais que sa peur avait laissé place à de l'inquiétude mêlée à de la curiosité. Contente de la voir ainsi, je lui offris une petite caresse sur le crâne pour la rassurer, puis je m'avançai au niveau du téléporteur.
▬ Allons-y, j'espère qu'il y aura des bonbons ~ ♫ Au fait, personne n'a parlé de fantôme, à ce que je sache.
J'affichai un sourire amusé sur ma dernière phrase puis, sans attendre la réponse de Caroline, je montai avec une légère hésitation sur la dalle. Tout juste eus-je poser mon pied dessus que ma vision se troubla un instant, se colorant d'une lumière presque aveuglante. L'instant suivant, le décor du musée avait laissé place à une grande salle vide, légèrement sombre même si quelques néons blancs offraient un semblant de lumière à la pièce. De chaque côté, une porte se trouvait, que je devinai fermées, mais surtout, face à moi, et bientôt à Caroline, un écran était posté en hauteur, faisant directement face au téléporteur. Hortensia se mit à trembler légèrement en le voyant et je me pris à la caresser plusieurs fois pour qu'elle retrouve son calme. Quand j'en eus fini, la télé choisit cet instant pour s'allumer, dévoilant une ombre de buste sur fond blanc ne laissant apparaître aucun signe distinctif. Pendant quelques secondes, ce fut le silence absolu, puis un clic se fit entendre et le téléporteur s'éteignit soudainement, nous piégeant dans cet endroit. L'ombre prit alors enfin la parole, parlant d'une voix rauque et incontestablement modifiée.
Un nouveau clic se fit entendre et les quatre portes autour de nous s'ouvrirent en même temps, laissant apparaître quatre couloirs plutôt sombres et sales, sans pouvoir les détailler plus en détail dans l'immédiat. De toute façon, l'ombre ne nous en laissa guère le plaisir.
Lâchant un petit rire déformé sur ces dernières paroles, l'ombre coupa ensuite subitement la télé, la rallumant l'instant suivant pour laisser apparaître un minuteur calé sur deux minutes, se mettant aussitôt en route. Complètement abasourdie par ce qu'il venait de se passer, je ne réagis pas immédiatement à ce qu'il se passait. Il fallut qu'Hortensia, un peu moins stressé que moi à cet instant, me tapote la tête pour me sortir de ma torpeur, m'invitant à discuter avec Caroline.
▬ Je pense que … On devrait prendre la porte … face à nous ?
En toute honnêteté, toutes les portes se ressemblaient et rien n'indiquait un chemin différent des autres. Qui plus est, pour une raison inconnue, le réseau ne fonctionnait pas, m'empêchant de savoir où nous nous trouvions grâce à la carte de l'Ipok. La seule chose qui me faisait me décider sur l'instant, c'était que c'était la porte sous la télé. Pour le coup, je pouvais repasser pour la justification de mon choix. Il était fort probable que je me convienne plutôt au choix de la blonde. En espérant qu'elle ait une meilleure idée que moi …
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