Plus les explications de la danseuse progressaient, plus Calua sentait le sable mollir sous ses genoux. Comme si la plage, en l’avalant, pouvait lui éviter de continuer d’écouter ce discours. Car au fond d’elle, elle savait, elle connaissait l’issue logique et inéluctable qui ne tarderait plus : une issue qu’elle n’arrivait pas à accepter.
Ranya avait également conscience de ce qu’elle avait fait. La magicienne le sait. Et elle ne pouvait même pas lui en vouloir directement. D’abord, parce que c’était Ranya…Ranya ! Depuis leur rencontre dans ce gymnase mal éclairé, elles étaient devenues amies. Et jusqu’à cet automne, rien d’autre n’avait d’importance aux yeux de Calua dans leur relation.
Mais à présent, alors que la danseuse se dévoilait…elle ne savait plus du tout où elle en était.
‘’Je t'aime, mais pas comme tu voudrais que je t'aime. Je suis désolée. Tu vois, moi je ne suis pas une belle personne.’’Les mots étaient tombés. Sans trop comprendre ce qui lui arrivait, Calua sentit sa main se refermer sur une nouvelle poignée de sable. Mais cette fois, ce n’était pas pour conserver une ancre avec ce monde qui semblait tournoyer autour d’elle, sans interruption. Non…Sa poigne se fit de plus en plus forte, comme si elle espérait broyer les fins grains qui lui glissaient entre les doigts.
Le doute qui l’emplissait n’avait pas diminué, bien au contraire. Mais alors, pourquoi est-ce que sentait une telle chaleur l’envahir ? Une sensation de plus en plus brûlante, à mille lieux de l’étincelle enthousiaste qui l’avait dirigée si longtemps. Non, ce qu’elle ressentait à présent, ne pouvait être que de la colère.
Alors, pourquoi est-ce que ça faisait aussi mal ?
‘’Je…ne savais pas. J’aurais aimé…’’Quoi ? Qu’elle te dise qu’elle ne t’aimait pas? Et toi, sans être même sûr que tu l’aimais, qu’en aurais-tu fait ? Perdu dans un tourbillon, la Pyroli s’était simplement raccroché à une idée. Et c’était cette dernière qui venait de voler en éclat ,révélant ainsi une vérité, que la Pyroli se refusait d’accepter.
Calua redressa la tête lorsque les mouvements de Ranya attirérent son attention. Le visage de la Givrali était tendu, mais les mots qui s’en échappèrent, vinrent ébranler Calua; Non pas parce qu’elle attendait ces excuses de quelque façon que ce soit. Non, c’était juste que Ranya paraissait si…sincère, si vulnérable pendant un instant. Un visage à mille lieux du pilier auquel Calua s’était raccroché depuis des mois, qu’elle imaginait distant et solitaire.
‘’...!’’Elle venait de tressaillir. Le volcan s’était réveillé, déversant un flot ardent qui l’envahissait de plus en plus, sans ralentir. Un violent coup de marteau vint résonner sous son crâne et elle se sentit vaciller, prise d’un léger étourdissement.
Les mots de Ranya venaient de forcer une porte. Une porte qu’elle s’était érigée elle-même et qu’elle avait bardée d’excuses et de faux-semblants. Ironique pour une magicienne, non ? Elle tentait de s’accrocher à ses illusions, mais la douleur qui lui étreignait le coeur lorsqu’elle fixait la Givrali, commençait déjà à s’estomper.
Rien ne l’avait jamais empêché d’aimer Ranya. Sa camarade avait simplement traversé le même genre de tourment…et agir strictement de la même manière. Les larmes de Calua auraient tout aussi bien pu être celle de la Givrali et cette simple constatation, parut apaiser la magicienne. Petit à petit, le flot finira par se tarir, avant qu’elle ne réussisse à se tenir presque droite face à son amie.
‘’Moi aussi, je suis désolé. Parce que si tu allais mal, j’aurais dû être là aussi. Après tout, forcer des chaines, c’est un peu mon boulot, en tant que magicienne…Donc même si c’était les tiennes et qu’elles t’empêchaient d’avancer, un petit tour de magie et voila !’’Elle se sentait presque sourire, à l’évocation de cette image : elle, prenant d’assaut les cadenas qui verrouillent le coeur de son amie, voila une idée de tour qui pourrait fonctionner dans le futur. Cédant à une impulsion, elle brisa la distance qui les séparait, avant d'entourer les épaules de Ranya entre ses bras. Au même moment, le volcan se réveilla, plus fort que jamais, avant d’exploser et de l'étouffer dans sa propre étreinte brûlante.
‘’J’avais besoin d’entendre ça, je crois. Ça va…Ça va aller. Promis, j’vais te lâcher mais je peux juste…rester comme ça ? Quelques secondes ? Ça fait six mois que j’ai plus les idées claires, sans savoir si j’ai le droit de faire ça, alors…’’Elle goûtait à ce petit instant. Sans cesser de sourire, sans cesser de profiter de son amie retrouvée. Et lorsqu’enfin, Calua sembla satisfaite et libéra la Givrali, ce fut pour laisser échapper un petit rire.
‘’J’dois avoir l’air complètement stupide, comme ça. Alors que j’aurais juste pu…je sais pas, t’envoyer un message sur Ipok, ou même Apollo pour avoir ma réponse.’'Inspirant profondément, la jeune fille contempla la mer un instant, avant de revenir à la conversation.
‘’Je crois…que je vais rester là encore un petit moment. Juste le temps que les traces disparaissent, si je débarque avec les yeux tout bouffies, ça fera pas pro. Et puis, qui a déjà vu une magicienne pleurer, sincèrement ?
Vas-y, je te rejoins dans pas longtemps. Et si tu peux me choper un truc sur le buffet, j’ai vu que y’avais des cupcackes au chocolat, tu serais la meilleure…Rani.’’Tenir. Juste tenir. Tenir jusqu’à ce que la Givrali se lève en époussetant le sable qui recouvre sa tenue et quitte les lieux, doucement. Tenir malgré les regards désapprobateurs d’Amaya et Albus, qui la pressaient presque d’arrêter son petit manège. Tenir alors que le volcan ne cesse de gronder et de brûler les dernières illusions de Calua.
Car rien n’avait changé. Les excuses de Ranya n’avaient pas eu le moindre effet sur le vide brûlant qui emplissait la Pyroli. Comme un voile se déchirant, elle avait finalement compris une chose si simple qu’elle ne l’avait même pas envisagé.
Sa relation avec Ranya n’était pour rien dans cette sensation dévorante qui lui coupait toute inspiration et toute confiance en elle. Elle s’était raccroché à cette excuse, comme pour se rassurer et se persuader qu’elle ne devenait pas folle.
Mais à présent, sans cette présence rassurante qui lui permettait de se justifier…Il n’y avait plus rien. Rien pour la protéger d’elle-même. Ses ongles s’enfoncèrent si fort dans ses avant-bras que de petites gouttes écarlates commencèrent à perler, avant que la Pyroli ne sente sa respiration se bloquer.
Elle avait…de plus en plus de mal à respirer. Cette panique grandissante…peut-être devrait-elle la laisser déferler, sans rien retenir. Puisqu’il n’y avait plus rien à faire d’autre…
HRP :
-Discussion entre Calua et Ranya
-Calua arrête de pleurer et rends ses excuses à Ranya, avant de laisser partir la Givrali, arguant qu'elle reviendra aprèss'être remise de sa crise de larmes
-La panique recommence à monter tandis qu'elle reste sur la plage (prochain post déjà prévu, pas d'inquiétude)