La plaie.

Bien sûr que Ranya connait le Professeur Chen. Tous les gens qui se sont intéressés plus de 30 secondes à la science savent qu’il est. Et le voir débarquer sur l’île a provoqué tout un remu ménage. Plus qu’un simple professeur pokemon d’une région, il est devenu une véritable star, animant des émissions sur son temps libre tout en poursuivant ses recherches. Bref, un homme passionné. Et la blonde n’a absolument rien contre ça. C’est juste que voir tous ces gens qui l’adulent sans même le plus souvent savoir sur quoi il a travaillé, ça a le don de la saouler.

Après, ce n’est pas comme si la danseuse était très intéressée par les recherches de ce professeur. Elle est archéologue, pas chercheuse. Un domaine très loin d’être celui de l’émérite Professeur Chen. Mais c’est comme ça quand on est en parcours scientifique. On se farcit aussi tous les cours des autres spécialités, même si on n’y porte pas grand intérêt. Et aujourd’hui, pas de fouilles ou de recherches mystiques, mais une banale étude de terrain. La Givrali soupire à nouveau.

Il n’a pas fallu bien longtemps à son professeur pour la coller, elle et plusieurs autres élèves, sur un bateau. Seuls les débutants restent sur Leiar. Les autres sont invités à explorer un peu plus loin pour étudier un phénomène en particulier. Pour la blonde, ça sera le comportement des Lewsor sur l’île de Wakax. Apparemment, il y aurait des enlèvements de Wattwat et de Moumoutons à répétition, sans explication apparente. Ces pokemons sont vraiment des plaies. Toujours est-il que, comme d’habitude à la Pokemon Community, une bande d’adolescent doit trouver une solution au problème, ou a minima dans le cas présent une cause.

Sauf que tout ça, Ranya ne le fait pas seule. Par un coup du sort (ou un choix délibéré de son professeur, elle ne le saura jamais), l’archéologue a été placée en binôme avec un nouvel élève, arrivé il y a à peine quelques semaines, intéressés visiblement par la filière scientifique. Bon l’avantage, c’est qu’il a le même âge qu’elle. Quoi que ça lui fasse tout drôle qu’il soit arrivé si tard, là où elle est déjà scolarisée ici depuis 5 ans.

Peu importe en vérité. Il s’appelle Gray si elle a bien compris, et il a l’air volontaire. Enfin si elle s’en fie à la bouille toute ravie qu’il affiche. Forcément, en étant en binôme avec elle, il gagne une petite sortie à l’extérieur de l’île, rare lorsque l’on vient juste de commencer sa scolarité à la Pokemon Community. Il doit faire partie des élèves très heureux d’être ici, et ayant choisi volontairement ce cours de spécialité. Ce n’est pas le cas de tous les nouveaux. Encore un avantage pour elle, il aura surement des idées à proposer pour leur compte-rendu. Même si ça l’oblige à sociabiliser.

— Oui Yggdrasil j’ai compris, je vais le voir.

Heureusement, l’archéologue n’est plus affectée par le mal de mer comme à l’époque, et peut désormais aisément se promener sur le bateau pour retrouver son collègue du jour, à qui elle n’a pas adressé la parole depuis leur mise en binôme, rapidement suivie de l’embarquement. Une fois à sa hauteur, la danseuse se présente.

— Salut. Je suis Ranya, ta partenaire pour ce cours. T’es nouveau si je me trompe pas ? Enfin peu importe, c’est avec moi que tu vas devoir bosser. Je suis archéologue à la base, mais je me débrouille pas trop mal dans le parcours scientifique de manière générale. T’as eu le temps de regarder notre sujet ?

Désormais au côté du jeune homme, un peu plus grand qu’elle, la jeune femme sent pourtant qu’elle a bien plus d’assurance que lui. Sans forcément se venter, il est clair que la blonde est difficilement impressionnable. En espérant juste que cela ne paralyse pas complètement son binôme.

— Va falloir qu’on fasse gaffe, les Lewsor ont des pouvoirs psychiques assez impressionnants. Pas question de les brusquer ou de tenter n’importe quoi. On doit juste comprendre pourquoi ils font ça, et éventuellement savoir où ils emmènent les pokemons capturés seraient un peu plus. Percy nous a filé une carte de l’île de toute façon.

Tout en sortant le papier de son sac, Ranya se rappelle cette drôle d’histoire qu’une des Givralis qui lui a raconté il y a longtemps. Il paraitrait que le Neitram de Sirius aurait réécrit la mémoire d’un gars chez les Voltalis, et que du coup il aurait non seulement oublié sa petite amie, mais en plus se serait crue en couple avec une autre, la préfère des Givralis de l’époque. Une sacrée histoire. Quel boulet aussi ce Sirius, incapable de tenir son propre pokemon.

La carte en main, l’archéologue la tend entre elle et le garçon pour illustrer son propos.

— Bon, l’île n’est pas super grande. On devrait vite en faire le tour. Je peux voler à dos de Bruyverne pour faire un premier repérage depuis le ciel, voir s’il y a quelque chose d’évident. J’en ai pour 5 minutes max. Ca te va si je te laisse commencer à marcher au sol tout seul pendant que je m’occupe de ça ?

Le bateau arrivant au tout petit port de l’île, Ranya espère que le dénommé Gray n’est pas du genre à se laisser trop facilement impressionner, auquel cas le travail risque d’être bien plus long que ce sur quoi la blonde se projette.

Rapidement après avoir expliqué ces quelques consignes, Ranya s’envole sur sa Bruyverne, plus à l’aise seule de toute façon. Pas que le nouveau ait l’air d’être particulièrement insupportable, mais la blonde a toujours préféré travailler en solo. Seuls quelques personnes font partie des rares privilégiés en lesquels la danseuse a parfaitement confiance pour gérer un cours de spécialité ou bien une mission de ce type. Mais Gray est un nouveau, un bleu comme aime le dire certains. Il doit bien apprendre. Et même si l’archéologue n’est pas certaine d’être une très bonne personne, si elle peut au moins le secouer et le pousser à s’affirmer comme elle a pu le faire par le passé avec Elise et Gwen, aucun souci pour recommencer.

Après, il n’a pas l’air d’être tout à fait du même genre que Cutie 1 et Cutie 2. Même s’il a l’air un peu perdu, il ne semble pas aussi peu confiant en lui-même que les deux Mentalis. Il a l’air aussi plus bavard. Il n’a pas hésité une seule seconde dans chacune de ses réponses auprès de la scientifique, et a même affirmé haut et fort qu’il avait entendu parler d’elle. Si quelqu’un de complètement extérieur pourrait croire à un simple élève ayant entendu parler d’une aînée, la blonde sait qu’il n’en est rien et qu’il a probablement déjà entendu quelques rumeurs à son sujet peu flateuse. L’archéologue sait bien que tout ce qu’elle a fait sur Adala avant leur départ lui colle à la peau. Et même si elle n’en est pas forcément fière, elle se fiche pas mal de ce que les autrs peuvent penser, particulièrement sur la manière de gérer son corps.

La Givrali sort de ses rêveries lorsque Nessie pousse un petit gémissement pour la pousser à regarder vers le bas. Elle rêve où il est en train d’essayer de monter sur un Théral ?! Ok ce pokemon lévite mais il n’est clairement pas fait pour être une monture. En fait, Ranya a peut-être parlé un peu vite. C’est peut-être un boulet. Dans tous les cas, ce n’est pas son problème s’il se casse la gueule au sol. L’archéologue a une mission, et pas question de se laisser distraire par un petit nouveau qui n’a pas compris la différence entre une monture et un pokemon au talent de lévitation.

Nessie enchaine les premiers battements d’elle et sans grande surprise, l’adolescente confirme ses impressions. L’île n’est pas bien grande et la blonde distingue déjà sans mal le rassemblement de rang au Nord Est de l’île, tenu par plusieurs personnes si elle s’en fit à l’annonce du cours de spécialité. Seulement, bien vite, elle repère quelque chose d’étrange.

Il est bien normal que les éleveurs laissent en liberté les Moumoutons et les Wattouats sans toujours les laisser parqué dans les enclos. En revanche, est-ce bien normalement qu’ils marchent tous exactement au même endroit, suivant la même direction et le même schéma ? En restant en suspension dans les airs encore un peu, Ranya finit par identifier le schéma, ou plutôt le symbole. Ils marchent tous en suivant un symbole infini, couvrant tout le nord de l’île. Si cela a un côté hypnotisant, c’est surtout extrêmement flippant et pas naturel du tout, d’autant plus quand il n’y a pas de pokemons chiens de berger les guidant particulièrement dans cette direction. La blonde soupire. Ils ne sont pas sortis.

Arrivée tout près du ranch, la scientifique ordonne à Nessie d’atterrir, vite rattrapée par l’autre jeune, toujours monté sur son pokemon. Si Ranya ne dit rien, son regard en dit suffisamment pour faire comprendre à son camarade qu’il a l’air parfaitement ridicule ainsi. Peu importe, l’archéologue fait bien vite abstraction de ça pour tenir un minimum au courant le Phyllali.

— J’ai repéré un truc pas très net en volant. Viens avec moi, on va aller voir les gars qui tiennent les lieux.

Ranya ne rappelle pas Nessie dans sa pokeball, préférant la laisser devant les enclos, puis se dirige vers ce qui semble être la bâtisse principale. A l’intérieur, deux hommes d’une quarantaine d’années, le look typique des gérants de ranchs. Pantalon abimé, chaussures confortables et solide et chemise à carreaux. Plus cliché tu meurs. Rapidement, l’un d’eux se lève pour accueillir le binôme.

— Oh voilà les deux jeunes que cette école nous envoie ! Vous avez fait bonne route.

— Très bien merci. Je me permets d’aller droit au but comme nous n’avons pas énormément de temps. Vos pokemons ont-ils toujours marché en suivant une trajectoire aussi parfaite ? En forme de symbole infini je veux dire ? Ce n’est pas naturel pour des pokemons d’élevage. Tu as repéré quelque chose depuis le sol Gray lors de ta route pour arriver jusqu’ici ?