« Jeune depuis plus longtemps »Ses traits se froncent, sa voix s’élève. Mon cœur palpite en une désagréable sensation.
« -BON SANG ! Je ne suis pas ta mère, Ginji ! »Ma main s’appose sur la poignée, et je me retourne. Je foudroie Erika du regard.
« -Alors arrête peut-être de me traiter comme un gamin ? »Je sors.
Vlan.Et claque la porte derrière moi.
Le froid ambiant vient aussitôt agresser mes joues et mes oreilles. Je m’avance pourtant sans réfléchir, m’éloignant du confort et de la chaleur de notre foyer. Le pas déterminé, mais les jambes tremblantes, je rallie le portail du jardin, pour finalement le franchir.
J’avance ensuite, en ligne droite.
Et m’éloigne.
Le plus loin possible.
Tandis que je marche, mon cerveau retrace déjà le fil de notre discussion. Je sens mon ventre se resserrer en repensant aux mots que nous nous sommes échangés. Je ferme les yeux, et claque la langue. Mordre cette dernière ne suffira malheureusement pas à me tirer de ce mauvais rêve.
La buée qui émane de ma gorge ne sert qu’à me rappeler qu’il fait de plus en plus froid, à mesure que l’automne se termine. Mon regard s’arrête un instant sur les arbres de Nuevo, dont les feuilles se meurent, et sur la tristesse de leur branchage. La rue elle-même est peu fréquentée, et j’ignore si ce pesant silence est réellement ce que je suis venu chercher en quittant ainsi notre maison. En trombe.
Las d’avancer sans but, je jette mon dévolu sur un banc. Étrangement, mon premier réflexe n’est pas de m’asseoir dessus, mais de lui asséner un coup de pied.
« -Merde. »Cela fait bien évidemment plus de mal à moi qu’à lui, mais je décide de passer outre cette douleur. Je me pose finalement dessus, pour ensuite enfouir mon visage dans mes mains.
« -Tss... »Le temps que je passe dans cette position me semble durer une éternité. Pourtant, je suis à peu près sûr qu’Oz n’aura eu besoin que de quelques secondes pour me rejoindre.
« -C’était… Violent. »Je relève la tête pour constater la présence du Raichu d’Alola. Il dirige vers moi sa queue, sur laquelle est suspendu mon sac. Dans la précipitation, je suis parti sans.
« -J’ai supposé que tu en aurais besoin. »Je souffle du nez, agacé par la situation, et le récupère.
« -… Merci, Oz. »Cela fait, il vient naturellement prendre place à mes côtés. Je relance de moi-même la conversation en réagissant à retardement à sa première phrase.
« -Honnêtement, je ne crois pas qu’on se soit déjà disputés comme ça. Même lorsque nous nous faisions face lors de la Chute de Lansat, c’était moins violent.-Wow. Pourtant, c’était l’époque où tu te brouillais avec tout le monde.-... »Je lui coule un regard noir, mais ça ne lui fait ni chaud ni froid. Mon starter détourne la tête, et fait mine de n’avoir rien dit.
« -C’était quoi, le sujet de la conversation ? J’avoue ne pas avoir tout suivi. Pourquoi vous vous êtes pris le bec, comme ça ? »Je pousse un profond soupir, et m’avachis contre le banc. La tête basculée en arrière, je toise le ciel nuageux d’Adala.
« -J’ai pas envie d’élever nos enfants sur cette île. J’aimerai bien qu’on aille vivre… Ailleurs. » je fronce les sourcils
« Mais Erika dit que je suis simplement fâché contre Adala, juste parce que je n’ai pas tourné la page de Lansat.-Et… Elle a tort ?-… En quoi ça serait un problème ? » je me redresse
« Cette maison, ça sera autant être la leur que la nôtre, pas vrai ? J’ai bien le droit de vouloir un environnement dans lequel je me sentirai à l’aise pour élever nos enfants… Non ? »Oz plisse les yeux, peu convaincu.
« -J’en sais rien, moi ! Depuis qu’Erika et toi attendez cette portée, je trouve que vous réfléchissez trop, de toute façon. » il se penche un peu en avant
« Et puis, ce n’est pas toi qui parlais de tous ces trucs chiants, là ? Factures, argent, salaires… Vu comment vous aimez vous compliquer la vie, les humains, je doute que ça soit si simple de trouver un autre endroit où faire votre nid. »A nouveau, je me prends la tête dans les mains.
« -Merde… Même mon Raichu a plus conscience de la crise du logement que moi. »J’expire bruyamment, et me relève d’un coup. A cause du froid, j’ai pour réflexe de me frotter vivement les mains.
« -Erika a raison. Je ne peux pas me permettre de faire un caprice maintenant... »Cette réponse semble satisfaire Oz, qui regagne subitement en entrain. Probablement qu'il imaginait cette discussion bien plus longue.
« -Cool ! Tu vas t’excuser, du coup ? On rentre ? »Je ris.
« -T’es malade, toi. » j’ai un sourire dépité
« Parce que tu penses qu’elle va me laisser rentrer ? Je pourrai me ramener avec un millier de bouquet de fleur qu’elle laisserait probablement la porte verrouillée à double tour. »Je glisse mes doigts dans mon sac, et en tire mon Ipok. Je déverrouille l’écran pour ensuite pianoter dessus.
« -Je vais lui laisser un message pour pas qu’elle s’inquiète, et la laisser tranquille pour la journée. On verra si je pourrai dormir dans un lit ce soir en rentrant. »Mon starter tire une moue dépitée. Je crois bien qu’il aurait préféré rester au chaud, plutôt qu’enfermé dehors… J’attrape le sifflet à mon cou, et le porte à ma bouche.
« -T’en fais pas ! J’ai un plan de secours pour c’t’aprem… »Je souffle dedans de toutes mes forces, mais aucun son n’en sort.
« -Laisse moi deviner. Caro ? -RAAAAAAAAAAA ! »Le cri d’une Ptéra vient déchirer le ciel. Les secousses produites par ses battements d’ailes font beaucoup de bruit à mesure qu'elle se rapproche.
« -Bingo. »***
Sharon parvient tant bien que mal à se poser sur le balcon. Ce n’est pas sa zone d’atterrissage préférée, mais elle commence à avoir l’habitude. Tout en descendant de son dos, je passe une main sur son cou.
« -Merci, ma belle. »Elle souffle bruyamment, avant de décoller à nouveau. Je la laisse simplement repartir, et m’approche de la porte vitrée qui fait la jonction avec le salon de l’appartement. A ma grande joie, celle-ci est entrouverte, et je peux donc aisément me faufiler à l’intérieur.
« -Euh… Yo ! Pardon de t’embêter, frangine, mais je me suis fait mettre à la porte et... »A peine ai-je posé un pied sur le parquet que je m’immobilise. La personne qui se tient actuellement dans la pièce n’est absolument pas ma grande sœur.
« -… Oups. »J'ai un sourire gêné.
« -Je... Dérange pas, j'espère ? »