Malgré son organisation digne des ministres les plus assidus, Candice avait parfois une voire deux heures à combler de temps à autre. Son sérieux en pâtissait sévèrement puisqu'elle ne savait rarement que faire lors de ses instants ; s'agirait-il d'une virée shopping à l'improviste ? D'une mauvaise farce à sa nemesis ? D'un duel avec un inconnu pour appliquer tout ce qu'elle a appris ? Aujourd'hui, rien de tout ça. L'adolescente avait convenu de se relaxer, pour une fois, de s'accorder du temps rien que pour elle, sur recommandation d'une amie. « Pense à toi de temps en temps, ton teint te remerciera » avait dit Charlène. Sois heureuse, Charlène, car en dépit de ta nature de personnage non-joueur, tu as su avoir de l'impact.

Bien sûr, la Givrali ne partit pas sans se faire belle. Que serait-elle sans son maquillage, ses beaux habits et son air suffisant ? Un Rattata de bibliothèque, chose qu'elle ne voulait impérativement pas être. Elle préférait être prise pour une coordinatrice qu'une scientifique. De la sorte, on avait tendance à la sous-estimer, ce qui s'achevait généralement mal pour ceux qui s'y risquaient. L'ordre du jour ne consistait toutefois pas en la duperie mais à la simple recherche de validation. Appelons ça une expérience sociale – c'est bien plus glorieux que d'admettre avoir des daddy issues.

En suivant les nombreux feeds de moult réseaux, Candice apprit qu'un petit rassemblement avait actuellement lieu en territoire Voltali. Quelque chose d'artistique, de chill et d'agréable pour les yeux, pour ne citer que les termes employés par une élève éprise. Alors curieuse, Sa Majesté Marlowe se rendit elle-même sur les lieux afin de mener l'enquête. Bien entendu, elle se priva de la compagnie de son starter qui ne l'aurait que charriée. Puis, une fois arrivée non loin de la scène, elle tâcha de ne pas trop faire claquer ses talons, dans l'espoir de pouvoir s'installer sans qu'un indésirable couvert d'acné ne vienne lui adresser la parole. Échec, quoiqu'il ne fut que partiel puisque Candice s'attira les faveurs de plus intéressant qu'un reclus ; l'artiste lui-même l'avait abordée. Elle prit toutefois le temps de l'observer de haut en bas sans même s'en cacher, comme pour juger s'il était digne de recevoir une réponse, puis esquissa un sourire après avoir conclu que cet élève était bien assez mignon pour ça.

« Candice, répondit-elle sur un ton joueur. Tu sais maintenant quelque chose sur moi. Et comment refuser ça ? Fly me to the moon, ça te parle ? »

On s'éloignait certes des chansons festives mais Candice n'avait visiblement pas pu résister à l'envie de lui faire chanter quelque chose de plus enjôleur, rien que pour elle. S'il y avait bien une chose qui la ravissait autant que de recevoir l'attention de beaux garçons, c'était définitivement d'agiter ce fait sous le nez des quelques jalouses de l'assemblée qui rongeaient leur frein en silence.

D'un doux sourire et d'un petit hochement de tête, Candice fit savoir à son interlocuteur qu'une poignée de minutes passées à attendre ne risquaient pas de l'achever. À peu de choses près, elle aurait été prête à lui accorder plus de temps encore, car chaque instant accordé aux préparations du garçon s'accompagnait de moments lors desquels miss Marlowe était en mesure de tremper son ego dans la marée de convoitise qu'elle lisait sur les mines des autres spectateurs et spectatrices. Ça lui plaisait au moins autant que d'imaginer à quel point son vis-à-vis se marierait si bien à l'esthétique adoptée dans ses TicToc ; peut-être était-il aussi photogénique qu'elle. En tout cas, elle se plaisait à le regarder gratter sa guitare, échauffer sa voix et chercher les bonnes notes. Le résultat lui parut d'ailleurs meilleur que ce qu'elle avait imaginé, en prenant en compte le fait que le musicien avait avoué ne pas connaître cette chanson. Candice se prit sans mal au jeu, se penchant doucement de droite à gauche pour suivre le rythme de la musique. Elle aurait fredonné si seulement ça ne couvrait pas la voix de l'artiste, mais préféra ainsi se laisser porter par la mélodie qu'il lui offrit, non pas sans témoigner son appréciation par des regards dont la langueur n'était pas dissimulée. Ceux-ci auraient d'ailleurs pu prendre fin une fois l'entracte arrivé, mais il n'en fut guère le cas.

« C'était super. En une prise, en plus de ça. Tu es vraiment très doué, initia-t-elle sur un ton enthousiaste, bienheureuse d'être tombé sur un garçon talentueux et pas un wannabe. Et oui, il y a bien quelque chose que tu pourrais faire. »

Après quoi, Candice pinça les pans de sa jupe et s'assit à côté de son interlocuteur, ne laissant déjà que peu d'espace entre lui et elle, sans pour autant le coller directement. De sa main la plus à proximité de son voisin, elle entama une courte quête pour l'avant-bras masculin situé de son côté et sur lequel ses doigts se posèrent doucement. Plus qu'être simplement tactile, la demoiselle révélait d'ores et déjà ses intentions, ou au moins son ouverture sur à la question de futures fréquentations.

« Invite-moi à sortir. Où tu veux, pour peu que je puisse apprendre à te connaître. S'ensuivit d'une courte pause, au moins pour le laisser assimiler la situation mais aussi pour prendre du recul et réaliser qu'il lui manquait encore un élément important. Enfin, seulement si tu acceptes de me dire comment je dois t'appeler, pour commencer. »