Il n’y a rien de plus classique pour Itzan que de se tenir là, juste assis au bord de la scène des Voltalis, sa guitare à la main. Cet endroit, c’est probablement le lieu où il se rend le plus hors de sa chambre, avec la plage bien sûr pour aller voir Belle. Son âme d’artiste gitan est à sa place sur ce plancher, bien plus souvent assis dessus que debout, mais cela relève du détail pour le garçon. Après tout c’est comme ça que les meilleures chansons sont jouées selon lui. Assis autour d’un feu, la nuit tombée, faisant profiter tout un groupe d’une voix maitrisée bien que changeante avec les mois.

Le garçon a commencé à le constater, il n’a plus exactement le même timbre qu’avant, et il n’a pas l’impression que tout cela se soit stabilisé. Les effets de la puberté chez les garçons, il le sait. Il n’est pas passé de tout à rien, mais les quelques changements commencent à se faire sentir. Après tout, il aura bientôt 16 ans. Rien de surprenant à ça. Même si, sans jamais l’avoir verbalisé à voix haute, il aurait aimé qu’un homme adulte lui parle de tout ça. Il sait que sa Maman sera toujours là pour lui, et qu’il finira toujours par se tourner vers elle lorsqu’il en sentira le besoin. Mais, parfois, cette pensée fugace traverse son esprit, avant de disparaitre tout aussi vite.

Aujourd’hui, le bleu ne chante pas. Il gratte juste sur sa guitare des rythmes entrainants. Avec le retour des beaux jours, il sait qu’il doit se préparer à jouer tout un tas de morceaux festifs. Le beau temps futur leur permettre à ses amis et lui de passer de nombreuses soirées dehors, à parler de tout et de rien, plutôt que de rester enfermé dans une des chambres à leur disposition. Et plutôt que de jouer des morceaux plutôt calmes et doux, il sait qu’on attendra de lui quelques festivités. Alors, il s’entraine à charmer. Et justement, une jeune femme approchant des lieux encore très calme va lui permettre de s’essayer à ce drôle de jeu.

Arrivée à sa hauteur, il s’arrête un instant, la fixant de ses yeux ambrés.

— Est-ce qu’il y a un morceau que je pourrais jouer pour toi dont je ne sais rien ?

Cela fait longtemps qu’Itzan n’avait pas enfilé cette cape. Celle du charmeur à la guitare. Pourtant, au clan, il l’a portait très souvent, la majorité de son temps en réalité. Cela faisait bien rire sa mère d’ailleurs, qui ne pouvait s’empêcher de le taquiner à ce sujet. Peut-être parce qu’il a commencé à se comporte comme cela peu après le départ de Marc, et que s’il n’était encore qu’un bébé, désormais ses traits commencent à se marquer davantage, le rendant surement bien plus séduisant qu’un enfant de 11 ans. Son regard parle pour lui. Il charme. Il apprécie ces moments qui se font plus rares ici. Pas que l’être en permanence lui manque réellement. Mais Itzan reste Itzan, un peu tchad sur les bords.

Cette fille est surement un peu plus âgée que lui. Pas beaucoup, mais juste assez pour que sa beauté soit impossible à ignorer. Ces cheveux aux couleurs aussi improbables qu’harmonieuses l’intéressent, tout comme sa mine sérieuse mais pas fermée au jeu qu’il vient de lancer en la happant à l’aide de sa guitare. Un jeu de regard se lance entre eux, tandis qu’il répond à sa requête.

— Si tu veux bien me laisser un instant.

Le garçon doit avouer qu’il ne connait pas cette chanson. Il est bien plus familier des chansons en espagnol ou en français qu’en anglais. En revanche, il a confiance en son oreille musicale qui s’est développée depuis le berceau. Si le morceau n’est pas trop difficile, il peut improviser. Et un fin sourire se dessine sur ses lèvres lorsqu’il écoute les premières notes. C’est quelque chose de très basique, il n’aura aucune difficulté à la reproduire. Il garde tout de même son téléphone non loin, profitant de la simplicité des notes pour également chanter les paroles, plutôt courte.  

Sa voix n’a aucun mal à suivre les notes, et entre deux couplets, le garçon accroche le regard de la dénommée Candice, essayant de l’entrainer avec lui dans ce moment privilégié, où par chance personne n’a eu envie de trop les déranger. Finalement, le morceau prend fin, et la guitare du gitan se repose sur ses genoux.

— J’espère que ça t’a plu Candice, c’est un joli morceau, merci de me l’avoir fait découvrir. Si ce n’est chanter tes louanges, je peux faire quelque chose pour toi ?

Le jeu de charme du garçon a complètement fonctionné. Il sent sans mal l’adolescente emportée par la musique, signe que son oreille musicale reste toujours aussi efficace pour improviser des morceaux. Il se souvient bien d’une fois où Lyria lui a demandé de lui apprendre à jouer de la guitare. Le bleu s’est retrouvé bien embêté, incapable de lui expliquer. Cette oreille musicale, il la cultive depuis sa naissance dans un milieu où la guitare est presque greffée aux mains de ceux qui ont souhaité si intéressé. Il n’y a pas de solfège ou de partition. Il y a seulement la musique au coin du feu, les sonorités qui emportent le public vers des émotions différentes, et la voix qui vient sublimer toute composition.

En tout cas, l’absence total de convention musicale a semble-t-il bien plu à Candice, à tel point qu’une petite phrase suffit à l’inciter à s’assoir tout près de lui, créant immédiatement une proximité. Si elle n’avait rien de notable dans son clan, à la Pokemon Community elle se fait plus rare, ou en tout cas sous cette forme. Un sourire taquin vient se glisser sur le visage du gitan, comprenant que Candice marche à fond dans son jeu, peut-être plus que ce qu’il avait espéré. C’est parfait, cette sensation lui avait terriblement manqué.

— Tout ce que tu veux. Je n’ai pas milles options à te proposer, mais que dirais-tu d’un gâteau chez Melty ? Ca me parait être un bon début pour faire connaissance, moi aussi je veux apprendre des choses sur toi. Le garçon se redresse, sa guitare tenue dans sa main, ce qui n’empêche pas l’autre d’être disponible pour sa rencontre du jour. Itzan, pour te servir. Au moins cet après-midi.

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Sortant de la salle de classe au côté d’Ash, Itzan en profite pour s’étirer longuement. Ça fait bien deux heures qu’ils sont assis sur ces chaises pas forcément confortable. Deux heures interminables pour l’agent. S’il a appris au fil des mois à mieux supporter les cours théoriques, il est toujours bien content quand ça se termine.

La journée arrive à son terme, et au détour d’un couloir, ses yeux s’arrêtent sur cette chevelure si caractéristique qu’il a appris à reconnaitre au premier coup d’œil. Candice. Après leur petite après-midi autour d’une sucrerie, le jeu de flirt ne s’est pas arrêté. Les œillades n’en finissent pas, les deux se trouvant être dans la même classe, et le bleu n’a plus envie de rester silencieux. Une semaine, c’est déjà pas mal. Il fait signe à son bro qu’il file à la rencontre de la Givrali avant de l’approcher, arrêtée devant les casiers. Il sait très bien à quoi il va jouer, et d’une certaine façon, il est bien content que ses amies n’assistent pas au spectacle. Après, si Ash peut prendre exemple sur lui pour aborder Agatha correctement.

En attendant, l’adolescent s’appuie sur les casiers, proche de Candice, avant d’engager la conversation.

— Ta journée n’est pas encore terminée ou tu as du temps à m’accorder pour m’inviter à sortir où tu veux. Que je puisse apprendre à te connaitre encore un peu mieux.

Il n’y a pas à dire, Itzan adore cette fille. Si jusque-là il avait eu un peu de mal à trouver quelqu’un pour rentrer dans son jeu de charme, il faut croire que Candice était la perle rare qu’il attendait depuis la rentrée scolaire. Cette drôle de tension, aussi amusante qu’intrigante, ne fait que croitre avec les journées passant entre les deux adolescents. Le garçon sait bien qu’il ne laisse pas indifférent son aînée, à en croire par les discussions qu’il a pu entendre à droite à gauche le désignant sous le nom de « beau guitariste ». C’est une facette de lui qui était restée un peu en sommeil ces derniers mois, ses cercles sociaux ne s’y prêtant pas, mais il la revêt de nouveau avec beaucoup de plaisir.

Et puis, ça serait mentir que de dire que Candice ne l’intéresse pas du tout. Elle a beaucoup de charme, c’est certain. Au-delà de certaines attitudes un peu clichées typique des gens de son âge, le gitan a eu l’occasion à plusieurs reprises de remarquer qu’il s’agit d’une fille brillante, qui sait ce qu’elle veut, et qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Elle aime contrôler le regard des gens sur elle, et rappeler que, d’une certaine façon, c’est elle qui commande. Et ça, ça lui plait terriblement.

— Tu sais bien que j’ai tout un stock de chansons que je pourrais jouer rien que pour tes beaux yeux. Mais j’aime ce que tu me proposes. Laisse-moi aller chercher mon ukulele et je reviens. Quelques grattes seront un accompagnement idéal pour tous les mots que tu voudras bien me souffler.

Voyant bien que des regards indiscrets pèsent déjà sur eux, le bleu en profite pour se faire remarquer encore plus. Ses doigts quittent les mains de la Givrali pour courir le long de ses bras jusqu’à s’arrêter un instant sur sa joue. Puis, il lâche un clin d’œil charmeur, peut-être autant à destination de Candice que de leurs petites espionnes attitrées. Et, évidemment, son aînée répond de même avec un signe de main.

C’est décidé, il adore cette fille.

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Candice n’avait pas menti. Il n’aura fallu qu’une petite discussion avec le tenant du cabanon pour récupérer un pédalo et s’engager dans la baie, extrêmement calme grâce à la topographie des falaises les entourant. Le bleu n’est pas tout à fait étranger de ces lieux. Il accompagne régulièrement Belle, se tenant sur son dos pendant qu’elle nage à toute vitesse, pour tracer les contours de l’île. A l’heure qu’il est, elle doit surement être en train de s’entrainer à nager encore plus vite tout en évitant les obstacles marins. Sa Millobelus aime également se passer sous les cascades un peu plus loin pour s’entrainer à la traverser le plus vite possible sans être ralenti par la pression de l’eau. Le gitan ne tardera pas à la siffler pour qu’elle vienne les rejoindre. Après tout, avoir à ses côtés le plus beau des pokemons ne serait pas un atout non négligeable ?

A l’aide de sa guitare miniature offerte par ses amis à son dernier anniversaire, le garçon a déjà commencé à gratter les cordes. Une chanson d’un artiste de Kalos. Ça date un peu maintenant, mais un morceau qui s’appelle « Belle Demoiselle » est difficilement plus approprié pour ce moment. Seulement, le bleu n’en oublie pas ce qu’à sous-entendu son ainée.

— Tu m’as promis une langue déliée, et le cadre est tout approprié. Est-ce que tu veux commencer par me demander quelque chose que tu ne sais pas de moi ? Ca m’aidera surement à en apprendre plus sur toi par la même occasion.

Candice est belle. Peu importe comment il la regarde, Itzan ne peut pas s’empêcher de la trouver belle. Pour leur petit rendez-vous, elle s’est changée. Loin d’une tenue plus classique pour les cours académique, elle a choisi un top léger, dévoilant ses épaules. Son short laisse également voir ses longues jambes auxquels il a jeté un œil sans trop insister. Il reste un garçon respectueux, bien loin de ces gars qui ne font attention à rien et se permettent d’imposer leurs lourds regards. Mais, si à l’avenir Candice lui permettait, c’est avec plaisir qu’il l’observerait sous toutes les coutures.

Les notes musicales ont pour principal but d’éviter un silence gênant entre les deux adolescents, ne reprenant pas la parole immédiatement. Après tout, malgré la confiance qu’ils dégagent au quotidien, ce petit rendez-vous est un moment où chaque parole est calculée et réfléchie. Le gitan ne laisse aucune place au feeling, du moins pour l’instant. L’enjeu est trop grand, et ce jeu de flirt si grisant qu’il ne veut pas le perdre pour une simple petite erreur. Sa phrase n’a que pour but d’inciter la Givrali a entamé les hostilités. Après tout, elle est à l’origine de cette petite virée en barque, loin de tout le monde. La connaissant, elle a certainement une idée derrière la tête.

Tu sais bien que j’aime que tu sois directe. Dis-moi.

La tête de son ainée appuyée contre son épaule, le bleu la laisse parler. L’espace d’un instant ses yeux s’écarquillent, avant de laisser placer à un très léger rire, puis à un sourire ravi. Candice ne cessera donc de l’impressionner. Sa franchise est sans égale, et cela plait bien trop à Itzan.

— Je n’ai offert mes lèvres qu’à très peu de personnes. Tu n’auras pas grand-chose à faire pour rendre cet instant meilleur que tous les autres.

Bien sûr, il dit ça en partie pour la flatter. Les rares baisers qu’il a donné au sein du clan, aussi agréable soit-il, n’était que le résultat de ses flirts les plus poussés. Un garçon y a eu le droit, et peut-être deux filles à l’arrière d’une caravane, à l’abri des regards indiscrets. Mais tout ça n’est jamais allé plus loin qu’un seul et unique baiser. Itzan ne s’est jamais mise dans une relation. Il ne se l’est jamais permis en réalité. Mais cette incroyable jeune femme qu’il a devant lui, juste à porter de ses doigts, lui donne sérieusement envie de sauter le pas.

— Alors dans ce cas, j’espère que ton premier baiser te laissera un souvenir impérissable.

Délicatement, le garçon attrape du bout des doigts le menton de sa camarade pour la pousser à relever la tête vers lui. Elle est un peu âgée que lui, leur relation commence par un simple jeu, mais tout ça n’a que peu d’importance là tout de suite. Le fond de sa pensée étant relativement évident, il attend afin d’être sûr que Candice ne le repousse pas avant de poser délicatement ses lèvres sur les siennes.

Doucement, il se laisse entrainer par le mouvement. Doucement, il capture ses lèvres en les laissant se mouver contre les siennes. Il profite de chaque instant que la Givrali lui offre, espérant se souvenir le plus longtemps possible de ce baiser, de cette marque d’affection qui, même s’il ne le verbalisait pas, lui a manqué.

Ils finissent par se décrocher l’un de l’autre, tout aussi délicatement, leur permettant de reprendre leur souffle. Ce n’était pas un baiser fiévreux, impatient. Mais plutôt quelque chose de vraiment doux. Un début a, il l’espère, tout un tas d’autres bonnes choses en sa compagnie.