Itzan se sent bien là tout de suite. Assis sur le bord du ponton jouxtant une petite plage de l’île, il joue de sa guitare et chante. Une chanson de Louane. Pour lui-même cette fois-ci. Pas qu’il n’aime pas faire le spectacle pour ses amis, bien au contraire. Ces moments de partage avec le club des 5 sont précieux. Les voir tous à ses côtés, discutant joyeusement en échangeant les dernières nouvelles tout en appréciant les sons que produit le gitan grâce à son instrument, cela fait partie des instants préférés du Voltali dans cette école.

Mais il ne peut s’empêcher de s’isoler parfois, de se retrouver seul avec lui-même, et la musique. Les chansons ne sont pas forcément différentes de ce qu’il chante en public. Quoi qu’en ce moment il apprécie les chansons chantées par des femmes plus mélancoliques. Surement la faute aux derniers événements sur lesquels il n’arrive pas à placer de mots et où seule une voix de femme parvient à réellement l’apaiser. Mais toujours est-il qu’il chante. Qu’il laisse sa propre voix vibrer au fond de lui accompagner les cordes de sa guitare. Il ne se concentre que sur ça. Sur la musique et rien que sur elle. Et ça lui fait tellement de biens.

Seulement, les frottements répétés au niveau de ses pieds lui rappellent que son instant musique a peut-être duré un peu trop de temps.

— Oui Belle j’arrive j’arrive.

Le bleu sourit à sa Barpau puis pose la guitare un peu derrière lui avant de plonger dans l’eau de la mer. Depuis tout à l’heure, il joue tout en portant une combinaison de plongée, Belle nageant juste à côté de lui. Il essaie de venir le plus régulièrement possible ici nager avec elle. C’est comme ça qu’il conserve du lien avec elle, sa nature de poisson l’empêchant d’être à ses côtés en permanence. Au tout début, elle voulait le suivre en sautillant sur la plage. Mais le gitan lui a vite fait comprendre que son environnement était l’océan, et certainement pas une pokeball ou un bocal mille fois trop petits pour elle.

Alors régulièrement, surtout l’hiver, il emprunte cette combinaison et vient nager avec elle. Sans être un nageur exceptionnel, Itzan se débrouille et finit toujours par passer une bonne heure avec elle, nageant sans but précis mais seulement pour s’amuser, passer un instant ensemble. Le Voltali lui raconte sa journée, les dernières aventures qu’il a vécu où Belle n’a pas pu être présente. Et tout un tas de choses encore. Il lui rappelle aussi à quel point elle est belle, pour l’empêcher de penser ne serait-ce qu’une seconde qu’elle n’est pas attirante. Le gitan sait qu’il faut bien traiter les femmes, et sa Barpau en est une. Une femelle en terme technique certes, mais une femme.

Complètement dans l’eau, ses cheveux regroupés en une tresse mi-longue, Itzan entame une nage au hasard, laissant Belle venir se positionner à ses côtés. Elle lui tourne autour, comme souvent, s’amuse à le toucher pour le titiller, puis recommence à nager devant lui.

La Barpau a vu au fil du temps son dresseur s’améliorer. Il nage bien mieux qu’avant, et peu retenir son souffle plus longtemps aussi. Au début, il remontait à la surface un peu tout le temps. Puis avec les plongées, il a gagné en souffle. Pour le plus grand bonheur du poisson qui n’a plus besoin de s’arrêter toutes les 20 secondes.

Seulement, il y a bien une chose qui ne changera jamais malgré toutes les plongées du garçon.

Sa vitesse.

Alors certes parfois, il peut accélérer un peu pour essayer de suivre Belle. Mais ça ne dure jamais bien longtemps. Pas plus d’une dizaine de seconde. Après quoi il ralentit, puis reprend son souffle à la surface, avant de plonger de nouveau.

Elle sait bien que son dresseur fait de son mieux pour la suivre. Mais c’est son corps humain qui est un obstacle. Jamais il ne pourra nager aussi vite qu’un poisson. Et ça, ça rend Belle triste.

Elle sait qu’elle manque beaucoup de choses au côté du garçon. Et que lui-même est régulièrement en difficulté lors de situation de crise où, presque tout le temps, Doudou ne peut pas gérer.

Qu’elle aimerait gérer à ses côtés.

Et qu’elle aimerait qu’Itzan puisse nager à ses côtés.

C’est cette volonté enfin exprimé qui a tout libéré.

Sous l’eau, le corps du poisson se met soudainement à briller, figeant complètement l’agent en herbe. S’arrêtant de nager, il reste pourtant sous l’eau, essayant de comprendre ce qui arrive à Belle. Mais rapidement, même s’il ne l’a jamais observé de ses propres yeux, il comprend que sa Barpau est en train d’évoluer.

Son corps se transforme pour devenir quelque chose de beaucoup plus fin, et surtout beaucoup plus long. Le petit pokemon devient soudainement bien plus grand, jusqu’à finalement s’arrêter de grandir, dévoilant Belle, complètement métamorphosé.

Il la trouvait déjà belle avant, mais maintenant ça n’a rien à voir.

C’est probablement la plus belle créature qu’il ait jamais vue.

Par réflexe, le bleu remonte à la surface, suivi de près par Belle, dévoilant sa tête métamorphosée. Sans attendre, la désormais Millobelus vient se frotter au cou de son dresseur, le déstabilisant. Mais vite, il reprend ses marques et vient lui rendre ses multiples caresses, un immense sourire sur les lèvres.

— Je n’aurais pas pu mieux choisir ton nom. Tu es tellement belle.

Belle gémit de plaisir tout en continuant les papouilles sur son dresseur. Le garçon en serait presque ému. Ça fait beaucoup de choses pour lui d’un seul coup, mais surtout beaucoup d’incompréhension.

— Mais pourquoi tu as évolué maintenant ? J’ai vraiment été un assez bon dresseur pour que tu évolues ?

Contrariée, la Millobelus lui donne un coup de tête, puis se met à nager autour d’Itzan. Evidemment qu’il l’a toujours été. Il a toujours fait de son mieux pour elle. Et ça, c’est largement suffisant pour pousser un pokemon à changer.

Pressée de profiter de son tout nouveau corps, Belle pousse le gitan à s’accrocher à son corps serpenteux. En réaction, Itzan place ses mains là où le guide son instinct, puis se laisse complètement porter. Belle n’a plus rien à voir avec le pokemon qu’elle était il y a seulement quelques minutes, en tout cas physiquement. Mais mentalement, le gitan sent bien qu’elle est la même. Et qu’à travers l’eau, mais aussi la terre, elle l’emmènera n’importe où, bien plus loin que ce dont il était capable jusque-là.